La Taverne de Veis

Soghann savait parfaitement que les pires alcools étaient ceux qui avaient la transparence de l'eau, aussi scruta-t-il Slaine avec un air de demi-surprise. Cependant, devant l'aplomb du Dédrane et son franc-parler manifeste, il ne put que le croire. Apprendre à discerner quand les gens mentaient était très utile lorsque l'on devait soutirer des informations... Il laissa échapper un petit ricanement, camouflant sa surprise à voir une telle brute parler de façon si courtoise, et répondit, abandonnant un vouvoiement qu'il n'adoptait longtemps qu'avec les jolies femmes :

- Soit, tu as gagné, Slaine! Mon flair m'a trompé cette fois. Dommage, j'aurais voulu savoir ce qui pouvait contenter une carcasse telle que la tienne.

Il s'était déjà assis avant d'adresser la parole au Dédrane, mais il suivit l'invitation de ce dernier et vint donc s'assoir plus près. Sa chope toujours posée à proximité, il s'appuya d'un coude sur la table et croisa les jambes, dans une pose nonchalante qui le mettait néanmoins dans l'axe direct de Slaine. Avec un sourire en coin, il continua :

- Un habitué, on peut dire ça, oui... Comme dans la totalité des tavernes de Shalanos, ainsi que dans un certain nombre à travers le pays. Quand à mon don... Disons que c'est une chose très utile dans mon métier... Mais en cela, je me rapproche des chasseurs : j'écoute et j'espionne pour traquer ma proie, et l'abattre sans qu'elle ne m'ait vu venir.

Disant cela, il avait adopté une voie douçâtre à la force sous-jacente, loin du timbre clair adopté pour aborder le colosse. Un mince sourire carnassier retroussait légèrement ses lèvres fines. Brusquement, il changea son apparence, comme se ressaisissant, et descendit une bonne gorgée de sa chope d'un geste ample. Déglutissant d'un air songeur, il fit un geste évasif de la main, qui semblait désigner tout ce qui les entourait.

- Quand à cet endroit... Ils servent une bière passable, mais l'endroit est très fréquenté malgré les kilomètres qui le séparent de la moindre habitation. Simplement parce qu'il est au croisement de plusieurs des principaux axes de la région : on est presque obligés de passer ici si l'on voyage entre Ilymir, Shalanos, Levitas et Fedoran. Et puis, on est à la lisière du Ringem, donc on voit beaucoup de chasseurs de monstres passer dans le coin pour "apporter leur contribution" contre Valnor. Paraît qu'ils essayant de nettoyer la vallée...

L'assassin fit une pause, le temps de se désaltérer une fois de plus.

- Mais si tu veux mon avis, c'est peine perdue. Le Ringem a une histoire trop étrange, trop ancienne, pour qu'on en chasse jamais tous les esprits malfaisants et autres monstres créés par l'elixia qui traîne la-bas. Enfin, les mercenaires qui gardent la Taverne n'ont pas peur de grand chose : ce sont tous des combattant d'exception. C'est d'ailleurs pour ça que les bagarres, ici, sont rares...

- Et voilà qu'est ce que je disais? Vous avez vu Sendaë comme il est charmant avec les femmes? Ah Ling tu m'épates je te dis pas! Franchement je t'admire. Si j'avais pu avoir le quart de ton bagout moi aussi...

Il haussa les épaules.

- Mais au final je n'en aurai même pas eu besoin pour cueillir la plus jolie fleur de Ternaël.

Il baisa pieusement le front de sa belle endormie. Son regard se fit rêveur quelques secondes, puis il releva la tête et aperçut une silhouette auprès du bar. Féminine à n'en pas douter malgré son vêtement informe.

- Ling regarde! A neuf heures et quart! Mais non pas l'heure nigaud, là-bas!

Cobalt pointa le menton vers la femme à la voix douce.

- Elle me semble tout à fait charmante. Et perdue la pauvrette. On ne va quand même pas la laisser seule au milieu de tous ces barbares. Et si tu allais la chercher? Tu pourrais la mener à notre table, avec toi elle serait en sureté et en excellente compagnie. Dépêche toi! Comme ça quand l'autre tombeur au bandeau reviendra, c'est nous qui aurons toutes les plus belles à notre table!

Décidément, Cobalt se sentait d'excellente humeur. Revoir du monde après être resté si longtemps enfermé lui faisait un bien fou! Se tournant vers la dédrane à la silhouette longiligne.

- Mais installe toi chère Sendaë. Et si tu as soif n'hésite pas, Ling se fera un plaisir de t'apporter ce que tu désire, il va vers le bar de toute façon. n'est-ce pas Ling?

Et Cobalt de lui adresser un clin d'oeil encourageant. mais pas très discret, certes.

Un sifflement se fit entendre. Un sifflement tout ce qu'il y avait de réprobateur.

Fanaa n'ouvrit même pas un oeil et grommela :
- Gnnn Kraa laisse moi dormir...
Elle changea sa tête de côté, présentant l'arrière de son crâne au Krobeau, et passa ses bras autour du cou de Syld. Elle gazouilla quelques mots incompréhensibles parmi lesquels "ange" et se remit à respirer calmement.

