Auberge de la Lumière Bleue

Fanaa ressentit une petite pointe de fatigue mais, heureuse de s'activer, elle continua. Après avoir installé le kimono bleu sur une chaise, elle s'occupa de créer le même, en miniature, pour la poupée Liwen.

En jetant un coup d'œil à l'armoire, Fanaa se sentit inspirée et broda des dragons d'eau sur les manches du petit vêtement.

Puis vint le tour de Ciel. Son manteau était devenu blanc et Fanaa songea que cette couleur lui allait bien, de plus c'était assorti aux montagnes. Elle réalisa pour le poupon un élégant ensemble chemise-pantalon-bottes avec une fort jolie cape, le transformant en petit prince des neiges !

Toute fière, elle le souleva à bout de bras et tourna, tourna !

- Ciel beau !

Joyeuse, Fanaa dénoua le bandeau rouge qu'il portait jusque là et eut un instant d'hésitation. Pourquoi fallait il cacher son œil ? Ne serait il pas mieux s'il pouvait voir de ses deux yeux ? Elle écarta les cheveux en bataille qui cachaient l'oeil droit ... mais d'œil droit il n'y avait point. Même sous le tissu et la chevelure, il n'y avait rien. C'était comme une paupière close. Scellée.
Pourquoi ?
Elle ne se rappelait même pas si le poupon avait toujours été ainsi. Un frisson la parcourut. A gestes précipités, elle nouas un petit foulard blanc aux lisérés d'argent en lieu et place du bandeau rouge.
Rouge.
Comme ...
Elle porta le jouet à ses lèvres et l'embrassa tout doucement.
Un nouveau frisson. Glacé.
Fanaa serra Ciel de tout contre elle et ferma les yeux très fort. Très fort. La tête lui tournait et elle avait mal au cœur. Quelque chose, il y avait quelque chose...

- Reste avec moi ...

Adwel pénétra dans une pièce exigüe, sans ouverture visible. La porte fut refermée derrière elle.
La lueur d'une unique lampe à huile, posée sur une petite table de bois, peinait à faire reculer les ténèbres.
En face de la Médiovienne, une silhouette encapuchonnée était assise. Elle se redressa très lentement, et pendant la manoeuvre, un objet métallique, probablement situé dans l'une des très larges manches du vêtement informe et sombre qu'elle portait, refléta un rayon de lumière égaré. L'atmosphère était pesante, comme si la noirceur environnante avait opposé une résistance à l'intrusion d'un corps vivant en son sein...
Soudain, le silence fut brisé par une voix masculine plutôt joviale, celle d'un l'oncle entre deux âges qui viendrait rendre visite à la famille les bras chargé de cadeaux.

- Oh, pas de doute, c'est bien la jeune Adwel que nous avons là! Viens donc t'asseoir, ne soit pas timide!

Sans transition, le décor changea du tout au tout. Depuis les nombreuses appliques fixées au mur, des torches éclairaient vivement une pièce certes petite, mais cossue. Le sol était couvert de tapis richement décorés. Au centre se trouvait une table basse, présentement occupée par un service à thé. Face à Adwel, de l'autre côté de la table, se tenait un homme agenouillé sur un coussin de velours. Vêtu sobrement d'une tenue entièrement bleue, il ne semblait pas avoir plus de 35 ans, mais ses cheveux, coupés courts, étaient blancs. Il tenait à la main une théière fumante.

- Allez, viens t'installer! Comment va ton vieux brigand de père? Et qu'est-ce qui t'amènes par ici, dis-moi?

La voleuse entra dans la pièce. La porte se referma derrière elle. Elle n'était pas du genre a s'inquiéter... sauf pour Fanaa... mais actuellement, elle était tendue. très tendue. Une lueur ne permettait pas d'apprecier ce qu'il y avait dans la pièce... Puis une voix

Citation :

- Oh, pas de doute, c'est bien la jeune Adwel que nous avons là! Viens donc t'asseoir, ne soit pas timide!

La lumière s'alluma d'un seule coups et ébloui la jeune femme. Une fois sa vue accomodée, Elle regarda a qui appartennait cette voix famillière.

Citation :

- Allez, viens t'installer! Comment va ton vieux brigand de père? Et qu'est-ce qui t'amènes par ici, dis-moi?

- Liwan?

[Elle s'approcha de l'homme et s'installa, encore sous le coups de la surprise.

- Heu.... et bien il va plutot bien. Je... Maman s'est remise a la peinture et... Ce qui m'amène ici... tu dois être au courent qu'il y a des étrangers a Médiévir qui on prit contact avec moi. Ils disent que la Pierre de Vie placée sur la Harpe Sacrée n'est pas la bonne... Cette pierre serait la leur. Un "plaisantin" l'aurait échangée. D'aillieur, voila la vrai pierre.

Adwel sorti de son corsage une pochette de velours qu'elle jeta a l'espion

- Je voulais savoir ce que tu en pensais. C'est Papa qui m'a envoyé vers toi. Et puis... les Etrangers m'ont indiqué que la Harpe n'était pas dans le labyrinthe... donc je voulais savoir où... pour procéder a l'échange...

Sans rien dire, Liwan servit le thé. Il sortit et regarda la Pierre dorée sous toutes les coutures, et resta silencieux un moment. Puis il se racla brièvement la gorge avant de répondre.

