Taverne des Trois Haches

- Le rendez vous est ici à l'auberge, après le lever du soleil. C'est le même rendez vous pour tout le monde. Je n'ai aucun moyen de la contacter, je ne la connais pas. Et tu penses qu'elle est partie avec Taymir ? Et elles auraient des problèmes ?

Elle se passa la main sur la figure.

- Tout se complique. Ok Fanaa. Réfléchis. Dépatouille moi ce sac de noeuds. Le rendez-vous est ici. Tout le monde y est sauf Aryllë et Taymir. Qui seraient parties plus tôt mais on ne sait pas où. Et qu'on ne peut pas contacter.

Elle posa son index et son majeur sur sa bouche et continua de marmonner, pensive.

- Il va se réveiller. C'est évident. Il faut attendre.

Fanaa tourna la tête et l'observa affectueusement.

- Hein Talisham ? Je t'attends. Alors prends ton temps mais reviens vite quand même d'accord ? Je ne bouge pas de là.

Earl décocha un regard aigu à Fanaa.
Elle se montrait toute prête à remettre le départ de son expédition pour cet homme, alors que pour lui, discussion ou non, elle avait affirmé devoir quitter la ville de toute urgence et quoi qu'il arrive. Finalement recoller les morceaux ne lui tenait pas tant à coeur que ça.

Le jeune homme étouffa un grognement.
Priorités, priorités.
Il tâcha de se concentrer sur la surveillance des signes vitaux de Talisham.

- Une bonne raison à ça, oui. C'est bien pour cela que nous devons prendre ce malaise au sérieux, quelle qu'en soit l'issue.

Kyara haussa les épaules, de toute façon que pouvait elle faire, rien ! Donc elle préféra manger tranquillement. Pour le coup, vu qu’il fallait attendre un peu plus longtemps, elle était entrain de penser qu’elle pourrait aller rejoindre Kenya. Cette pensée la fit sourire…

Fanaa avait parlé de laisser tomber et que limite elle partirait toute seule. Bin voyons ! Comme si elle allait la laisser partir toute seule ! Elle se demanda en passant, si son Maitre n’allait pas être fâcher… Elle haussa les épaules à cette pensée, puis elle se tourna vers Adweliwen et Yamana :

- Vous êtes prêtes à partir ? Vous pensez qu’on trouvera ce que Fanaa cherche ? Et Adwel tu penses qu’on pourrait trouver où habite Michael ? J’aimerais bien qu’il nous accompagne

Les yeux de la violoniste se mire à pétiller en évoquant Michael, peut être parce qu’elle avait le souvenir d’une certaine nuit…

Il pouvait enfin bouger. Il commença par entrouvrir les paupières, de façon à se rendre grossièrement compte de l'endroit où il se trouvait et de qui l'accompagnait.
il lui fallut piocher dans la Mémoire pour associer voix et image à des identités.
Rapidement, il établit un tableau de la situation, tout en s'assurant, par de très légères contractions des muscles, qu'il avait bel et bien la maîtrise totale de ses facultés.

*Voilà qui ne sera pas forcément commode.*

Il ignorait de quelle façon il pourrait donner ses explications, mais il pressentait des difficultés. Cela devait néanmoins être fait. Il opta pour l'approche directe: surprendre, puis parler avant que quiconque ait réagi.
Il ouvrit grand les yeux et se dressa sur son séant.

- Toutes mes confuses, mesdemoiselles, monsieur.

La voix était celle de l'elven, mais elle était emprunte d'un certain maniérisme.

