Auberge de la Lumière Bleue

post précédent


Ce ne furent que quelques minutes de répits que put savourer Graouill-hi. Soufflant doucement sur le vin chaud qu'on venait de lui apporter, il observait d'un air distrais les autres clients. Des shalos, des lévits, beaucoup de meldioviens, et même une dedrane, qu'un verre cassé fit accourir auprès du shalos. Mais c'est par un autre shalos que l'ilymis porta son attention.

Une jeune femme traversa la salle commune. "Déjà vu quelque part" se dit-il. Elle sorti sans hésiter. "Elle devrais se couvrir. N'a-t-elle pas conscience de la tempête qui fait rage ?". C'est alors qu'un shalos bondit à sa poursuite, non mieux vêtu. "Mille Ombres ! L'amnésique de Médiévir !!" La surprise avait été telle qu'il s'était levé et avait parlé à vois haute, ce qui lui valu d'attirer l'attention de la moitié de la salle. Il attrapa son manteau et emboîta le pas aux deux shalos, accompagné d'un autre client. L'homme avait soulevé sa compatriote et essayait tant bien que mal de la ramener à l'intérieur. Graouill-hi se précipita et recouvrit son ancienne patiente de son manteau, puis aida l'autre à rentrer.

Une fois au chaud, ils installèrent Fanaa près de la cheminé.
-Laissez-lui le manteau, je vais la réchauffer de l'intérieur. Graouill-hi pausa sa main sur le ventre de la shalos et se concentra. Il parvint à équilibrer la température de sa patiente à la sienne.Différentes personnes accourait pour aider comme il pouvait. Fanaa restait muette.
-J'ai croisé cette demoiselle il y a peu, près du lac de Médiévir. Où est donc la dame médiovienne qui s'occupait d'elle ?

Tandis qu'il considérait les gens qui accouraient, Graouill-hi tenta de sonder l'âme de Fanaa comme il l'avait fait à Médiévir. Cette fois ci, ce ne fut pas la simplicité de l'esprit d'un enfant ou d'une dormeuse qu'il découvrit, mais de tumultueuse souffrances. Aterlo avait vu juste. L'âme endormi de la jeune patiente semblait se réveiller. Il est évident qu'elle en souffrait.

- Pas de problème. S'il y a bien deux sortes de personnes que vous êtes assurés de trouver par ici c'est bien des clercs et des tailleurs. Vous n'imaginez pas le nombre de gens qui débarquent en "petite tenue" - pour l'homme, tout ce qui n'était pas composé d'épaisse fourrure ou de grosse laine était une petite tenue - c'est fou !
- Ouaip. reprit son compère. Pour les étrangers, la neige c'est beau, c'est blanc, c'est joli. Et oui c'est froid mais étrangement elle se révèle toujours plus froide qu'ils l'avaient imaginée.
- Oui, c'est marrant ça. Allez Touffic, sors ta clé. A l'attention de Soghann. La plupart des auberges de la ville sont associées à un tanneur pour toujours pouvoir proposer le minimum vital à leurs clients. Touffic ici présent est le tanneur rattaché à la lumière bleue, c'est votre jour de chance !
- Yep. sauf que c'était ma pause syndicale et j'ai pas fini mon verre.
- Le shalos ici présent est un client. Un client pour toi ... Alors fais un effort. A Soghann. Mauvaise journée. Z'êtes le premier à vouloir acheter un truc alors...

Un illymis à une table voisine se retourna, goguenard.

- C'est marrant ça. Et le groupe de fédoriens de ce matin ? Vu la cargaison qu'ils t'ont emportée - et payée cela va sans dire - j'aurais bien cru que c'était des clients, moi. Mais j'ai dû me tromper. Mes yeux m'auront joué des tours sûrement. Tu as fait ... un don c'est ça ? Tu es si charitable !

Le dénommé touffic se contenta de grommeler dans sa barbe.

- Merci Arlo, trop sympa.

Le jovial et volubile compagnon du marchand ne parut pas gêné d'avoir été "découvert". Au contraire, il enchâina.