Sur le rebord de la fenêtre, le rapace ébouriffa ses plumes de façon à paraitre plus imposant et darda sur le couple, particulièrement sur le jeune homme d'ailleurs, un regard ambré plutôt mécontent. De son bec sombre affuté comme les couteux de Seronn, sortit un autre sifflement. Et comme celui-ci était moins fort que le précédent, il pouvait sembler moins courroucé.
Ouvrant un peu ses ailes, Kraa attendit, à l'affut.

Plus que le bruit ou les mouvements de Fanaa, ce fut la sensation persistante d'être observé qui finit par faire revenir Syld des brumeuses terres des songes.
Cette fois-ci le jeune homme se réveilla sans aucun mal, aussitôt lucide. Il n'avait pas dormi très longtemps, sans doute, mais cela avait suffi pour en quelque sorte le "remettre à neuf".

Il releva légèrement la tête pour balayer la pièce du regard, et eut bien du mal à ne pas rire en découvrant un krobeau qui semblait vouloir à toute force remplir la largeur de la fenêtre.

Syld se rencogna dans les coussins, l'oeil clos.
Mais il n'avait vraiment plus envie de dormir et, même si l'idée de traînasser au lit dans de telles conditions lui était des plus agréables, il ne parvenait pas à rester réellement inactif. A défaut de bouger, il réfléchissait.
Or les sujets qui méritaient réflexion dans son esprit n'étaient pas des plus réjouissants.

Zut, il fallait qu'il se lève ! Sinon il allait voir tout sa bonne humeur partir en miettes.
L'état de convalescent ne lui convenait vraiment pas.

Avec mille précautions, le Shalos se glissa hors des bras de Fanaa, prenant garde de ne pas la réveiller.

Une brise fraîche entrait par la fenêtre.
Syld remonta les couvertures sur les épaules de la jolie endormie puis se faufila hors du lit, enveloppé d'un des draps qui avaient fini en boule dans un coin du matelas au milieu de toute cette "agitation amoureuse".

- Ne me regarde pas comme ça, souffla-t-il à l'oiseau qui le surveillait d'un air furibond. Je n'y suis -presque- pour rien... Enfin si, mais...

Il haussa les épaules avec un sourire mi-fataliste mi-amusé, puis repêcha le peu de vêtement qui lui restait sur le plancher.
Tiens, en parlant de vêtement...
Tout en finissant de boucler sa ceinture, le jeune homme alla examiner ce que Fanaa avait posé sur une chaise.

Son sourire s'élargit tandis qu'il soulevait la chemise à bout de bras. Le sourire manqua même se changer en rire tout court lorsque le Shalos découvrit le chat dessiné sur le tissu.
L'effort qu'il fit pour rester silencieux lui aurait presque tiré des larmes.

Ni une, ni deux, il passa l'habit. Levant un bras, puis l'autre, il s'examina autant que faire se peut sans miroir.
Le brigand adressa un clin d'oeil vers le rapace toujours perché sur l'appui de la fenêtre.

- Un avis ?

L'oiseau parut encore plus grincheux, et Syld encore plus joyeux.

Sa seule hésitation fut face au bandeau assorti à la chemise.

Il effleura la mince lanière de tissu qui cachait l'emplacement de son oeil droit, songeur.
Il n'avait guère envie de l'enlever. L'ôter afin de le remplacer par quelque chose offert par Fanaa...
Non. Utiliser ce présent, ç'aurait été un peu comme le salir.
Pas question non plus de le refuser.

Le bandeau noué assez lâche autour du cou (ce qui lui donnait un air un peu plus crâne, un peu plus désinvolte encore que de coutume), Syld entrebâilla doucement la porte.

- Continue à veiller sur elle, elle en a encore besoin, murmura-t-il en direction du krobeau.

Une fois dans le couloir et ne risquant plus de réveiller la dormeuse avec les craquements du plancher, le garçon enfila les bottes qu'il avait récupérées au passage puis se passa une main dans les cheveux.
Bon, une partie de sa mise commençait à manquer de fraîcheur, mais ça aurait pu être pire.
Il s'en contenterait.

Les pans de la chemise au vent, la mèche dans l'oeil et le sourire à peine plus sage que d'habitude, Syld commença à descendre les escaliers (une marche après l'autre, pour une fois : il tenait bien debout, mais il ne fallait pas exagérer non plus).

Ling ne put s'empêcher d'éclater de rire. Cobalt ainsi métamorphosé aurait même pu mettre une pierre de bonne humeur. Comment y résister?

- Veuillez m'excuser quelques instants mademoiselle, et me pardonner de ne point encore vous avoir laissée répondre, mais il semble que le devoir m'appelle.

Il eut un soupir feint, et prit une pose théâtrale.

- Même si mon absence devrait être brève, je me languis déjà de votre compagnie.

D'un geste vif, il saisit la main de la jeune femme, y déposa un baiser rapide, avant de filer comme si de rien était en direction de la nouvelle arrivante. Chemin faisant, il sortit ses balles de sa poche et se livra à quelques exercices de jonglage, soucieux de faire partager la joie de leur tablée au reste de l'assistance. Pour terminer, il lança ses balles en l'air, se planta devant celle que son médaillon désignait comme une ilymis et exécuta une révérence, tandis que les instruments ayant servit à son numéro retombaient dans sa poche sans qu'un seul ne manque sa destination.