- C'est important ce que tu me dis là, sais-tu? En réalise-tu bien toutes les implications?
La Harpe est un symbole sacré, tout autant qu'un objet de pouvoir. Ses origines relèvent de la légende, nul ne peut se vanter de savoir ce qui s'est réellement produit en ces temps reculés.
Sais-tu pourquoi nous la gardons jalousement? Pour ce qu'elle représente bien entendu. Mais également parce que nous sommes loin de tout savoir à son sujet. En fait, nous protégeons autant la Harpe des personnes mal intentionnées que nous protégeons les gens trop curieux de la Harpe elle-même. Car Elle sait très bien se défendre toute seule, comme quelques épisodes malheureux nous l'ont démontré, à l'époque où son étude faisait partie des priorités du gouvernement.

Maintenant... tu m'apprends que quelqu'un a pu échanger une pierre... Alors de deux choses l'une, ou un peu des deux: ou bien la Harpe elle-même suis ses propres objectifs, et a estimé que cet échange lui était profitable sur le moment, ou alors la personne qui a fait cela possède sur cet artefact ancien des connaissances qu'aucune bibliothèque du monde connu ne recense, et crois-moi, j'en sais quelque chose. La peste soit des des bibliothécaires sans aucun sens du classement... Enfin bref.

Ces étrangers... qui sont-ils? Que veulent-ils? Que savent-ils? Tu n'es pas curieuse d'avoir la réponse? Moi si, mais je suis un incorrigible fouineur paraît-il.

En tout cas, jeune Adwel, tu n'es pas ton père, c'est certain. - Il rit - Lui aurait négocié une très forte contrepartie avant de me livrer des informations aussi capitales, et se serait insupportablement pavané tout au long de la discussion, ravi de disposer pour une fois d'un savoir que je n'aurais pas eu. Si tu lui racontes notre petite conversation telle quelle, sois sûre que tu auras droit à un beau savon pour avoir manqué l'occasion de me faire bisquer.

Bien. Avant de continuer et de décider de ce qui va se passer ensuite, as-tu des remarques, ou des questions? N'hésite pas à prendre le temps de réfléchir avant de répondre.
Et boit donc un peu de ce thé, il est délicieux, je t'assure.

Braquant sur la voleuse son regard perçant, mais néanmoins pétillant de malice, il porta sa tasse à ses lèvres et but quelques gorgées.

Dans la chambre bleue, Fanaa ouvrit brusquement les yeux.

*Les enfants! Où sont les enfants!?*
*Fanaa ?*

En face d'elle se tenait Jess, sorti de son rêve pour la deuxième fois depuis qu'elle le connaissait. Ciel et Liwen ne réagirent pas à cette intrusion, pas plus que quiconque ne l'aurait fait. Mis à part pour la poupée, Jess était une illusion.

Le jeune fille regarda de tous côtés à la recherche de ...

*Quels enfants, Fanaa ?*

- Je ... je ...

Oh qu'il était frustrant de ne jamais trouver ses mots lorsqu'elle était en état d'éveil ! Elle frappa le sol du plat de la main, poussa un peu ses poupées sur le tapis et se mit debout. Fanaa attendit quelque chose, aux aguets.

*C'est parti. J'ai senti quelque chose ... c'est parti.*

La jeune fille était tendue, très tendue. Le jeune homme aux oreilles de chat s'approcha et posa doucement ses mains éthérées sur ses épaules. Elle avait croisé les bras sur sa poitrine et tremblait légèrement.

*Un cauchemar peut-être. Ce n'est rien, c'est passé. Tu as froid ?*
- Non.

Au contraire elle avait chaud, il faisait étouffant dans cette pièce ! Elle échappa à son ami pour aller ouvrir la fenêtre en grand et laisser le froid piquant entrer. Sans se montrer à l'ouverture, elle se laissa glisser dos au mur.
Elle avait bien ressenti quelque chose, une pulsation malsaine, pas si lointaine que cela. Et durant ce fugace instant, elle avait entendu les gémissements, les pleurs. Elle avait ressenti sa propre peur. Une peur ancienne. Cette image quoi qu'imprécise lui avait semblé très réelle. Et elle ne datait pas de sa vie à Medievir, ça non.

Sa poitrine se soulevait et retombait à toute vitesse.

Il y avait dans cette ville quelque chose d'effrayant. Quelque chose de sombre, de dangereux.

Adwel se gratta la tête avec un air géné

- C'est qu'en fait, comme c'est plus pour la défense de Médiévir... Je ne me voyais pas... monnayer tout cela... Tu... ne le diras pas a Papa j'espère?!?

La jeune femme rigola avant de baisser les bras et les épaules tout en soupirant

- Je pense sincèrement que j'ai besoin d'en apprendre beaucoup... Je ne suis pas encore assez "méchante"... Même après mon séjour a Shalanos... bref....

Elle redevint un peu plus sérieuse

- Je suppose que tu as déjà des informations sur les étrangers. Et c'est surtout la réaction de Papa qui m'a fait penser que justement, je n'avais pas a réfléchir sur l'identité des étrangers. L'une s'est présentée comme étant Aryllë et son compagnon serait Voronwë. En y repensant, je ne parviens toujours pas a leur mettre une origine...

La voleuse se tut et souffla dans sa tasse de thé avant de reprendre

- Je pense que je me suis encore fourrée dans quelque chose de plus gros que moi... Entre ce faux vol de la harpe... D'ailleurs, j'aimerais bien avoir tes conclusions la dessus... et puis ce joyaux... En passant par une rencontre avec le Lunaire et le complot déjoué a Shalanos ou encore cette exécution d'un hum... "compagnon"... Elle soupira Un véritable aimant a problème!

Tout en parlant, elle tenait la tasse de thé d'un coté et jouait avec son médaillon Shalos avec l'autre main

en provenance des rues enneigées


Peu désireux de sentir les flocons fondre dans son cou, Syld prit le temps de secouer son manteau blanchi par la neige qui tombait de plus en plus fort à mesure que les heures passaient. Des quelques flocons tombant paresseusement en tourbillonnant vers le sol, on était passé à un vent glacial et à une neige drue.
Le jeune homme frissonna en songeant qu'en partant un peu plus tard de Médiévir ils se seraient probablement retrouvés bloqués dans les montagnes en pleine nuit.