- Les fedoriens, ça c'est de bons clients. Faut dire qu'ils ont une idée du froid qui ... c'est comme si moi j'allais là-bas, r'marquez. J'imagine que ça doit être chaud mais ça l'est sûrement encore plus. Et autant ici on peut toujours rajouter une couche, à Fedoran une fois qu'on a plus rien ... ben on n'a plus rien. et si on a encore chaud on est fichu ! Allez Touf c'est bon on est repérés. Montre tes manteaux au monsieur.

Grommelant pour la forme, le marchand alla s'occuper du shalos.


Fanaa rouvrit les yeux. Elle mit un peu de temps mais finit par reconnaitre le visage du clerc penché sur elle.

- Gargouillis ?

Elle fit une grimace en espérant qu'il ne lui ferait plus boire une de ses substances au goût amer qu'il avait testées sur elle à Medievir.

Lynn et Sek rentrèrent à l'auberge, pour y trouver, non le vide et le calme précédant habituellement à cette heure le départ des dormeurs, mais une agitation frénétique des plus étonnantes, dont l'épicentre se trouvait autour de la cheminée.

"Bon sang, mais qu'est-ce qu'il se passe ici?"

Leur curiosité aiguillonnée, ils coururent jusqu'à l'âtre, bousculant quelques soulards qui se tenaient en périphérie et leur bouchaient la vue.

"Mais qu'est-ce que... Oh, mais c'est dame Fanaa!"

Apparemment, un guérisseur s'occupait déjà de la jeune femme. Ce qui n'empêcha pas Lynn de se précipiter à ses côtés. Elle bombarda le prêtre de questions, tandis que Sek restait à quelque pas de distance, cherchant Adwel des yeux.

"Monsieur, vous savez ce qui s'est passé? Elle va bien? Comment est-ce arrivé? Oh, la pauvre! Vous savez ce que vous faites n'est-ce pas?"

Eyrol bondit soudain de son épaule pour aller se loger dans le giron de Fanaa. Le petit animal commença à émettre un étrange ronronnement, apaisant, et la température augmenta perceptiblement.
Pendant ce temps, Sek rejoignait Hakuren, pour lui poser à peu près les mêmes questions que sa soeur au guérisseur.

L'oeil de Syld s'étrécit lorsqu'il découvrit la chevelure de neige de celle qui venait de lui adresser la parole. Nom de Shua, où fallait-il donc aller pour échapper à ces fichus Lévitis ?
La façon dont elle l'apostropha lui fit serrer les dents et retrousser légèrement les lèvres comme un fauve en colère.

- Par tous les vents, et si je vous suggérais d'aller vous faire voir, qui que vous soyez ?

Il avait un bref instant imité l'accent traînant de Lévitas avec une habileté assez remarquable, avant de terminer sa phrase à la manière un peu chantante des Médioviens. Il avait adopté un ton particulièrement courtois, mais tant le contenu de sa phrase que le regard venimeux qu'il décocha à la gêneuse signifiaient qu'elle n'était pas particulièrement la bienvenue dans les environs immédiats de la table.

Le jeune homme ne semblait même pas avoir remarqué la sortie précipitée de Soghann, pas plus que son retour en compagnie d'une donzelle plus bleue que ses habits qui concentra aussitôt l'attention sur sa précieuse petite personne.
Sans même qu'il s'en aperçoive, sa main droite s'était animée et, du bout du doigt, il dessinait sans fin des cercles sur la table.

- A votre place, je remballerais mes questions et je dégagerais mes petites fesses blanches à l'autre bout de la salle.

Liwan considéra Adwel... si jeune... Il soupira.