- Toutes mes salutations mademoiselle, et bienvenue à la taverne de Veis! Cet endroit est fort hospitalier, mais les hommes étant ce qu'ils sont, il est des risques pour qu'une jeune femme seule ait à subir certains désagréments, de la part d'individus loin d'être courtois.

Il désigna la table où se trouvaient les trois dédranes.

- Mes amis et moi-même sommes installés à cette table, et comme vous pouvez le constater, la place n'y manque pas. La proposition peut vous paraître un peu cavalière, et peut-être auriez-vous préféré que je ne vous importune point, en ce cas je m'en excuse d'avance, mais si vous le désirez, vous pouvez vous joindre à nous. Vous pourrez ainsi, si vous le voulez bien, nous offrir quelques nouvelles du monde extérieur, tandis que notre présence vous garantira contre les assauts de personnages quelque peu éméchés.
Hum, mais avec tout cela je ne me suis pas présenté! Lingwiloke, ménestrel de Medievir, pour vous servir et vous divertir.

Nëalys avait suivi d'un oeil discret la progression du ménestrel à travers la pièce. Tandis qu'il parlait, elle se surprit à se demander s'il arrivait à ce jeune homme de s'arrêter pour respirer. Elle garda toutefois sa question par devers elle et attendit la fin de la tirade, amusée par ce personnage singulier.

- Et bien sieur Lingwiloke, vous ne faites de toute évidence pas partie de ceux qui pourraient "manquer de courtoisie". Mais qui sait si cela ne pourrait pas être plus dangereux encore. Néanmoins, je vais vous accorder l'honneur d'accepter votre invitation. Après tout, peut-être notre rencontre fait-elle partie des desseins divins. Et je vous raconterai tout ce que vous voudrez... pourvu que vous me laissiez le temps de placer un mot.

Pour l'adoucir quelque peu, elle assortit sa remarque d'un sourire et d'un clin d'oeil

- Je me nomme Nëalys, et je fais partie du temple d'Ilymir. Je vous suis mon bon sire.

L'ilymis fit signe au ménestrel d'avancer et lui emboita le pas, puis se souvint d'un détail.

- Oh, mais je devrais peut-être avertir la serveuse ou l'aubergiste du changement.

Le mediovien faillit rougir en se voyant ainsi gourmander, mais parvint de justesse à se contenir.

- Ne vous inquiétez pas pour cela mademoiselle, je m'en chargerai dès que nous serons arrivés à bon port. Oh, et appelez-moi Ling.

Ils arrivèrent à la table.

- Les amis, je vous présente - il changea sa voix en une reproduction presque parfaite de celle de la jeune femme - Nëalys, qui fait partie du temple d'Ilymir.
Reprenant sa propre voix - Mademoiselle ce jeune homme, quelque peu exubérant comme vous ne tarderez pas à le constater se nomme Cobalt. La jeune dame qui repose actuellement dans ses bras, responsable je suppose du surcroît d'énergie de mon ami, s'appelle Saarielle. quant à cette magnifique Dédrane et bien heu... nous allions être présentés lorsque je fus sans ménagement pour ma dignité et la sienne envoyé vous quérir.

Se tournant vers Cobalt, il lui adressa un clin d'oeil.

- Tu vois Cobalt, tu t'es trompé, mon chemin ne passait pas par le bar. Mais je vais éviter que tout le monde ici ne meure de faim et de soif.

Il prit une voix de stentor pour appeler une serveuse, ravi que son long sommeil n'ait en rien altéré ses capacités vocales.

- Voilà, il n'y a plus qu'à passer commande. Après vous...

- Soyez la bienvenue à notre table belle Nëalys. Notre belle amie dédrane se nomme Sendaë, elle est très douée pour recoudre les plaies et donner des soins post-opératoires. Toujours prête à aider son prochain, j'ai remarqué qu'elle avait un grand coeur.

A Sendaë.

- Et oui chère amie, même si j'étais concentré sur la guérison de notre shalos mal en point et que j'étais en même temps occupé à m'inquiéter pour Ling... je n'ai pas manqué vous remarquer. Il m'était impossible de vous manquer d'ailleurs, ravissante feuille-vie.

Il accompagna cette dernière phrase d'un sourire charmant et charmeur, puis s'adressa à l'illymis et la dedrane en prenant un ton plus sérieux.

- Chères invitées, vous êtes sous notre protection maintenant. Il est vrai qu'il y a ici des mercenaires pour défendre l'entrée aux mauvaises gens, seulement il y en a toujours qui réussissent à passer entre leurs filets. Bien sûr, je ne dis pas que vous ne savez pas vous défendre seules, mais disons qu'à plusieurs c'est plus facile. Plus sympa aussi.

