Auberge de la Lumière Bleue

La mage suivit les deux lévitis vers l'exterieur. Elle ne semblait nullement gênée par le froid. En revanche, la couleur rouge de Shua la faisait ressembler à une fédorienne. Elle parvint près des traces de pas sous le balcon des deux fugueuses.

Hakuren s'accroupit et posa délicatement la main sur la neige et fronça les sourcils. Elle ferma les yeux, une lueur pale émanait de sa main.

- Hum... nous avons finalement plus de temps pour les retrouver... La neige me dit que cela ne fait pas si longtemps qu'elle a été écrasée... rouvrant les yeux au sens figuré bien entendu... Bref... je suppose que celle qui est pied nu est Fanaa, notre voleuse ayant pris soin de se chausser.

Elle se releva et regarda Sek

- Bon, et bien cherchez donc, Monsieur le Fin Limier.



Pour Hakuren, Lynn et Sek, Bienvenue en enfer ...

[HRP]Vient d' ici.

Une Demande. Un Besoin. La Mère voulait quelque chose, il le sentait. Mais elle utilisait ses Mots, et il ne comprenait pas. Doucement, elle répéta, plusieurs fois. Le ton se faisait suppliant. Eyrol paniqua un peu, il voulait tant pouvoir la satisfaire. Et puis, il vit. Une image, dans sa tête. Un lieu, la nécessité urgente d'y retourner. Il savait où c'était, il y était déjà allé! Il pépia d'excitation...

L'auberge! Elle l'avait trouvée!

- Oh, merci Eyrol! Tu es vraiment un animal intelligent!

Elle avait été un peu déroutée par ce qui s'était produit. C'était bien beau de vouloir se faire guider par un Phéazarix... mais comment lui faire passer le message? Ne sachant rien faire d'autre, elle lui avait parlé. En vain, lui avait-il semblé. Et puis... elle avait senti comme un effleurement dans son esprit. Et Eyrol l'avait conduite ici.

- Extraordinaire! Ah, quand je vais raconter ça à Sek... Après cette nuit, il ne dira plus que tu n'apportes que des ennuis.

Lynn entra à la Lumière Bleue et se rendit directement à la chambre qu'occupaient Fanaa et Adwel.
Elle avait oublié de demander les clés...
*Quelle idiote je fais! Bon ben...*
Personne dans le couloir.
*Sek remboursera.*
Une violente bourrasque, et la porte était ouverte. Bruyamment.
*Et zut! Bon, ben pas le temps de m'éterniser*
Elle jeta un oeil à la ronde, repéra rapidement ce qu'elle cherchait sur la table de nuit. Les poupées. Deux autres objets les accompagnaient, une boucle d'oreille et le portrait d'un inconnu. Dans le doute, elle les emporta aussi.
*Allez, dans l'autre sens.*
Elle repartit en direction du manoir... en courant cette fois.

La lueur de la lune guerrière commençait à céder face aux assauts du soleil lorsque le groupe venu du manoir parvint à la Lumière Bleue.
Le personnel, déjà à pied d'oeuvre, resta un moment pétrifié lorsqu'ils entrèrent. On pouvait les comprendre, le spectacle de Voronwë portant un homme sur chaque épaule avait de quoi couper le souffle de n'importe qui... et l'expression de son visage coupait quand à elle l'envie de poser des questions.
Talisham pris sur lui de briser la glace.

- Bien le bonjour! Y a-t-il ici tout le nécessaire pour s'occuper de voyageurs exténués en quête de repos? Oui, j'en suis sûr, vous avez l'air très professionnels! Certains de nos amis ont déjà leur chambre ici, vous seriez très aimable de nous y guider. Pas que je me plaigne, c'est moi le prince qui transporte la belle endormie. Mais mon fort et vaillant domestique à moins de chance que moi. Et si nous pouvions avoir une chambre supplémentaire pour le beau morceau qui repose sur son épaule gauche...

La mention de belle endormie avait attiré le regard du patron.

- Mais... Dame Adweliwen! - il se précipita à la rencontre du groupe - Que lui est-il arrivé?

- Rien de grave, n'ayez pas d'inquiétude. Mais il lui faut du repos. Au calme. Tout de suite.

- Bien sûr, bien sûr. Suivez-moi!

Guidés par l'aubergiste, Voronwë et Talisham allèrent installer leurs "patients" dans leurs lits douillets...

[HRP] Voilà, après, que chacun décide s'il a suivi ou non [/HRP]

Après avoir déposé Michael et Graouill-Hi sur leurs lits respectifs, Voronwë se tourna vers Talisham et lui sourit. Un sourire qui signifiait "je t'arracherais bien la trachée à toi".

- Ton domestique, eh ? Heureusement qu'il est fort et vaillant alors. En plus que prince tu fais avec tes vêtement de voyou là! Tu es vraiment intenable. Parfois je me demande qui de toi ou d'Aryllë est le pire. Vous faites vraiment la paire... Une paire épuisante. Tiens où est elle encore passée celle-là ?

La femme eux cheveux de soleil entra à ce moment dans l'auberge, Fanaa enveloppée d'une couverture dans les bras. La jeune fille ne pesait vraiment rien, c'était affolant. Et pourtant elle n'était pas squelettique ... bizarre. Le visage d'Aryllë passait par différentes émotions.
Voronwë la rejoignit.

- Mina Jaïah, tout va bien ?

- Minh Jaï là bas, tu as senti ? Toute cette colère, cette violence, de la tristesse aussi, et du vide. Cette maison était pleine de ... de ...

Ses lèvres tremblèrent. L'homme-orange récupéra le fardeau et passa sa main sur le visage de sa compagne.

- Je sais. Je l'ai senti aussi mais tu ne dois pas y retourner. Ce n'est pas notre histoire. On ne peut pas comme ça s'incruster dans les vies des autres même si c'est dans le but de les aider. On ne peut pas aider tout le monde.