En claquant un peu des dents il alla à son tour se réfugier auprès de l'accueillante cheminée, beaucoup pus préoccupé par l'idée de se réchauffer que par l'observation des gens qui pouvaient se trouver là. Comme s'il avait pu les reconnaître, de toute façon...

- J'aime vraiment pas Ilymir...

La serveuse arriva avec un plateau en équilibre sur sa petite main. Arrivée devant Hakuren, elle lui déposa la choppe avec un claquement sur la table. La mage ne leva même pas un sourcil et restait obstinément sur ses carnets. Elle ne levait le regard que pour attraper l'un ou l'autre de ses petits livrets.

L'employée de taverne soupira et continua sa distribution. Après quoi elle souffla. C'est a cet instant qu'elle vit les deux nouveaux venus. L'un des deux était plutôt... mignon. Elle mis en ordre son tablier et se dirigea vers la cheminée avec un sourire commercial.

- Bonjour messieurs et bienvenue à la Lumière Bleue, spécialiste des plats de Médiévir la Belle! Vous souhaitez manger? ou encore une chambre pour la nuit?

Syld grimaça mentalement.
Evidemment, c'était à lui qu'on s'adressait ! Et avec, comme souvent, cet éclat particulier dans le regard. Mais pourquoi lui tournaient-ils donc tous autour comme des mouches, à la fin ?

Il afficha un gracieux sourire et se composa une voix juste feutrée comme il fallait pour ne pas rompre le relatif calme de la salle :
- Les deux, ma demoiselle. Une...

Il se corrigea.

- Deux chambres contiguës de préférence. Et un bain chaud dans la plus grande dès que je vous ferai signe. La route a été longue, et le climat est un peu rigoureux dans ces montagnes.

Aucun doute sur ce point, il n'avait aucun mal à jouer le grand seigneur accompagné de son "garde du corps".

- Un repas bien chaud lui aussi ne sera pas de refus.

Il indiqua nonchalamment Soghann du pouce.

- C'est lui qui me sert de coffre-fort, donc n'oubliez pas de lui sourire pour lui faire mettre les zoris nécessaires sur la table !

Il se pencha un peu pour chuchoter avec un clin d'oeil aguicheur :
- Vous n'aurez pas à forcer beaucoup sur le sourire pour qu'il se décide à laisser un pourboire... même avec une petite moue mécontente, vous y parviendriez certainement.

La serveuse se mis a rire bêtement comme toute jeune femme qui entend un compliment sur sa personne.

- Vous êtes vraiment char-mant! Je vais voir ce que je peux faire pour les chambres. La première suite est prise mais celle du deuxième étage est libre. Je vais vite vous confirmer ça! Et installez vous hum... Elle regarda la première table libre... mais sale.... Ici, je vais vous néttoyer ça en moins de deux! [/i]Et elle posa son plateau pour passer le chiffon sur la table qui était non loin de la lévétis[/i]

- Je suis sure que vous serez tranquilles ici! celle-la ne fait attention qu'à ses notes...

Guillerette, la serveuse traversa la salle pour organiser la location des chambres et le lancement des plats.

- Chaud ... Jess ... gémit Fanaa.

Elle était maintenant allongée au sol sous la fenêtre. La neige qui avait forci entrait et fondait au contact de la peau de Fanaa mais cela ne lui apportait nul fraîcheur, nul répit. Peut être devrait elle sortir, se rouler à même la poudreuse blanche ...
Mais elle se sentait trop mal pour faire plus qu'esquisser le geste de bouger.

L'image qu'elle avait vue ne pouvait pas lui appartenir, c'était impossible. Fanaa n'était jamais sortie de Medievir jusqu'à ce jour. Son monde s'étendait du lac magnifique au Cottage. Alors ces visages d'enfants apeurés, elle ne pouvait pas les avoir vus réellement. Elle ne pouvait pas avoir entendu leurs cris.

*Relève toi, va vite te couvrir. Rester la fenêtre ouverte à moitié nue tu vas attraper la mort!*

- Chaud...

Le petite tunique grise qui lui tenait lieu de vêtement était déjà humide de neige fondue. Et dire qu'elle avait voulu la transformer en kimono blanc pour être assortie à Ciel ! Elle ne s'en sentait plus la force ni l'envie.
Si seulement elle pouvait s'endormir et ne plus ressentir ce malaise !

Jess l'exhortait à se lever et fermer la fenêtre, rageant de n'avoir pas de consistance, ce qui l'empêchait d'agir lui-même.

Ciel et Liwen étaient trop loin, impossible de les atteindre sans se déplacer, impossible donc, de les serrer pour se rassurer. Haletante, elle chercha sous sa ceinture le bijou béni par Nuada et le prit à la main. La flamme de la pierre rougeoyait toujours, vivante.

- Sheitan !

Liwan reposa sa tasse et sourit.

- Oh rassure-toi, je lui dirai simplement que sa fille s'est impeccablement comportée, il comprendra ce qu'il voudra.
Oui, tu as encore à apprendre, mais tu sais, conserver un peu de douceur et de candeur n'est pas un mal, c'est même plutôt précieux... Tant que cela ne laisse pas les portes de ton coeur et de ton esprit ouvertes aux manipulateurs et aux profiteurs de toute sorte. - Il lui fit un clin d'oeil - mis à part ton père et moi bien sûr, qui travaillons toujours pour le bon côté. Surtout moi.

