Taverne des Trois Haches

Earl était tout tendu et pâle de colère. Qu'est-ce qu'il avait ? Elle pouvait bien sûr s'excuser, mais si elle ne savait pas pourquoi, ça n'aurait pas une grande valeur.

Oh mais ! Ni lui ni Mellyna ne savaient ce qui s'était passé peut-être ? Si il pensait qu'elle suivait ce presque inconnu (avec qui il se disputait, donc avec qui il ne s'entendait pas) sans raison, c'était normal qu'il ne soit pas très content.

- J'ai parlé à Talisham. Ca a été rapide mais c'était vraiment lui et il m'a confirmé qu'on pouvait faire confiance à Monsieur Feyn. Alors tout va aller bien. Il n'y a pas de risque. Finalement il y a eu une preuve ! Tu es rassuré ?

Ah non ! zut. Rassuré ça voudrait dire qu'elle pensait qu'il s'inquiéter. Ne pas penser à sa place. Non.

- Enfin je veux dire ... c'est une bonne nouvelle, non ?

Mellyna sourit de son fauteuil, elle porta délicatement le petit lézard endormi et l'enroula autour de son coup. Il poussa un soupir de contentement et resserra sa prise.
Si l'homme était de confiance le premier problème était réglé, restait leur problème de "couple" à débattre.
Elle fit un signe de tête appuyé à l'homme, l'enjoignant à la suivre.

-Monsieur Feyn, vous m'accompagnez un moment ? On va les laisser discuter.
Je vous offre un petit déjeuner ? Je crois que Talisham n'a pas eu le temps de manger ce matin...

Elle eu un sourire et un regard d’encouragement à Fanaa et à Earl. Il faudrait bien qu'ils se décident, autant les laisser parler tranquillement.

-Je vous attends en bas.

Ils se retrouvaient enfermés tous les deux et l'atmosphère était pesante. Vu le regard d'Earl sur la porte ... ou sur Mellyna ... ou sur Feyn - comment savoir? - il n'avait manifestement pas envie d'être là. Dans la même pièce qu'elle. Fanaa en était peinée, mais elle brisa pourtant le silence qui s'épaississait :

- Ca ne va pas ? Depuis que nous sommes montés tu t'es disputé avec ce Feyn mais tu ne m'as pas adressé la parole une seule fois. Est-ce que tu es encore en colère ? Je sais que je suis maladroite, je ne voulais pas faire de peine à Mellyna ! J'ignorais qu'elle avait un si sérieux problème avec Ternaël. Tu peux me croire, si j'avais su, je ne lui aurais jamais demandé de venir !

Elle secoua tristement la tête.

- Je ne voulais pas lui rappeler de mauvais souvenirs. Alors c'est triste que vous ne puissiez pas venir ... enfin je trouve ça triste, j'aurais bien aimé qu'on reste ensemble, mais ce serait égoïste de ma part. Je peux comprendre que tu m'en veuilles mais ce n'était pas calculé. Tu peux me croire, je veux tout sauf lui faire de la peine !

Earl ferma les yeux un instant et prit une inspiration.
C'était comme si ses dents avaient été soudées les unes aux autres. Une partie des muscles de ses mâchoires persistaient à les maintenir verrouillées, tandis que l'autre moitié tirait désespérément pour les desserrer ne serait-ce que de quelques millimètres.

- Je ne suis pas...

Il enfonça un peu plus les ongles dans la chair de ses bras au travers de la chemise et du manteau épais.

- ... en colère. Et ça n'a rien à voir avec...

Il secoua la tête et préféra se concentrer sur la fenêtre, plutôt que risquer de croiser son regard. S'il la fixait en face, que verrait-il ? Les yeux d'une femme qui cherche à comprendre, ou bien les grands yeux humides d'une gamine qui a peur d'avoir fait une bêtise ? Dans l'un ou l'autre cas, il ignorait comment il réagirait.
Il se sentait juste fatigué de s'énerver.