- Je sais mais quand même ...

- Ne perds pas de vue notre but. J'ai demandé une chambre pour nous trois, tu vas y monter examiner la petite, c'est ce que tu comptais faire non ? La dague a versé son sang n'est-ce pas ?

Aryllë s'affola de nouveau.

- Oui! C'est ça! Je dois faire vite !

Elle monta s'installer dans une chambre en compagnie de ses deux compagnons. Fanaa fut allongée sur le ventre, rendormie - car elle avait rouvert les yeux entre temps mais quant à savoir depuis combien de temps et ce qu'elle avait vu - mystère, la porte et les rideaux furent fermés, tirés.
Et l'examen commença.

Talisham et Voronwë tenaient chacun une main de Fanaa, pour la rassurer en cas de réveil intempestif. Il valait mieux en général que ce soit les parents ou quelqu'un de proche mais Adweliwen était alors bien trop épuisée et Aryllë n'avait osé la solliciter. La voleuse avait besoin de repos.

Dans le noir total, Aryllë prononça certains mots et fit certains gestes précis de ces mains. Sous les regards surpris de ses compagnons, les marques en formes d'ailes du dos de la jeune fille se mirent à rougeoyer. Aryllë "décolla" les marques et les redressa à la verticale puis, d'un mouvement du poignet, elle les étira révélant un réseau compliqué en 3 dimensions de lignes rouges lumineuse.

- Ah oui d'accord. Des sorts. Il ne les a même pas cachés en plus, il les amis là où ça se voyait le plus : dans les scarifications.

- Quel genre de sorts ?

La femme en suivit quelques uns du bout du doigt et secoua la tête.

- Entraves, compulsions, j'en passe et des meilleurs. Il me faudrait des jours pour tout lire et nous ne sommes pas là pour ça. Quelque part là dedans il doit y avoir quelque chose de noir. Il faut trouver le fil noir, c'est la dague qui cherche à corrompre son ... ah voilà qui est intéressant ...

- Quoi ?

Aryllë ferma les yeux et approcha ses doigts de l'un des vaisseaux.

- Je n'ai pas créé le sort donc je ne peux pas le dire avec précision mais ... c'est celui-là qui l'a faite sortir cette nuit.

- Que veux tu dire ?

Elle regarda gravement Voronwë droit dans les yeux.

- Elle est allée d'elle-même se faire sacrifier.

- Effet de la lune rouge ?

- Je ne pense pas. C'est autre chose qui a dû déclencher cela. Quant à savoir quoi ...

- Tu peux lui enlever ça ?

Le regard d'or brilla d'un éclat malicieux.

- Je croyais qu'on ne devait pas agir dans la vie des autres ?

- Je pense qui si elle continue de se présenter à chaque cérémonie de sacrifice en demandant la mort, son espérance de vie va être drôlement raccourcie. Et il y a des gens autour d'elle qui pourraient en être très affectés. Ca a été assez dur comme cela aujourd'hui je n'ai pas envie qu'ils supportent un tel risque. Ils ont rempli leur mission, disons que cela ... c'est cadeau !

- Merci Minh Jaï. Mais d'abord il faut que je vérifie ... car cette enflure a emmêlé ses sorts les uns aux autres et je ne peux trancher au hasard. Il faut songer aux conséquences. Il a remarquablement bien travaillé ce monstre ... Mais il ne savait pas que je passerais par là ...

[...]

- Tal, ouvre les rideaux et la fenêtre s'il te plait. L'air est vicié dans cette chambre. Voilà, c'est terminé. Vor, sois mignon et va demander du bouillon en cuisine. Je vois qu'il y a un bain, c'est parfait. Tal, tu vas aller chercher des vêtements à moi dans notre chambre. Ne revenez pas avant une quinzaine de minutes, vous serez gentils. Merci beaucoup !
Oh Vor ... j'ignore si Adweliwen voudra aller chercher la pierre. Il faudra se renseigner. Si elle refuse la seconde partie de la mission, qu'elle nous rende le joyau et qu'elle nous dise où est la Harpe Sacrée. On se débrouillera du reste.
Ah Tal au fait, notre mercenaire voudra des renseignements sur les maladies elixiennes. C'est ton rayon tu t'en occupes. Mhhh... et d'Adwel aussi tiens, puisque tu l'aimes bien. Maintenant ouste!

Insupportable, lui? Voronwë en avait de belles. Entre l'ombrageux taciturne ultraprotecteur et la lumineuse adorable casse-cou, il fallait bien quelqu'un qui allie une pointe de sournoiserie à un solide sens de l'humour pour équilibrer...
Lorsque Vor rejoignit Aryllë, Talisham lui dédia une magnifique grimace toute langue dehors. (mais dans son dos. Un seul savon lui suffisait amplement pour la journée)

[...]

Son ouvrage achevé, Aryllë distribua les directives. Il sembla à Talisham qu'il en avait plus que sa part, mais il ne pipa mot. S'il cherchait à discuter, il savait qu'il allait s'attirer les foudres de l'homme-orage, avant de céder à la première oeillade de leur compagne... Autant gagner du temps. Mais quand même...

- Alors, la fenêtre...

Il ouvrit.

- Puis je récapitule, vêtements à aller chercher à l'autre auberge, la rétribution de notre bon mercenaire - du savoir, bien plus précieux que l'or - puis poireauter jusqu'au réveil de la belle... Hey, Vor, la répartition des tâches, j'ai bien l'impression que c'est tout comme la répartition des cerveaux à la naissance: j'en ai plus que toi!

Il fila par la fenêtre.

Voronwë montra les dents mais n'eut pas le loisir de répliquer. Le fouineur était déjà bien loin. Tsssss. Insupportable, vraiment.
Aryllë et lui s'assirent de part et d'autre de la chambre, attendant le réveil de la patiente. Il ne furent pas déçus.