- Avant que vous ne me bombardiez de questions, je vais tenter de les anticiper quelque peu en répondant, si vous me le permettez, aux plus évidentes.
Tout d'abord, je ne suis pas Talisham. Vous pouvez vous adresser à moi par son nom, je comprendrai et je répondrai, mais je dois avouer que je me sentirais plus à l'aise si vous employiez le mien: Feyn. Je pourrais attirer votre attention sur le fait qu'il s'agisse en réalité d'un diminutif approximatif, mon nom complet étant long et difficile à prononcer, néanmoins je ne pense pas que cela vous intéresse, alors laissez-moi enchaîner sur un sujet plus proche de vous: votre ami va bien, et j'ignore quand il va vous revenir.
Il lui est manifestement arrivé certaines choses déplaisantes dans un passé proche, et il a dû partir précipitamment régler quelques comptes sur un autre plan d'existence.
Pour ma part, je suis chargé d'assurer, comme qui dirait, l'intérim. Je l'ai connu bien avant votre naissance, mis à part vous... dame Mellyna, c'est bien cela ?
Il m'a laissé une portion copieuse de sa mémoire et de ses souvenirs, difficile de tout digérer d'un coup, alors je risque de tâtonner un tantinet.
Mais trêve de tergiversation, j'avais une dette à payer, le temps en venu pour moi de mettre la main à la bourse. Et non "aux bourses", ce qui pourrait être cocasse, mais hors de propos. Gênant même, si je devais joindre le geste à la parole.
Enfin, puisqu'il est question de parole, je n'en ai qu'une, et je suis là pour la tenir.
Damoiselle Fanaa, vous pouvez me considérer comme étant à votre service. Si je n'étais pas assis, je m'inclinerais.
Oh, je dois également vous dire que votre petite camarade... Taymir ? Oui, ça a l'air de convenir... a pris un peu les devants et vous attend sur la route.
Êtes-vous prête au départ ? Avez-vous besoin de quelque chose ?

Fanaa s'était levée d'un coup, comme piquée.

- Stop, ça suffit ! Tout d'abord, personne n'est à mon service et surtout pas Talisham. Il ne peut vous avoir dit une chose pareille. Vous débarquez comme une fleur, vous nous dites que tout va bien et vous vous attendez à ce qu'on vous croie sur parole ? Et qu'en plus on vous suive sans se poser de question ? Non Monsieur, les choses ne vont pas se passer ainsi.
Tout d'abord, vous allez trouver un moyen de me prouver que vous ne mentez pas. Débrouillez vous pour trouver quelque chose de crédible. Il faut que par un moyen ou par un autre Talisham nous confirme qu'il ne peut effectivement pas nous accompagner et qu'il vous a réellement prêté son corps. Et ses souvenirs. Cette idée est vraiment dérangeante et il est hors de question que je vous laisse faire si il s'avère que vous les avez volés. Alors trouvez quelque chose et vite !

Sur cette dernière phrase, elle tendit un doigt accusateur vers lui. Et ordonnait. Cet inconnu apparaissait du néant et il pensait qu'elle allait sagement accepter qu'il vienne ? Qu'il mette en danger Talisham et peut-être toute l'équipe ? Sûrement pas. Et il disait savoir où se trouvait Taymir. Etait-ce vrai, au moins ?

- Mais bien sûr. "Bonjour, je suis un esprit errant, on m'a filé les clefs mais je ne veux que votre bien à tous, on y va ?".

Earl fit mine d'essuyer la main avec laquelle il avait pris le pouls de Talisham.
Pour une fois, Fanaa posait les bonnes questions. Excepté...

- Il n'est pas schizophrène, votre ami ? Non ? Dommage. Au moins ça aurait eu le mérite d'être normal. Enfin un peu plus.

Adwel n'avait pas fini sa bouchée. Yamana répondit à la première question en jouant un peu avec son arbalète, caressant le bois sculpté

- Oui, nous sommes prêtes. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde a priori. Soupir Je déteste ces moments là... Quant à la quête, il y a de nombreuses plantes dans notre forêt... j'avoue ne pas m'y connaitre spécialement... Enfin, je connais les principales qui peuvent vous tuer en quelques secondes et celles qui peuvent guérir de quelques petites choses communes... mais je ne suis pas herboriste.

La voleuse avala un peu de thé... cela permettait en plus de lui faire gagner un peu de temps de réflexion... Mickaël... Mickaël...

- Et pour Mickaël, j'avoue que non, je ne sais pas où il habite ou même où il est...

* en fait, je ne sais même pas si je le connais... Surement... mais... *
Elle repris une bouchée de pain a la confiture et fit comme si tout était normal. Pourvu que son jeu d'actrice n'était pas trop mauvais...

Il soupira. Il avait su dès le départ que la tâche serait difficile.

