La Taverne de Veis

La berceuse n'avait pas effet que sur la petite, Dide continuait de la fredonner, et s'assoupissait a son tour. Il stoppa alors sa chanson, et déclara.

-Si vous le voulez bien, je souhaiterai prendre congé. Allez vaquer à vos occupations, et laissez mi récupérer. Dites ... Dites à Thérèse que je prendrai moi petit déjeuner un peu plus tard demain, et excusez moi auprès de mon père je ... ZZzzzzZZZzzz

Il s'était endormit.

Il fait noir. Non ce n'est même pas du noir c'est le néant. Il n'y a ni sol, ni mur, ni plafond, ni ciel. Il n'y a rien.
Fanaa se trouve là, assise, bien droite. Dans la même posture se trouve la blonde Plume et la rousse Cerise. Toutes trois s'observent en silence. Soudainement, trois questions fusent en même temps :

- Qui suis je?
- Quelle est la couleur de la quatrième lune ?
- Je vais disparaitre ?

Chacune a posé une question. Mais, étrangement Fanaa ne se rappelle plus de sa question. Elle aurait même pu poser les trois, au fond.

Du bruit. Un clapotis d'eau, un frottement de tissus mouillé. Fanaa tourne la tête et rompt le contact avec les deux autres.

*****************************

Elle ouvre un oeil et aperçoit Soghann qui fait sa lessive dans l'autre baquet. Ils ont prévu un bain par personne? c'est dire si ils étaient sales. Elle veut dire quelque chose mais son cerveau embrumé est incapable d'associer les idées, ce qui donne un :

- grmblehil sive...

Prenant son courage à deux mains, Fanaa se lève, perd un oeu l'équilibre mais parvient à sortir de l'eau. Son regard bleu est tout sauf vif. Elle essuie ses longs cheveux noirs, ramasse son petit haut et son shorty de cuir puis tangue jusqu'à son lit.

- j'ten ficherai moi des crescendo...

Sur ces bonnes paroles marmonnées, elle se roule en boule dans sa couverture et tomba en sommeil. Un sommeil qu'elle n'avait pas vraiment quitté au cours de ces dernières minutes.

Quelques temps plus tard, l'une des serveuses venait frapper aux portes de toutes les chambres occupées. Elle délivrait à tous le même message :

- Veuillez descendre dans la grande salle, le Capitaine a une déclaration à faire. Cela concerne la sécurité de tous.

En effet, dans la salle principale de la Taverne, les gardes se réunissaient, répondant au question par un regard éloquent en direction de leur capitaine. Les occupants des chambres descendirent, et sans s'assurer que tout le monde était là, l'homme monta sur l'une des tables. Sont pas lourd fit résonner le bois, et chacun put admirer son armure qui, s'il elle n'était pas particulièrement belle, avait vu de nombreuses batailles. La main posée sur le pommeau de son épée, le Capitaine toisait chaque occupant de la salle.

Peu à peu les conversations se turent, et le grand homme prit la parole, d'une voix forte et assurée.

- Bonjour à tous. Pardonnez moi d'interrompre votre repos ou votre repas, mais ce que j'ai à vous dire concerne votre sécurité à tous.

Il fit une pause, s'assurant du regard qu'il avait bien l'attention de chacun. C'était le cas.

- Une troupe de pillards se dirige vers ici, dans l'intention évidente de nous attaquer. Leur motivation nous est inconnue. Elle est composée essentiellement de paysans ne connaissant pas grand chose à l'art du combat, mais pouvant faire du dégât par leur nombre et leur fanatisme. Il y a aussi un certain nombre de soldats vétérans, ainsi que probablement quelques sorciers.

Tout cela ne devrait pas poser trop de problème à notre troupe. : nous sommes habitués à ces situations. Cependant, pour votre sécurité, je vous demanderais à tous de ne pas quitter le bâtiment jusqu'à la fin de la bataille, et de rester caché dans vos chambre si vous n'êtes pas en état de combattre ou d'apporter une aide quelconque aux défenseurs. Nous ne voulons personne dans nos jambes quand des vies sont en jeu.

Si vous voulez prendre part à la défense, adressez vous à Thénaïs, elle vous affectera un poste. Les assaillants seront là d'ici quelques heures. En attendant, reposez vous, et surtout ne nous gênez pas. Nous connaissons notre boulot.