Son visage se fit un peu plus grave.

Je ne pense pas que tu sois un "aimant à problèmes" mais... peut-être es-tu taillée pour les résoudre. Pour être l'un des premiers rôles dans ce gigantesque théâtre qu'est notre monde. Ce n'est pas forcément facile à vivre, mais je trouve que tu t'en es admirablement sortie pour l'instant.

Le faux vol de la Harpe... oui, tu mérites de savoir... cette opération n'a malheureusement pas eu le succès escompté. Nous avons bien attrapé un peu de menu fretin, mais le loup n'est pas sorti du bois. Toutes les pistes mènent à Shalanos, et là-bas, nos moyens sont beaucoup plus limités qu'ailleurs. L'éminence grise pourrait se trouver n'importe où, jamais les shalos employés pour faire le sale travail ne parleront. Bien sûr, si l'avenir d'Adréis était en jeu, je suppose que leur Seigneur consentirait à collaborer, mais pour une affaire purement médiovienne, ce serait folie d'espérer qu'il ne lève ne serait-ce que le petit doigt sans un paiement exorbitant.
Et nous avons perdu un agent dans cette histoire, le jeune Ling, que tu as rencontré. Nous ignorons tout de ce qui a pu lui arriver depuis que Shalanos l'a "englouti", et crois bien que je le regrette...

Mais revenons à notre affaire. Cela t'étonnera peut-être, mais je ne sais rien de rien sur ces étrangers. J'ai des agents qui travaillent là-dessus sur tout le continent, et pas un n'a été fichu de dégotter ne serait-ce qu'une miette de renseignement. De vrai fantômes! J'en mangerais mon chapeau, si j'en portais un.
Enfin, après leur tentative ratée dans le labyrinthe, je sais au moins qu'ils peuvent tomber dans un piège bien ficelé aussi bien que tout un chacun.
En fait, au vu de la situation, figure-toi que la mieux placée pour rassembler des informations sur eux... c'est toi. Mais je ne te force à rien, à toi de choisir ton chemin.

Il marqua une pause, avant de reprendre sur un ton plus léger.

Bon, cette pierre maintenant! Il va sans dire qu'elle devrait retourner à sa position d'origine. Evidemment, je suis l'un des rares à savoir où se trouve la Harpe, aussi est-il logique que ton père t'ait envoyé vers moi. C'est bien de lui de me mettre dans une position pareille tiens! Parce qu'il faut que tu comprennes que te laisser poursuivre dans cette voie n'est pas forcément dans l'intérêt de la couronne. Au moment où nous parlons, la pierre est dans ma main, tu te trouves dans un lieu sous mon contrôle, à ma merci...

L'espace d'un instant, Liwan n'eut plus rien d'un oncle jovial, mais apparut comme ce qu'il était en réalité: un être puissant, inquiétant, l'un des garants de la sécurité de Medievir, qui à ce titre ne reculerait devant aucun sacrifice pour accomplir sa mission. Puis l'ombre passa.

En haut lieu, certains vont sans doute me reprocher de ne pas avoir tout bêtement conservé à la fois cette pierre et celle des étrangers, après t'avoir fait disparaître, ainsi que tout ceux qui ont eu contact avec toi depuis que tu t'es vue assigner ce contrat... Et ton père devrait savoir qu'en t'envoyant ici, il me forçait à prendre cette option en considération, aussi ignoble puisse-t-elle paraître.
Heureusement, je ne pense pas que ce soit la solution la plus judicieuse. Et il est encore plus heureux que la Reine m'ait confié les pleins pouvoirs en ce qui concerne cette affaire.
Personnellement, je te fais confiance. Le fait que tu sois venue prendre contact avec moi, sans souci des risques et sans exiger de contrepartie, me suffit comme garantie.
Aussi, je te laisse le choix.

Il posa la pierre sur la table

Pars maintenant, en laissant cette pierre ici, et tu seras libre de toute obligation. Je me chargerai du reste.
Mais si tu décides de reprendre cette pierre, tu seras officiellement en mission pour la couronne, et je te donnerai les informations nécessaires.
Sache que cette seconde option ne va pas sans risques. Songes-y avant de prendre ta décision.

Maintenant plus que jamais peut-être, ton destin est entre tes mains...

Adweliwen écoutait avec gravité le Maître espion. Tout cela la dépassait... Pourtant, Liwan lui affirmait qu'elle avait un rôle a jouer? Elle avait beau être "fille de"... Elle ne se sentait pas forcément de taille pour affronter le monde....

La voix de l'ami de son père se tut sur une question... Même si elle n'était pas formulée comme telle, cette dernière phrase était propice a une réflexion intense...

La voleuse regardait la pierre devant elle... Doucement, elle posa la tasse de thé dont elle n'avait pas pris une seule gorgée encore et se leva. Elle fit le tour de la petite pièce sans voir réellement ce qui l'entourait.

La Destinée... Depuis sa naissance, la Destinée avait été plutôt clémente a son égard. Une enfance heureuse malgré un milieu plutôt spécial pour une petite fille. Une adolescence avec son lot de découvertes et de mini-rébellions... elle aimait trop ses parents pour être trop insupportable. Et maintenant? alors qu'elle entrait dans la vie adulte sans avoir vraiment décider du chemin a prendre, il lui semblait que Dame Destinée s'était enfin rendue compte de son existence.

La voleuse alla se rassoir a sa place. Fixant Liwan qui restait inexorablement neutre. Puis son regard se posa de nouveau sur la pierre. Elle avança sa main qui s'arrêta juste au dessus, suspendue à sa pensée. La jeune femme allait la ramener vers elle lorsque d'un mouvement vif, elle empoigna le joyeux d'une main ferme et décidée. Elle sourit a Liwan

- Je crois que ma vie va devenir intéressante.... Je suis depuis trop longtemps sur la surface d'un lac calme... Il est temps pour moi de prendre le torrent vif et tortueux. Même s'il m'emporte vers une chute vertigineuse.