Un mouvement dans l'escalier attira son intérêt. Reconnaissant le shalos à un oeil, il fronça un sourcil. sendaë ne lui avait elle pas dit de rester couché?
Cobalt se pencha en avant et confia aux filles, sur un ton de conspirateur:

- Je dois avouer qu'il y a une autre raison. J'ai décidé que Ling et moi rassemblerions plus de femmes intéressantes à notre tablée que notre "adversaire" un dénommé Syld. Il est de la famille des tombeurs irrésistibles mais j'ai pensé qu'il serait amusant de voir si nous pouvions nous "opposer" à lui. Sans méchanceté chères dames. c'est un petit jeu comme un autre. Je l'aperçois d'ailleurs. Je devine que vos délicieux parfums l'ont attiré comme les plus belles fleurs, le papillon.

Cobalt se leva et fit glisser Saarielle dans les bras de Ling.

- garde la moi s'il te plait. je reviens.

Le jeune clerc marcha à grand pas vers le shalos tandis qu'il arrivait au bas des marches.

- Sieur Syld, vous auriez dû vous reposer. ce n'est pas sérieux de vous lever si tôt même si vous avez sûrement une bonne raison.

Arrêtant son discours de clerc, il lui tendit une main à serrer.

- Content ue tu te sentes mieux. Si tu as besoin de quoi que ce soit, fais nous signe à sendaë ou moi. Et si tu ne sais pas où t'asseoir... je suis en excellente compagnie et tu es le bienvenu!

A la mention de "chasse au monstre", Sláine ne put réprimer une moue désapprobatrice. Et lorsque le Shalos fit allusion aux mercenaires chargés de garder la Taverne, il eut un sourire carnassier.

- S'il me prenait l'envie de créer du désordre, aucun "combattant d'exception" ne m'en empêcherait, bien que je doive avouer que ceux-là sont d'un certain calibre. Qu'ils m'aient laissé entrer avec Mord-Cervelle me surprend...

Ce disant, il tapota presque amicalement le manche de sa hache.

- Voilà qui en dit long sur leur assurance. Mais je ne suis pas en humeur de me battre, il en faut beaucoup plus aujourd'hui pour me mettre en colère qu'il en aurait fallu dans mes jeunes années. Et puis, je ne souhaite pas gâcher l'ambiance du lieu.

Il s'arrêta pour observer le numéro de charme d'un... jongleur, semblait-il.

- Jeune, et si prompt à faire le charmant... murmura-t-il avec un sourire mi-moqueur, mi-réjoui. Mais laissons donc les enfants s'amuser; tu parlais de "chasseurs de monstres"?

Le tutoiement lui était venu aussi facilement qu'à Soghann. Sláine sentait que malgré ses airs inquisiteurs et parfois inquiétants, le Shalos devait être considéré comme un ami. Il lui fit donc part du fond de sa pensée:

- Cette idée de chasser des monstres ne me plaît guère. Beaucoup tuent, pour un peu de gloire éphémère, ce qu'ils croient être des monstres et qui ne sont que des animaux, parfois impressionnants, parfois dangereux, mais des animaux tout de même. Des créations de la Nature, tout comme nous.

Il s'interrompit le temps d'une gorgée d'eau.

- Je tue des bêtes pour me nourrir. D'autres le font pour nourrir une famille, un village. Et il y a ces "héros", qui tuent pour un trophée, pour un petit morceau d'une gloire honteuse!

Il se rendit compte qu'il avait cessé de parler bas, et eut peur de s'être laissé emporter. Il regarda autour de lui, mais personne ne l'avait remarqué: le "jongleur" dirigeait maintenant une demoiselle vers une table déjà animée, tandis qu'un borgne quelque peu efféminé, la chemise copieusement débraillée, descendait les escaliers avec mille précautions. Sláine, après un nouveau commentaire sur la jeunesse et son besoin de se faire remarquer, reprit quelques tons plus bas:

- Je sais que certaines choses se passent dans la région. Si ces créatures sont vraiment des monstres contre-nature, je prendrai peut-être ma part dans la chasse; sinon, je les défendrai contre tout prétendu héros... Mais toi, tu sembles avoir réussi à garder la tête froide. Es-tu si résistant à "l'appel de la gloire"?

Saarielle sentit qu'on la rattrapait. Quelque chose de chaud... Un coeur qui bat... Des voix... Un baiser sur son front, un sourire vint sur ses lèvres pour réponse.

La chasseresse reprenait doucement connaissance quand elle sentit qu'on la bougeait, pas grave, elle se reblottit contre Cobalt (enfin le pensait-elle), tout en gardant les yeux fermés elle déposa un baiser dans le cou de la personne qui la tenait, puis Saarielle ouvrit enfin les yeux, pour voir Cobalt entrain de parler avec Syld un peu plus loin...
Mais alors qui venait-elle d'embrasser?? La chasseresse leva les yeux pour voir Ling... Oups... Le rouge lui monta aux joues :

- Oups... Pardon! Désolée ! Je... Je ... Je croyais que c'était Cobalt, sinon je ne me serais pas permise !!! s'exclama-t-elle confuse

Saarielle sauta presque des bras de Ling, complètement gênée de s'être ainsi trompé. Elle se rattrapa au bord de la table car une nouveau vertige la prenait, mais il passa rapidement. Elle regarda enfin les personnes autour de la table, Sendaë était toujours là ainsi qu'une nouvelle arrivée, une ilymis. Saarielle aurait préféré se transformer en petite souris...