Pas en colère ? Au vu de la crispation générale de tous ses muscles et de son visage, si il n'était pas en colère, il n'était pas détendu non plus. Ce n'était pas agréable de le voir si mal à l'aise. Fanaa espérait que ce n'était pas sa présence qui lui faisait à ce point dresser les cheveux sur la tête.

En quelques pas silencieux elle fut auprès de lui et l'entoura de ses bras, posant sa tête sur son torse.

- Tu n'as quand même pas l'air bien. Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Elle n'avait pas le coeur à rester éloignée en le voyant dans cet état. Non. Elle ne voulait que le serrer contre elle. Fanaa pouvait entendre les battements de son coeur, ils étaient assourdis car séparés de son oreille par plusieurs couches de tissus, mais ils étaient là. bom bom. bom bom.

Il resta muet un moment.
Lorsqu'il avala sa salive, il y eut comme un faible claquement dans sa gorge.

Il était un homme fait mais un adolescent s'en serait sans doute mieux tiré. D'un autre côté, un adolescent n'aurait pas eu autant de préoccupations annexes. Earl n'avait jamais connu de ces périodes où le principal soucis était d'échapper aux leçons ennuyeuses d'un précepteur guindé. Il ne s'était jamais considéré comme libre, s'appartenant à lui-même, sans entraves ni obligations. Ni les livres, ni les précepteurs guindés n'indiquaient de marche à suivre en pareille situation.

- Je... Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? Je veux dire... n-nous... Comment...

Fanaa leva les yeux. Tout doucement. Earl ne la regardait pas, il gardait les yeux résolument tournés vers la fenêtre. Il n'avait changé ni d'attitude, ni de posture. Ce n'était pas facile de savoir ce qu'il pensait et ce qu'il attendait, mais comme elle avait échoué à chaque fois qu'elle avait tenté de lire en lui, elle n'allait ps essayer une énième fois maintenant. Non. Elle allait répondre franchement, en toute sincérité et en étant elle-même. C'était le plus sain, de toute manière.

- Si tu parles de nous deux ... alors j'ai une réponse. Mais c'est ma réponse. Ce ne sera pas forcément la tienne. Tu ne peux pas me demander de prendre cette décision pour nous deux, sinon tu pourrais m'en faire le reproche plus tard.
J'ai peut-être ton oeil, Earl, mais je ne suis ni dans ton coeur, ni dans ta conscience, j'ignore ce qui pourrait être ton choix.

Fanaa fit un pas en arrière et posa ses mains sur celles du Levitis.

- C'est toi Earl Nereyn Pendergast Altheraan Adennon qui dois choisir si tu veux apprendre à rebondir. Donne moi ta propre réponse et je te ferai peut-être part de la mienne. Tout ce que je puis te dire, c'est que je ne suis pas ton ennemie. Et bien sûr tu peux prendre ton temps pour faire ton choix.

Elle eut un sourire d'excuse.

- Après, si par nous tu ne parlais pas de nous deux ... et bien je me suis trahie car tu sais maintenant que c'est ce que j'espérais que tu pensais. Mais dans tous les cas, j'assume. Maintenant c'est à toi de savoir ce dont tu as envie.

- Justement, je l'ignore. Sinon je ne serais pas en train de poser la question.

Earl maîtrisa de justesse l'aigreur qui menaçait de percer dans sa voix.
Il détestait s'avouer perdu, indécis. Consulter une autre personne sur une décision à prendre ne faisait pas non plus partie de ses habitudes et poser la question lui avait déjà demandé un bel effort.
Si son teint semblait pâle, c'était moins à cause de la colère que de la honte, et s'il n'avait écouté que sa fierté, il aurait déjà quitté la pièce sans se retourner.

Sa première pensée fut :

*Si il ne sait pas, c'est qu'il ne veut pas.*

Et elle fut tentée de baisser les bras. Car pendant un instant, cette histoire lui sembla sans issue.