Un silence de mort s'abattit sur la salle, tandis que le Capitaine descendait de son perchoir. Autour de lui, les mercenaires achevaient de se préparer. Une partie du personnel, notamment le chef Cuistot, Jelnor, en faisait partie. Plusieurs clients commencèrent à se diriger vers Thénaïs, qui se tenait bien droite, et distribuait conseils et ordres d'une voix assurée... Quoi que peu aimable.

D'un regard, le Capitaine jaugea ses effectifs. Une cinquantaine d'hommes, tous vétérans. Amplement de quoi stopper la troupe hétéroclite qui les menaçait...

- Me réveiller pour me renvoyer au lit... grmblg..

Malgré de louables efforts pour avoir l'esprit clair, Fanaa ne parvenait pas totalement à émerger. Pas du tout en fait. Pire : à force d'essayer revenait la sensation désagréable et presque douloureuse de griffure à l'intérieur du crâne. Elle plaqua ses mains sur ses tempes et commença à appuyer, tentant de calmer la venue de la douleur mais rien n'y faisait.

Il fallait qu'elle se rendorme, c'était le seul moyen d'y échapper. En gardant les yeux ouverts, la sensation était tellement insupportable! Un clerc. Peut être devrait elle demander à un clerc de l'ausculter mais si elle n'avait rien? si c'était son imagination? elle s'en voudrait de faire dépenser de l'argent à Soghann et Syld pour rien. Mais ce n'était pas rien. C'était comme une horde de craies gémissant sur des tableaux noirs, des couverts raclant les fonds des assiettes et des mâchoires crispées au dents grinçantes... à devenir dingue.

- Je remonte. Je ne suis d'aucune aide pour une telle bataille...

Péniblement, cramponnée à la rampe, elle retourna à la chambre. Des éblouissement gênaient sa vue. Elle y était presque. Son lit, enfin. La jeune fille se laissa tomber à genoux, posa son front sur le matelas et après un spasme, elle se sentit perdre connaissance.

Enfin...

Le réveil avait été rapide, et l'intérêt de la situation avait complètement réveillé Soghann. Rapidement, il remis ses vêtements déjà secs, et descendit d'un pas, suivi d'une Fanaa encore dans le brouillard.

Syld, quant à lui, ne s'était même pas réveillé, et ne le ferais probablement pas avant plusieurs heures. Voire le lendemain matin, quand son estomac déciderai qu'il en aurait marre de l'inconscience de son propriétaire.

L'assassin assista au discours sans un mot, et laissa Fanaa remonter. Effectivement, la laisser participer au combat risquait de considérablement compliquer sa tache de protection : autant donc qu'elle reste dans la chambre, avec Syld.

Lui, en revanche, se sentait d'humeur à ouvrir quelques gorges. Il avait de toutes façon le sommeil trop léger pour se reposer en plein milieux d'une bataille, donc autant se rendre utile.

Il s'approcha donc de Thénaïs, qui le reconnut évidemment. Lui, en revanche, eut un peu plus de mal à accepter la transition entre le costume de serveuse qu'elle arborait la dernière fois et l'armure qu'elle portait à présent... Et qui, exploit remarquable, n'entachait presque pas son charme. Histoire de renseigner les quelques sous-fifres qui trainaient dans le coin, il déclina tout de même son identité avec un sourire en biais.

- Soghann, Shalos, Assassin. Spécialisé dans la chasse, l'inflitration, et les plans compliqués.

- Tes compagnons ? Si elle s'attendait à voir Syld, elle allait être déçue. Que ce soit pour une partie de jambes en l'air ou pour un coup de poêle sur le crâne, d'ailleurs. Soghann, en revanche, ferait bien de la demoiselle son quatre-heure.

- Les deux sont trop épuisés pour être d'une quelconque utilité. Nous avons eu une nuit très agitée. J'ai l'avantage de récupérer très vite.

La mercenaire ne posa pas de questions, et se contenta d'hocher la tête. Il la provoquait délibérémment, mais ce n'était ni le lieu ni le moment pour qu'elle ne fasse un scandale... Et elle el savait très bien.