- Nooooooooooooooooooooon !!!

A qui appartenait ce hurlement de détresse, de douleur intense qui les sortit en sursaut de leur assoupissement ?

Fanaa.

- Qu'est-ce qu'elle a ? demanda l'homme interloqué.

- Je ne sais ... attention !

La jeune fille se leva brusquement et bondit vers la fenêtre qu'elle frappa de ses poings. Aryllë resta interdite, avait elle fait une erreur ? Avait elle tranché le mauvais sort ? Avait elle déclenché cet accès de folie ?
Affreusement inquiète, culpabilisant, elle ne sut comment réagir.

Et Fanaa frappa plus fort et la vitre se fendit puis céda. Ses avant bras la traversèrent et y gagnèrent de nouvelles estafilades. Le sang coula de nouveau. San prévenir elle retira ses bras de la fenêtre puis l'ouvrit et se pencha.

- Vor, attrape la !

Il ne lui fallut qu'un instant pour refermer ses bras autour d'elle et la bloquer. Mais elle cria pourtant :

- Je te l'interdis! je te l'interdis! Je refuse que tu t'en ailles!

Voronwë ne savait que faire. La fille poids plume gigotait comme une démone, on aurait dit une Aryllë en colère. Mais avec une voix encore plus perçante.

- Je repeindrai le monde en rouge pour toi ! Je mettrai ta couleur partout mais je t'interdis de t'en aller encore! Noooooooooooooooon !

Il fallait qu'elle se taise, il fallait qu'elle se calme. Il lui donna un petit coup derrière la nuque et elle ne devint toute molle entre ses bras. Lui était assez gêné. Utiliser une telle façon de faire avec une femme ...
Et puis Aryllë le regardait maintenant avec un drôle d'air.

- Vor !

- Mais enfin tu as vu comme moi, non ? Qu'est-ce que c'est que cette fille ? Qu'est-ce qui lui a pris, elle est complètement folle ?!

- Je ... je ne sais pas. Mais tu as raison, il ne vaut mieux pas en parler à Ashk. dit elle dépitée, en secouant la tête.

- Allonge la.

La femme aux cheveux de soleil se tordait les mains.

- Qu'est-ce que j'ai fait ? Où est-ce que je me suis trompée ? C'était tellement emmêlé, tellement petit ... si j'ai ... si je lui ai fait perdre l'esprit je ne m'en voudrai le reste de mon existence! Comment ai-je fait ? Je n'auras peut être pas dû... C'est peut être la fatigue ? Ai-je pu à ce point lui altérer l'esprit ?

- Aryllë, calme toi, il te suffit de recommencer, non ?

Les yeux d'or brillèrent de colère.

- Non il ne me "suffit" pas. Ce qui est tranché est tranché. Je ne suis pas le sorcier qui s'est amusé avec elle. Je ne suis pas une sorcière tout court. Seul l'auteur pourrait refaire ce qui a été défait, et vu ce qu'il a été capable de lui infliger c'est la dernière personne à qui je ferais appel.
Je n'aurais pas dû la toucher. J'ai cru bien faire mais ... mais ...

Aryllë porta sa main à sa bouche et ouvrit de grands yeux horrifiés.

- Par la Dame Scintillante et l'Arbre Vie ... qu'ai-je fait ?

Arrivés à l'auberge, Lynn et Sek avaient filé tout droit à leur chambre. Enfin, Lynn avait filé, Sek n'avait eu d'autre choix que de suivre.

"Lynn, tu ne penses pas que l'on a certaines choses à..."

"Oui. Il va falloir qu'on discute. Sérieusement même. Mais prenons le temps d'y réfléchir chacun de notre côté avant. Et on y parviendra mieux une fois que nous serons reposés."

"Mais..."

"Pas de "mais" jeune homme! Je suis ta grande soeur, et je sais ce qui est bon pour toi. Tu tombes de sommeil et tu n'as plus un iota d'énergie. Au lit."

*tssss*
Sek se déshabilla rapidement et se laissa tomber sur le lit.
*Grande soeur, grande soeur... à quelques minutes près... Si...*
Il s'endormit avant même d'avoir pu aller au bout de sa pensée.

Lynn prit le temps de s'occuper d'Eyrol et de ranger les vêtements convenablement, avant de se coucher à son tour.

Faire l'aller-retour ne lui avait pas pris très longtemps. Il s'était tout de même amusé à aller chercher ce qu'on lui avait demandé, non en passant par la porte, mais en escaladant quelques murs et en s'introduisant furtivement dans la chambre où Aryllë et Voronwë avaient laissé leurs affaires. il ne fallait pas perdre la main...
Pendant le trajet il avait caressé l'idée de cambrioler une boutique pour revenir avec des accoutrements fantaisie... mais il en avait peut-être assez fait pour l'instant en matière de facéties.
De retour à la Lumière Bleue, il fit un crochet par la chambre de Mickaël, à côté de qui il déposa une liasse de notes contenant les renseignements demandés.

*Et un contrat de rempli! J'espère qu'il appréciera, ça n'a pas été évident à récolter.*

Il se dirigea ensuite vers la chambre où il avait laissé ses compagnons au chevet de Fanaa.
Lorsqu'il entra, il oublia aussitôt la répartie spirituelle qu'il avait à l'esprit. Elle fut remplacée par une autre... qu'il préféra également laisser filer.
Il posa les vêtements et menus objets qu'il avait rapporté sur un meuble.

- Qu'est-ce qui se passe ici ?

Aryllë arrêta quelques instants de se torturer l'esprit pour observer Talisham en silence, comme si elle attendait qu'il répète sa question. Comment expliquer, comment mettre des mots sur sa propre faute ?

- Il y a eu des complications.

Le cœur de la femme pesait lourd dans sa poitrine et elle déglutit terriblement. Si jamais ... si jamais ...