- Malheureusement, je ne peux t'offrir que quelques maigres conseils, d'ordre généraux. Réfléchis bien aux conséquences avant d'agir. N'accorde ta confiance qu'au compte-goutte, et garde même une réserve vis-à-vis de tes amis, de ta famille, car qui est mieux placé pour vous trahir que ceux à qui l'on se fie sans réserve, et qui peut prévoir quels moyens de pression auront été utilisés sur eux?...
Exploite systématiquement, et si possible sans remord, tout talent utile qui croiserait ta route, quitte à jouer pour cela sur les cordes qui donnent accès à la volonté des autres: orgueil, envie, sens de l'honneur, sentiments...
Garde-toi bien de mettre tes oeufs dans le même panier, et garde jalousement tes secrets.
Si une menace se présente, élimine-là sans hésiter. L'hésitation peut te mener à ta perte plus surement qu'une lame entre les côtes.
Et surtout, le plus important, quoiqu'il arrive... reste en vie.

Bonne chance, jeune Adwel.

Le ton employé pour délivrer ces dernières paroles respirait la sincérité, mais marquait également, sans doute possible, la fin de l'entretien.

La patiente retrouvait ses esprits. Elle avait du mal à prononcer, mais elle parlait, ce qui supprima toute craintes de séquelles dues au froid. Tandis que le Shalos se rendait compte des priorités de la vie et achetait de quoi s'habiller -il n'est jamais trop tard pour bien agir-, Graouill-hi rassurait Fanaa.

-Ne t'inquiète pas. Les flammes de la cheminé vont te réchauffer. Regarde, il sorti son médaillon de son col. C'est le symbole de la Lumière. Elle ne te laissera jamais dans la souffrance ou l'obscurité. Et comme je suis son serviteur, tant que je serais là, tu n'aura rien à craindre.

Il ne pensait pas tout ce qu'il disait, mais rassurer un patient, le vider de sa peur était le premier pas vers un guérison saine.

Deux jeunes gens, visiblement lévits, firent leur entrée auprès du groupe. Eux aussi connaissaient Fanaa.
-Monsieur, vous savez ce qui s'est passé? Elle va bien? Comment est-ce arrivé? Oh, la pauvre! Vous savez ce que vous faites n'est-ce pas?
-Ne t'inquiète pas, elle a juste pris un coup de froid en sortant dehors. Mais elle est hors de danger. Un mal la ronge en effet, mais il me semble bien difficile à guérir, car il ne relève ni du corps, ni de la magie, mais des limbes de l'esprit et de la mémoire. S'adressant au frère, car ils semblaient être frère et soeur : Peux-tu m'apporter ma chope de vin chaud qui est rester sur ma table ? J'y ajouterais quelques feuilles d' etnem. Ca la réchauffera.

Une sorte de petit lézard étrange se blotti contre la patiente. Il en fit pas preuve d'agressivité, aussi Graouill-hi n'y fit aucun cas.

Il avait eu l'occasion d'ausculter Fanaa le cycle dernier, et avait le pressentiment que l'étrange tatouage qu'elle avait dans le dos n'était pas étranger à ses comportements.
-Fanaa, tu te souviens du tatouage que je t'ai montré avec des miroirs ? Si tu retrouve la parole, essai de me dire qui te l'a fait et comment.

Tandis que les deux compères discutaient sur leur marché de vêtement, Soghann observa la morgue animer les yeux de Syld tandis qu'il répondait à la Levitis. Pas bon. Alors qu'on l'entraînait vers une autre pièce, Soghann s'arrêta à sa table et se pencha sur Syld, posant ses mains sur ses épaules. Rapidement, il murmura :

- Je sais que c'est dur pour toi, mais il va falloir faire un effort. On n'obtiendra rien si on se fait des ennemis. Exerçant une pression réconfortante sur les épaules de son ami, il conclut : Courage.

Il se redressa ensuite, s'adressant à Hakuren avec un sourire gêné :

- Veuillez l'excuser... Puis, sur le ton de la confiance : Lui aussi est amnésique, depuis l'exécution. Bon, je reviens.

Les plantant là, il rejoignit rapidement le marchand. Quelques minutes plus tard, il revenait avec un grand manteau noir, nettement plus discret que celui de Syld. Doublé de chaude fourrure, il était cependant suffisamment léger pour ne pas trop gêner les mouvements de son porteur. Et malgré la grande taille du dit porteur, il se trouvait admirablement coupé.