De porte en porte, elle frappait et répétait le même discours. Tiphanie en avait marre. Franchement, c'est trop nul que toutes les corvées, les moins drôles soient toujours pour les mêmes. Il restait une dernière chambre à prévenir des ordres du grand capitaine Quaterbek. Si elle l'oubliait, personne n'y verrai rien... Mais d'un autre coté si elle faisait encore une gaffe elle serait viré, ça serai trop pas juste que ce soit pour une seule porte. Surtout qu'elle commençait à faire de l'effet au capitaine, elle en était sure. Elle avait bien fait de raccourcir la robe du costume que devait porter les serveuses.

Elle frappa dans la porte avec son pied . Ces coups répétés sur les portes commençait à faire mal à ses mains si délicates.

-Ouvrez c'est la femme de chambre, l'état d'urgence est déclaré.

Aucune réponse. Plus vite ils sont au courant, plus vite elle pourra aller voir son beau capitaine. Elle ouvrit brusquement la porte.

-Dites la dedans ... euh ... ah oui ! Veuillez descendre dans la grande salle, le Capitaine a une déclaration à faire. Cela concerne la sécurité de tous.

Aucun mouvement. Le couple Fédorien était étendu, sur le lit. Pourquoi ils avaient eu droit au soierie rouge. Han ! C'était surement parce que avec ses gros muscle et son air de vétéran de guerre, le fier guerrier Fédorien avait du séduire l'une des autres serveuses. Surement Thénaïs, qu'elle garce celle là. Elle s'approcha de l'homme pour le secouer un peu, et vérifié que c'était bien des muscles

-Ho ! On se réveille. C'est pas possible de dormir a cet heure ... les yeux ouvert en plus... Qu'est ce que

Une substance gluante s'était répandu sur ses main. Elle observa le liquide rouge, puis les corps, ne vis aucun pot de vernis a ongle a proximité -de toute façon la Fédorienne n'était pas du genre a en utiliser- elle ne comprit que quand elle vit la plaie sur les cous des deux occupant du lit.

-HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Le son aigüe résonna dans toutes la taverne, dans les plaines alentours, et on dit que tous les Adreniens du continent eurent un sifflement dans les oreilles en cet instant.

Tiphanie ne se contenta pas d'hurler, elle couru à toute jambe vers la salle de réunion. Dés qu'elle entra dans la pièce, elle cria de sa voix désagréable et haut perchée

-UN MEURTRE ! En haut !C'est horrible ! Plein de sang ! Un couple est mort. Et j'ai toucher les corps. Maintenant ma robe est foutu et ...
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
MES CHAUSSURES.

Elle tomba dans les pommes, rattraper bien sur par un homme, c'est pas le genre de fille qu'on laisse tomber.

Il aurait fallu être raide mort ou bien sourd pour ne pas sursauter au cri de la fille d'auberge. Et à vrai dire, ce hurlement aurait même vrillé le crâne d'un sourd, à défaut de lui percer les tympans. Les vitres de toute la taverne en avaient vibré dans leurs châssis de bois.
N'étant ni l'un ni l'autre, Syld rata un ronflement, fit une grimace, et embrocha de cinq griffes vengeresses l'oreiller qu'il serrait amoureusement contre lui avant même d'ouvrir un oeil brumeux au possible.

- 'taiiin, c'quoi ce barouf...

Le Shalos esquissa un mouvement pour se redresser et aller couper -définitivement- le sifflet du... non, de la fautive.
Mais, déjà, les désagréables cris d'orfraie se déplaçaient et s'élevaient depuis la grande salle.

- Trop loin.

Déçu, Syld se laissa mollement retomber sur son malheureux coussin qui vomissait la moitié de ses plumes par ses déchirures.

L'odeur lourde et douceâtre du sang lui parvenait jusqu'au travers des murs. Elle emplissait le couloir, rampant jusque devant la porte de la chambre. Le jeune homme avait une perception aigue de la mort, et pouvait presque sentir les cadavres à travers les murs. C'était là un étrange instinct propre aux assassins, un instinct qui dépassait les frontières des cinq sens.

La pièce était parfaitement tranquille.
Bon, tant que ça ne les concernait pas, il se fichait éperdument de ce qui pouvait se passer dans la taverne.

Syld prit donc juste le temps de lâcher un "Y pouvaient pas aller se faire assassiner ailleurs, crénom ? Aucun respect pour les autres !" étouffé par le tas de plumes et de s'étonner devant la position assez peu confortable que Fanaa avait adoptée pour dormir, avant de replonger dans un profond sommeil.[/i]

[hrp] et merde, j'suis a la bourre... [/hrp]


Hakuren soupira. Le ménestrel et la fille dormaient... Le fédorien ne lui répondait pas.. Elle haussa les épaules, fronça les sourcil un moment puis finalement s'assit dans un petit fauteuil installé dans le coin. Machinalement, elle prit un de ses carnet et reprit son écriture.