- Je dois aller voir par moi-même. A l'intérieur. C'est le seul moyen d'être sure.

VoronWë aurait bien râlé mais le ton de sa compagne était déterminée. Et elle ne repartirait pas sans avoir pu vérifier et réparer ce qui pouvait l'être. Il l'observa s'asseoir en tailleur contre le mur, prendre une longue inspiration, fermer les yeux et laisser sa tête tomber sur le côté.

Ensuite il s'intéressa à Talisham.

- Cette fille, on ne sait pas ce qui lui a pris. Elle a perdu beaucoup de sang et a eu de sérieuses blessures. Avec la dague maudite. Elle devait rester couchée, elle n'aurait même pas dû pouvoir se lever!
Mais elle a voulu ... je ne sais pas ... sauter par la fenêtre ? Une vraie furie. Avec des paroles incohérentes... et regarde l'état de ses bras ! Comme si elle pouvait encore se permettre de perdre plus de sang ! Aryllë pense qu'elle a oublié quelque chose, elle croit qu'elle a fait une erreur terrible et que c'est de sa faute.

Il observa Fanaa inconsciente avec une moue dubitative.

- Elle faisait peur à voir.






*******************************

Aryllë se trouvait maintenant dans l'esprit de Fanaa. L'endroit était grand, un liquide rouge sombre suintait des murs plus foncés encore, et se rassemblait au sol. Elle avait les pieds dans cette substance vaseuse, et le niveau montait petit à petit.
A- Mais qu'est-ce que c'est que ça ?
J- Vous devriez le savoir, vous êtes une magicienne de l'esprit, non ?
La voix qui avait parlé venait d'un jeune homme aux oreilles basses. Des oreilles de chat. Il se trouvait sur un lit en compagnie d'un tigre et les traits de son visage étaient tendus. Visiblement, il restait sur le meuble pour que le liquide rouge ne l'atteigne pas.
A- Qui es tu ? Et où est elle ?
J- Elle est ailleurs. Elle ne vient plus, elle ne vient plus me voir. Elle doit m'en vouloir j'en suis sûr.
A- Tu n'es pas une partie d'elle.
J- Non, en effet. Moi je suis là car elle m'a attirée dans ses rêves. Elle m'y a attirée car elle ne voulait pas être seule. Alors j'ai voulu l'aider. Toutes les nuits je suis venu pour lui rappeler son nom, pour lui donner envie de se réveiller le lendemain et surtout pour l'aider à se souvenir d'une certaine personne.
A- Quelqu'un qu'elle a perdu j'imagine ...
J- Oui. Il est mort. Pour ne pas souffrir, elle a enfermé cette réalité et l'a éloignée d'elle. Elle a voulu se donner une autre chance je crois, mais elle a échoué. Vous savez ici ... ce n'était pas comme cela avant. Tout était blanc. Les murs, le plafond et même le "paysage à la fenêtre". Tout était recouvert de papier blanc et vierge. Ce que j'espérais, c'est qu'un jour elle se décide à déchirer ce papier, à découvrir ce qui se cachait derrière. A être de nouveau entière en fait. Vous savez ce que signifie son nom ?
A- Oui, il veut dire "brisée".
J- Ce n'est pas un hasard. Elle a été brisée bien tôt. Et puis elle s'est raccrochée à ce garçon, de toute ses forces, et les petits morceaux d'elle tenaient ensemble, un peu comme par miracle. Ce n'était pas très solide mais ça tenait. Elle tenait debout. Elle vivait.
A- Ce n'est pas vivre cela, c'est survivre.
J- Pas forcément. Et puis cela lui convenait. Elle était heureuse juste de savoir qu'il n'était pas loin. Quand il s'éloignait par contre, c'était une autre histoire. Mais elle a tenu. Elle a tenu bon jusqu'à ce qu'on le lui arrache. Et puis quelqu'un lui a joué un mauvais tour. Au lieu de mourir elle s'est réveillée. L'esprit vide de souvenirs, tout à reconstruire. Sauf que ... lui, il était toujours là. Il était dans sa tête. Je pense qu'inconsciemment, elle espérait qu'il allait revenir, qu'il allait revenir la chercher.
A- Mais il est mort !
J- Oui. Enfin ... c'est plus compliqué que cela. Quand son demi-frère l'a violée, il n'est pas venu. Et je n'ai rien pu faire, moi. Je n'ai pas de corps ici je ne suis pas chez moi. je n'ai même pas pu l'attirer ici, loin de ce que ce garçon infligeait à son corps. Je n'ai pas pu! Je n'ai rien fait ! Je n'ai pas le pouvoir d'attirer les gens dans mes rêves, moi. Et hier lors du sacrifice elle l'a appelé. Il n'est pas venu.
A- Comment sais tu pour le sacrifice ?
J- Je ne suis pas une création de l'esprit de Fanaa. J'existe réellement mais autre part. Et je peux agir ... -mais passivement, je n'ai pas de corps- de mon propre chef. En tout cas le résultat est là, il n'est pas venu.
A- Mais il est mort ! répéta Aryllë.
J- Oui. Et elle n'y arrive pas, elle. Elle échappe toujours à la mort, toujours. Alors que c'est ce qu'elle souhaite le plus au monde.
A- C'est horrible ...
J- C'est Fanaa.
A- ...
J- Pourquoi êtes vous là, au fait ?
A- Elle a eu une crise à l'instant, elle a voulu sauter par la fenêtre et a dit quelque chose comme "je t'interdis de partir, je repeindrai le monde en rouge pour toi." Je pensais que ses paroles n'avaient aucun sens mais... et je voulais savoir si c'était de ma faute vu que j'ai ... enfin j'ai ... disons ... coupé des fils.
Jess pâlit et ouvrit de grands yeux horrifiés dans le vide.
J- Il était là, il était là et elle l'a croisé. Je me demandais si elle l'avait vu mais il faut croire que non. Ses paroles semblent signifier qu'elle reconnait sa mort. Elle se rappelle qu'il n'est plus de ce monde.
A- Pauvre petite.
J- Et pauvre petit monde. Elle est aussi une bombe vivante, une source d'elixia sauvage et brute. Heureusement elle est plus ou moins endormie mais la menace reste là, latente. Oh elle ne s'amuserait pas à détruire le monde bien sûr. Elle ne peut pas le faire seule, ça ne marche pas comme ça. Il suffit juste qu'elle rencontre le détonateur. Une certaine "ombre rouge".
A- Valnor ? Quel est le rapport ?
J- Tant que Syld était de ce monde, elle n'avait aucune raison de se préoccuper de ça. Maintenant qu'il n'est plus, elle suivrait ce Valnor sans se poser de question. Elle suivrait n'importe qui lui tendant la main. N'importe qui ne l'abandonnant pas.
A- Elle ne s'est attachée qu'à Syld ?
J- Oui.
A- Oh. Merde.
J- Il y a eu du changement depuis peu. Le sacrifice peut avoir joué. Elle a appelé Syld et il n'est pas venu. Mais quelqu'un d'autre est venu: Adwel.
A- La petite voleuse ?
J- Oui. Certes ce lien est à des lieues de celui qu'elle avait avec Syld, mais il est bien là. C'est un espoir bien mince, mais c'est toujours ça. Adwel est la maman de substitution de Fanaa.
A- Syld, Syld... ce nom me dit quelque chose. On l'a entendu au manoir où elle s'est fait soigner, non ?
J- Oh. Vous y étiez. Peut être l'avez vous vu alors.
A- Un des deux garçons qui se battaient ? Il ... il est vivant ?
J- Je peux juste dire que c'est le même physique. Maintenant le reste ... je suis dans l'esprit de Fanaa pas dans le sien. Et en tout cas quand elle a eu besoin de lui il n'est pas venu. Il l'a laissée ... comme ça ... Et maintenant regardez dans quel état elle est !
Le liquide épais et sombre montait maintenant au-dessus des genoux d'Aryllë.
A- Elle l'aimait tant que ça ?
J- L'amour est venu après. En fait, tout comme Adweliwen est sa maman de substitution, Syld est son âme de substitution. Et elle l'a perdu.
A- Impossible!
J- Croyez moi, non seulement c'est possible, mais en plus tout cela est vrai.
A- Et ... comment sera-t-elle à son réveil ?
J- Je l'ignore. Et je ne serai plus là. Elle ne veut plus personne dans sa tête. Elle chasse les intrus. J'aurais tant aimé pouvoir venir la chercher en personne. Mon monde n'est peut être pas plus facile mais j'aurais été là.
Jess se leva, suivi de Reyes. Les deux amis semblaient chagrins, le jeune homme avait les épaules très basses.
J- J'aurais voulu pouvoir lui faire mes adieux. J'aurais souhaité qu'elle ait une poupée à mon effigie à moi aussi. J'aurais aimé qu'elle se souvienne de mon passage par ici...
Aryllë ressentit la profonde tristesse de Jess et en fut touchée elle eut un geste vers lui mais il la regarda et l'empêcha de continuer.
J- Je prie pour qu'elle ne repeigne pas votre monde en rouge.