Et puis elle se reprit aussitôt. Ce n'était pas en se dégonflant au premier semi-obstacle qu'elle réussirait à avancer. Elle allait voyager dans un endroit inconnu, pour accompagner une amie et l'aider à trouver une fleur. Une petite fleur dans une immense forêt. Si elle se bloquait au premier buisson qui gêne le passage et qu'elle faisait demi-tour, elle n'irait pas bien loin et n'aiderait Taymir en rien. Pour Earl, c'était pareil. Elle devait être sure d'elle, savoir ce qu'elle voulait et se battre pour l'obtenir. Se battre dans les limites du raisonnable tout de même.

D'accord, il ne disait pas oui. Mais son non semblait moins sûr, sinon il n'aurait même pas abordé le sujet. Oui, voilà. Voir les choses de façon positive, c'était cela.
Elle serra les poings.

- Apprenons ensemble !

Ses yeux brillaient d'un éclat décidé. Elle avait des raisons de vouloir continuer. De bonnes raisons. Elle pointa son index vers lui.

- On clôt les vieux dossiers, les vieilles rancoeurs. On laisse de côté les mauvais souvenirs. Tu m'as dit Adieu, tu as mis un point final à notre relation. Je l'accepte. Parce que terminer cette histoire, c'est donner le point de départ pour une nouvelle ! Et je t'ai demandé quelques heures de tendresse contre le fait que je te laisse tranquille le reste de ta vie. Et ces heures tu ne me les as pas données. Alors j'ai le droit de t'embêter encore, c'est contractuel. Tu as signé. Non chut !
Toi et moi on commence quelque chose de neuf. Ensemble.

Elle s'échauffait, elle en tremblait nerveusement, il ne fallait pas qu'il change d'avis, il fallait qu'il accepte de repartir sur des bases saines et non de se laisser empoisonner par ses anciennes colères. Il aurait assez des nouvelles. Car Fanaa ne se faisait pas d'illusions, tout ne serait pas parfait tout de suite. Mais si tous deux y mettaient du leur, ça pouvait donner quelque chose de joli et de doux.

- Dernière chose et j'y tiens : je ne veux pas que tes nuits, je veux exister en plein jour aussi. Je tiens à pouvoir t'embrasser au soleil devant tout le monde sans que tu aies honte. N'aie pas honte de moi Earl. Un couple c'est la nuit et le jour, le jour et la nuit. Et je compte bien avoir droit aux deux. C'est d'accord ?

Non, là ce n'était pas une enfant qui parlait. Ca non. C'était la femme qui expliquait les règles du jeu. C'était parce que jusque là il n'avait jamais assumé avoir une relation avec elle que, ne sachant comment se comporter pour ne pas lui faire honte, Fanaa était souvent hésitante et plein de retenue dans sa façon d'être. Elle craignait tellement de dépasser les limites, ces limites qu'il avait établies mais qui n'étaient pas assez claires pour qu'elle les saisisse. Elle ne voulait plus se demander ce qu'elle avait le droit ou pas le droit de faire. Elle voulait juste réagir en suivant son instinct et ses sentiments.

Ses joues s'étaient colorées, tout comme ses lèvres. Son souffle était rapide entre ses lèvres entrouvertes, son coeur battait vite et son regard brillait, fixé sur lui. Un oeil d'or, un oeil de tanzanite.

La première phrase lui tira un sursaut d'étonnement.
Pétrifié et muet de surprise, il écouta le reste de la tirade sans songer à protester. Quelques secondes de silence s'écoulèrent, uniquement troublées par des tintements de vaisselle qui montaient des cuisines à l'étage du dessous.
Earl reprit alors une profonde inspiration avant de déclarer d'une voix lente :
- Je ne suis pas sûr de tenir à ce que nous reprenions... ou commencions une "relation de couple".

Il leva la main pour couper court à toute protestation.

- Non, laisse-moi finir.

