La Taverne de Veis

Syld avait réussi à rester coi tandis que Soghann s'occupait de sa main, mais il n'avait pas grand mérite à cela puisque la sensibilité de son bras avait presque disparu. Et, de toute façon, un début de fièvre le maintenait juste assez conscient pour percevoir vaguement ce qui se passait autour de lui.

La question de Soghann mit quelques secondes à se frayer un chemin jusqu'à lui.
Il répondit d'une voix atone, presque un murmure.

- D'autres ?

Le jeune homme parvint à sourire par-delà le voile de brume qui s'épaississait sur ses sens.

- Tu as juste manqué la plus belle, mon vieux...

Il tenta de remuer sa main droite pour indiquer quelque chose dans les plis et replis de son manteau noir, mais c'était comme si une chape de plomb l'écrasait.

- Côté gauche... juste sous la dernière côte... cloué au sol...

Son murmure se perdit et il referma l'oeil comme pour échapper à une vision funeste.

Soghann a écrit:

- dépêche toi.

La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois et fila au rez de chaussée. Elle avisa le jeune levitis et se précipita vers lui. Dérapant au moment d'arriver à sa table elle se retrouva à genoux à ses pieds. La demoiselle saisit une des mains du clerc entre les siennes et le fixa d'un regard suppliant.

- Je vous en prie Seigneur (elle avait bien tenté de se rappeler son nom mais impossible. La solution la plus simple pour éviter de le froisser était celle-ci) sauvez mon ami. Il est blessé, il a perdu beaucoup de sang. Venez vite il est là-haut!

Elle pressa sa main plus fort, intensifiant son regard myosotis.

Hors de la taverne une chaleur saisissante cuisait l'entrée de l'établissement. Une silhouette drappée dans un manteau de voyage brun à capuche posa sa main sur la lourde porte de chêne et la poussa. Pénétrant dans la salle principale, la nouvelle arrivante posa son paquetage sur une table non loin d'un jeune homme entrain de lire... Surement un Levitis; il n'y avait qu'eux pour lire dans les endroits les plus étranges d'Adreis.

S'asseyant à la table sur laquelle tronaient ses affaires, l'étrangère releva les pans de sa capuche laissant alors tomber une masse de cheveux emeraudes noués en une longue queue de cheval. De fines tresses piqués de plume pendaient le long d'un visage fin. Ses yeux couleur noisette détaillaient vivment la salle une lueur farouche au fond du regard. Par Ternä, qu'il était bon de quitter la chaleur torride qui régnait à l'exterieur pour rentrer dans une pièce à la fraîcheur relative. L'humidité du Ternael lui manquait.

Alors qu'elle se laissait aller à une légère somnolence, une jeune femme aux cheveux de jais, la robe en bataille, descendit en trombe la volée de marches menant à l'étage supérieur puis bondit sur le lecteur à moitié assoupi.

Citation :

- Je vous en prie Seigneur. Sauvez mon ami. Il est blessé, il a perdu beaucoup de sang. Venez vite il est là-haut!

La Dedrane attrapa son paquetage et se rendit souplement vers la table voisine, puis elle posa sa main sur l'épaule de la jeune femme qui se retourna.

-Mademoiselle, mon nom est Sendaë. Je m'y connais en herbes et en potions et la vie en forêt donne une certaine expérience des blessures graves. Conduisez moi à votre ami.

Puis se tournant vers le clerc Levitis elle reprit la parole.

-Montez aussi, il se peut qu'on ait besoin de vous.

Soghann lâcha un juron sonore, et se mit en devoir de découvrir le flanc gauche de Syld. Les vêtements poisseux de sang ne facilitaient guère la tache, et l'assassin fini par arracher nerveusement les lambeaux qui recouvraient la plaie. Un rapide examen lui permit de pousser un soupir de soulagement.

- Comme à ton habitude, tu as une veine de pendu. Pas d'organe vital touché... Par contre, tu te vide comme un Grobul percé.

Tout en continuant à déblatérer pour que Syld ait une voix à laquelle se raccrocher pour ne pas s'évanouir, le Shalos arracha deux nouveaux bouts de drap dont il fit deux boules compactes, qu'il plaça à chaque orifice de la plaie : l'une coincée sous le dos de Syld, l'autre appuyée fermement sur son ventre.

- J'espère pour toi qu'il y a un bon soigneur dans le coin, sinon tu va devoir boire de l'eau en quantité astronomique pour me refaire tout ce sang...

**Allez, bon sang, venez vite...**

- De l'eau ? Plutôt crev... heu, non.

Syld esquissa un pâle sourire sans rouvrir l'oeil. Il se raccrochait tant bien que mal aux paroles de Soghann, mais chacun de ses mots semblait émaner d'un point de plus en plus lointain.

"Aucun organe vital touché ? Ah bah, j'ai déjà été plus amoché que ça, mais je n'avais encore jamais été assez stupide pour traîner une blessure de ce genre plusieurs heures... au final, il risque de ne pas y avoir beaucoup de différences."

En bon assassin, Syld avait des notions précises en ce qui concernait la quantité de sang qu'on pouvait perdre avant d'atteindre une limite critique.

- Je crois que là j'ai battu mon record !

Un petit rire étranglé le secoua douloureusement.
Sa peau était moite et glacée... les battements de son coeur étaient si rapides qu'ils lui faisaient mal.

Cette impression de couler dans une obscurité si dense qu'elle l'étouffait, lui rentrait par la bouche, l'empêchait de respirer...

Haletant, il secoua la tête, mais cette impression refusait de disparaître.
C'était comme si des dizaines de mains de ténèbres l'entraînaient dans les profondeurs.

Il ne s'agissait que d'une illusion de son esprit qui sombrait dans la confusion, le jeune homme le savait, mais...

Instinctivement, il chercha un contact réel.

- Soghann...

Comme si tous ceux à qui il avait pu ôter la vie tentaient de l'agripper, de le tirer à eux...

Ses doigts brisés se crispèrent violemment sur le drap, assez fort pour qu'une flèche de douleur lui parvienne à travers ses nerfs engourdis.
Il était là, dans une chambre, sur un lit ! Pas en train de se noyer dans un puits d'ombres chuchotantes !

Fanaa eut un regard éperdu de reconnaissance envers la nouvelle venue qui se proposait pour soigner Syld. Elle tenta de sourire sans succès. Menant Sendaë à l'étage, elle s'aperçut avec soulagement que la porte était ouverte, mais quand elle le vit là sur le lit, pâle comme la mort, les bouchons de tissu faisant office de tampon rougis de son sang, elle ne put retenir un frisson. Une boule s'était formée dans sa gorge. Ne pouvant proférer aucun son, elle pointa le lit du doigt,mais évidemment, même sans cette indication la dedrane aurait trouvé le blessé par elle-même.