******************************************

Aryllë se redressa et ouvrit les yeux. Regardant tour à tour ses compagnons avant de lâcher.

- Je n'ai fait aucune erreur, cela ne vient pas de moi. Bizarrement, ce constat ne l'apaisait pas du tout.

Elle se releva et s'approcha de Fanaa mais n'osa pas la toucher.

- Elle est incomplète et instable. Si ça ne tenait qu'à moi, je la laisserais dans un sommeil artificiel jusqu'à ce qu'elle rejoigne les bras de la Dame Scintillante.

Elle secoua la tête, dépitée.

- Mais elle ne fait pas partie de notre clan. Je n'ai aucun droit dessus. Nous ne dirons rien, à personne. Nous ne sommes que des Gardiens. Et pas les Gardiens de cette ...
*Elle est en morceaux, en mille morceaux!*
- Nous ne sommes pas responsables d'elle. Et des responsabilités, nous en avons assez comme cela.

Elle essayait d'être calme, neutre, directive alors qu'à l'intérieur elle était drôlement secouée.
Vivement que les autres se réveillent et la récupèrent.

Et vivement qu'Aryllë puisse retourner dans le désert. Elle pourrait voir ses parents. Elle ne les approcherait pas et ne se laisserait pas voir d'eux - c'était interdit - mais au moins elle pourrait les observer. Cela l'apaiserait un peu.

Tandis que Vor parlait, le regard de Talisham allait de son compagnon à Fanaa. Il nota que Voronwë ne mentionnait pas la façon dont la jeune fille était passée de "vraie furie" à "complètement dans les vapes". Mais ce n'était pas le moment de poser la question, il aurait tout le temps de le cuisiner plus tard.
Il attendit silencieusement et avec une certaine inquiétude le "retour" d'Aryllë. Même si elle était maîtresse en son art, se ballader dans la tête des gens n'était jamais sans risque. Qui pouvait prévoir quels démons se tapissaient dans les sombres recoins d'un esprit...

Aryllë revint, visiblement remuée. Quoiqu'elle ait rencontré, c'était suffisamment grave pour lui faire considérer des solutions extrêmes...

- Calme-toi. Tu as raison, tu sais, notre rôle ici est terminé. Après tout, cette improbable association d'adréniens a rempli avec succès une mission loin d'être évidente, peut-être pouvons-nous leur faire confiance pour cela aussi?
Il faut en finir au plus vite, nous sommes déjà trop intervenus. Je vais rejoindre la jeune Adwel et attendre qu'elle s'éveille pour discuter avec elle de la suite des évènements. Après quoi nous pourrons disparaître.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Dans la chambre de la médiovienne, Talisham s'assit sur un tabouret, non loin du lit, et patienta...