- Esprit errant... amusant que vous utilisiez ce qualificatif, et ô combien ironique, car il s'agit justement de ce que je ne suis pas. Ou plutôt, que je n'étais pas jusqu'à ce qu'un énergumène me tire d'un repos bien mérité et me prenne au débotté avec cette formule d'introduction très inspirée, je cite: "Hé mon vieux Feyn, tu te souviens de ce remboursement que tu n'as pas pu me faire de ton vivant ? J'ai une super nouvelle, j'ai trouvé un truc pour lequel j'ai besoin qu'on me dépanne, et pour lequel il est mieux d'être mort ! Épatant non ?"
S'en est suivie une histoire rocambolesque, puis un dialogue à l'issue duquel je n'ai pas pu dire non. D'ailleurs, je crois bien que je ne suis jamais parvenu à lui dire non auparavant, il dispose toujours d'une entourloupe dans laquelle je me fais lamentablement embarquer.
Mais je digresse.
Hum, je ne suis pas vraiment à mon aise, excusez-moi...

Lentement, pour n'alarmer personne, il se leva. C'est debout qu'il se sentait le mieux pour tenir une conversation.

- Ah, voilà qui est mieux. Où en étais-je... ? Ah oui.

Il se tourna spécifiquement vers Fanaa.

- Mademoiselle, je comprends votre désappointement. S'il m'arrivait la même chose qu'à vous, j'aurais sans doute du mal à l'accepter. Cela ne vous sera pas d'un grand réconfort, mais sachez que je trouve moi aussi la situation très embarrassante.

Son expression était la neutralité même.

- Cela se voit peut-être peu. C'est l'habitude voyez-vous, le petit passe son temps à me laisser dans ce type d'imbroglio, voilà qui vous apprend le stoïcisme à la dure.
Alors parlons peu, parlons vrai, Talisham n'est pas à votre service, et je ne l'ai jamais insinué. Moi en revanche, je suis au sien, et il m'a assigné au vôtre. Aussi, même si ce n'était pas le cas auparavant, vous avez désormais quelqu'un à votre service. Que vous soyez d'accord ou non, peu me chaut.
Je ne vous demande pas nécessairement de me suivre, si vous me précédez, cela me convient tout aussi bien.
Il ne s'agit absolument pas d'un prêt, un prêt suppose suppose qu'il y ait un demandeur, et par tous les dieux j'ai déjà eu mon comptant d'aventures et de tracas en ce bas monde, merci bien, je ne suis pas prêt de réclamer un autre service. Vous comprendrez quand vous serez vieux.
Voyez plutôt la situation comme du gardiennage: il a préféré ne pas laisser les lieux déserts pendant sa petite virée, il a donc appelé une personne de confiance pour occuper la place. Et il m'a laissé les informations nécessaires pour que je ne sois pas dérouté, pas plus.
Moi je ne trouve pas l'idée plus dérangeante que l'alternative. Si vous deviez vous absenter de la même façon, vous voudriez laisser derrière vous, remisé dans un coin, un corps inerte et bavant qui arrive tout juste à respirer par lui-même, qu'il faut nourrir, laver, torcher ? J'en connais beaucoup, moi le premier, qui préfèreraient mourir que de laisser cette image d'eux-mêmes à leur entourage. Sachez jeune fille, que les individus qui restent comme endormis paisiblement pendant des années, préservés de tout mal jusqu'à ce que le moment soit venu de les éveiller, cela s'appelle un conte de fée. La réalité dans un tel cas, désolé de vous le dire, ce sont les escarres, l'amaigrissement, et les besoins qui se font pour ainsi dire tous seuls. La réalité, c'est parfois laid. Souvent même.

En plus d'employer un vocabulaire parfois ampoulé, il avait tendance à prendre régulièrement un ton très professoral.

- Quant à vous fournir une preuve de tout ce que j'avance, et bien cela m'est malheureusement impossible. Et vous pouvez bien ordonner tout ce que vous voulez, ça n'y changera rien. Vous pensez bien que si j'avais été en mesure d'apporter un élément irréfutable pour corroborer mes dires, j'aurais commencé par là, je suis vieux, pas stupide.
Mais si vous avez une idée, je suis tout ouïe.