Fanaa repoussa la porte et s'aperçut qu'elle tremblait. La jeune femme se retourna et se plaqua le dos à la porte. Elle ne voulait pas s'approcher de lui afin de laisser Sendaë officier en paix. Elle ne devait pas s'approcher, non elle ne voulait... oh mais si! La vérité était que si elle ne se retenait pas, elle foncerait vers lui et lui tiendrait la main pendant que... en voyant ce qu'était maintenant la main de Syld, Fanaa étouffa un gémissement. Mais que lui avait on fait? Pourquoi s'en était il pris à lui ce seigneur Ade... quoi déjà? Non. ce n'était pas le moment de réfléchir.

*Mon chenapan je t'en prie, tiens bon. Sendaë je vous en supplie sauvez le moi!*

La jeune femme regarda de nouveau sa paume rougie et serra le poing. Elle s'avança vers la dedrane et lui glissa :

- Si je peux faire quoi que ce soit...

Par pitié qu'elle lui donne quelque chose à faire. Fanaa ne supportait pas de se sentir inutile et à ce moment c'était pire que d'habitude. Elle était prête à faire n'importe quoi, brûler la demeure du responsable, se couper les veines pour rendre au chenapan le sang qu'il avait perdu... oh tout ce sang... Elle qui avait si peur de tout était même d'accord pour aller voir Valnor directement si il le fallait. En espérant qu'une personne ayant un tel pouvoir de destruction possède un pouvoir de vie aussi fort.
L'important était de le secourir, de le retrouver, de le câliner.

*Je veux rire encore avec toi, voir ton sourire, tes yeux pétillants, tes manières de charmeur invétéré, je veux revoir ta mine réjouie au lendemain de tes conquêtes, et aussi te voir boire avec Soghann et tomber ivre mort, pour que je puisse vous remettre d'aplomb le lendemain. Et chaque fois que tu le désireras, je veux être là pour toi, te couvrir de baisers, d'attention et de toute la tendresse que tu voudras. Je suis à vous, je suis à toi, et plus rien n'y pourra changer. Syld, mon filou, chenapan de mon coeur...*

La jeune fille s'était agenouillée à la tête de lit. Elle n'osait le toucher, car elle ne voulait pas lui faire plus de mal qu'il n'avait déjà. Elle ne disait mot -toujours cette fichue boule dans la gorge-mais ses yeux myosotis le fixaient intensément, tels deux lacs d'inquiétude et d'amour mêlés, tandis qu'elle adressait des prières muettes à toutes les divinités existantes, ainsi qu'aux astres du jour et de la nuit.

Sans attendre le prêtre, Sendaë suivit la jeune femme à l'étage et entra dans une pièce faiblement éclairée. Le spectacle qui s'offrit à elle n'était pas très plaisant à voir.
Un grand Shalos à la chevelure brune tenait fermement une des mains d'un jeune homme gisant sur le lit. L'autre main du garçon était salement amochée et il avait surement quelque phalanges brisées vu l'état des choses.
S'approchant, la Dedrane s'apperçu également des compresses improvisées, imbibées de sang.
Elle interogea le Shalos du regard.

-Des organes touchés?

Il répondit par un simple mouvement de tête de dénégation. Bon si aucun organe n'avait été percé, le travail serait plus simple.
Fouillant dans son lourd paquetage posé auprès d'elle, Sendaë attrapa une série de fioles et une petite bourse de cuir ainsi qu'un mortier.
La jeune femme lui adressa alors la parole.

Citation :

- Si je peux faire quoi que ce soit...

Levant la tête, elle sourit à son interlocutrice.

-Je vais effectivement avoir besoin de vous. Descendez en bas et ramenez moi un bol d'eau chaude. Quant à vous, Shalos, quel que soit votre nom, ouvrez cette bourse. Elle contient des feuilles de Dolciane séchées qui agiront comme anestésiant une fois dans l'eau. Pilez les s'il vous plait.

Elle tendit la bourse ainsi que le mortier au jeune homme. Sur son lit le blessé gémissait. Sendaë pris sa main valide et lui parla tout en débouchant une des fioles.

-Bonjour, mon nom est Sendaë. Je vais m'occuper de vous avec un prêtre trop lent. La potion que je vais vous faire boire va agir sur votre organisme et rendre votre sang moins fluide. Ainsi vous aller un peu moins vous vider de votre sang. Je ne pourrai rien faire pour vos tissus mais le prêtre Levitis pourra les aider à se régenérer.

La Dedrane déboucha le petit récipient cacheté de cire et versa le liquide ambré dans la bouche du bléssé. Elle lui pinça le nez afin de le faire avaler. Il toussa un coup et déglutit difficilement.
Elle se tourna vers le deuxième occupant de la pièce tout en changeant les compresses.

-Puis-je savoir quels sont vos noms à vous et à votre amie? Cela sera plus simple pour communiquer. Et comment s'appelle celui que je soigne?

Syld traversait une mauvaise passe. Ses mains crispées sur le drap, il cherchait désespérement quelque chose à quoi s'accrocher, dans le flou qui devait résulter de son hémorragie. La fenêtre avait beau être grande ouverte, inondant la pièce de lumière, Soghann pouvait sentir les quelques ombres qui subsistaient, à l'affut, sournoises et impatientes.

**Restez en dehors de ça...**


Puis Sendaë entra. Soulagé de voir quelqu'un arriver, Soghann fit sans discuter ce que lui demandait la Dédrane. La quantité de sang qu'avait perdu son compagnon était impressionante, et malgré la chance qui l'accompagnait toujours, il était bien près d'y rester... La boule qui s'était formé dans sa gorge dès qu'il avait eu un peu de temps, l'urgence passée, pour se rendre compte de la situation se dénoua quelque peu quand il observa la manière très précise et professionnelle dont agissait la Dédrane. C'est donc d'une voie plus assurée -mais où perçait néanmoins une certaine inquiétude-

- Mon nom est Soghann, et elle s'appelle Fanaa. Lui, c'est Syld, acheva-t-il en montrant son compagnon du menton.

Les feuilles consciencieusement pilées, l'assassin lança un regard furibond vers la porte et fit, sur un ton maintenant plus furibond qu'inquiet :

- Et, par les Ombres, OU est ce foutu clerc ?

De l'eau chaude. Fanaa bondit sur ses pieds et se dirigea à grands pas vers la porte. Ce n'est qu'une fois dehors qu'elle se mit à courir, elle dévala les escaliers et manqua une marche dans sa précipitation mais réussit par une cabriole à se retrouver sur ses pieds. Elle se précipita vers le bar... mais il ne se trouvait personne derrière. Les serveuses etaient toute en salle ou en cuisine. La jeune femme se mit à tambouriner de plus en plus nerveusement et de plus en plus fort.