Dans la pièce, il n'y avait que la respiration des deux dormeurs et le grattement de la plume de la mage qui rompaient le silence reposant. Soudain, en bas, on pu deviner qu'une effervescence naissait. Des bruits de pas dans le couloir, des portes qui claquaient, des cris... mais rien ne perturbait la convalescente et son gardien.

L'activité de ruche fut alors interrompue par un cri. Un unique cri a percer les tympans... Puis quelqu'un courrait dans les couloirs et descendait les escaliers...

Hakuren se leva et ouvrit la porte en entendant la raison du hurlement

- Un meurtre? il ne manquait plus que ça...

Dans la salle, un enfant roux, qui était en train de jouer avec de l'encre, une plume et quelques feuilles, prenait un air tétanisé. Néanmoins il ajouta une dernière chose à son travail, le plia avec soin et le rangea dans la grande poche ventrale de son pull ou quelque chose d'autre formait une drôle de bosse. Il parcouru du regard la salle. Puis finalement s'arrêta net, il chuchota.

-Papa ? Maman ?

Sans prévenir il fonça vers l'escalier

- Dégage, tu me gênes.

Le gamin avait monté les escaliers de toute la vitesse de ses courtes jambes, si vite qu'il aurait été bien incapable d'éviter l'homme qui venait d'apparaître sur la dernière marche, comme sorti de nulle part. Mais avant même qu'il ait pu le heurter, le claquement sec d'un revers de main contre une joue se fit entendre. Le gosse partit à la renverse et redégringola la moitié de l'escalier.

- Tch !

Sans s'inquiéter outre mesure de l'état de l'enfant, le jeune homme se détourna avec une moue méprisante.
Les chaussures souillées de la fille d'auberge avaient laissé une piste sanglante jusqu'à la chambre du fond. Pourtant le nouveau venu n'y prêta nullement attention et se planta face à une porte au milieu du corridor.

Les mains dans les poches de son manteau gris de poussière, il observa le battant en pinçant les lèvres, renifla, leva un pied... et abattit le pied en question dans la porte qui craqua et s'ouvrit sans discuter.

Syld rouvrit brusquement l'oeil en se sentant saisi par le col.

- Que...
- Ah, je t'ai enfin attrapé, espèce de sale cafard !

Le Shalos réussit enfin à faire le point, et le moins qu'on puisse dire, c'est que le visage qu'il vit penché sur lui ne lui plût pas particulièrement.

- Aaaargh !

Se débattant comme un beau diable, il parvint à échapper à la poigne de son agresseur et dégringola par terre avec un bruit sourd.
Pourtant cette vision aurait pu passer pour agréable : joli visage, traits fins, un teint hâlé associé à de longs cheveux blancs et de remarquables yeux d'un brun tellement clair qu'il tirait sur le jaune... Pareille combinaison aurait arrêté n'importe qui.
Syld n'alla certes pas plus loin que le plancher, mais c'était essentiellement à cause du genou qui pesait sur son sternum. Et peut-être à cause du poignard sur son cou, aussi.

- Je commençais à en avoir marre de te courir après, râclure. Pendu avec tes propres boyaux, ça te dit ?

Le fracas de la porte et les éclats de voix réveillèrent Fanaa en sursaut. Adrénaline. L'esprit tout à fait clair, elle fronça les sourcils en direction de ceux qui faisaient tant de boucan et en voyant Syld en danger, elle ne fit ni une ni deux et sauta sur l'agresseur.
Si elle avait pris le temps de réfléchir, Fanaa aurait commencé par discuter peut être. Notamment parce qu'elle savait qu'un homme, encore plus un shalos -et Syld autant que tous les autres- détestait paraitre en position de faiblesse. Le fait qu'elle, une fille ait ne serait-ce que l'idée de le défendre pouvait lui porter une certaine gêne dans sa fierté de mâle.
Seulement... quand la jeune femme était éveillée brusquement, elle ne devenait qu'instinct et réagissait au quart de tour.