Syld suivit des yeux la serveuse qui s'éloignait avec une expression d'écoeurement et de lassitude mêlés.

- Ils sont tellement simples à manipuler...

Il ôta son manteau qui lui faisait l'effet d'une carapace gelée avant de s'installer... non sans une petite grimace : les chaises manquaient un peu de rembourrage selon l'avis de son arrière-train.

La serveuse ne tarda pas à revenir avec ce qui ressemblait à des grogs fumants.

- Offert par la maison pour vous faire patienter confortablement le temps que vos repas arrivent !
- Bien, je vous remercie.

Le jeune homme ponctua sa phrase d'un sourire délicieux où pointait cependant un début de fatigue. La serveuse tourna un peu autour de la table, traîna à remettre une chaise en place ou à passer un coup de torchon sur une table, puis finit par s'éloigner. Probablement pensait-elle qu'elle aurait d'avantage de chances le lendemain, après qu'il ait pris une bonne nuit de sommeil.

Ayant déjà repoussé la serveuse hors de son esprit, Syld renifla son breuvage avec méfiance avant d'y tremper les lèvres.

- Pas trop mauvais. Ca réchauffe, c'est le principal.

Il resserra les mains autour du verre de grès bleu avec un frisson. A chaque fois que quelqu'un entrait, un courant d'air glacial balayait la salle et couchait la flamme des lampes.
Le bruyant grincement des chaises sur le sol lorsque les arrivants s'installèrent lui tira un froncement de sourcils. Les sons un peu stridents lui vrillaient douloureusement le crâne, et avec le passage du froid au chaud, il sentait le sang lui battre les tempes avec une énergie redoublée.

- Bon sang...

Il termina son verre d'un trait et le reposa sans le lâcher, tout en portant sa main libre à son front, le coude sur la table.

- ... c'est de...
- ... le Seigneur Earl a besoin...

Le bruit d'un verre en grès qui éclate fit sursauter les trois ou quatre tablées les plus proches.

Earl ?! A Ilymir ?

Le jeune homme dut faire un effort pour garder à peu près son calme et ouvrir à nouveau la main. Des fragments de verre brisé tombèrent sur la table tandis qu'il achevait sur un ton qui ressemblait à un grondement :
- ... pire en pire.

*Ferme cette fenêtre. Toute cette neige qui rentre ce n'est pas bon.*

Il fallait trouver les mots, les arguments qui marchent.

*Ciel et Liwen vont attraper froid, tu sais. Et Adwel ne va pas être très contente quand elle verra l'état de la chambre. Ferme la fenêtre.*

Adwel. Maman oiseau bleu. Oui, elle serait fâchée de voir le tapis tout mouillé. Jess avait raison. Péniblement, elle se rassembla et boule puis doucement se mit à quatre pattes, ensuite, en prenant appui sur le mur, elle se releva et voulut fermer la fenêtre mais son regard se porta alors sur le ciel. Il faisait sombre. Il faisait nuit. Elle était à Illymir et ...

Elle cria lorsqu'elle sentit une douleur lui brûler une partie du dos. Il lui semblait que l'on avait dessiné sur la peau de son dos un sillon incandescent. Le sang battant à ses tempes, elle rouvrit les yeux et sentit ... qu'elle devait aller quelque part. Elle regarda ces rues qui ne lui disaient rien, ces temples inconnus et sut qu'elle devait aller là-bas. Cette intimation ne prêtait pas à résistance.

Fanaa se tourna vers la porte et malgré qu'elle lui semble assez loin, elle rassembla son courage et se dirigea vers elle. La poupée fit tourner la clé dans la serrure, sortit et repoussa la porte derrière elle, laissant la clé sur la face intérieure de la porte. L'escalier. Fanaa avait toujours aussi chaud, sinon plus. Ses joues étaient très rouges et elle avait la désagréable impression qu'elle allait finir par se consumer. Elle se sentait incandescente et cette sensation était de plus en plus insupportable. Comme cette directive dans sa tête. Elle devait y aller, il le fallait.

La jeune fille voyait trouble. Elle rata une marche et aurait dégringolé tout l'escalier si elle ne s'était raccrochée, de peu, à la rampe.

*Retourne dans la chambre. Tu n'aurais pas dû en sortir, retournes y!*

Comment expliquer à Jess que la sensation d'urgence, la certitude de devoir se rendre à ce lieu précis couvrait la voix du jeune homme aux oreilles de chat ?

- Chaud ...

Elle suffoquait dans son propre corps, sa température corporelle était élevée, beaucoup trop élevée! Si quiconque touchait sa peau, il se brûlerait à son contact, c'était sûr! Arrivée au bas des marches, les yeux rivés sur la porte d'entrée, la jeune fille aux longues nattes et vêtue d'une simple tunique traversa la grande salle d'un pas mal assuré. Elle n'eut aucun mal à ouvrir la porte que Ridelgald avait dû un peu forcer à refermer. La bourrasque qui balaya la salle à ce moment la déséquilibra presque.

Aller là bas, rejoindre l'endroit. L'ordre pulsait sous son crâne.

Pieds nus, elle fit quelques pas dans la neige et une rafale de vent la fit tomber dans la poudreuse glacée. Elle ne pouvait plus faire un pas, les éléments étaient plus fort qu'elle. Alors que le froid commençait à atténuer la chaleur insupportable qui émanait d'elle, l'engourdissant un peu, l'ordre dans sa tête s'affaiblit, la brûlure de son dos commença à se calmer. Et de rouge, son teint pâlit pour doucement passer au bleu.