-...hum...

Les yeux qui s'ouvrent en clignotant. Une lumière à nouveau, mais celle ci est bien plus agréable. Une mélodie, mais pas celle de l'acier et du sang, celle ci est bien plus agréable. Michael remontait doucement, le regard fixé au plafond. Avec précaution, il bougea légèrement ses membres. Plus de douleurs, juste de l'engourdissement. Cela aussi était appréciable. Immobile, silencieux, calmé par la musique, il rassemblait ses souvenirs, la fin du combat l'avait laissé dans un état ou il avançait plus en automatique que de manière consciente. Le cafard était mort, les fanatiques étaient morts... Le grand. Ah non, la grande prêtresse était morte. Il l'avait carbonisée. Un soupir bougea sa poitrine tandis ce qu'il se redessinait al silhouette, la gravant à jamais dans sa mémoire.

*Les femmes peuvent être prête à tout. Mais qu'est ce qui la motivait elle ? Que c'est-il passé dans sa vie pour qu'on en arrive là ?*

Le monde générait un peu trop de fou et de folle...Et où était il au fait ? Il s'était évanoui dans un manoir, et bien que la déco soit sympa, ce n'était pas celle d'un noble, de même que le lit, moelleux, mais pas assez pour quelqu'un possédant autant d'argent. Et Fanaa, avaient ils réussi à la sauver ? Et Adwel, il devait la protéger. Quoi que, son contrat n'était il pas arrivé à son terme ? Bah, il déciderait avec ses commanditaires surement, dans le doute. Ses affaires ? Sagement posés à coté de lui, son épée, son sac. Rien de plus... il ne disposait pas de grand chose en fait. Le fédorien se redressa lentement et compris dans l'instant d'où provenait cette douce mélopée. Kyara qui jouait de son violon, ses beaux yeux mi-clos. Posé en tailleur, le jeune homme laissa échapper un léger rire.

- J'ai comme un air de déjà vu.

Combien ? Peut être la troisième fois qu'il se réveillait avec une femme à son chevet ? Et l'inverse existait aussi. Il observa la shalos d'un œil critique. Frissonnant malgré lui quand la vision d'ombres dévorant un homme agonisant s'imposa à son esprit.

- Pas de blessures... Tant mieux.

Le mercenaire s'étira, notant au passage la liasse de papier sur sa table de chevet. "Maladies elixiennes" ? Son salaire...Il attrapa le pack de feuille et se leva.

- Où sont les autres ? Ou sommes nous ?

En même temps qu'il posait ses questions il se présentait à la porte d'entrée. Son estomac grognant méchamment, il se passa une main dans les cheveux.

- Plus important. On peut se nourrir ? Les émotions, cela me donne un peu la dalle.

La violoniste s'arrêta de jouer en voyant un Michael en pleine santé se lever.

** Ouf ! Tout va bien ! **

Elle sourit à sa première phrase, secoua la tête négativement à la seconde

- Nous sommes à l'auberge de la Lumière Bleue, donc on peut se restaurer en bas. Je ne sais pas si les autres seront déjà debout, répondit-elle pour la troisième.

La shalos rangea sont violon et se dirigea à son tour vers la porte :

- Les autres sont tombés de fatigue, aussi bien physique que mental je crois... Et toi ? ça va mieux ? tu n'es pas blessé ? demanda-t-elle calmement pourtant elle n'était pas si calme que ça, mais elle était heureuse qu'il se soit enfin réveillé.

Tandis qu'ils descendaient de l'étage, elle le regardait du coin de l'œil pour voir s'il allait bien. Kyara se commanda un chocolat chaud et s'installa à une table en attendant que Michael fasse son choix.

Aryllë était figée comme uns statue et gardait ses yeux rivés sur Fanaa. Sa tension était palpable, elle s'intensifiait encore et encore. Voronwë pouvait lire dans le regard d'or et ce n'était surement pas très bon. Il s'approcha de sa compagne et lui saisit le bras, interrompant sa concentration.
Elle le regarda, surprise.

- Oui, Vor ?

- Ne l'endors pas, tu as dit toi-même que nous ne devions pas intervenir.

- Comment as tu deviné ce que ... ?

- Je te connais Minah Jaïah.

- Oh...

Elle baissa la tête, dépitée, incertaine.

L'homme orage lui pressa le bras et lui indiqua la porte.

- Sortons, allons dans notre chambre.

- Mais si elle fait une nouvelle crise, et si ... ?

- Aryllë. Il faut la laisser.

- Mais Vor ...

- Cela suffit maintenant. J'ai porté un mercenaire et un clerc sur chacune de mes épaules, je n'aurai aucun mal à te sortir d'ici de la même manière. Il n'avait même pas haussé le ton. Tout juste l'avait il raffermi.

La femme aux cheveux d'or acquiesça et suivit son compagnon à regret, laissant Fanaa seule dans la chambre.

-Auberge de la lumière bleue hein ? Tant que l'on ne me parle plus de lune.

Kyara n'avait pas exactement répondu à sa question, mais il l'avait mal formulée. Elle ne semblait aps accablée, tout le monde devait donc aller bien. Enfin, comment savoir ce qui l'affecterait vraiment. Michael grogna devant cette stupide pensée, il l'avait bien entendu crier en voyant Fanaa. Sa disparition l'aurait affectée. Concernant son état... Il leva les bras pour les croiser derrière sa tête.

-Hum... Je vais avoir des sacrés ecchymoses et les veines en feu pendant un moment. J'ai besoin de repos encore, mais je m'en tire pas mal.