Sans décroiser les bras, Earl leva un doigt.

- Une question. Si la demoiselle ne vous demandait ni de la précéder, ni de la suivre, mais d'aller "gardienner" ailleurs, pour la sécurité de tout le monde ? Si vous avez les souvenirs de messire, vous saurez parfaitement le faire se rendre en lieu sûr, je suppose.

Feyn tourna la tête en direction de l'impertinent importun, et haussa un sourcil avant de répondre.

- Une réponse messire. Je suis ici, de par la volonté d'un autre, avec des obligations. Je ne dois pas "gardienner", comme vous le dites si bien, uniquement cette enveloppe corporelle. La demoiselle est explicitement comprise dans les termes de l'accord. Si je ne fais pas ma part, non seulement je serai profondément heurté au niveau de la conscience professionnelle, mais ma dette ne sera pas purgée, ce qui signifie que je pourrais de nouveau être entraîné dans une de ses folies qui ne sont plus de mon âge. Je n'aspire qu'au repos, alors pas question, ne vous en déplaise, de laisser cela arriver.
Aussi, si une telle éventualité venait à se présenter, je pense que le chemin vers un quelconque "lieu sûr" serait, ô coïncidence merveilleuse, fort similaire à celui que vous allez arpenter.
Sachez également que ma présence aurait plutôt tendance à augmenter la sécurité de "tout le monde". Le simple fait de me trouver dans le corps de celui qui est censé récupérer la seconde partie du matériel sur la route est déjà un bénéfice pour vous. J'ai accès à ses autres ressources. Je sais également où se trouve votre amie. Je peux vous assurer que je ne suis pas manchot lorsqu'il s'agit d'en venir aux mains, mais ni le moment ni le lieu ne sont propices à une démonstration.
Moi aussi j'ai une question pour vous, si j'étais un quelconque esprit errant ayant investi une enveloppe laissée à l'abandon, ou ayant chassé son occupant en lui dérobant une partie de ses souvenirs - je ne suis même pas sûr que ce soit possible, à moins d'être une entité puissante, qui aurait si elle était à ce niveau autre chose à faire que d'aller s'amuser chez les humains, mais admettons pour le contexte - quel serait mon intérêt dans le fait de vous révéler mon identité d'entrée de jeu, en sachant pertinemment que vous ne me feriez pas confiance d'emblée à moins d'être des ânes bâtés ? Quel bénéfice pourrais-je en retirer ? Si j'avais voulu vous monter une entourloupe sans risque, je me serais fait passer pour Talisham, vous auriez attribué les légères différences de comportement au choc, et je vous aurais cueillis comme de le dire. Et pourquoi diantre voudrais-je aller crapahuter dans un marais putride ? Pour le plaisir de votre compagnie ? Soyons un peu sérieux.

- Vos obligations, c'est vous qui affirmez les avoir. Ce peut être comme le reste : un monceau de paroles sans preuve ni fondement.

Earl haussa dédaigneusement les épaules.

- L'intérêt de révéler d'emblée être quelqu'un d'autre ? Justement tabler sur l'impact d'une seule parole vraie, qui ferait passer toutes les autres pour vraies également ? Mentir et jouer la comédie est beaucoup plus simple si on colle au plus près de la vérité. Et une entité si puissante n'aurait pas trop à se préoccuper des risques essentiellement encourus par son véhicule. Quel intérêt de se protéger derrière un mensonge lorsqu'au final on n'encourt aucun danger ? Toujours est-il que vous n'avez toujours pas donné la moindre once de preuve pouvant inciter qui que ce soit à vous faire confiance.

Mellyna écoutait d'une oreille.

*Ah, il faut qu'il soit mort ? Quel dommage...*

Cela coupa court à ses rêveries de liberté.
Elle finit par se résoudre à intervenir d'une voix posée et calme.

-Messire Feyn ? Dame Aryllë pourrait-elle nous confirmer votre identité et vos intentions ?

Se tournant vers Earl et Fanaa, elle s'expliqua :

-S'il n'y a pas de preuves et que des paroles nous pouvons tourner en rond pendant un bon moment encore. Il suffirait de le surveiller le long d'un court chemin et nous serions fixés. S'il sait où elle est, il possède une information importante pour la suite de la quête de Fanaa.