Ling éclata de rire.

- Ce n'est rien, la désorientation du réveil, je comprends ça. - Il prit une mine confuse et parla avec une toute petite voix - D'ailleurs lorsque je suis sorti de mon long sommeil tout à l'heure, j'étais très désorienté, Cobalt était là à côté de moi qui m'avait veillé, si beau dans son inquiétude, eeeet....

Il baissa la tête et se concentra un instant sur quelque chose de particulièrement gênant afin de se forcer à rougir. Il maintint la posture un petit moment... Lorsqu'il releva la tête... bon sang, le visage de Saarielle valait le coup d'oeil. Il repartit à rire de plus belle.

- Mais non, mais non, je plaisante. J'ai vu ce que tu pouvais faire avec tes jolies griffes, je n'ai aucune envie de me retrouver du mauvais côté. - à la tablée - J'avais promis à cette demoiselle Ilymis du divertissement, il faut bien que je m'acquitte de ma part du contrat.

Syld s'attendait à un sermon, et ne se trouva donc point trop surpris par l'accueil de Cobalt.
Ce qui l'étonna un peu plus, ce furent les paroles qui suivirent. Pourtant le Dedrane n'avait guère apprécié son attitude cavalière envers Thénaïs... Sans doute sa bonne humeur l'aidait-elle à oublier les griefs qu'il aurait pu garder à son encontre.

Le jeune homme jeta un oeil vers "l'excellente compagnie" et, apercevant Saarielle, il n'eut pas trop de mal à deviner une des raisons de l'humeur en question.

Son regard pétilla et il serra la main tendue sans autre arrière-pensée.

- Le sérieux n'est sûrement pas ma qualité principale, alors...

Il secoua la tête d'un air rieur puis, décochant un nouveau coup d'oeil vers la table et surtout vers ses occupant(e)s, il décréta d'un ton léger :
- Je crois que je vais accepter l'invitation ! Ce serait gênant si j'allais me sentir mal loin de mes soigneurs.

Il cligna de l'oeil, puis fit un détour par le comptoir.
Un verre à la main ("Servez-moi n'importe quoi, du moment que ça cogne"), il s'approcha du groupe des Dédranes/Médiovien/(un regard de haut en bas)Ilymis, non sans s'amuser au passage d'entendre Soghann aligner un nombre de phrases à la minute tout à fait remarquable de sa part -lui, d'habitude si économe de paroles- pour les oreilles d'un nouveau venu d'allure éminemment respectable. Enfin, "respectable"... pas dans le sens guindé du terme, mais plutôt dans le sens "si tu me cherches, tu trouveras une hache dans ta gueule".

Amusé par cette réflexion, Syld fit les derniers mètres le séparant de la table qui l'intéressait, et s'empressa de devancer tout reproche de la part de Sendaë en levant les mains avec un sourire innocent.

- Je sais, je sais ! Mais j'ai juste promis de me reposer. Pas de rester cloué au lit !

Il adressa un sobre signe de tête à ceux qu'il connaissait déjà puis, la main sur le coeur, s'inclina devant la demoiselle Ilymis.

- Bien le bonjour ! Je suis Syld, et je suis surtout charmé de faire votre connaissance.

Du coin de l'oeil, il surprit quelques échanges de regards entendus et ajouta plaisamment :
- Oh, et si jamais quelqu'un vous a déjà parlé de ma personne -on ne sait jamais-, quoi qu'il ait pu raconter, veuillez croire que c'était très exagéré !

Plus Soghann écoutait Slaine parler -bien qu'il soit relativement avare de paroles-, plus il l'appréciait. Cet homme n'avait de brute que l'apparence : c'était quelqu'un de réfléchi, d'expérimenté, loin des farauds et autres jeunes fous qu'il s'était vu côtoyer souvent ces derniers temps. La dernière remarque du guerrier lui arracha un léger sourire, tandis qu'il venait caresser d'un doigt distrait (et de nouveau ganté) le rebord de sa chope, comme s'il voulait en arracher le son d'un cristal.

- Disons que... la gloire ne m'intéresse pas. A Shalanos, c'est une notion très vague. Le respect et la crainte d'une force que l'on sait supérieure... est bien plus importante, là-bas. On accorde bien plu d'importance aux actes qu'à une simple réputation, vite construite, et aussi vite démontée...

D'un oeil qui semblait distrait -mais qui était en réalité aiguisé comme celui d'un rapace-, l'assassin observa le dénommé Ling faire son numéro et attirer une nouvelle venue -Ilymis ?- à sa table. Puis Syld descendit, coupant un instant les paroles du Shalos.

** Déjà debout ? Tsss... Fanaa est incapable de faire du bon travail. Je savais que j'aurais du m'en occuper moi-même.**

Pensée qui fut à l'origine d'un léger sourire, sourire qui hésita lorsqu'il vit Syld se diriger vers le table des Dédranes.