Dans sa tête elle revoyait le jeune shalos et son teint presque gris, ses yeux perdus, son hémorragie... elle imaginait Sendaë attendant son eau tandis que Syld toujours plus faible dépérissait à vue d'oeil. Leurs regards braqués sur la porte où ne paraissait personne, désespérément personne. La dedrane incapable de faire quoi que ce soit sans le liquide vital, et finalement Syld qui rend son dernier soupir, sa dernière pensée étant que Fanaa n'aura même pas été capable de la simple mission qui lui aura été confiée. Et que par là-même elle est responsable de sa fin, plus encore que celui ou ceux qui lui ont infligé ses terribles blessures...

- Non! S'écria-t-elle.

Elle débarqua dans la cuisine attrapa la première personne qui passe par le col et feula :

- J'ai besoin d'eaux chaude, c'est Urgent!

Il ne serait jamais venu à l'idée du cuisinier de contester ce dernier point. La personne en face de lui était frêle mais à ce moment elle lui semblait dangereuse, prête à sortir les griffes. Toute son attitude dénotait une nervosité accrue. L'homme tenta de prendre un ton apaisant:

- Mademoiselle si vous vouliez bien me lacher, c'est avec plaisir que j'accederais à votre demande.
- Euh oui. Pardon.

Tandis que le cuisinier se dirigeait vers une marmite d'eau bouillante, il demanda à quoi elle destinait l'eau, afin d'estimer le volume à lui remettre. Elle se tordit les mains en jetant des coups d'oeil affolés partout.
- Je ne veux pas qu'il meure...
L'homme aquiesça, remplit un gros bol, enroula un torchon pas trop douteux autour -pour éviter qu'elle se brûle- et le plaça dans ses mains. L'expression de douleur et de reconnaissance qu'il vit dans ses yeux le fit se sentir mal à l'aise. Il lui demanda d'attendre et s'en alla chercher quelques linges (propres!), se retourna et... elle avait déjà filé. Il sortit à sa suite et posa les tissu sur un de ses bras. Elle le remercia d'un hochement de tête et entreprit l'ascension de l'escalier.

Elle était prête à éclater en sanglots, certaine qu'elle avait mis bien trop de temps à rapporter l'eau. Elle ne pouvait courir de peur de perdre du précieux liquide. Elle s'adressait des lourds reproches.
En vérité, elle avait mis 2 minutes tout au plus.

Elle tendit le bol d'eau brûlante à Sendaë puis lui indiqua les torchons propres. D'une voix qui avait du mal à sortir, elle lui demanda, prête à recevoir la punition qui s'imposait :

- Ce n'est pas trop tard?

Sendaë entendit un pas de course léger dans l'escalier et s'adressa à Soghann.

-Je ne sais pas ce que fais le Levitis, mais votre amie est de retour.

La voix de la jeune femme brune s'eleva quelque instant après derrière la Dedrane. Elle avait l'air terriblement inquiète, mais quoi de plus normal quand on voyait l'état dans lequel était Syld.

Citation :

- Ce n'est pas trop tard?

-Non Fanaa, et votre promptitude va peut être sauver la vie de votre compagnon.

La Dedrane, attrapa le mortier contenant les feuilles de Dolciane méticuleusement écrasées par Soghanne et y versa une partie de l'eau boullante. La préparation pris une teinte jaune pâle et dégagea une odeur âcre. Sentant le besoin d'être utile de Fanaa elle se retourna vers elle et lui tendit le mortier.

-Fanaa ecoutez moi. Une fois que Soghann et moi aurons basculé Syld sur le côté, vous poserez un des torchons sur sa tête et tiendrez la préparation près de son visage. La Dolciane va calmer la douleur et je pourrais nettoyer sa blessure au tronc sans risque qu'il se retourne.

Sendaë saisit le bol d'eau chaude et le posa sur un tabouret non loin puis y jeta les torchons propres dedans. Elle se retourna vers le Shalos.

-On le met sur le côté à trois. Un... Deux... Trois.

Syld gémit un instant avant que Fanaa applique les indications de la Dedrane à la lettre. La chasseresse attrapa une des pièces de tissu propre et humide et la jeta à Soghann. Elle fouilla rapidement dans son barda et attrapa une autre fiole, ainsi que du fil et une aiguille en os.

-Je m'occuppe de la plaie de devant et vous de celle de derrière. Une fois qu'elles seront propres, je vais les désinfecter avec ça. Ne vous inquiétez pas, la réaction peut être légèrement surprenante, mais je pense que vous êtes pas du genre à prendre peur. La Cikaya est une fleur rare, mais la où la fleur de givre passe, les mauvais germes dépérissent.

Soghann et Sendaë se mirent à la tâche et après quelques instant les deux plaies furent nettes. La personne s'étant pris à Syld avait bien fait son travail et la blessure était parfaite. La Dedrane déboucha le flacon et versa de la potion sur la blessure à l'avant qui se mis à fumer légèrement puis tendit le fragile récipient au Shalos pour qu'il en fasse de même.
Passant son fil dans le chas de son aiguille, elle remis en place la peau de chaque côté de la plaie et commença son travail.

-Soghann, je suppose que vous avez du fil et une aiguille. Si vous pouviez faire de même cela m'aiderai amplement.

Sentant la frayeur de la jeune femme à ses côtés, elle se retourna un court instant pour la rassurer.

-Ne vous inquiétez pas Fanaa, la blessure était propre et l'effet du premier brevage devrait durer quelques heures encore. Les tissus sont abîmés mais n'ont pas été infectés et si ce fichu Levitis se dépêche, il pourra se charger de réparer la plaie de l'intérieur.

La Dedrane écarta une des tresses de son visage et adressa un sourire qui se voulait réconfortant à sa compagne et lui posa la main sur l'épaule.

- ... prêtre Levitis...

Au milieu du magma indéfini où se délitaient les paroles prononcées par la voix féminine inconnue, les deux mots avaient résonné tels un coup de tonnerre.

Un frisson remonta le long de son échine.

Levitis... Levitis...

Le nom se répétait en un écho sans fin, comme répercuté par les murs invisibles d'une tombe.

Les serres de ténèbres semblaient avoir provisoirement disparu. Syld avait pour ainsi dire repris pied mais à chaque goutte de sang qui s'échappait lentement, inexorablement de ses veines, la nuit se faisait plus noire, plus oppressante.

Une voix montait des profondeurs en un chant sombre et magnifique qui paralysait complètement sa volonté.
Cette voix, il la connaissait si bien... c'était son plus beau, son plus terrible souvenir.

Une caresse glacée courait sur sa nuque, glissait sur sa gorge. Comme deux mains dont l'étreinte se resserrait peu à peu. Et il se laissait faire, il...