Ses yeux -violets- étaient plongés dans ceux du jeune homme aux cheveux blancs. Une de ses jambes étaient enroulée autour de sa taille à lui tandis que son autre genoux était son appui au sol. Son bras gauche lui entourait les épaules et sa main droite tenait l'une de ses dagues sous son menton. Son buste était tout contre celui de son vis à vis.

Son corps avait réagi automatiquement. Comme à Shalanos.

- Qui êtes vous? gronda-t-elle.

- Ah, non Fanaa, tu ne devrais... Holà !

Dégageant son bras, il rattrapa par la lame le deuxième poignard qui venait d'apparaître entre les doigts du nouveau venu et qui allait se plonger dans le flanc de la jeune femme.

- Oh putain...

Syld renversa la tête en arrière avec un énorme soupir.

- Pas moyen d'avoir un moment de paix, vraiment. Fanaa, je te présente Earl. Earl, dis bonjour à la demoiselle.
- Va crever.
- C'est bien ta façon de dire bonjour, va...

Le brigand avala sa salive avec quelque difficulté en dépit de son ton léger. La lame sur sa gorge avait commencé à s'enfoncer, et celle qu'il retenait tirait toujours avec insistance du côté de Fanaa. Syld devait serrer l'acier de toutes ses forces pour l'empêcher de continuer son chemin.

- Hé, fiente de chewgal ?

Le Shalos leva un sourcil intrigué.

- Quoi ?

Ignorant toujours aussi complètement Fanaa, le dénommé Earl considéra Syld avec une expression d'écœurement.

- T'as été blessé il n'y a pas longtemps ?
- Ouep.
- Et merde, tiens. Aucun intérêt.

Le poignard quitta le cou du brigand et vint se piquer dans le parquet, au ras de son oreille.

- Cette petite pétasse, c'est ton plan "jambes en l'air" du moment ?
- Oh... la question mériterait d'être étudiée.
- Sans blague ?

Earl retira son second couteau d'un geste sec, arrachant un tressaillement douloureux à Syld.
Du sang ruisselait le long de son poignet et dégouttait jusque sur le sol. Ah, merveilleux, il avait encore réussi à s'abîmer les phalanges...

- Fanaa, je pense que tu peux le lâcher. Et puis ce n'est pas comme si vous pesiez tous les deux sur moi, mais...

L'assassin réprima une petite grimace.

- Si vous restez comme ça, je vais vraiment avoir au moins une côte à craquer.

Fanaa cligna des yeux -bleus- et dévisagea celui autour de qui elle était enroulée. Réalisant qu'elle le menaçait avec sa dague, elle cacha bien vite son arme dans son dos.

- Oh, désolée. Bonjour.

Elle se détacha de lui et regarda Syld avec une moue peinée.

- Oh non, tu t'es encore fait mal...

Cette pensée lui rappela Sendaë. Douloureux souvenir. La dedrane qui avait pourtant semblé sincère lorsqu'elle disait vouloir être son amie, avait embrassé Syld, puis avait déserté. Sans un mot, sans un regard.
Fanaa secoua la tête pour en chasser ces images, caressa tendrement Syld du regard, ne se permettant aucun geste vers lui. Earl étant un inconnu agressif, la méfiance était de mise. Puis elle alla s'asseoir sur son lit pour s'habiller. Si se couvrir de ses soupçons de cuir noir shalos équivalait réellement à se vêtir. Oh pourquoi n'était elle pas repassée par la maison pour prendre des affaire?

Dépitée, elle tourna pourtant la tête vers les deux hommes.

- Tu veux que j'aille te chercher à manger? Et à boire pour... euh, Earl ?

Toujours étalé par terre, Syld huma le fumet appétissant qui provenait d'un panier posé dans un coin de la chambre.

- Pas la peine. Je crois qu'on a déjà de quoi se remplir l'estomac pas loin.
- Rien que voir ta tête suffit à me donner envie de vomir, donc ce n'est vraiment pas la peine, en effet, précisa Earl avec sa délicatesse habituelle.
- Ah ça tombe bien, c'est réciproque !
- Résidu de bouse de moo dégénéré !
- Pauv' tache !
- Toi-même !

Les deux hommes commencèrent à se foudroyer du regard avec une belle énergie. Puis Earl croisa les bras et se détourna avec un "tch !" méprisant, tandis que Syld se redressait sur sa main intacte et décidait de fixer obstinément la fenêtre à l'autre bout de la pièce.