Lynn sembla convaincue par les explications du prêtre. Sek, qui s'était "cassé le nez" sur Hakuren, déjà en pleine conversation, était revenu vers sa soeur. Il s'empressa d'obéir au guérisseur, lui tendant la chope demandée. Lynn avait saisi par réflexe la main de Fanaa. Elle se tourna vers son frère.

"Et bien évidemment, encore une fois, pas de trace de cette Adwel n'est-ce pas? Mais où est-ce qu'elle peut bien être! Ah, qu'est-ce que tu peux lui trouver, franchement! "

"Pas maintenant Lynn..."

"Oh, oui... "

Elle s'intéressa de nouveau à ce que faisait le prêtre.

- Adwel ! pépia Fanaa. Adwel !

Fanaa refusa la boisson du Grouill-hi. Elle n'avait pas confiance, c'était toujours si amer ! Le petit sort de chaleur qu'il avait fait à son ventre lui faisait du bien. La présence d'Eyrol aussi. De toute façon, elle aurait été bien en peine de le repousser, elle se sentait encore engourdie.

Doucement, elle reprenait des couleurs et une température corporelle plus élevée. Puis elle se demanda ce qu'elle faisait là. La fille penchée au dessus d'elle, la maitresse d'Eyrol. Comment s'appelait elle ? Quel était son nom déjà ? Chacun avait un nom pour exister.

- Adwel ?

"Oh!"

Lynn se tourna vers Fanaa

"Non ma chérie, je ne suis pas Adwel, moi c'est Lynn. Mais rassure-toi, elle va arriver très bientôt. Mon frère va aller la chercher. Il est fort pour retrouver les gens. - elle glissa un très fort sous-entendu à destination de Sek dans cette phrase - Tu veux bien rester avec moi en attendant? N'hésite pas à demander si tu veux quelque chose.

Sek se frappa le front. Evidemment, il restait trace du sort... Quel idiot il faisait. Se mettant à courir, il suivit la dernière trace laissée par Adwel afin de la prévenir de ce qui se passait.

La foule se dissipait peu à peu., Sek était parti chercher Adwel et sa soeur était restée. Fanaa repoussa la choppe de vin chaud.

-Tu n'en veux pas ? Tu n'aimes pas l'alcool ? Tu as bien raison. On va attendre ton amie médiovienne avant de savoir quoi faire. Il faudrait revoir ton dos. C'est ça qui te fais mal n'est-ce pas? Dans cette ville, de toute façon, on trouvera forcement le prêtre ou l'enchanteur qui nous éclairera.

La patiente semblait écouter mais restait avare de mots.

Un courent d'air froid ce fit tel que les occupants de l'auberge se retournèrent pour savoir qui avait osé ouvrir la porte qui s'avérait être close jusqu'à ce que Soghann apparu à la table de Syld et de Hakuren.

- Amnésique? Intéressant. Et bien si Votre Auguste Personne Morte-Vivante pouvait au minimum retrouver ce qu'il avait de savoir-vivre a défaut de sa mémoire, cela ne ferait de mal a personne. Et cela m'éviterais d'avoir envie de vous encastrer dans le linteau de la cheminée.

Étrangement calmée mais toujours l'air toujours frais autour d'elle, la mage se leva, pris une feuille et un papier et se dirigea vers Fanaa qui réclamait la voleuse

- Mais tu n'étais pas dans ta chambre petite cachotière? A l'attention de Sek Il me semble qu'Adwel était partie parler au tavernier concernant un dessert qui n'était plus sur la carte... ou je ne sais plus quoi exactement. Revenant sur Fanaa Tu veux dessiner en attendant Adwel? elle ne devrait pas tarder.

- Ui. fait mal.

Gargouillis posait une question et elle y répondait docilement. Il avait touché juste, la brûlure venait de derrière elle. Et il ne la forcerait pas à boire le vin chaud au soulagement de Fanaa. Qui s'accrocha à Lynn. Le petit pheazarix se retrouvait blotti juste entre les deux filles.
La mage blanche s'approcha. Celle qui ne s'appelait pas neige. Dessiner ? Peut être. Mais ce n'était pas de cela dont elle avait le plus envie là, tout de suite.