Inutile de cacher la vérité. Même si il se sentait bien mieux, son corps lui rappelait constamment qu'il avait trop forcé. De légers tremblement, quelques pics de douleur surprise. C'était suffisamment visible pour qu'il ne déguise pas la vérité. Le jeune homme se laissa tomber sur une chaise et réprima une grimace. En fait, on pouvait ajouter quelques brulures aussi. Il passa sa commande au serveur, restant simple, quelques fruits, du pain et du lait. Il n'avait pas encore touché sa paye après tout. Le jeune homme grignota distraitement, le regard perdu dans le vide. Grognant, il finit par se relever.

-Excuse moi, j'aimerais m'assurer de l'état des autres.

Il lui adressa un signe de main avant de remonter à l'étage, tombant sur ses deux commanditaires qui ressortaient d'une chambre. Le jeune homme fronça les sourcils. Il devait juste vérifier qui était la locataire de cette chambre, mais il avait déjà son idée.

-Merci pour la liasse. J'ai de la lecture maintenant. N'oubliez pas l'argent si mon travail est terminé.

Pas grand chose à faire de cet or, mais cela le mettrait à l'abri du besoin pour un moment. Arrivant à leur hauteur, il jeta un coup d'œil à l'intérieur, voyant juste une longue chevelure noire étalée. Il se retourna aussitôt, les sourcils froncés.

-Vous le saviez ? J'ai la sale impression que vous êtes bien plus que de simples commanditaires. Je n'ai rien à dire, mais ne faites pas de mal aux autres avec vos manigances...

Ils devaient se douter qu'il n'aurait pas que Adwen à protéger...Et le fédorien détestait se faire manipuler. Il prit néanmoins une profonde inspiration, laissant sa rancœur se dissiper avant de pénétrer dans la pièce. La fenêtre brisée et les taches de sang sautèrent directement à ses yeux. Se mordant les lèvres, le mercenaire secoua la tête en allant voir la jeune femme, plaçant sa main devant son nez. Elle respirait.

-Qu'est ce que tu as encore fait...

- Mmmh...

Fanaa fronça les yeux et détourna la tête. L'une de ses mains se leva et à tâtons vint effleurer la main de Michael.

- Mmmh ?

Difficilement, encore sonnée, Fanaa ouvrit les yeux. Des yeux violets un peu flous qui glissèrent sur Michael, passèrent sur les murs, sur le plafond, évitèrent la fenêtre et revinrent sur Michael.
Elle resserra sa main sur celle du mercenaire. C'était lui qui l'avait libérée de l'homme sans visage. Elle en était sure. Lui il avait été là, il l'avait protégée, alors qu'elle ne l'avait même pas appelé. Michael était quelqu'un de fort, de protecteur, de rassurant.

L'autre main de Fanaa vint se poser sur le poignet du fédorien aux cheveux rouges, son regard se fit mi-suppliant, mi attendri.

- Papa...

Une simple respiration ou un simple gémissement, un simple mouvement ou un simple contact chaud, autant de preuves irréfutable que la jeune femme était vivante. Michael laissa échapper un soupir de soulagement. Elle était passé tellement prêt de la mort. Un miracle ? Il faudrait croire aux dieux pour cela. Et si dieu il y avait, ils se cachaient loin pour ne pas se faire étriper par Valnor. Non, ce n'était pas grâce à un dieu, mais grâce à un homme. Il allait devoir retourner au manoir pour remercier l'homme et la prêtresse. Tss, il n'avait même pas récupéré son nom.

- Mmmh ?

Fanaa s'agita, ouvrant les yeux. Il reconnaissait ce regard, il avait eu le même quelques minutes plus tôt. Ou suis je, et dans quel état ? Les pupilles s'arrêtèrent dans sa direction. Après tout, c'est lui qui perturbait son repos. Il s'apprêta à se relever, rassuré quand une deuxième main se posa sur son poignet, lui faisant réprimer un frisson.

- Papa...

Et Bim.

Le fédorien resta incrédule quelques instants, sentant son sang qui décidait de mettre les voiles avant de revenir aussi sec, aussi déboussolé que le jeune homme. Il avait mal entendu ? Comme si il pouvait confondre avec autre chose... Et comme si un regard comme cela pouvait mentir... Michael songea au cottage, qu'avaient ils dis ? Que Fanaa était retombé " en enfance ", c'était pour cela qu'elle le prenait pour son père ? Mais il n'avait rien fait pour mince ! Le jeune homme se passa une main sur le visage, reprenant doucement ses esprits. Il ne pouvait pas, elle devait disposer de quelqu'un d'autre, il ne pouvait pas mentir, il...

-Oui.

Pourquoi avait il acquiescé ?! La réponse s'imposa rapidement. Parce qu'il tenait qu'à elle et qu'elle avait besoin de point d'attaches. Le jeune homme baissa la tête, restant une seconde anéanti par son mensonge avant de retrouver son air habituel.

-Si c'est ce que tu désires pour l'instant.

Il ne pût retenir un sourire et ébouriffa gentiment la jeune femme. Dans quoi s'était il encore embarqué ? Une fille du même age que lui...Il se redressa et alla fermer les rideaux, cachant la défunte vitre avant de ramasser les différents morceaux.

-Est ce que tu veux descendre avec les autres, ou manger quelque chose ? Faudra que tu me présentes ta maman aussi, ça pourrait m'être utile.

Il esquissa un nouveau sourire et rongea sa liasse de papier dans son sac. Cela attendra un petit peu.

Fanaa fit un grand sourire réjoui à Michael, se redressa, prit pied sur le plancher et se mit debout. Bon ça va, ça ne tanguait pas. La jeune fille était pieds nus mais au moins elle était vêtue d'une vraie robe. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi habillée ... Les manches étaient longues et recouvraient en partie les avant bras de nouveau bandés -nouvelles plaies oblige- le bas arrivait au-dessus du genou.

Elle vérifia que sa boucle était à son oreille, prit ses poupées, hésita, les reposa, hésita encore.

- Ce n'est pas ma chambre ... puis-je les laisser là ?