Le regard de Fanaa alla de l'un à l'autre plusieurs fois, les coins de sa bouche se relevant malgré elle. Elle se mordit la lèvre et tenta de se concentrer mais peine perdue, elle ne put s'empêcher de rire. Un petit rire clair.

- Je ne sais même pas lequel est le plus mignon ! On dirait deux poussins boudeurs!

A cette image, son rire redoubla. Elle passa de l'autre côté de son lit, alla chercher le panier, tira une table de nuit à peu près au centre puis disposa les victuailles dessus. Enfin elle alla fermer la porte et se rassit sur le bout du lit de Syld, le plus près de la table improvisée.

La danseuse souriait maintenant.

- Et sinon, c'est qui, Earl? Si ce n'est pas indiscret bien sûr. Sinon l'image du poussin griffu qui fait du boudin... et bien je m'en contenterai ^^

Une petite veine apparut sur le front d'Earl. Le pouce du jeune homme vint caresser le fil du poignard qu'il tenait toujours à la main, tandis qu'un mauvais sourire étirait le coin de sa bouche.

- Je la tue ?
- Nonononon !

Syld ne fit qu'un bond entre son carré de plancher et Earl pour lui bloquer le poignet.

- Tu ne vas quand même pas massacrer toute l'auberge à peine arri...

Sans doute le Shalos s'était-il levé un peu vite après ce repos plus qu'insuffisant, car ce fut soudain comme si ses jambes n'avaient plus été remplies que de coton. Il s'affaissa donc contre Earl, ne tenant debout que parce qu'il agrippait des deux mains le manteau de ce dernier.

Earl devint brusquement aussi raide que s'il s'était changé en statue, et une rougeur subite envahit son visage.

- Gnnn... ... ... M-mais l-lâche-moi ! C-c'est déloyal, je proteste !

Le jeune homme tenta vainement de s'éloigner mais le rusé Syld suivit le mouvement. Earl se retrouva donc dos au mur, le Shalos toujours collé contre lui.

- Eaaarl, je me sens maaaaal...

L'intéressé ferma les yeux et détourna la tête tout en marmonnant quelque chose qui ressemblait à une incantation à base de "... t'éviscérer... te couper les... etc., etc., etc.".
Les épaules de Syld frémirent, ses doigts se crispèrent un peu plus sur le manteau de l'arrivant... puis il se rejeta brusquement en arrière en explosant de rire.

- P-par les z-z-ombres... tu verrais ta tête !

Le regard que lui renvoya Earl le convainquit d'aller prestement se mettre à l'abri de l'autre côté de la table que Fanaa avait tirée au milieu de la pièce.

- Disons que nous avons parcouru un bout de chemin ensemble il y a de ça quelques années, précisa Syld à l'adresse de la jeune fille, l'oeil brillant, encore secoué par sa crise de fou-rire. L'individu que voici est... hum... on pourrait le décrire comme un croisement incertain entre un Fédorien et un Levitis. Un peu du genre à détruire une ville entière afin de trucider le moustique qui aurait eu l'audace de piquer son auguste personne, tu vois ?

Syld décocha un oeil goguenard du côté de l'objet de cette description. Objet qui semblait littéralement s'être incrusté dans le mur et qui n'interrompit sa revue des tortures les plus sanglantes que pour lâcher un "Sale petit con !" rageur.

- Je l'ai un peu calmé, là. Il devrait bientôt être presque fréquentable. Enfin je crois.

Miracle! Il n'y avait pas seulement de la bière mais aussi de l'eau dans le panier! Fanaa alla déchirer un bout de drap, l'humidifia et l'enroula autour de la main du chenapan. S'il continuait ainsi il aurait besoin d'une soigneuse attitrée... soigneuse... Sendaë... Non. Ne plus y penser.

Toute à s'occuper de la main de Syld, Fanaa sourit.

- Tu as des amis hauts en couleurs, dis moi. Mais si celui-là massacre tous ceux qu'il rencontre... enfin chacun sa façon de faire. Quand bien même cela découle d'une incapacité totale à penser plus loin que le bout de son nez.
Et donc, l'agression de tout à l'heure c'était juste pour te faire comprendre que tu lui manquais? Et puis comment se fait il qu'il ne soit pas shalos?