Puis, plus fermement :
- Je n'y tiens pas, du moins pas dans l'immédiat. Je peux essayer de faire table rase au sujet de mes anciennes colères, mais pas des... dégâts qu'elles ont pu laisser. C'est encore trop frais. Trop douloureux aussi.

Cette fois-ci il soutenait son regard.

- En revanche, je peux essayer de me montrer plus... souple, plus ouvert pour tenter de te comprendre, pour te connaître d'avantage. Je devrais pouvoir faire cet effort là, même si ça demandera du temps et qu'il y aura forcément des ratés. On m'a inculqué l'obéissance, la discipline, interdit le droit à l'erreur. Ce sont mes valeurs, et je sais que j'ai tendance à les projeter sur les autres. Ce n'est pas quelque chose que je peux ou veux changer facilement.

Il soupira et se détendit un peu.

- Et plus tard nous verrons. Plus tard.

- Tu sais mon amour, des dégâts il y en a eu des deux côtés. Ce n'est pas parce que je rebondis que je ne souffre pas. Mais je n'ai pas l'intention de jouer à celui qui saigne le plus. De toute façon, c'est quelque chose qui ne se mesure pas.

Ses jambes flageolaient, c'était le contrecoup de ce torrent d'émotions, ce trop-plein d'intensité d'un coup. Sa tête fourmillait et tournait légèrement. Mais ce n'était pas de la fièvre. Se sentant faiblir, elle tituba jusqu'à un mur où elle prit appui.

- Nous sommes plus ou moins amis alors. Je suis d'accord. Il ne sert à rien de précipiter les choses.

Elle ferma les yeux pour chasser son étourdissement.

- J'ai réussi ... je suis contente ... je ne supportais pas l'idée de ce néant ...

Elle expira profondément. Elle n'était pas calme. Pas encore, mais ça allait venir. Le soulagement la parcourait toute entière, elle commença à rire, libérée de sa tension.

- En plus, avec toutes les jolies filles qui vont venir avec nous, il peut se passer beaucoup de choses, vous n'êtes que deux hommes après tout et ... han ! L'expédition ! J'ai ... j'étais avec toi et elle m'est sortie de l'esprit ! Vite ! Vite ! Il faut que je descende !

Elle prit le temps de bondir vers lui pour lui donner un smack avant de quitter la chambre en courant et de descendre dans la grande salle. Tout le monde était attablé.

- Excusez moi de mon retard. Alors, j'espère que vous avez eu le temps de prendre vos décisions respectives car il faut que je sache maintenant qui vient avec nous et à qui il faut dire au revoir. Monsieur Feyn, vous avez expliqué votre cas ? Très bien. Alors qui accompagne Taymir avec moi ?

La gardienne observa les arrivants. Le lévitis n'avait pas l'air dans son assiette. Pourtant, il fallait que la dédrane connaisse sa réponse avant de pouvoir donner la sienne à la danseuse. Elle avait décidé qu'elle payerai sa dette et il en serait ainsi. Même si elle devait retourner à Ternaël, ou abandonner Fanaa.

La jeune fille aux yeux vairons semblait de bonne humeur, avaient-ils fait la paix ? Ce n'était pas le moment pour se poser cette question.
Mellyna prit son courage à deux mains pour interroger le jeune homme.

-Earl qu'avez-vous choisi ? Ce que le poussin vous a dit tient toujours... Quelle que soit votre décision, je l'assumerai et ne vous en tiendrais nullement responsable. D'aucune manière que ce soit.

Maintenant qu'elle connaissait son sens des responsabilités, il fallait qu'elle s'assure qu'il ferait ce choix pour lui et non en fonction d'une ridicule crise de panique de sa soi-disant garde du corps.

La shalos grignotait une tartine quand tout le monde redescendit. Elle écouta le jeune homme et haussa les épaules. Puis Fanaa demanda qui était donc partant pour le voyage. Kyara leva la main :

- Moi je suis ! s'exclama-t-elle tout en continuant à manger sa tartine.