Le second sourcil suivi le premier. D'agacé, il devint consterné.
*L'éducation aurait donc tant baissé depuis mon départ pour qu'un raisonnement aussi simple puisse échapper à quelqu'un ? Je ne saurais dire s'il ne comprend pas ou refuse simplement d'écouter.*

- Ah, c'est moi l'ancêtre, et c'est vous qui faites la sourde oreille. Rassurez-moi, toutes les parties de votre anatomie ne sont pas dans le même état de décrépitude avancée au moins ?
Ou peut-être mes phrases étaient-elles trop complexes, laissez-moi donc répéter et reformuler, je vais parler lentement pour vous ayez le temps d'enregistrer ce que je raconte:
Premier point sur lequel il m'a semblé être explicite: je ne dispose d'aucune sorte de preuve, et j'ignore comment contacter l'instigateur de ce - excusez-moi du mot - monstrueux foutoir. Si j'en avais eu la moindre idée, ce serait fait. Je ne suis pas un mage, moi. C'est bon, je ne vais pas trop vite pour vous ?
Ensuite, mais pourquoi diable irais-je m'amuser à monter une arnaque si compliquée pour vous filer le train ? Vous êtes paranoïaque et pensez que tout le monde vous en veut ? Vous vous êtes fait des ennemis dans le monde des morts récemment, du genre capable de revenir de la tombe ? Ça n'a aucun sens. Si j'avais vraiment dérobé le corps du gamin pour venir prendre du bon temps, j'aurais déjà filé. Vous n'êtes pas si intéressant que vous le pensez. L'univers ne tourne pas autour de vous. Et vous n'imaginez pas à quels trésors ce corps pourrait me donner accès si j'étais mal intentionné, il me suffirait d'aller les chercher. Et au lieu de ça je me retrouve à discuter avec quelqu'un dont les engrenages mentaux semblent sévèrement ensablés, et je vous garantis qu'il faut une sacrée obligation pour me contraindre à ça.
Voilà tout ce que je peux vous dire, il est inutile que je m'échine à me présenter en détail, puisque vous ne croirez pas un traître mot sans preuve, et que je n'en ai pas.
De toute façon, pourquoi devrais-je me fatiguer à vous répondre ?
C'est à la demoiselle que je m'adressais au départ. je suis, dans les limites du raisonnable, son subordonné et non le vôtre. Et je répondais à ses injonctions avant que vous ne m'interrompiez. En ce qui me concerne, quelque soit le statut que vous pensez avoir par ailleurs, c'est elle qui dirige.
Peut-être pourriez-vous avoir maintenant la décence de la laisser s'exprimer ?

*Se faire marcher sur les pieds par un jeune paltoquet à peine sorti du nid, décidément j'aurais tout vu. Et dire que je trouvais Talisham insolent... au moins n'était-il pas gonflé de sa propre importance comme celui-là.*
Il se tourna vers Mellyna, agréablement surpris de son intervention. Une qui cherchait des solutions plutôt que de remuer sans fin le problème.

- Je vous en prie, ne me donnez pas du messire. Je n'ai jamais appartenu à la haute société, bien que je l'aie côtoyée.
Hum, Aryllë... oui je vois. La question est pertinente. Elle ne m'a pas connu, j'avais déjà rejoins ce que je pensais être ma dernière demeure depuis longtemps lorsqu'elle a rejoint le groupe de Talisham. Il n'est pas impossible qu'il lui ait parlé de moi, mais ça ne suffirait pas à m'identifier, qui sait, en suivant le raisonnement de paranoïaque qui me siffle aux oreilles, peut-être que plutôt que singer Talisham, j'ai choisi un individu issu de ses souvenirs pour mieux vous berner pour d'obscures raisons... À la rigueur, peut-être a-t-elle emmené un artefact de vérité. Rien n'est garanti, mais ce serait une piste.