Une onde de douleur le parcourut, le ramenant aux frontières de la conscience, l'arrachant à l'étreinte mortelle. Une plainte étouffée s'échappa de ses lèvres, un instant avant que la souffrance ne s'apaise.
Les sensations brièvement retrouvées se fondirent en un flou tranquille, presque rassurant, et le jeune homme se détendit enfin.
Tout en restant faible et rapide son rythme cardiaque se stabilisait, sa respiration se calmait graduellement.

Au plafond, les ombres se retiraient dans les coins et recoins sans pour autant relâcher leur surveillance. Cet équilibre était si précaire, ce sursis si fragile... toute chance de curée n'était pas encore écartée.

Cobalt vérifia encore une fois le pouls et la respiration de Ling. Tout allait bien. Son souffle était régulier, il semblait seulement dormir d'un excellent sommeil. Il avait plutôt bonne mine quoi qu'un peu plus maigre. Depuis il ne savait même plus combien de jours et de nuit Cobalt restait à son chevet à lui faire ingurgiter des nourritures liquides, à le toiletter, à lui parler et surtout à guetter le moindre progrès mais... rien. Son ami restait dans un coma profond.
Cobalt avait l'impression d'être hors du monde. Il avait perdu toute notion du temps et n'avait pas revu âme qui vive à part la serveuse qui apportait leurs repas chaque jour.

Il fut bientôt tiré de son hébétude par un certaine agitation dans le couloir qui menait à la chambre. Certes, la Taverne était un endroit agité, mais d'ordinaire, tout cela se réglait en bas, dans la salle commune. Sa curiosité ravivée malgré son état d'épuisement, il ouvrit la porte et passa le nez dehors. Il entendit alors une voix qui ne lui était pas inconnue réclamer avec un ton d'urgence un clerc.

Cobalt ne se posa pas de question : son crédo de clerc était de soigner tous les hommes, aussi semblait-il nécessaire qu'il intervienne. Mais avant, il s'approcha du lit sur lequel gisait Ling dans son immobilité, tout en le regardant avec affection. D'un geste très tendre, il dégagea son front et y déposa un léger baiser, murmura un "Je reviens.. Ne te réveille pas sans moi.", puis sorti pour de bon de la chambre.

Suivant les bruits d'agitation, il parvint à une chambre non loin de la sienne, dans laquelle il trouva quatre personnes : les trois Shalos qu'il n'appréciait guère, et une ravissante dédrane. Le plus petit des Shalos, Syld, semblait mal en point, allongé sur une couche couverte de sang, et subissant les soins de son compagnon et de la dédrane. Il aperçu aussi Tsuki, mais ne perdit pas de temps à se demander ce qu'il faisait là ni où était sa maîtresse.

Il toqua rapidement à la porte et s'avança à l'intérieur, annonçant d'une voix rendue rauque par plusieurs jours sans parler :

- Je suis clerc, je peux le soigner. Écartez-vous, je vous prie.

Tout en s'approchant du lit, Cobalt se concentrait, reléguant les limites de la fatigue encore un peu plus loin, appelant à lui l'énergie qu'il lui restait pour contrôler la quantité d'Elixia nécessaire. Tout en prenant une profonde inspiration, il posa une main à plat sur chaque côté de la blessure et ferma les yeux. Les dégâts étaient graves, mais pas mortels : ce qui allait le tuer était l'hémorragie. Toujours est-il que soigner de simples tissus musculaires était plus simple pour lui que de régénérer des organes vitaux, aussi travailla-t-il vite et sans se préoccuper de la dépense d'énergie.

La blessure au côté refermée, il s'attaqua à la main gauche, tandis que les prémices d'une violente migraine commençaient à apparaître dans son crâne. Cette blessure là était plus difficile à traîter : les doigts étaient très fragiles, des éclats d'os et de métal étaient éparpillés dans la chair. Le clerc savait que s'il faisait mal son travail, le Shalos pourrait perdre à jamais l'usage de cette main. Il savait aussi que dans ce cas là, non seulement il lui en voudrait toute sa vie, mais aussi que Syld perdrait son habileté, son travail et sa crédibilité.

Cette épée pendue au-dessus de sa tête de plus en plus douloureuse, le Clerc continua à traîter la plaie, sans prendre en compte les petites étoiles rouges qui commençaient à éclater sous ses paupières baissées, sans prêter attention à son crâne qui menaçait d'exploser. Lorsqu'enfin il eut fini, le Dédrane se leva. Il fallait retourner auprès de Ling. Mais sa vision était brouillée, ses sens complètement altérés par l'épuisement, et ses jambes, refusant de le porter plus loin, cédèrent sous son poids.

Soghann, sans un mot, aida Sendaë dans sa tache. Elle savait ce qu'elle faisait, c'est tout ce dont il avait besoin. Aussi se concentra-t-il sur le nettoyage de la blessure.

Citation :

-Soghann, je suppose que vous avez du fil et une aiguille. Si vous pouviez faire de même cela m'aiderai amplement.

L'assassin se retint de répliquer vertement. La Dédrane ne devait pas avoir un sens de l'observation très développé : Soghann sortait visiblement du lit, torse nu et vêtu simplement d'un pantalon et de ses bottes. Le reste était resté dans sa chambre. Ce qui le retint fut une crise de Syld, en proie à des spasmes. Il délirait, la douleur et le manque de sang entraînant son esprit dans des abîmes peu recommendables.

Il le reassura du mieux qu'il put, lui caressant doucement le visage, lui signifiant sa présence à ses côtés, pour qu'il ait une chose à laquelle son esprit puisse se raccrocher. Cobalt fit alors sone ntrée, à la surprise de Soghann. Le Shalos avait complètement oublié la présence du Dédrane : il le pensait parti depuis longtemps. Le Clerc, malgré un état d'épuisement évident, fit de son mieux : il employa toute l'énergie qu'il lui restait pour soigner Syld. Il le fit bien : les blessures étaient refermés, les doigts de nouveau en place et entiers... Mais cela avait vidé le Clerc, qui, après avoir fait quelques pas peu assurés, perdit pied.

Par réflexe, le Shalos rattrapa le Dédrane dans sa chute, et, sans le brusquer, alla l'assoir dans le fauteuil qui occupait le coin de la chambre. D'un murmure, il lui glissa un "Merci beaucoup" à l'oreille, puis retourna auprès de Syld.

Une rumeur confuse émergea du silence, puis se furent des mots qui se détachèrent, des mots qui, tout doucement, retrouvaient leur sens...
Peu à peu tout semblait se remettre en place.

Les cils du jeune homme frémirent, un soupir trembla un instant au bord de ses lèvres entrouvertes avant de s'envoler d'un discret battement d'aile.