- Kuren ?

Les Grands yeux bleu-violets de Fanaa se mirent à briller de chagrin contenu.

- Veux Sheitan ... supplia-t-elle au bord des larmes.

La voleuse acquiesça a tout ce que lui disait Liwan. La dernière de ses recommandations lui mis les larmes aux yeux. Elle sourit

- Bien entendu Liwan. Et bien merci pour tout cela...

Elle se dirigea vers la petite table, remis le joyaux dans sa pochette et cette dernière dans sa cachette. Elle se redressa et se planta devant Liwan avant de le serrer dans ses bras.

- Merci.

La voleuse lâcha le maître espion et se dirigea vers la porte. Après un dernier regard vers l'ami de son père, elle ouvrit la porte et sorti. Elle se retrouva dans le couloir. Après quelques pas, elle se rendit compte qu'elle était restée bien trop longtemps dans la petite salle. Il faisait nuit et la neige tombait a gros flocon. Après quelques pas, elle se rendit aussi compte... que c'était dans un dédale de couloir qu'elle se trouvait.... Heureusement qu'elle avait un très bon sens de l'orientation. Après une petite erreur, elle se retrouva nez à nez avec Sek

- Ah! Dame Adwel! Je vous cherchais!
- Heu... oui, j'arrive Fit la médiovienne Il se passe quelques choses? Son instinct maternel n'hésita pas Fanaa!
- Elle va bien, elle va bien... mais elle est sortie de sa chambre et s'est engagée dans la rue par cette tempête. Heureusement qu'un Shalos l'a ramené, elle est dans la salle commune devant la cheminée.
- Allons-y vite.

C'est presqu'en courant que Sek et Adwel se dirigèrent vers la salle commune. Immédiatement, Adwel accouru vers Fanaa, bousculant presque les personnes lui barrant le chemin. Elle ne faisait même pas attention à ces personnes. Une fois devant Fanaa, la voleuse la serra dans ses bras

- Oh! Fanaa! Je t'avais demander de rester dans la chambre...Le ton réprobateur s'adoucit Mais tu n'as rien... tout va bien, je suis la... Il ne faut pas me faire des frayeurs comme ça! Je suis désolée d'être partie si longtemps...

[HRP]Sek a été piloté avec l'aimable autorisation de son propriétaire ^^ [/HRP]

C'était la deuxième fois depuis qu'elle avait rencontré Lynn que Fanaa se blottissait contre elle, et cette fois encore Adwel arriva pour la "récupérer".

- Adwel ! s'écria-t-elle.

Enfin sa maman oiseau bleu était là ! Elle parlait beaucoup et la poupée n'écoutait pas, simplement contente de la présence de la jolie médiovienne.

Non elle n'avait rien. Graouill-Hi avait bien travaillé en la réchauffant de l'intérieur et cela lui faisait éviter les effets secondaires tels ... une pneumonie par exemple. Et puis avec Eyrol tout chaud... non vraiment tout allait bien.

La jeune fille se mit debout et ses jambes ne flageolèrent presque pas. Elle prit la main de la voleuse et lui indiqua l'escalier.

- Adwel-tu ? viens !

Lorsque Fanaa se leva, Eyrol retourna sur les épaules de sa maîtresse. Lynn lui prodigua quelques caresses qui le firent roucouler de plaisir.

"C'est bien, tu es vraiment intelligent toi!"

Elle se tourna vers Sek, qui regardait Adwel et Fanaa l'air attendri

"Seeek, j'ai soif, tu ne voudrais pas..."

Ce dernier sursauta.

"Oh, oui, tout de suite"

Il fila au comptoir, et revint avec une boisson.

"Heu... bon, et bien qu'est-ce qu'on fait maintenant?"

"Aucune idée..."

En prenant appui sur la rampe, Fanaa commença à gravir les marches. Oui, c'était mieux qu'elle retourne dans la chambre et elle pourrait remettre son pantalon, ses bottes, bref, s'habiller plus chaudement car le tissu qui la recouvrait jusqu'à mi-cuisse était un peu léger, même dans la grande salle bien chauffée.