- Froid ... soupira-t-elle, soulagée, avant de clore ses paupières.

Ridelgald n’eu pas le temps de répondre à la question de la jeune clerc qu’un bruit de verre qui éclate les fit sursauter tout les deux. Ils se tournèrent de concert vers la table voisine, pour voir un homme le point en l’air au dessus de sa table, elle-même recouverte de débris de verre.
L’homme semblait être un seigneur Médiovien, et avait fière allure dans son costume bleu nuit, si l’on omettait son expression dépitée et contrariée. Il portait également un bandeau à l’œil droit, qui lui donnait un air mystérieux.
Après un instant, il ouvrit la main pour laisser tomber d’autres débris de verre, ainsi qu’un peu de son sang qui commençait à couler des endroits où le verre avait traversé sa peau. N’écoutant que son instinct, Fynarine se précipita vers le blessé et lui pris la main pour l’examiner.

- Ne bougez pas, vous avez encore des bouts de verre dans la main, je dois les retirer.

Elle fonça vers son sac, fouilla quelques instants, pour en ressortir un rouleau de bande, puis revint vers l’homme qui n’avait pas esquissé un geste. La Dedrane sortit ensuite la dague qu’elle portait à la ceinture de son étui, et entreprit de retirer les éclats de la main.

- Ca risque de faire un peu mal, mais ce sera pire si je ne fais rien. Ne bougez surtout pas, ce ne sera pas long.

Concentrée, et sans même attendre la réponse de l’homme au bandeau, elle retira habillement chacun des morceaux de verre.

- Voila, je n’ai plus qu’a vous mettre ce bandage, et ca devrait aller.

Elle s’exécuta, et bientôt la main fut recouverte de bande. Après une ultime vérification qu’aucune plaie n’avait échappée à sa vigilance, elle regarda enfin l’homme.

- Je n’ai pas les capacités de faire mieux ici, il faudra aller voir les clercs si vous voulez être guérit magiquement.

L'homme avait l'air nauséeux et le regard vide d'expression.

- Est-ce que vous allez bien ? Vous avez été blessé ailleurs ?

Un coup de vent balaya la pièce, quelqu'un d'autre devait avoir trouvé refuge à la taverne. Fynarine se retourna pour regarder le nouvel arrivant... qui n'y était pas. Il n'y avait personne vers la porte, et le vent continuait à entrer et geler tout les occupants jusqu'au os. Perplexe, la jeune fille se demanda comment le vent aurait-il bien pu ouvrir la porte...

Syld ne parut même pas ressentir quoi que ce soit lorsque l'inconnue se chargea de lui extraire les morceaux du verre piqués dans sa main. Tout son esprit était beaucoup trop occupé à réprimer son envie de briser la table pour faire bonne mesure ; s'il avait tout de suite fait mine de reporter son attention vers celle qui ressemblait à une Dédrane, il n'aurait sans doute pas pu résister à l'envie de meurtre qui le brûlait comme un acide.

- ... clercs si vous voulez être guéri magiquement.

Le jeune homme prit une profonde inspiration et profita que la fille regardait vers la porte pour se composer une expression aussi neutre que possible. Sa voix était rauque, comme si sa gorge restait un peu trop serrée pour laisser les mots passer facilement :
- Inutile.

Des picotements commençaient à lui brûler la paume, semblables à des dizaines, des centaines d'aiguilles chauffées à blancs piquées dans ses chairs.
Quelle quantité d'elixia Earl avait-il donc utilisée pour qu'elle continue à agir de cette façon après plusieurs semaines ? Les écorchures dues au frottement des bracelets d'acier avaient cicatrisé et disparu quelques heures à peine après qu'il ait quitté la ferme.
Qu'est-ce qu'il devait donc faire pour se débarrasser enfin de cette sensation, de cet "arrière-goût" d'Earl qui refusait de s'en aller ? S'il se tailladait encore, et encore, et encore, finirait-elle enfin par s'épuiser ?

Syld ouvrit et ferma le poing. Le bandage ne rougit pas d'avantage.
Vite, il devait se composer une mine avenante, la questionner pour savoir si ses oreilles ne lui avaient pas joué un tour.
Son regard tomba alors sur Ridelgald.
Des cheveux blancs.
Lévitis.
Nul besoin de question.

L'homme l'observait avec une expression bizarre... et fixait principalement son bandeau, les sourcils froncés comme s'il cherchait non pas le souvenir d'une image, mais plutôt les vagues échos d'une ancienne conversation.

Syld ravala sa salive. Il se sentait à nouveau malade.

- Je ne me souviens pas avoir réclamé les services d'un quelconque soigneur.

Liwan considéra Adwel un instant, et son visage sembla s'illuminer comme il se fendait d'un large sourire.