Toutes ses forces semblaient s'être enfuies et chacun de ses membres pesait si lourd qu'il aurait aussi bien pu être rivé au lit par des chaînes et des bracelets d'acier.
La souffrance aussi avait disparu, laissant place à quelques picotements désagréables et, surtout, à une terrible, une écrasante faiblesse.

Lentement, Syld ouvrit l'oeil. L'eau habituellement limpide de son regard restait trouble tandis qu'il tentait de refaire le point sur le monde des vivants ou, plus précisément, sur ceux qui étaient rassemblés dans la pièce.
Une ombre de sourire apparut sur son visage encore pâle, alors qu'au prix d'un immense effort une de ses mains allait effleurer le bras de Soghann afin de s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une illusion arrachée aux profondeurs de son subconscient.

- Si tu voyais la tête que tu fais...

Son regard flou glissa sur le visage des autres personnes présentes, et fut éclairé d'une brêve lueur en reconnaissant Fanaa au travers des brumes qui subsistaient dans son esprit épuisé.

Le jeune Shalos reposa la joue sur l'oreiller.
Ses paupières se refermaient déjà.

Il parut sur le point de dire quelque chose, mais ses paroles se fondirent en un murmure inarticulé. Les forces pour lutter contre la fatigue lui manquaient et Syld céda au sommeil.
Ses chairs et ses os avaient été soignés, certes, cependant après une perte de sang massive comme celle qu'il avait subie, il allait falloir du temps avant que cette "mésaventure" ne soit plus qu'un souvenir...

Fanaa accepta avec reconnaissance le geste et les paroles de soutien de Sendaë. Ainsi que les chatouillis de l'hermine. Le levitis n'arrivait pas ce nul! La jeune femme l'aurait étripé! Mais elle préférait rester au chevet de son chenapan tant qu'on ne lui demandait pas de le faire. Et là, miracle, un autre clerc était arrivé. Elle l'avait déjà vu ce dédrane, mais ne se souvenait plus de son nom. Et l'important c'est qu'il n'avait pas perdu de temps, les laides plaies avaient été refermées, la bouillie était redevenue une main habile aux cinq doigts déliés. Les autres blessures plus légères ainsi que les ecchymoses avaient eux aussi disparu grâce à l'elixia de guérison.

En le voyant enfin guéri, elle se sentit grandement soulagée, mais continuait tout de même de s'inquiéter. Quand le shalos eut refermé les paupières, la demoiselle se retourna vers la dedrane et lui saisit la main. Elle voulut la remercier mais encore une fois le mot se bloqua au fond de sa gorge. Décidément Sendaë allait la prendre pour un poisson... Elle lui sourit pourtant en la regardant avec reconnaissance. La dedrane était arrivée à point nommé, et avait sauvé son cher Syld. Fanaa s'en voulait de n'avoir rien à lui donner en compensation. L'autre personne qui avait beaucoup donné de sa personne était maintenant écroulée dans un fauteuil. Soghann s'étant occupé de lui présenter ses remerciements, Fanaa lui adressa simplement un sourire de loin. Elle n'était même pas sûre qu'il l'ait vue.

Se tournant de nouveau vers le shalos au bandeau noir, elle passa doucement sa main sur son front qu'il avait chaud et humide. Se redressant, elle se pencha vers lui et lui embrassa la tempe, puis se releva complètement et enroula ses bras autour de Soghann. Elle resta quelques instants ainsi, les yeux humides mais sans pleurer. Enfin elle le regarda dans les yeux :
- Il est sauvé...
Sa voix était toujours un murmure, il ne fallait pas risquer de le réveiller.

Fanaa sortit de la chambre et revint quelques instants plus tard en rapportant un pichet d'eau, un autre de vin, deux gobelets, une miche de pain avec du fromage frais, un bol d'eau qui ne servirait pas de boisson et deux nouveaux linges propres. Elle posa le plateau sur la table de chevet, humidifia le linge et en tamponna doucement le visage de Syld. Le mouillant de nouveau, elle en fit une compresse qu'elle posa sur son front puis avec l'autre tissu qu'elle imbiba, elle nettoya son torse avec soin après lui avoir retiré ce qui restait de chemise et son manteau. Elle repartit dans la chambre mitoyenne, y prit la couverture et revint pour mettre Syld au chaud.
Fanaa agissait comme si elle était seule dans la pièce, se concentrant sur une unique personne. Quand elle estima qu'elle n'avait plus rien à faire dans la pièce, si ce n'était attendre son réveil *Mais Soghann est le mieux placé pour être présent à ce moment*, elle ramassa les vêtements de Syld, son gant imbibé de sang et quitta la chambre après un signe de tête général et un regard appuyé à Soghann.


La jeune femme alla demander une bassine d'eau, une brosse, du savon et sortit s'installer dehors. Après avoir regardé la chemise sous toutes les coutures, elle dut se rendre à l'évidence : cette harde cramoisie était bonne à brûler. Fanaa se mit en devoir de frotter le manteau de Syld. Elle en ôterait toute trace de sang, dut elle y passer des heures.
*Quoique... si ça se trouve il ne voudra jamais le remettre car il lui rappellera cet affreux souvenir. Peut être mais... bon je le lave quand même, je verrai bien. Il faut absolument que je fasse quelque chose, que je m'occupe.*
Oui. Occuper ses mains au moins. Et pour ne pas continuer à stresser (elle ne serait détendue que quand il aurait retrouvé la pleine forme) elle remercia toutes les divinités qu'elle avait priées auparavant.

Sendaë avait déjà été surprise lorsque une petite hermine était entrée dans la pièce et avait réconforté Fanaa à sa manière, mais l'arrivée du jeune clerc Dedrane l'avait d'autant plus étonnée qu'elle s'attendait à ce que ce soit un Levitis qui arrive... Le pauvre garçon avait du s'assoupir.
En tout cas ce qui était sur c'est que son intervention avait sauvé Syld. Ternä soit louée, la main du garçon fonctionnait encore et il n'allait pas tarder à se reveiller mais le prêtre allait devoir se reposer un petit bout de temps après les soins qu'il avait pratiqué. Il venait lui même d'éviter de peu de se blesser grâce à l'intervention de Soghann.

Syld ouvrit les yeux et bien qu'il soit épuisé par les soins, il trouva la force de se moquer du grand Shalos avant de replonger dans un sommeil profond.
Fanaa, visiblement soulagée avait pris la main de la chasseresse mais l'émotion lui avait bloqué les mots dans la gorge. Sendaë n'avait de toute façon pas besoin de remerciement , elle n'avait que voulu rendre service, et elle éspérait juste pouvoir rester amie avec la demoiselle au cheveux de jais. Celle-ci d'ailleur ne cessait de s'activer afin d'aider Syld puis quitta la salle une fois que tout fût fait, les bras chargés des vêtements du convalescent .