A la réflexion, non. Elle plia le portrait du Syld triste, le glissa sous son corsage et prit Ciel et Liwen sous un bras avant de rejoindre Michael et de lui prendre la main.

- Descendons, ça ne se fait pas de manger au lit, ça fait des miettes. Il faut penser aux gens qui nettoient. Et puis ce sont les malades qui restent alitées, moi je vais bien.

Ils descendirent l'escalier et rejoignirent Kyara à sa table. Fanaa babillait toujours.

- Maman c'est Adwel. C'est ma maman oiseau bleu. Et toi, mon papa tigre rouge !

Fanaa rit gaiement. Cela faisait longtemps.

La violoniste suivit Michael des yeux alors qu’il remontait à l’étage. La demoiselle soupira. Tout en buvant son chocolat, elle se mit à réfléchir, à ce qu’il c’était passé cette nuit… Les autres allaient-ils bien ? Elle se rendait compte qu’elle n’y avait pas vraiment pensé avant… Elle n’avait pensé qu’à elle au final… Elle posa sa tasse sur la table et ferma quelques secondes les yeux. Elle était shalos mais tout de même, n’avait-elle pas fait partie d’un groupe étant petite ??. Et avait-elle revé aussi en quittant le manoir d'Earl ? Avait-elle vraiment vu Syld en haut de l'escalier ?

** Nom d’un chien !! reprend toi Kyara !! **

Quand elle rouvrit les yeux c’était pour voir Michael et Fanaa venir à sa table. Alors elle allait bien !! La musicienne soupira de soulagement.

Fanaa a écrit:

- Maman c'est Adwel. C'est ma maman oiseau bleu. Et toi, mon papa tigre rouge !

Kyara sentit le sourire taquin monter sur ses lèvres et elle se retint de justesse de ne pas rigoler. Mais en y regardant bien … ça allait très bien au fédorien :

- Coucou Fanaa !

La jeune femme évita de poser les questions bateau « comment vas-tu ? » et « As-tu bien dormi ? », elle trouvait que ses deux questions étaient déplacées.

- Tu veux manger et boire quelques choses ? lui demanda-t-elle doucement. Leur chocolat chaud est bon en tout cas.

La shalos ne savait trop quoi faire au final mais on pouvait lire dans son œil bleu qu’elle était contente d’avoir la jeune fille assise en face d’elle.

Un frisson réveilla Sek. Un peu vaseux, il tâtonna autour de lui... Pas de couverture. Son bras se tendit un peu plus loin, sa main saisit, il tira... résistance.

"Sek... j'ai faim."

"Grmblblblfatiguéééé... froid..."

Il tira de nouveau. Sans plus de succès.

"Eyrol aussi à faim." - pépiement d'assentiment de la part de l'intéressé

"Mmmm..."

"Il fait grand jour."

"Pffff"

"Mon ventre gargouille."

"Bon, bon, bon, d'accord."

Le jeune homme s'assit sur le lit. Il avait un mal fou à garder les yeux ouverts. Lynn, quand à elle, bondit littéralement hors des draps. Elle était déjà habillée... Sek poussa un nouveau soupir.

"Ne me dis pas que tu t'es levée, préparée, recouchée pour m'attendre, et que l'impatience t'a poussée à me piquer les couvertures pour accélérer un peu le travail de la nature?"

"Noooon.... "

"Tortionnaire..."

"Bon, on va manger?"

Résigné, Sek attrapa les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main et les enfila.
Tandis que sa soeur gambadait devant, lui trainait des pieds et avançait comme dans un épais brouillard, s'arrêtant parfois pour bailler à s'en décrocher la mâchoire.
Une sorte de petit miracle se produisit: il parvint en bas des escaliers sans trébucher. Lynn était déjà allée commander de quoi manger, et rejoignait à présent plusieurs personnes attablées. En faisant un effort pour ouvrir les yeux suffisamment grand, Sek reconnut la "petite" Fanaa ainsi que deux de ses sauveteurs. Avec cette identification venait le souvenir... il le chassa. Trop dur de réfléchir au réveil.
Il se dirigea vers le groupe, à pas lents. Sa soeur en était aux salutations.

"Bonjour tout le monde! Ah, nous allons peut-être enfin pouvoir faire connaissance dans les règles. Salut Fanaa, alors, tes poupées sont rassurées maintenant? "

Fanaa s'assit a côté de Michael et lui lâcha la main. En face d'elle il y avait une dame aux cheveux noirs et aux deux yeux pas de la même couleur. Cette dame connaissait son nom. Donc Fanaa la connaissait probablement, mais d'où ? Impossible de s'en rappeler. Enfin ... ça reviendrait peut être plus tard ? En attendant il fallait être polie. Et puis la dame ne semblait pas méchante, même si elle proposait du chocolat chaud, alors que tout le monde savait bien que froid c'était drôlement meilleur !

- Je voudrais bien ... euh ... oui il faut que je mange mais ...

Oui elle devait manger. Elle avait réussi à descendre l'escalier sans trop avoir la tête qui tourne mais même si elle avait dit allait bien - mais elle allait bien de toute façon - elle se sentait un peu faible et ne voulait pas le montrer. Sinon on la croirait malade et on l'enfermerait. Elle ne voulait pas être enfermée.

Alors qu'elle hésitait à faire son choix, gardant en tête qu'elle devait pourtant avaler quelque chose sans perdre de temps, il y eut une voix connue. Lynn ! Lynn et un garçon inconnu mais qui ne disait rien alors ce n'était pas grave.

- Oh Lynn ! Merci, merci beaucoup ! c'est très gentil de m'avoir rapporté Ciel et Liwen, tu sais j'en avais besoin je ...

Non. Ne pas repenser à cette nuit. Ne pas repenser à la lune, au manoir ou ...

- Viens vite à table, il faut reprendre des forces. Tu t'assois à côté de moi ?