- Je le savais, j'étais certain que ma confiance était bien placée. La lignée des Edelnius a toujours produit des individus intéressants, mais je crois, non, je suis sûr que vous êtes la perle de cette famille jeune Adwel!
Bien, bien, si nous passions aux détails...
Oh, c'est trois fois rien en fait. Votre mission première sera de remettre cette pierre à sa place. Ou de la faire remettre par quelqu'un. Enfin, à vous de choisir la méthode la plus adaptée. N'oubliez pas que même si je peux faire lever les sécurités pour vous, ce que j'ordonnerai dès que cet entretien sera terminé, il est impossible de prévoir comment la Harpe elle-même réagira.
Votre objectif que j'appellerai "secondaire" bien qu'ils ait une grande importance à mes yeux, sera de collecter des renseignements: sur les étrangers, sur cette autre pierre qui se trouve à la place de l'originale et la façon dont elle est arrivée là, sur la Harpe elle-même peut-être... Je pourrai les faire contacter par mes agents, mais comme nous ne savons rien d'eux, impossible de prévoir comment il réagiront. Je pourrai aussi les faire enfermer et torturer... mais ce ne sont pas mes méthodes, sauf en dernier recours.
Vous travaillez pour eux, ils seront donc plus enclins à vous faire confiance qu'à n'importe qui d'autre. Et puis vous aurez l'avantage non négligeable de détenir des choses qu'ils veulent. Si vous pouviez en profiter, par exemple, pour me ménager une entrevue...
Quoiqu'il arrive, durant cette mission, vous êtes entièrement libre: ne vous fiez qu'à votre jugement. Si vous repérez quelque chose qui puisse être un avantage pour Medievir, emparez-vous en. Si en revanche vous repérez une menace... éliminez-la.
Faites très attention surtout, lorsque l'on travaille pour la couronne, le danger peut être partout. Même à Medievir. Même parmi vos proches. Bien qu'en théorie personne ne soit et ne puisse être au courant de ce qui s'est dit ici... on ne sait jamais.

Nous en arrivons donc à la cerise sur le gâteau, si j'ose dire, la localisation de la Harpe... il s'agit d'un des secrets les mieux gardés de Medievir, et un des tours pendables dont je suis le plus fier.
Le labyrinthe, comme vous le savez désormais, est un leurre. Pour vous débarrasser des menaces potentielles, créez un lieu remplis de pièges mortels, ne mettez rien dedans, et faites courir les rumeurs... hautement efficace. Après tout, se disent les gens, si l'endroit et si bien gardé, c'est qu'il doit s'y trouver des choses de grande valeur... Les imbéciles...
Le plus amusant, c'est qu'ils ont toujours eu la vraie sous le nez. Pour cacher quelque chose, laissez-le bien en vue....
Vous voyez la grande statue au palais, représentant la première reine de Medievir à côté de la Harpe? Et bien... - Il rit - elle se trouve réellement à côté de la Harpe. Quelque peu maquillée bien sûr, mais pas tant que ça...
Oh, il y a bien évidemment quelques sécurités par ci, par là, au cas où... mais vous n'aurez pas à vous en préoccuper.

Voilà. Oh, une dernière chose, tenez. - Il lui tendit un papier - Voici une liste de méthodes permettant de me contacter, ou de contacter quelqu'un qui soit susceptible de vous aider un peu partout sur Adréis. A l'exception notable de Shalanos, alors si vous pouviez éviter l'endroit...
Je vous demande d'apprendre par coeur ce qui est inscrit, et de brûler la feuille avant de partir. Prenez votre temps, je sais que ce n'est pas évident, vous n'êtes pas spécialement formée pour ça. Mais j'ose supposer que votre père vous aura tout de même soumis à quelques menus exercices du genre.

Si vous avez des questions, n'hésitez pas. Sinon... - il lui fit un clin d'oeil - Au travail agent Adweliwen!

* Nous n'avons rien pus faire pour éviter cette tragédie... Le Shalos est mort... d'une façon bien étrange d'ailleurs. D'ou venait cet enfant qui...*

La page se tourne. Une autre.

* Fanaa ne s'est toujours pas réveillée. La voleuse qui nous héberge reste souvent a son chevet. Le choc a du être terrible depuis que l'élu de son cœur ait trépass...*

Un grand bruit de vaisselle cassée fit sursauter la mage blanche Elle leva les yeux vers la source mais déjà une personne... d'origine dédrane a priori, était déjà devant le fautif. Hakuren soupira et allait se remettre a sa lecture quand la soigneuse s'écarta, laissant le blessé a sa vue.... Les sourcils blancs de la lévétis se froncèrent. Elle baissa son regard vers ses écrits pour revenir vers celui qui était habillé en seigneur médiovien. Elle aperçu alors Sogghan. Dès lors, il ne faisait plus aucun doute que ce portrait si souvent vu en dessin... et cette scène de l'exécution...correspondaient avec...

- Intéressant.... Même prodigieux.

Avec assurance, Hakuren se leva et s'approcha des Shalos. Après un bref salut de la tête a Sogghan - dont elle se rappelait maintenant sans souci - Elle regarda son compagnon avec une lueur indéfinissable dans les yeux.

- Par les Grands Vents de Lévitas! Ce n'est donc pas une illusion! Cher Syld, bienvenue parmi les vivants! Mais qu'un ouragan m'emporte, il va falloir me parler de certaines choses...

Elle n'avait même pas fait attention au courent d'air glacial qui parcourrait la sale jusqu'à ce que le tenancier de retour aille la fermer avec difficulté

Soghann était resté silencieux. Il observait, comme lui seul savait le faire, ce qu'il se passait dans la grande salle. Il entendit aussi le nom d'Earl, sursauta presque lorsque le verre se brisa dans les mains de Syld. Presque aussitôt, une soigneuse Dédrane venait à son secours, tandis que les conversation un instant suspendues reprenait leurs cours...

Et qu'une Fanaa visiblement pas dans son état normal, à peine vêtue, traversait la pièce pour aller se perdre dans la neige, laissant la grande salle ouverte à tous les vents d'un enfer glacé. Les quantités de neige fondues sur le seuil de la porte commençaient à former une sacré flaque, que s'empressait d'éponger un employé.

A son tour, Hakuren venait de surgir, reconnaissant Syld. Alors que Soghann se levait, le Tavernier venait de refermer la porte sur Fanaa.