La Dedrane se releva puis après avoir ranger son barda, s'éloigna de la pièce sur les pas de Fanaa. La jeune femme était sortie dehors et tentait de nettoyer la chemise imbibée du sang de Syld. Elle semblait sur le point de s'effondrer.
Sendaë sortit de la taverne et posa une main concilliante surson épaule avant de l'étreindre entre ses bras.

-Fanaa, détendez-vous, l'orage est passé pour Syld et il est maintenant sauvé. Je sais que vous avez surement besoin de vous occuper, je vais donc rester avec vous pour discuter si vous le souhaitez.

Elle relâcha son etreinte et fit un sourire timide mais sincère à la jeune femme afin de la rassurer.

-Je ne connais encore personne ici mais j'espere que l'on pourra s'entendre.

Fanaa frottait, frottait, frottait. Le manteau retrouvait sa teinte noire originelle tandis que l'eau de la bassine et la mousse prenaient une écœurante couleur rougeâtre. Fanaa s'activait et ne pensait à rien. C'était le but. Si elle se laissait aller à songer à celui qui se reposait là-haut elle... Une gentille main sur son épaule, des paroles d'apaisement et une rapide et chaude étreinte. La vue de Fanaa se brouilla et c'est toute floue que la dedrane lui apparut, lui demandant si elles pourraient être amies.

- Tout ce que... tout ce que vous voulez! balbutia-t-elle, retenant ses larmes à grand peine. Vous l'avez sauvé...

La jeune fille renifla puis les barrages cédèrent et elle se mit à pleurer. Serrant contre elle le manteau maintenant propre et trempé du shalos, elle répéta :

- Vous l'avez sauvé!

Gardant ses yeux quelques instants clos pour retrouver des souvenirs, des images de son chenapan, elle garda un peu le silence puis fixa ses grands yeux myosotis dans ceux de son interlocutrice aux cheveux d'émeraude et lança avec ferveur :

- Louée soit Ternä, loués soient les dedranes et surtout loués soyez vous ainsi que votre compagnon. Sendaë je vous suis infiniment redevable et j'accepte de faire tout ce que vous me demanderez. Sauf vous appartenir car je suis déjà à quelqu'un. N'hésitez pas si vous avez besoin de quelque service que ce soit, je ferai de mon mieux pour vous, je vous le promets!

Le Dedrane fixa la jeune femme alors qu'elle pleurait. Les larmes étaient nécessaires pour eviter que l'esprit ne craque et laissa Fanaa la remercier.

Citation :

- Louée soit Ternä, loués soient les dedranes et surtout loués soyez vous ainsi que votre compagnon. Sendaë je vous suis infiniment redevable et j'accepte de faire tout ce que vous me demanderez. Sauf vous appartenir car je suis déjà à quelqu'un. N'hésitez pas si vous avez besoin de quelque service que ce soit, je ferai de mon mieux pour vous, je vous le promets!

Sendaë pris un air embarrasé puis sourit ouvertement à la jeune fille. Elle lui posa les deux mains sur les épaules et la regarda droit dans les yeux. Le myosotis de Fanaa croisa le noissette de la chasseresse.

-Vous ne me devez rien Fanaa. Soyez heureuse avec celui que vous aimez, cela compte plus que tout. Quant à m'appartenir, sachez que rien appartient à un Dedrane. Nous faisons partie d'un ensemble et ce tout, Ternä, est en nous. Vous souhaitez me faire plaisir, alors allons boire quelque chose. Cette chaleur m'a asséché le gosier et j'aimerais en savoir plus de vous.

Fanaa ouvrit de grands yeux ronds.

- Que j'aime?

De stupeur elle lâcha le manteau et paniquant, elle se mit à agiter les bras en parlant à toute vitesse :

- Non non Sendaë je vous en prie ne croyez pas de telle choses c'est dangereux. Si jamais des personnes ayant du ressentiment envers eux imaginait ne serait-ce qu'une seule seconde que j'avais quelque lien avec eux, alors ils s'en prendraient à moi. Vous vous rendez compte? Je veux dire... ils seraient fachés et ils auraient raison ce n'est pas ainsi que je leur serais d'une aide quelconque. Non il ne faut pas dire ce genre de chose je crains que cela ne fasse des histoires pour rien et cela les gênerait. Vous savez je ne veux pas être une gêne, je tiens trop à eux pour... euh non c'est faux. D'ailleurs en realité je ne les connais pas. J'ai eu peur à cause du sang. J'ai peur du sang voilà, c'est pour ca que j'ai paniqué et... mais je ne suis personne pour eux il ne faut pas croire ça!

Tout en parlant, ses mains s'étaient agitées de plus en plus vite et elle avait réussi à nettoyer le gant sans y penser. la tâche ne fut d'ailleurs pas aisée, le tissu et les griffes étant imbibées et il se trouvait même quelques petits lambeaux de chair restés à l'intérieur brrrr...
Sans qu'elle s'en rende compte, ses pommettes avaient pris une teinte très rouge. Aux paroles de la dedrane, Fanaa n'avait pu s'empêcher de se rappeler l'effet des quelques merveilleux baisers qu'ils avaient échangés... Non. Ne pas se trahir. Ne pas se trahir.
Fanaa se releva d'un coup et reprit sur un ton qu'elle voulait détendu (mais l'effet fut quelque peu gâché par la tension trop fort en elle) :

- Oui, boire un coup, excellente idée. Trés bien. laissez moi juste étendre ça et vider la bassine et je suis à vous.

La jeune femme s'attela à ce qu'elle avait dit et rejoignit Sendaë. Elle avait gardé avec elle le gant à griffes, ne voulant prendre le risque de se le faire voler. Elle passa son bras sous celui de la dedrane, lui sourit et la mena à la taverne.

- De plus un peu de repos ne vous fera pas de mal. Vous avez tant fait pour nous!

La Dedrane sourit discrètement en voyant la gène de sa nouvelle amie la pousser à piquer un fard. Sendaë resta appuyer contre l'encadrement de la porte en attendant que Fanaa revienne. La voyant arriver, la Dedrane décida de ne plus la gener de la sorte. Elle se laissa mener dans la taverne après avoir récupéré son sac.
La jeune femme la conduisit à une table non loin de celle où elle s'était assis en arrivant. Le clerc Levitis avait disparu, mais quelque chose avait du requerir son attention ailleur.

Sendaë posa son lourd barda à côté de la table et retira son manteau de voyage. Dans l'action elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle l'avait garder et ses manches étaient maculées du sang de Syld. Elle portait dessous une tunique verte et noire maintenue par de fins lacets dans le dos et une ceinture de cuir brun à la taille d'où pendait le fourreau d'un long couteau de chasse. Ses épaules restaient nues ainsi que le haut de son dos mais ses bras étaient couverts jusqu'aux épaule d'une solide étoffe noire à liseret vert. Ses poignets étaient quant à eux défendu par des protèges poignets en argent finement ouvragés.
Sa tenue était complétée par un pantalon moulant en toile noir et une paire de bottes montantes en cuir de Moo lui arrivant juste en dessous des genoux.