- Eh bien il semblerait que je sois du voyage.

Earl lâcha un soupir.
Mieux valait qu'il ne commence pas à se demander dans quoi il s'embarquait.

- Et je ferai de mon mieux pour manquer me faire tuer le plus tôt possible, comme ça vous pourrez vous libérer de votre "dette" et aller où bon vous semble.

Il réussit à esquisser un demi-sourire, mais il ne plaisantait qu'à demi.

Mellyna, quand à elle, sourit franchement comme pour conjurer sa peur.

-Je me joindrai donc aussi à votre quête.

Au lévitis :

-Oh, prenez votre temps, j'ai tout le mien devant moi. Pour le reste, rien n'est écrit !

Le lézard ne savait pas que ses derniers instants de chaleur venaient de se jouer. De toute façon, il suivrait la gardienne, il lui avait déjà dit.

La voleuse regarda Fanaa avec un grand sourire

- Bien sur que je viens!

Yamana haucha la tête

- Je suis des vôtres également.

- Alors vous venez tous ? Mais c'est fantastique !

Elle se reprit et se recomposa une mine plus sérieuse.

- Merci beaucoup, avec autant d'escorte, Taymir ne devrait rien craindre ! Bien. Monsieur Feyn ? Talisham avait tout prévu normalement et je lui avait parlé de la possibilité qu'il y ait une personne de plus. Finalement il y en a deux mais ça ira quand même n'est-ce pas ? Vous êtes le seul à savoir où se trouvent Aryllë et Taymir alors nous vous suivons.
Tout le monde a assez mangé ? Vos affaire sont prêtes ? Et bien c'est super ! Allons-y alors !

Fanaa emboîta le pas à Feyn et vérifia que tout le monde suivait bien. Il aurait été dommage de perdre déjà quelqu'un.

Le groupe se dirigea donc vers les écuries. Ceux qui avaient des montures les retrouvèrent, ceux qui n'en avaient pas encore s'en virent attribuer.




HRP : ceux qui veulent faire la rencontre avec leur dada, je vous en prie. de toute façon c'est Talisham qui fait le post qui nous sortira de l'écurie puis de Fedoran. ^^

- Les affaires prêtes... Je suppose que les employés du Mitz garderont mes livres quelques semaines avant de les revendre, marmonna Earl tout en considérant d'un oeil flamboyant un cheval qui recula avec effroi. Pas comme si tout le monde avait prévu de s'embar... Au pied, toi !

L'animal obtempéra et se laissa seller en tremblant si fort qu'on aurait presque pu entendre ses os s'entrechoquer. Lui non plus n'avait pas prévu de s'embarquer dans une expédition, et surtout pas avec un cavalier ombrageux.
Il aurait eu l'air à peine moins effaré si on lui avait demandé de servir de monture à un tora. Les seules différences qu'il percevait avec certitude par rapport à un grand fauve, c'étaient la démarche debout et les vêtements.

Mellyna se vit attribuer une jument jolie mais fougueuse et rétive.
Elle dû lutter quelques minutes mais parvint à force de caresses, de compliments et surtout de la promesse de la monter sans selle, à se faire accepter, elle et son passager à écaille.
Elle monta donc à cru et la guida vers le lévitis.

-Earl voulez-vous que je passe rapidement chercher vos affaires et payer la note au Mitz ?
Je ne devrais pas en avoir pour longtemps et le poussin pourra retrouver l'odeur du groupe sans problème.
J'irai plus vite en ville seule que vous en groupe. Si j'ai de la chance je pourrais même vous rattraper avant que vous n'ayez quitté la ville.
Qu'en pensez-vous ?

- Ah oui, la note, j'oubliais...

Le jeune homme tira de sa ceinture de quoi régler la chambre.

- Voic...

Sa monture se rapprocha par elle-même de la jument de Mellyna, anticipant les désirs de son cavalier et s'attirant un coup d'oeil surpris. De peur de se faire crier dessus, l'animal se découvrait de éclairs de pur génie chevalin.