- Désolé d'interrompre les retrouvailles, mais tu ferais mieux de venir m'aider, si tu tiens à la peau de Fanaa !

Hors de question qu'il la laisse mourir. Il allait la ramener à Sentence, comme prévu, et Shalanos l'accueillerait comme le vrai fils des Ombres qu'il était. Le temps que ses pensées traversent son esprit, il était déjà sur le seuil, rouvrant la porte sous les grognements des clients malheureusement placés non loin de là.

Il la vit, à quelques pas à peine de la porte, en train de bleuir à vue d'œil. D'ici quelques minutes, elle serait morte. Ou il se passerait quelque chose de vraiment pas enviable. Se précipitant à ses côtés, il l'entoura de ses bras, faisant de son corps encore chaud du feu de la taverne un rempart improvisé. A travers les bourrasques de plus en plus violentes, il réussi à articuler :

- Il faut rentrer ! Maintenant !

Fanaa se trouvait à genoux, gelée mais ne réalisant toujours pas la température qu'il faisait autour d'elle. Quelque chose se plaça devant elle. Elle le sut quand les flocons sauvages arrêtèrent de cingler son visage.
Il y eut une voix. Masculine. Mais pas celle de Jess. Elle n'entendait plus Jess. Elle n'entendait plus non plus l'ordre qu'en echo.

Elle leva un bras tout tremblant et désigna un virage sombre.

- là-bas... sa voix n'était rien de plus que le cri pitoyable d'une souris à demi-noyée.

Rentrer ? Il disait de rentrer. Les idées avaient du mal à se mettre en ordre dans la petite tête de la poupée mais elle avait compris la demande. Rentrer. Après tout pourquoi pas ? Elle voulut se lever mais ne sentait plus ses jambes, complètement engourdies par le froid.
Le froid qui avait apaisé la douleur.
Fanaa fit alors une deuxième tentative en tentant de s'accrocher à l'inconnu mais ses doigts étaient incapable de bouger comme elle leur demandait, ils glissèrent sur la veste et ne sentirent rien.

Elle était étrange cette impression de ne plus avoir de corps. Etrange mais pas vraiment désagréable. Fanaa était quelque peu consciente, oui, mes ses nerfs et ses muscles abandonnèrent la partie et comme une poupée de chiffon, et s'il ne l'avait pas maintenue, elle se serait affalée et laissée engloutir par ce froid blanc ardamment désiré qu'elle ne pouvait même plus ressentir.

Tout en tenant le papier, Adwel regarda avec curiosité Liwan... Elle allait en mission... pour la couronne! Elle mémorisa les informations sur la harpe mais aussi sur le papier. tout allait si vite...

- Non... non, je n'ai pas vraiment de questions... enfin... je me demande a qui je vais demander un coup de main....

La voleuse se leva et approcha le parchemin d'une torche. Elle y jeta un dernier coup d'oeil avant de l'offrir au feu.

- Aurais tu.... peut-être... des conseils a me donner? des astuces? C'est que tout cela est nouveau pour moi... même si cela ressemble a un vol.

Heureusement qu'agressée par la tempête, Fanaa n'avait pas pu s'éloigner de l'auberge de plus de quelques pas. Mais c'est fou ce que 2 petits mètres peuvent sembler 1 kilomètre lorsque les éléments sont contre vous !

Deux clients tirèrent Soghann par un bras, au chaud, dès qu'il fut à portée, et refermèrent les portes. Le petit tas de neige qu'il avait dans les bras lui fut retiré par une âme charitable qui alla poser ce glaçon en forme de fille juste devant la cheminée. Si elle l'avait pu, la femme l'aurait carrément mise au feu.

- Buvez un coup et réchauffez vous, mon vieux !

Le shalos se retrouva avec un petit verre d'eau de vie dans la main et une tape dans le dos.

- Cul sec !

Les deux hommes purent rire une fois le petit coup de stress passé.

- Ces shalos quand même! Même pas de manteau!
- C'est pas comme si vous an aviez besoin dans vot' grotte en même temps.
- Pas faux. Mais ici on est loin du Dregnir.
- Ca pour sûr. C'est une belle tempête que vous avez. Les montagnes vous saluent à leur façon !

Littéralement bleue, emmitouflée dans une couverture, Fanaa se faisait frictionner par une des serveuses. Pendant quelques minutes elle resta immobile, absente, puis se mit à claquer des dents. Soulagée que le corps de la jeune fille réagisse enfin, la bonne dame fit des yeux le tour de la salle, cherchant la personne qui l'avait accompagnée aujourd'hui.

- Avec qui est cette demoiselle ?

Soghann accepta avec reconnaissance le verre de remontant et se l'enfila aussi sec. Tandis qu'une chaleur réconfortante envahissait sa gorge et son estomac, sa peau semblait cuire sous la chaleur des flammes de la cheminée. Après avoir reposé le verre sur la table la plus proche, il s'ébroua et se mit à se frictionner énergiquement le corps pour aider à la circulation de son sang. Il sourit de la discussion des deux hommes.

- C'est pas ce que j'appellerais un accueil chaleureux ! Vous sauriez où je pourrais me procurer un vêtement plus adéquat au climat local ? Histoire de ne pas me retrouver comme cette pauvre fille dès qu'il me prendra de traverser une rue...

On n'était pas passé très loin de la catastrophe. Anesthésiée par le froid, Fanaa ne l'avait pas reconnu, ni n'avait réagi quand il l'avait ramenée au chaud. Manifestement, les locaux savaient comment traîter les étrangers à demi-mort de froid, attestant de l'habitude qu'ils avaient de se trouver face à de telles intempéries.
En attendant une réponse des deux bonshommes, il chercha du regard Syld et Hakuren.