-Fanaa, puis-je te tutoyer? Cela me gêne de donner du vous à tour de bras, d'autant qu'on peut dire que les évenements récents nous ont quelque peu rapprochées.

Sans attendre la réponse, elle se retourna et appela de la main la serveuse qui se serpenta agilement entre les tables.

-Que puis-je pour vous Mesdames?
-Servez-vous de la bière de Dolciane dans cet établissement?

La serveuse aquiessa et attendit leur commande. La Dedrane se tourna vers son amie.

-Tu as pu constater tout à l'heure que la Dolciane en infusion avait un indéniable effet anesthésiant. Fermentée, elle à des propriétés appaisantes qui seront bien utiles à deux jeunes dames épuisées.

Elle sourit à la femme replète qui attendait.

-Ca sera donc deux pintes de Dolciane servies bien fraîches. Et un bol d'eau chaude s'il vous plait.

Sendaë se cala un peu mieux dans sur sa chaise.

-Parle moi de toi Fanaa. D'où viens tu? Et comment as tu fais connaissance de ces deux Shalos? Soghann a quelque chose d'un peu effrayant je trouve mais je n'ai pas vraiment pu m'en apercevoir. Quant à Syld, il me semble que ça doit être un sacré coquin, mais pas vraiment méchant.

Fanaa accepta bien sûr le tutoiement. Elle observa Sendaë tandis que celle-ci se mettait à l'aise : la dedrane était très belle et Fanaa ne put s'empêcher de remarquer qu'elle n'avait aucune marque honteuse dans le dos, elle. Avisant les tâches sur le manteau de sa compagne, elle se gronda intérieurement de ne pas les avoir vues avant et décida de s'en occuper dès que possible.
Elle s'intéressa aux propriétés de la dolciane ainsi qu'au savoir de Sendaë en ce sens. Connaitre les propriétés des plantes était bien utile, la chasseresse avait de la chance de posséder un tel savoir.
Au début, Fanaa laissa Sendaë parler, se contentant de l'écouter, de l'observer et de profiter de sa présence apaisante. La jeune fille fut surprise de constater qu'elle se sentait bien avec la nouvelle venue. Pour la première fois de sa vie elle côtoyait une personne de sexe féminin avec plaisir et cela sans sentir la menace d'une quelconque créance.

Sendaë finit par questionner Fanaa. Des questions précises. Et la demoiselle laissa passer un silence, en espérant que son vis-à-vis passerait à autre chose mais non. Elle attendait visiblement une réponse. Aie.
*Comment m'en sortir sans trahir personne, mais sans lui mentir non plus?*

Fanaa se mordilla le doigt, pensive, puis se décida à prendre la parole, après s'être raclé la gorge.

- Il m'est difficile de te répondre... j'ai envie de te raconter mais je crains de faire du tort à certaines personnes... et en même temps je ne peux supporter l'idée de te mentir.

Fanaa prit une profonde inspiration les yeux clos, expira tout l'air de ses poumons et releva les paupières. Elle sourit à Sendaë.

- On va dire que te dire ce que tu demandes est le prix que tu me demandes pour ce que tu as fait d'accord? Cela peut te sembler idiot mais je vais devoir briser des serments là alors... je pense que tu me comprendras.
Je me lance : Je viens de Calcyria.
*je l'ai dit!*
J'ai rencontré Soghann et Syld par hasard, ici, alors qu'ils avaient un peu trop bu. Tu sais ces deux énergumènes tiennent incroyablement bien l'alcool alors "un peu trop" pour eux c'est une quantité astronomique pour les autres. Mais même eux ont des limites. Alors le lendemain j'ai eu envie de les remettre d'applomb.

Fanaa passa volontairement l'épisode où elle avait réussi à dérober sa bourse à Syld, devinant que ce ne serait pas très bon pour son ego.

- Soghann... peut paraitre effrayant et dur. Disons qu'il est très professionnel et a une sacrée maitrise de lui. Il aime être imperturbable, il fait comme si rien ne le surprenait jamais, c'est souvent déroutant mais il est comme ça. Et il est gentil au fond. Oh! il ne faut surtout pas lui dire cela, hein! Il est gentil oui... mais il le cache bien!

Fanaa fit un clin d'œil a la dedrane.

- Et Syld... Syld est un coquin comme tu dis, un filou, un chenapan. Quelqu'un qui aime la vie, qui est plein d'énergie, trés lumineux. Il a un sourire craquant tu verras, personne n'y résiste. Il a le visage et l'oeil aussi expressifs que Soghann reste de marbre en quasiment toutes circonstances. Syld peut être aussi très sérieux. mais ce qu'il faut savoir c'est qu'il a toujours besoin de bière!

* Et Syld est très sensible et vulnérable. Il faudrait le protéger sans qu'il s'en rende compte. Sogh est parfait pour ça. * Elle garda cette pensée pour elle-même.

Elle but une gorgée de bière de dolciane. Le goût était plutôt doux, c'était agréable.

- Si tu as d'autres question sur le sujet c'est maintenant tic tac tic tac. Ensuite tu me parleras de toi? Où tu habites, la raison d'être arrivée ici à temps pour faire un miracle... et à quoi sert ce bol d'eau chaude que tu as demandé!

D'un léger sourire, elle l'invita à se lancer.

Sendaë se sentit un brin mal à l'aise d'avoir forcé sa compagne à briser un serment qu'elle avait fait, puis il semblait avoir quelque chose de très profondément enfouie chez Fanaa, quelque chose que la Dedrane ne souhaitait pas découvrir si cela génait son amie.
Quant à ses révélations sur Soghann et Syld, ils étaient comme elle l'avait pressentit, l'un aussi froid que l'autre accueillant, mais la situation dans laquelle elle avait fait leur connaissance avait révélée quelque chose de plus profond, l'inquiétude de Soghann et la fragilité du chenapan.
A l'instar de son amies, elle pris une gorgée de bière de Dolciane qui relacha les muscles de son corps tendu par le stress et la marche.

Citation :

- Si tu as d'autres question sur le sujet c'est maintenant tic tac tic tac. Ensuite tu me parleras de toi? Où tu habites, la raison d'être arrivée ici à temps pour faire un miracle... et à quoi sert ce bol d'eau chaude que tu as demandé!

Elle sourit à Fanaa et bu une autre gorgée avant de lui répondre.

-Avant de commencer à répondre à tes questions, j'aimerai que tu saches que je suis désolé si je t'ai mis mal à l'aise avec mes questions. La vie seule en forêt ne me permet pas souvent de discuter sauf avec quelques personnes de passage et avec les animaux.