- Hum. Tenez, voici de quoi payer. Fourrez juste le fatras qui se trouve sur le bureau dans le sac que j'ai laissé accroché au fauteuil, je mettrai de l'ordre plus tard.

La dédrane inclina légèrement la tête pour le remercier.

-C'est noté ! A tout à l'heure.

Mellyna eu une pointe de déception en voyant le cheval d'Earl si attentionné. Pourquoi n'attirait-elle que les animaux de mauvais caractère ? Enfin, sa jument semblait se plier à ses ordres pour le moment.
Elle prévint Fanaa de son détour et partit au petit trot dans les rues de Fédoran en direction du Mitz.

Après ses excès de volubilité du début, Feyn s'était montré étonnamment taciturne. Il n'était pas revêche, mais n'allait pas spontanément vers les autres, mis à part pour leur donner un coup de main, ce qu'il faisait avec efficacité et rigueur quand l'occasion se présentait.
Il était tout spécialement attentifs aux besoins éventuels de Fanaa. Sa monture lui fût apportée, prête. De l'aide proposée pour monter. Il s'assura que la jeune femme avait de l'eau à portée de main, et fit de son mieux pour la persuader qu'au soleil de midi qui n'allait pas tarder à cogner sévèrement, à cheval, et avec une chevelure noire, un couvre-chef était de rigueur. D'ailleurs, cette remarque avait été faite à voix suffisamment haute pour être audible de tous, et s'était vue assortie d'un regard appuyé à la ronde. Il montra l'exemple en se nouant un bandana sur la tête, qu'il humidifia légèrement.


Après avoir vérifié que tout soit prêt, il se dirigea vers Handelë, qui braquait sur lui un regard vide. Lorsqu'il posa la main sur la selle, l'animal se déplaça de côté. Tirer sur la bride ne mena à rien non plus: il refusait systématiquement la direction qu'il voulait lui faire prendre.

*Je vois. J'ignore dans quelle écurie il s'est procuré ce cheval, mais ça ne va pas être une mince affaire.*

Feyn fit face à l'animal et se rapprocha. Handelë lui souffla au visage par les naseaux avant de hennir doucement, comme s'il riait. Les informations laissées par Talisham ne contenaient aucune instruction relative à cette situation. Le revenant était persuadé qu'il ne s'agissait pas d'un simple oubli, plutôt d'un mélange de test et de blague typique d'un humour douteux.

- Écoute moi bien mon grand, je sais très bien que tu es moins stupide qu'il n'y paraît. J'en ai maté à côté desquels tu ferais figure de poney docile, mais je n'ai aucune envie de recourir à des expédients que nous regretterions tous les deux amèrement. Je ne suis que de passage, et j'apprécierais ta coopération pendant la durée du séjour.

Il conclut en tendant la main vers l'animal. Elle contenait un quignon de pain sec en guise d'offre de paix. Handelë piaffa avant d'avancer prudemment la tête. Indécis, il s'imprégna de l'odeur, subtilement différente de celle de son compagnon de voyage habituelle. Il finit par se saisir du pain sans emporter la main avec, ce qui était encourageant.
Feyn entrepris de passer sur le côté pour le monter, mais s'arrêta d'abord au niveau de l'oreille de l'équin. Il y glissa quelques mots que personne d'autre n'entendit. Handelë tapa une fois du sabot sur le sol en réponse et le majordome eut un sourire en coin.
Il enfourcha l'étalon, prêt cette fois à donner le signal du départ. Il prit tout de même le soin de laisser encore un peu d'argent à l'homme qui avait amené le matériel, pour avoir attendu si longtemps, et grossit un peu la somme pour s'assurer qu'il attendrait Mellyna et lui donnerait les instructions nécessaires pour les rejoindre. Et qu'il lui dirait de se couvrir la tête si ce n'était pas fait...

Il était donc temps de partir pour le bosquet.