A mi-escalier, la poupée s'arrêta et se retourna. Ses yeux parcoururent la salle et trouvèrent sans mal le grand homme en noir. Elle fit de grands signes de la main vers lui et lança :

- Miciiiiiiii !

Avant de reprendre l'ascension. Elle avait hâte de montrer sa surprise à maman oiseau bleu. Sauf qu'au moment de pousser la porte, elle se rappela que finalement, elle n'avait pas refermé la fenêtre. Et vu la force de la tempête, la chambre risquait d'être ... dans un état pas génial. Fanaa baissa la tête, penaude? Là elle mériterait de se faire gronder ...

La clerc quitta la porte la porte des yeux pour les ramener vers celui de l’homme. Etait-ce une coutume dans ce pays que d’être désagréable et de ne pas être reconaissant qu’on les soignes ? Fynarine n’en savait rien, mais ce seigneur Mediovien n’avait pas l’air des plus commode.

- Non en effet, vous n’avez rien demandé, mais cela aurait été bien imprudent de ne rien faire, et je ne vous ai rien réclamé en retour. Répondit-elle, un peu couroucée.

Une personne vétue de blanc vint apostropher le seigneur et son compagnon, tandit que ce dernier se levait pour de précipiter dehors, et ramener quelques instants plus tard une jeune fille bleuie par le froid. Un nombre impressionnant de personnes se rassembla autour d’elle pour lui prodiguer soins et paroles rassurantes, car beaucoup d’entre eux semblait étrangement la connaitre, sans pour autant se connaitre entre eux.
Fynarine ne comprennait plus grand chose, bousculée par les gens qui venait voir comment la jeune fille allait. Elle regarda en direction de Ridelgald, qui n’avait pas l’air d’en mener beaucoup plus large.

- Mais qu’est ce qui se passe dans cette taverne ? chuchota-t-elle, et qui est cette fille ?

Le médiovien, qui n’avait pas bougé d’un pouce, lançait des regard foudroyant à toute l’assemblée. C’est à ce moment que la clerc sentit une énergie en provenance de lui, ou plutôt de sa main… énergie qu’elle reconnaissait sans réussir à retrouver sa provenance.
L’esprit de la Dedrane chassa la fille de son esprit pour se concentrer sur ce problème qu’elle avait bien plus de chance de comprendre, mais qui l’inquiétait un peu étant donné le personnage. Toute son attention à l’affut de la moindre réaction du Seigneur, elle lui demanda.

- Vous utilisez de l’Elixia, je l’ai déjà ressentie, ce n’est donc pas la votre. A qui est-elle ? et comment faites-vous ca ?

Syld répondit à la menace de la Lévitis par un ricanement hautain.

"C'est ça, essaye pour voir. On verra bien qui sera encastré dans quoi... ou quoi dans qui. Tu arriverais peut-être à avoir l'air moins frigide avec ça !"

Par bonheur, il ne fit que penser cette réplique, ravalant tout juste les mots qui lui chatouillaient la langue.

Il prit une inspiration pour se retrouver vers la Dédrane mécontente et lui répondre d'un ton relativement calme, même si toujours cinglant :
- Dans ce cas, si vous n'avez rien réclamé, pourquoi semblez-vous attendre une quelconque marque de reconnaissance ?

En dépit de son effort de retenue, il laissa fuser un petit sifflement de colère :
- Pourquoi faut-il toujours que, sous le prétexte que vous pouvez soigner les gens, vous vous précipitiez tous au moindre souci, à la moindre éraflure ? Pourquoi faut-il que vous et ceux de votre espèce vous vous acharniez à "aider" ceux qui ne vous ont rien demandé ?

Son regard étincelait de fureur, mais ses épaules frémissaient.
La dernière question fut la goutte qui fit déborder le vase :
- Comment je "fais" ? Mais comme si je voulais faire "ça" !