- Alors, messire l'"ancêtre". Si je vous demandais des preuves, ce n'était pas pour que vous m'en fournissiez puisqu'en effet vous avez déjà dit de pas en avoir. Ce que votre esprit follet aurait dû saisir au travers de cette question, c'est : vous pouvez toujours discourir comme vous savez si bien le faire, ça n'avance à rien. Réfléchir à une autre solution, en revanche... mais vos engrenages à vous manquent sans doute d'huile, puisqu'il faut que ce soit dame Mellyna qui fasse la première suggestion valable. Et je ne suis peut-être pas intéressant, moi, mais ce n'est pas de ma sécurité que je m'inquiétais, figurez-vous. Je sais pertinemment qu'il y a d'autres personnes un peu trop intéressantes dans cette pièce. Mais sans doute estimeriez-vous d'avantage un freluquet qui vous aurait immédiatement cru ?

Earl fit un signe méprisant de la main.

- S'il suffisait d'être vieux pour être sage, Adreis serait merveilleuse. Voilà, le paranoïaque-sans-aucune-raison-personne ici-n'est-perpétuellement-en-danger va se taire, si ça peut vous faire plaisir.

*Vieux ou jeune tous les mêmes, c'est à celui qui pisse le plus loin...*

La dédrane garda pour elle cette pensée philosophique qui ne ferait vraiment pas avancer la discussion. Et puis le lévitis l'avait complimenté, elle n'allait pas l'insulter en suivant.
Elle haussa les épaules d'impuissance, se réinstalla confortablement dans le fauteuil, de toute façon ce serait à Fanaa de prendre la décision.
Eleïr'l s'était endormi sur ses genoux et ronflait doucement.

La débat avait au moins apporté une chose : un Earl jaloux et protecteur, même grognon, c'était plutôt mignon à voir.

Feyn ne put s'empêcher de se plaquer la main contre le visage. Il aurait laissé courir une bravade de coq sans conséquence, mais là ce n'était pas possible.

- Oh oui, par pitié, surveillez votre langue. Vous avez réussi, dans la même tirade, à dire que vous ne me faisiez aucune confiance - merci, j'avais remarqué - que vous vous préoccupiez de la sécurité des autres, et à suggérer que quelqu'un ici pourrait avoir suffisamment de valeur pour qu'on lui en veuille. Bravo, belle démonstration. Comme vous le dites si bien, vous ne savez rien de moi. Laissez courir votre imagination et penchez vous sur les conséquences que pourraient avoir cette simple fuite d'information dans le cas, par exemple, où je chercherais quelqu'un sans savoir exactement qui ? Vous viendriez juste de me désigner des cibles. Elle est belle la sécurité, ah.

Il commençait à mieux comprendre les inquiétudes de Talisham, et à en nourrir lui-même.

- Je ne prétends pas être sage. Et en réalité, je ne pense même pas que vous soyez complètement idiot. Alors oui, essayez de vous taire un peu, considérez les scénarios possible, et vous réaliserez j'espère que dans certains d'entre eux, et pas forcément les plus improbables, les paroles que vous venez de prononcer causent la perte de ceux qui se trouvent ici. Et pas de "oui mais ce n'est pas arrivé alors...". Pour quelqu'un qui voudrait un commandement, il s'agirait d'une faute lourde, messire.
Si vous écoutiez comme je vous en ai prié au lieu de faire votre numéro de mâle alpha cherchant la bagarre, vous auriez peut-être remarqué que j'ai émis une suggestion à mots couverts. "Je ne suis pas mage". "Ce que votre esprit follet aurait dû saisir" au travers de cette remarque, c'est que nous avons un souci qui est purement du domaine du spirituel, si quelqu'un peut trouver une preuve et vous satisfaire, c'est quelqu'un qui peut soit détecter le mensonge sur un plan non-physique, soit contacter un esprit parti en vadrouille dans je ne sais quel plan. Un sorcier, un mage, un shaman, un prêtre ? Moi, je ne connais rien de ces choses là, et ce n'est pas évident de fouiller une mémoire qui n'est pas la sienne quand quelqu'un vous asticote.
Alors peut-être me suis-je un peu trop énervé, mais peut-être pourrez-vous comprendre, en acceptant juste pour quelques instants l'hypothèse que je puisse dire la vérité, que je suis aussi confus que vous pouvez l'être.
Mais nous sommes loin d'avoir eu tous les avis.