Bien. Bandage terminé. Fanaa se rassit au bord du lit et étendit ses jambes.

- Je veux dire, vu sa délicatesse et sa discrétion, je t'en supplie dis moi qu'il ne rêve pas d'être assassin? Parce que dans le genre, disons... manque de dispositions adéquates, il se pose là!

La porte s'ouvrit dévoilant le grand Soghann en son encadrement.

Fanaa prenait un bout de pain et le portait à sa bouche à ce moment. Elle arrêta son geste pour s'adresser à l'assassin.

- Tiens, Soghann! La guerre est déjà finie? Ou c'est l'odeur de la nourriture qui t'a attiré? Tiens regarde à côté de toi on a de la visite. Enfin Syld a... mais tu vas voir il est drôle comme tout. Et il a certains points en commun avec toi. Des points d'acier tranchant notamment.

Et enfin elle entama son pain.

Earl l'avait insultée. Comme c'était un ami de Syld, elle ne disait rien mais en avait été blessée. C'est la raison pour laquelle elle le provoquait délibérément. A dire vrai, elle ne savait pas trop comment réagir mais rester sans rien faire n'était pas envisageable. Pas devant un tel public.

- S'il rêve d'être assassin ?

Syld tenta désespérément d'étouffer son hilarité à cette idée.

- Si tu savais !

Il essuya les larmes de joie qui lui montaient à l'oeil tout en continuant de ricaner.

- Earl, je lui dis, ou pas ?
- Mais tu vas la fermer, ta grande gueule ?
- Viens me la fermer, pour voir !

Earl fit un mouvement mal réprimé, le poignard resté vissé aux doigts, tandis que Syld lui tirait la langue d'une façon plus que suggestive.

- Ah, oui, en parlant des points communs avec Soghann, vous allez rigoler.

Avant qu'Earl ait pu le voir venir, Syld avait refait le tour de la table et l'avait attrapé par les pans de son manteau. Le fourbe brigand passa une main hardie sous le vêtement puis le secoua vivement. Un énorme bruit de ferraille dégringolant par terre se fit alors entendre.

- Earl est bien la seule personne que je connaisse à trimballer encore plus d'armes que Soghann.

Se détournant à demi, le Shalos adressa un clin d'oeil à son compère avant d'ajouter :
- Mieux vaut ne pas s'y fier. Messire a bien dû tuer autant de personnes que moi, si ce n'est plus. Mais attendez, c'est même pas le plus drôle ! Figurez-vous que... mghnnngnnh.

La main plaquée sur la bouche du bavard, Earl, lui adressa un regard capable de changer une pierre en cendres.

- Je-t'ai-dit-de-la-boucler ! Un de ces quatre je vais vraiment te buter, tu sais ?

Puis, coulant un oeil en biais du côté de Soghann, le jeune homme lâcha entre ses dents, visiblement à contre-coeur :
- Ravi...

Soghann avait à grand peine retenu un rire lorsque Syld avait fait les "présentations". Il affichait néanmoins un large sourire, et tandis la main vers l'individu : malgré son côté rustre, Earl lui plaisait bien. Les amis de Syld étaient les siens, non ? Même si cette amitié s'exprimait de manière curieuse.

- Enchanté. Je suis le partenaire de Syld. Nous avons fait nos classes ensemble.

Il prit au passage un morceau de viande qui trainait dans le panier et en arracha un beau morceau d'un coup de dent, avant de l'engloutir aussi prestement. Enfin, il daigna répondre à Fanaa.

- Non, la bataille n'est même pas commencée : les ennemis ne seront là que dans quelques heures, et c'est le branle-bas de combat là dessous. J'irais bien en reconnaissance, trancher quelques gorges sous la tente du chef, mais les ordres sont les ordres...

Se faisant, il coula un regard vers Fanaa. Il parlait clairement de la protection qu'il devait à la jeune femme, même s'il ne voulait pas l'expliciter devant Earl. Savait-on jamais, ça ne serait pas le premier "vieil ami" qui choisirai la trahison.

- Donc, en attendant, je prends quelques forces.

Comme pour illustrer son propos, il arracha un nouveau morceau de viande, tout en regardant d'un air intéressé les armes qui parsemaient le sol. Effectivement, c'était un arsenal vivant. Mais aucune de ses armes n'égalait en qualité de ne serait-ce que la moins belle de ses dagues.