Il arracha le bandage noué à sa main et présenta brusquement sa paume à la Dédrane.
Les plaies ne saignaient plus, et on pouvait voir les fibres des chairs déchirées qui se reconstituaient une à une rien qu'en les fixant avec attention.

- Au lieu d'avoir un peu mal pendant quelques heures, et de sentir de méchants picotements pendant quelques jours le temps que ça cicatrise, je me retrouve avec ce... cette fichue elixia qui s'amuse à pousser mon métabolisme à son maximum pour réparer tout en accéléré !

On aurait cru entendre un des discours scientifiques d'Earl. Et sans doute en était-ce un, ou du moins le souvenir d'une discussion qui remontait brusquement à la surface.

- J'ai échangé quelques jours de douleur supportable pour quelques heures de souffrance atroce, merci bien ! Si je pouvais enfin épuiser ces "réserves" rien qu'en cassant quelques verres, je le ferais volontiers... mais il faudrait d'abord que je commence par m'éloigner des bienveillants clercs et assimilés.

Si d’habitude elle était de nature calme, les évènements en cours et les propos de cet homme lui firent perdre sa retenue, et elle répondit d’un ton calme et glacial.
- Je ne fais pas ca pour être félicitée ou pour un quelconque dieu, mais pour la vie. Je ne fais pas de distinction entre ceux que je soigne, même quand ces personnes sont trop égocentriques et imbues d’elles même pour demander ces soins. Je me contrefiche de vos remerciements ou de votre argent, mais je ne supporte pas qu’on accorde aussi peu de valeur à sa vie.

La clerc s’apprêta à répliquer de nouveau lorsque le Médiovien arracha le bandage de sa main d’un coup sec, mais aucun mot de sortit de sa bouche ouverte. Elle venait de comprendre que c’était de la main que venait l’Elixia qu’elle sentait, et qu’elle était en réalité en train de régénérer les blessures.
Lui faisant l’effet d’avoir été téléportée dans le froid qui régnait dehors pendant un instant, elle ne put faire un geste ni détacher son regard de la main qui se reconstituait devant elle.
- Comment est-ce possible, il n’y a personne dans la pièce qui lance ce sort ! murmura-t-elle.

Quand elle fut enfin capable de détacher son regard de la main, ce fut pour le planter dans celui de l’homme. Son naturel ayant repris ses droits, toute trace d’agressivité avait disparu, ne restait plus que curiosité et perplexité.
- Savez-vous qui vous à fait ça ? Depuis combien de temps cela dure-t-il ?

Se souvenant qu’elle était sensée être encore en colère, elle ajouta :
- Et puis c’est bien la peine de blâmer le monde entier, ce que j’ai fait n’a rien changé au sortilège, il vous aurait soigné de la même façon avec ou sans moi. Avez-vous au moins essayé de le faire enlever ?

- Si je le sais ? Oh que oui ! Et pour votre gouverne, il ne s'agit pas d'un sortilège, mais juste d'elixia. Rien que ça.

Syld enfonça brusquement ses ongles dans les chairs neuves de sa paume.

- Lorsqu'un être vivant possède l'énergie nécessaire pour se soigner, il le fait. Et là c'est ce corps stupide qui n'hésite pas à utiliser cette manne inespérée !

Si parfois quelque chose dans la tournure de ses explications laissait transparaître l'influence d'Earl, le jeune homme semblait en savoir curieusement assez long sur l'elixia et ses propriétés, ce qu'il s'était bien garder de montrer jusqu'ici.

- Le pire, c'est que ça dure depuis des s...

Il se mordit brusquement la lèvre. Un nerf supplémentaire venait de se rattacher, et il put sentir encore plus distinctement les effet de la régénération. Lorsque les clercs soignaient magiquement un patient, ils utilisaient toujours une dose d'elixia pour neutraliser la douleur du traitement... avec plus ou moins d'efficacité selon leur habileté et leur expérience. Là il n'avait bien sûr pas droit à cette précaution.

- ... des sem...