**... Au moins, Ling semble savoir distraire ses hôtes... Peut-être évitera-t-il à Syld d'avoir à faire le saltimbanque pour amuser la galerie...**

Tout cela n'avait pris que quelques secondes dans l'esprit de l'assassin, secondes qu'il camoufla en buvant un coup.

- L'or aide aussi beaucoup, bien sûr. Et je pratique un autre type de chasse, bien plus lucrative que tuer des monstres... Bien plus excitante, aussi.

A peine leur conversation entamée, les deux Dedrane se virent rapidement rejoint par deux hommes débarquant de l'étage supérieur.
Les dévisageant, Sendaë reconnu aisément le visage de Cobalt, le jeune prêtre Dedrane qui avait perdu connaissance le soir pécédent après l'opération qui avait sauvée Syld.
Son compagnon lui était inconnu mais il avait les traits fins et séduisants de ceux qui vivent auprès du Ryma, les Medioviens.
Celui-ci apres une courte discussion quitta la tablée pour aller chercher une jeune Ilimys qui arrivait tout juste à la taverne de Veis, non sans essayer d'attirer le regard noisette de la chasseresse sur lui.
La Dedrane ne pu s'empecher de penser que les deux compères formaient une sacrée paire de charmeur.
Alors que le visiblement menestrel et sa jeune "proie" revenaient avec leurs consomations, une nouvelle silhouette, celle la familière, déscendit l'escalier conduisant à la grande salle. La jeune femme le regarda l'air sévère.

*Satané chenapan, ne pouvait-il pas rester coucher? Déja que Fanaa n'a pas du le laisser beaucoup se reposer.*

Citation :

- Je sais, je sais ! Mais j'ai juste promis de me reposer. Pas de rester cloué au lit !

"Ca ira pour cette fois ci Syld, viens donc t'assoir à mes côtés."

Citation :

- Oh, et si jamais quelqu'un vous a déjà parlé de ma personne -on ne sait jamais-, quoi qu'il ait pu raconter, veuillez croire que c'était très exagéré !

Sendaë se tourna vers le reste de l'assemblée, un sourire moqueur se dessinant au bord de ses fines lèvres.

"Les seules choses qui ne sont point exagérées à son sujet sont sa résistance légendaire à l'alcool, bien que je n'aimerais pas être à la place de son foie, et son flagrant manque de respect des prescriptions médicales vis à vis de sa modeste personne."

Elle partit d'un rire clair avant d'ajouter quelques mots, cette fois ci accompagné d'un sourire franc et amical.

"Il ne ferait presque pas de mal à une mouche, enfin... presque."

La chasseresse au cheveux d'émeraude but une longue gorgée de bière de Dolciane et permis même à Tsuki d'y gouter.
Alors qu'elle carressait le museaux soyeux de l'hermine posée sur son épaule, elle reprit la parole.

"Vu que nous sommes tout de même nombreux, je propose que nous fassions des présentations un peu plus poussées chacun notre tour. J'aime bien savoir à qui j'ai affaire. Mais il serait inconvenant que je ne commence point par moi même."

Se surprenant elle même, sortant de son renfermement habituelle, elle se leva en repoussant les fines tresses encadrant son visage bronzé par une vie au grand air.

"Mon nom est Sendaë. Je suis, comme vous l'aviez sans doute deviné, une Dedrane. Je viens du petit village de Sinarë, non loin de Dedride l'invisible. Je suis herboriste et chasseuse au service des Adreniens victimes des méfaits du Noir Seigneur Valnor."

Elle se rassis prestement et avala une autre gorgée d'ale. Douce et fraîche comme elle l'aimait.

"Qu'en est il de vous?"

De retour à la table.

- saarielle? Tu es bien rouge... tu ne te sens pas bien?

Le jeune homme prit le pouls de sa compagne, toucha son front. Elle était chaude, certes, mais n'avait point de fièvre.

- Assieds toi. Voilà. C'est bizarre quand même. Tu as été malade durant mon absence? je veux dire, pendant que je soignais Ling?

L'arrivée de Syld éveilla un echo soudain dans la mémoire de Ling

- Hey, mais je te reconnais! Tu es un des Shalos bizarres qui accompagnaient la jeune dame malade d'avoir bu trop d'alcool! Dites, est-elle toujours avec vous?
et comment va-t-elle? Bien j'espère. Quand je l'avais veillée elle avait eu l'air si triste et effrayée. Elle s'est remise? Et toi, tu marches droit maintenant?
Hum, et si tu es là, ton ami effrayant qui a voulu me faire ingurgiter un breuvage à l'odeur corrosive après que vous ayez envahit ma chambre ne doit pas être loin non? Ah oui, je le vois! Ne le dérangeons pas, il a l'air très pris par sa conversation. Oh, animé comme ça, il fait moins peur.

Il s'arrêta soudain.

- Pardon, je suis trop bavard. En plus tu viens d'être blessé si j'ai bien compris.

Prenant une mine désopilante, il fit le geste de se coudre les lèvres, puis prit la pose de l'écolier studieux attentif.

L'ilymis ne regrettait pas d'avoir accepté l'invitation. Bien que la fatigue du voyage se fit sentir, cette joyeuse assemblée de personnalités hétéroclites lui redonnait de l'energie.