Il se tourna de nouveau vers Fanaa et décida de ne plus bouger ni parler tant qu'elle ne se serait pas exprimée.

Fanaa paraissait atterrée. Elle fixait Talisham et entendait toutes ces paroles, ça volait dans tous les sens c'était plein de mots et de tournures mais au final assez vide de sens. Elle plongea son regard dans les yeux verts de Talisham. Le regard n'était pas le même, il ne pétillait pas.

- Si ce que vous dites est vrai, alors vous ne pouvez pas savoir si il va bien, ni si on peut l'aider par quelque moyen que ce soit ?

Elle n'arrivait pas à quitter son regard. Ca n'allait pas, ce n'était pas juste et c'était perturbant. Et puis ce n'était pas normal.

*Qu'est-ce qu'Altarielle ferait en pareil cas ?*

- Monsieur Feyn, vous allez fermer les yeux.

Ce n'est que lorsqu'il eut caché son regard reptilien derrière ses paupières closes que la danseuse osa s'avancer vers lui. Elle leva une main qu'elle passa le long du torse de l'elven sans le toucher. Pour plus de concentration, elle aurait dû fermer ses yeux mais cela n'aurait pas été très sûr. Il parlait plutôt bien, mais il restait un inconnu.

- Où est donc ton coeur ...

Talisham n'avait il laissé que son enveloppe ? Rien de plus ? Il devait bien y avoir quelque chose de plus lui, de plus intime quand même. Quelque chose qui soit imprégné de son essence, de ... C'était plus difficile avec Talisham. Même si il avait énormément d'importance pour elle, elle ne le connaissait pas aussi bien que Syld et Earl et ... là ... il y avait quelque chose qui pulsait là. La fine main se referma autour de quelque chose de rond. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle reconnut un pendentif, rouge, une pierre en forme de fleur. Une rose sauvage.
Là. Ici c'était lui, c'était vraiment lui.
Elle empoigna le bijou et sa main libre vint se poser sur les paupières de l'homme et les paroles lui vinrent toutes seules.

- Un coeur, une âme, un miroir de vérité. Les yeux sont le reflet de l'âme, tu ne peux y échapper.

Ensuite elle rompit le contact et recula.

- C'est bon, vous pouvez ouvrir les yeux.

Il s'exécuta. Décidément, il était docile. Mais cette constatation mettait Fanaa mal à l'aise, elle ne voulait personne "à son service". Berk. Rien que l'idée ... non c'était trop bizarre.
Les iris de l'inconnu avaient maintenant une couleur gris bleuté et ses pupilles étaient tout à fait rondes. C'était Talisham, mais ce n'était pas lui. C'était son corps, son visage, mais ce n'était pas lui. Et ainsi, c'était légèrement moins choquant. Légèrement seulement mais c'était déjà ça.
Lorsque Talisham reviendrait - car Fanaa escomptait bien qu'il revienne - ses yeux naturels reviendraient aussi. Elle ne pourrait pas le manquer. Enfin ... si Feyn n'avait pas éloigné le corps avant.

- Je ne suis pas vraiment mage mais ...

Elle tourna les yeux vers Earl, quémandant de l'aide. Il était mage lui. Enfin depuis peu, certes, mais il était intelligent, il saurait sûrement quoi faire, il ...

*Mais je n'ai pas à l'ennuyer avec un souci qui n'est pas le sien. Il a déjà accepté de venir à la taverne et de faire mine de réfléchir à la suite, si je lui en redemande trop il va se mettre en colère.*

Elle tendit la main vers Feyn.

- Donnez moi son pendentif. Merci.

Elle serra la petite pierre dans le creux de ses mains. Elle pulsait, comme vivante, il émanait d'elle quelque chose qui n'appartenait qu'à lui et de plus elle était rouge. Peut-être que ça pouvait marcher ?

*Talisham ? Oh s'il te plait, reviens Talisham ! J'ai encore tellement de choses à te dire ! Tu ne dois pas disparaître comme ça, je ne sais même pas si tu vais bien. Reviens Talisham, je t'en prie ! S'il te plait, s'il te plait, s'il te plait ...*

Elle serrait l'objet très fort et ses yeux tout aussi fort. Sans lui ce n'était pas pareil. Sans lui ... et puis il avait disparu si vite ! Sans rien lui apprendre encore ! Pourquoi ? Oh Talisham !