La sensation des chairs qui se déchirent, des nerfs arrachés.
Syld crispa brusquement les doigts sur le bord de la table. Ah non, ce n'était pas le moment pour se souvenir de...

- ... depuis des...

Le regard vert se troubla.

- ... depuis...

Il sursauta et regarda autour de lui comme s'il venait de se réveiller. En un geste qui commençait à ressembler à un tic nerveux, il porta la main à sa tempe.

- Je... vous pouvez répéter la question ?

Adwel avait pris par la main Fanaa et se déplaça vers l'escalier en ne regardant que la danseuse pour vérifier qu'effectivement elle allait bien. Arrivée devant la porte, la voleuse la poussa et fit entrer la "petite" avant de referme la porte

-Mais il fait un froid glacial ici!

Effectivement, la porte fenêtre était grande ouverte. La médiovienne s'empressa de la fermer et tira les rideaux.

- Oh... le tapis est trempé... tant pis.

Elle se retourna vers Fanaa qui avait toujours la tête baissée. Ni une ni deux, elle enserra Fanaa, les larmes aux yeux....

- Je suis désolée....

- Adwel ?

Mais qu'arrivait il à sa petite maman oiseau ? Elle était toute triste ! Gauchement, Fanaa répondit à son étreinte, gênée. Gênée parce qu'elle ne se faisait pas gronder, ce qu'elle aurait dû mériter. Mais au mieu de lui faire une remontrance, Adwel pleurait. A cause de Fanaa? de l'état de la chambre ? Mais ça ne collait pas avec le câlin. Un câlin n'est pas une punition.

Gavriel.

Fanaa se raidit. Ce n'était pas un câlin cela. Vite, vite, penser à autre chose !

Adwel, que faire avec Adwel ?

- la la la ...

D'abord hésitante, la poupée se décida à chantonner un petit air sorti d'on ne savait où, mais joli. Sa voix était mignonne, mais à certains endroits elle cassait. C'était comme si quelque chose ne voulait pas la laisser chanter.

Bien. Trouver autre chose alors, pour la consoler.

Fanaa échappa à l'étreinte, se saisit du kimono aux dégradés de bleu et le tint à bout de bras sous le menton de la voleuse. Tout sourire :

- Adwel, pou' toi ! Belle !

Soulagé par l'arrivée d'Adwen. Sans tarder elle reparti avec sa patiente qui lui adressa un signe de remerciement qu'il rendit. Il continuait de siroter son vin et son attention se posa sur les frère et soeur. Ils ne semblaient pas s'en faire outre mesure et une gaieté spontanée avait promptement remplacé l'anxiété due à l'accidente de la jeune amnésique.

Graouill-hi aimait bien les Lévits. Le peuple de la connaissance.

"Dites-moi, vous ne sembles pas d'ici non plus. Qu'est-ce qui vous amène ? Êtes-vous venu retrouver la demoiselle nommée Fanaa ? J'ai cru comprendre que vous la connaissiez."


Bienvenue en enfer

La jeune Dédrane était maintenant face un homme encore plus troublé qu’elle, … et elle ne savait pas pourquoi.

- Vous étiez en train de dire que cette… Elixia dure depuis un certain temps, mais vous n’avez pas fini votre phrase, répondit-elle prudemment.

Elle ne comprenait pas ce qui avait pu l’interrompre comme ça, alors elle hasarda.
- C’est votre main qui vous fait souffrir autant ?

La situation n’étant apparemment pas urgente, la clerc réprima ses envies d’intervenir pour éviter une nouvelle confrontation, et préféra demander.
- Voulez-vous que je fasse quelque chose ?

Autour d’eux, la situation se tassait. La jeune fille qui avait été ramenée de dehors venait d’être rejoins par une autre Médiovienne que la clerc n’avait pas aperçu avant, et elles étaient montée dans les étages ensemble. Tout les curieux retournaient à leur table pour échanger leur impression.

- Je me demande bien qui sont ces gens et ce qui peut bien se tramer dans cette taverne, pensa l’herboriste, mais chaque chose en son temps, j’ai deux Seigneur dont m’occuper pour l’instant.