Nonchalamment, elle caressa la surface du grand recipient d'eau. L'eau était très chaude mais cela ne lui posait aucun problème.

-J'en ai fini de mes questions pour le moment et voici le temps des réponses. Je vais d'ailleur commencer par répondre à la dernière de tes interrogations si cela ne te déranges pas.

Elle se pencha sur le côté et attrapa dans son paquetage le fil et l'aiguille qui avaient servi à recoudre la blessure de Syld puis se relevant, elle fit un clin d'oeil à Fanaa.

-La réponse à ta question est toute simple. Si je souhaite réutiliser cette aiguille sur moi ou quelqu'un d'autre, il faut qu'elle soit propre afin de ne pas transmettre de mauvais germe.

Tout en lui donnant des explications, elle jeta le fragment d'os et son fil dans l'eau bouillante qui pris la teinte écarlate du sang.

-Tu veux donc en savoir plus sur mes origines?

Le jeune femme face à elle acquiesça.

-Il n'y aucun mystère derrière ça. Je suis née il y maintenant vingt-six ans dans les alentours de Dedride la secrète et durant mon enfance, j'ai appris tout ce que j'ai pu de mon chasseur de père et de ma mère, une herboriste. A dix-huit ans j'ai accompli le Rite du Passage, un rite qui permet de confirmer que tu es prête à être adulte en testant tes connaissances acquises chez tes parents.

La chasseresse avala une autre gorgée pour faire passer la secheresse de son gosier tout en louchant de ses yeux noisette le long de sa choppe sur Fanaa. Reposant sa boisson, elle continua son récit.

-Une enfance tout ce qu'il y a de plus normale comme tu peux le voir. Le Ternael n'est que peu touché par les maléfices de Valnor, mais certaines de ses créatures ont pénétré dans le Berceau de Ternä et s'en s'ont pris à des Dedranes. L'année de mes vingt ans, j'ai vu un de ces monstres attaquer des créatures innocentes et déraciner des arbres centenaires et je n'ai pu m'empecher de ressentir la souffrance de Ternä dans ces actes de pure malveillance. J'ai traqué la bête dans la forêt jusqu'à ce qu'elle s'arrête pour s'endormir et je l'ai tuée d'une flèche, silencieusement.

La Dedrane sortit de l'intérieur d'un de ses protège-poignet une tête de flèche et posa cette dernière sur la table.

-La flèche s'est brisée quand je l'ai retirée du crâne de la créature. J'ai gardé la pointe en souvenir du serment que j'ai fait ce jour là, que plus jamais je ne laisserai faire les créatures de Valnor.
J'ai quitté le Ternael et ma famille et j'ai voyagé dans le Nord et l'Est d'Adreis où j'ai offert mes talents de chasseresse et d'herboriste à ceux qui en ont eu besoin.

Elle pencha sa tête en arrière laissant sa queue de cheval émeraude balancer librement. Puis elle se redressa et jeta un regard au yeux myosotis de sa compagne.

-C'est les mêmes raisons qui m'ont menées ici. J'allais m'assoupir sur ma chaise quand tu es arrivée en courant de l'étage il y a quelques heures de ça. Le désespoir que j'ai lu dans tes yeux et dans ta voix ressemblait à ce que j'ai éprouvé le jour où j'ai vu cette bête s'en prendre à Ternä sans autres raisons que la folie de son maître. Voilà pourquoi je t'ai suivi et que j'ai pris en charge Syld.
J'avais prévu de repatir demain matin, mais je pense rester un peu plus longtemps. Il est tellement rare que je me sente à l'aise en compagnie d'autre personne. D'habitude je m'eclipse une fois mes services rendus.

Sendaë attrapa une bourse de cuir de Moo dans son sac afin de ranger son aiguille et le fil. Elle sortit la pointe d'os de l'eau et la mis dans la sacoche mais se ravisa au moment de la ranger dans son sac. Elle releva la tête vers Fanaa et lui sourit, un sourire franc qui se voulait chaleureux. Elle posa la bourse sur la table et la poussa vers sa compagne.

-En gage de notre amitié Fanaa. Tu poura penser à moi quand je partirai, mais ce n'est pas pour tout de suite.

En écoutant Sendaë parler d'elle, Fanaa se rendit compte qu'elles avaient des points communs. Jamais elle n'aurait pu imaginer que cela puisse arriver. Elle repoussa gentiment la bourse vers sa propriétaire.

- Je te remercie de ton présent mais je ne sais utiliser de tels objets. Ils ont plus leur place auprès de celle qui les maitrise. De plus, ça me plait que tu continues à aider les gens, et tu auras besoin de tout ton matériel pour cela. Tu as la chance d'être utile, toi. Profites en.

Elle but une gorgée de bière. Décidément ça passait bien!

- Alors pour désinfecter tes affaires, l'eau chaude c'est une bonne idée. Sinon un alcool très très fort c'est bien aussi. Une liqueur. Mais bon ce n'est pas le même prix et certains patients pourraient s'offusquer d'une telle utilisation de la boisson hihi!

Fanaa baissa les yeux.

- Je n'ai pas besoin de ça pour me souvenir de toi, pas après ce que tu as fait. Et que tu parles d'amitié euh... ça m'honore. Sincèrement. En vérité c'est moi qui espère que tu me garderas dans ton souvenir. Et comme je n'ai rien fait de spécial... enfin bref.
C'est bête, je ne peux même pas t'offrir à manger ou te payer une chambre pour être sure que tu restes ici, je n'ai pas d'argent...

La jeune fille se rongea un ongle et son regard se dirigea machinalement vers le plafond. Soghann n'était pas redescendu, le chenapan n'avait donc surement pas repris connaissance. Elle soupira. Puis revint à son... amie.
*Oui, c'est mon amie maintenant. J'ai une amie!*

- Tu dis que tu es mal à l'aise en compagnie des autres, c'est étrange. Je te trouve tellement épatante que pour moi c'est difficile à imaginer. je veux dire, toi qui es si prévenante, si attentionnée envers tous ces gens, toi qui les soignes, tu devrais être heureuse et fière de les côtoyer. Et eux devraient se rendre compte de la chance qu'ils ont de te connaitre.
Je comprends ton malaise au milieu de monde, je suis un peu comme ça moi aussi, mais ce que je perçois de toi est si beau... ce doit être la magie du Ternä que tu portes en toi.
Tu dis que tu ne côtoyais pas grand monde chez toi à part les animaux, tu n'avais pas des tas de camardes de ton âge? J'ai toujours imaginé que dans les villages la vie se passait ainsi : des ribambelles de gamins qui s'amusent et qui rient. A part à Shalanos bien sûr.