Fanaa resta encore les yeux clos à essayer de saisir un dernier soupçon de Talisham, un ulltime soupçon fugace ... mais il n'y avait plus rien. Même en se concentrant très fort. Découragée, elle rouvrit les yeux pour fixer le bijou. Il avait perdu la moitié de son elixia. La moitié ! Pour un simple appel et quelques phrases hachées ! Donc, en toute logique, elle ne pourrait l'utiliser qu'une seule fois encore. Une seule et unique fois. Ca ne faisait pas beaucoup.

Elle embrassa pieusement le pendentif rouge puis se l'attacha autour du cou et le glissa sous le tissu de sa robe. Il pulsait doucement. Il était froid mais il était si confortablement installé qu'il se réchaufferait bientôt.

Elle poussa un soupir résigné.

- Vous dites la vérité. Pas la peine de me dire que c'est ce que vous n'avez pas arrêté de répéter, je le sais, j'ai entendu. Je devais vérifier, maintenant je veux bien vous croire. Mais je ne m'habituerai jamais à vous voir dans son corps. Les yeux aident un peu, c'est déjà cela. Vos vrais yeux, ceux que vous aviez lorsque vous étiez vivant, ils étaient aussi d'une teinte plus grise que bleue ? Oh attendez. C'est ... disons ... gentil de rester avec moi mais je vous assure que ce n'est pas la peine. Talisham était là pour une vraie raison, il avait un rôle spécial et vous ne pourrez pas le tenir. Alors ... vous êtes sûr que je ne peux pas vous congédier ? Si c'est moi qui vous le demande, Talisham ne pourra rien dire. Oui je sais que vous craignez d'avoir pire comme dette la prochaine fois, mais ... mais même si c'est pire ce sera peut-être mieux pour vous, non ? Vous devriez rapidement y songer. Vraiment.

Feyn considéra gravement la jeune femme.

- Je m'excuse pour cela, voir une enveloppe familière se comporter de façon complètement différente ne doit pas être facile à supporter d'entrée de jeu. Vous pourriez essayer de me considérer comme... Un jumeau ? Si cela vous convient, je pourrais également me vêtir et me coiffer autrement.
Plus gris que bleu, oui, c'était effectivement leur teinte...
Ah ! Et si le gamin revenait, il faudrait qu'il vous cherche partout ? Ce n'est pas possible voyons. Mes raisons et mon rôle ne sont pas les mêmes que les siens, mais ils ne sont pas inexistants pour autant. Je me suis laissé dire que vous aviez quelques soucis avec certaines notions. Que vous aviez besoin, pas qu'on vous protège, mais qu'on vous apprenne à ne pas avoir besoin d'être protégée.
Si j'ai réussi à faire rentrer un peu de plomb de la cervelle de la fouine de service, qui, croyez-moi, n'était pas un étudiant dont il était aisé de s'occuper, mais plutôt un sacré tire-au-flanc, je devrais pouvoir vous enseigner quelques petites choses.
Laissez-moi me présenter un peu mieux.
Feyn, ancien précepteur et majordome d'une grande maison aujourd'hui disparue, ancien elven, et ancien défunt, à votre service.

Cette fois, il était debout, et pouvait donc s'incliner. Il ne s'en priva pas.

- Monsieur Feyn ...

Oui bon. Si elle renaclait encore, ils allaient tergiverser, ça durerait, le groupe en bas se demanderait ce qui se passait, Aryllë et Taymir encore plus. Derrière la fenêtre, le ciel était vraiment clair, pour ce qui était de partir peu après l'aube, c'était manqué.

- C'est d'accord, vous pouvez venir avec nous. Maintenant allons-y, il faut mettre le groupe d'en bas au courant, si elles viennent, et puis rejoindre au plus vite Taymir et Aryllë. Venez, descendons.
Earl, Mellyna ...

Elle regarda chacun d'entre eux et ses épaules s'affaissèrent.

- Il faut qu'on se dise au revoir. Vous ... euh ... ici ou ... en bas ?