- Monsieur le ménestrel, vous vous acquittez effectivement de la tâche qui vous a été confiée de façon satisfaisante, merci à vous. Peut-être songerais-je à vous employer si je dois traverser des contrées dangereuse. Vous pourrez faire rire les monstres pour détourner leur attention.

Elle s'adressa ensuite à Syld.

- Hum, on ne m'a encore point parlé de vous. à moins que... oh, peut-être êtes-vous ce fameux tombeur si redouté par le jeune dédrane?

Pendant l'intervention de Sendaë, la serveuse passa, prit les commandes, et revint aligner boissons et repas devant les convives.

- Permettez-moi de me présenter également, bien qu'il n'y ait pas matière à écrire des histoires. Je me nomme Nëalys, et je fais partie du temple d'Ilymir, pour le compte duquel je voyage actuellement.

Au commentaire de Sendaë sur sa nature "inoffensive (ou presque)", Syld avait pris une mine franchement moqueuse. Sa petite moue ironique ne survécut cependant pas à la batterie de questions de Ling. A sa décharge, il fallait dire qu'il n'avait guère l'habitude d'entendre pareille pipelette, même s'il avait déjà eu un avant goût avec Fanaa.
Messire assassin en resta donc la bouche entrouverte, comme bloqué par les réponses qui ne parvenaient pas à se mettre d'accord au sujet de l'ordre dans lequel elles devaient sortir.

La présentation de l'Ilymis lui donna le temps de régler le problème : après une révérence théâtrale qui tenait lieu de confirmation à son statut de "tombeur redouté", un coup d'oeil facétieux vers le Dedrane qui lui avait collé cette étiquette sur le dos puis, histoire de le taquiner un peu, un coup d'oeil exagérément intéressé vers Saarielle, le jeune homme fit mine de recompter sur ses doigts les affirmations/questions du Médiovien.

- Voyons... Un : oui, oui, c'est bien moi. Deux : c'est tout à fait exact. Trois : elle nous accompagne toujours, en effet. Quatre : fort bien. Cinq : sans doute. Six : en général, sauf dans les virages.

Puis il éclata de rire.

- Et je suis d'accord pour dire que Soghann est tout ce qu'il y a de plus effrayant, sauf lorsqu'il est ivre jusqu'aux sourcils ou de bonne humeur !

Syld secoua joyeusement la tête puis pointa le doigt vers sa personne.

- Je ne sais pas si c'est encore la peine de me présenter officiellement, mais...

Il haussa les épaules en souriant.

- Libre à vous de m'appeler Syld, ou par tout autre petit nom qu'il vous plaira *clin d'oeil aux demoiselles*. Assassin shalos pour vous occire... oups, pardon, réflexe. Pour vous servir.

Le brigand n'avait guère hésité à clamer tout haut sa douce profession, mais il l'avait fait avec un sourire si lumineux qu'il était presque impossible de savoir s'il s'agissait de la vérité ou bien d'une nouvelle plaisanterie.

- le craindre, le craindre... faut pas exagérer, Demoiselle. Il ne m'inquiete pas le bonhomme. Plus maintenant.
Et attention pas touche à celle-là c'est la mienne. Mais vas y admire : une femme que tu n'auras jamais c'est rare. et d'autant plus précieux.

Toujours gai, le dedrane adressa un clin d'oeil entendu au shalos, tout en tapotant le haut du crane de Saarielle. celle-ci, cachée; marmonnait des mots sans suite.

- Saarielle, ma belle, lève la tête. il ne faudrait pas que Sendaë pense que tu ne veux pas la voir.
Dame Feuille-vie, je me nomme Cobalt de la tribu Sylvihana. Nous nous trouvons un peu à l'écart de dédride mais connaissons tout de même la capitale. la plus belle d'Adreis il faut bien le dire. la plus majestueuse du moins. Nos arbres-ainés sont si... ah parler de ceci va me filer le bourdon!
En tout cas je suis clerc. Ce que j'aime dans la vie c'est sauver les gens mal en point. Tous sans exceptions. Et Saarielle. je suis prompt au jugement. Ainsi, je dois dire que toi et tes compagnons, Syld m'ont inspiré méfiance dès le début. je ne m'en excuserai pas, je continue de penser que vous avez quelque chose... de mauvais augure je dirai. Mais jamais je ne t'aurais laissé crevé juste pour une impression.
Naëlys, personnellement je ne connais pas Illymir mais je serais curieux de savoir ce qui peut pousser dans votre région enneigée. Vos arbres sont ils en sommeil perpétuel?

Syld ne put s'empêcher de lever un sourcil aux paroles de Cobalt.

"Eeeh ? Bigre, je ne pensais pas que quelqu'un pouvait être à la fois aussi désespérément stupide et aussi fin presque en même temps..."

Il entama son verre, pensif.

"Enfin, stupide... Naïf, plutôt. Cela signifie exactement la même chose, à la différence près que la stupidité est incurable."

Riant en son for intérieur, il se pencha un peu du côté du Dedrane pour lui glisser d'un ton suave :
- Il ne faut jamais dire jamais, mon cher. Mais qu'importe ! Ce n'est pas comme si ta dulcinée m'intéressait... Ou, plus exactement, c'est toi que je trouve le plus intéressant, là.

Le Shalos se passa un petit bout de langue évocateur sur les lèvres, le regard malicieux.
Puis il se rejeta en arrière avec un éclat de rire.

- Ah, ex-excusez-moi. Ce... c'est nerveux.

Il présentait donc ses excuses à la tablée, plié en deux, se tenant les côtes dans un effort désespéré pour reprendre sa respiration. Par miracle, il parvint à se maîtriser presque aussitôt.

- Pendant un moment, j'ai cru que je n'aurais plus jamais l'occasion de rire comme ça, murmura-t-il pour lui-même avant de hausser les épaules avec insouciance et de se redresser.

Puis, tout haut :
- Vraiment désolé, encore...

Syld essuya du bout des doigts les larmes qui lui étaient monté à l'oeil sous le coup de l'hilarité avant de mettre le nez dans son verre.

- Je serai sage, maintenant, promis !

Cobalt fut surpris et un peu gêné de "l'intérêt" qu'évoqua le shalos, mais il se reprit vite et sussura :

- Tu dis ça mais si je te disais que c'était réciproque, tu serais bien embêté. Aïe! Non ne me tape pas Saarielle je ne suis pas sérieux!

Et le dedrane de se masser l'épaule tout en regardant rire son vis à vis.

- Bah, ne t'excise pas. Ce n'est pas une mauvaise chose de rire. Enfin à shalanos peut être mais pas ici. C'est signe que tu recouvres ta santé. C'est bon pour moi!
Chères compagnes, même si je souhaite que vous n'en ayez besoin, je serai là pour tout bobo ou autre désagrément physique.
Mais Naëlys, ne vous faites pas désirer! racontez je vous prie. regardez mon pauvre Ling qui se meurt de ne plus entendre votre douce voix. Quant à sendaê, je suis prêt à parier que vous avez piqué sa curiosité!

Nëalys avait suivi les différents échanges avec intérêt et amusement. Lorsque Syld mentionna innocemment son "activité professionnelle", elle tiqua, mais conserva son contrôle sur elle-même. D'une part, le ton adopté ne lui permettait pas de savoir s'il s'agissait ou non d'une boutade, et d'autre part, elle ne voulait pas risquer un accrochage avec ces gens qu'elle venait de rencontrer. Pour masquer son léger trouble, elle se concentra sur la question de Cobalt.

- La vie dans nos contrées est difficile, mais pas impossible. Certes, la végétation y est rare, mais certaines variétés de plantes particulièrement résistantes nous permettent d'assurer notre subsistance. Pour ce qui est des arbres par contre... quelques arbustes épineux parviennent à survivre, pas plus. Cela ne nous manque pas tant que l'on a pas voyagé et vu autre chose. Et puis nos paysages portent en eux une certaine forme de beauté que nous apprécions.

Sláine n'avait pas manqué de remarquer le regard de Soghann vers la table non loin d'eux, et particulièrement vers ce borgne qui avait enfin fini de descendre les marches. Sa dernière remarque résonna bizarrement, comme si quelqu'un d'autre l'avait prononcée. Sláine se doutait du type de "chasse" que devait pratiquer le Shalos, la seule qui donne une fièvre puissamment addictive au point que certains en deviennent fous... Pourtant, l'homme qui lui parlait maintenant n'avait rien d'un dément. Et, après tout, les proies de ce genre de chasseur sont rarement innocentes.

- Tout le monde doit chasser pour se nourrir, d'une manière ou d'une autre. Le gibier peut varier, seule la raison importe... ainsi que la manière, en tout cas c'est ainsi que je m'efforce de chasser.

Devant le regard interrogateur de son vis-à-vis, Sláine expliqua plus en détail "sa manière".

- Je me débrouille assez bien avec un arc; malheureusement j'ai brisé le mien récemment, le bois n'a pas tenu... Je les fabrique moi-même, et je n'ai trouvé jusqu'à présent personne qui soit capable d'en bander un, quoique je pense que les tas de muscle à l'entrée y arriveraient sans doute. Je suis aussi très précis, et je place mes flèche où je le souhaite.

Soghann devait commencer à se demander où il voulait en venir...

- L'animal que je chasse ne sent pas ma flèche. Je vise un point qui le tuera net, et elle rentre si vite qu'il est mort avant d'avoir senti quoi que ce soit. Je n'ai besoin que de le tuer pour me nourrir, pas de le faire souffrir.

Sláine se demanda si le Shalos aussi avait le souci d'éviter toute souffrance à ses proies, mais il décida que cette question aurait été extrêmement déplacée si ce qu'il croyait deviner était vrai.

- Tu sembles connaître ce borgne... Que lui est-il arrivé pour qu'il n'arrive pas à descendre un escalier sans perdre toute sa couleur?

-Je crois que nous y sommes. Ou alors il existe un deuxième endroit massivement peuplé d'aventuriers en tout genre qui se la coule douce. Et qui à encore les vestiges d'une bagarre.

Michael poussa sans se presser la porte de la taverne, adressant un sourire amusé au garde qui lui refit les mêmes recommandations qu'il avait allègrement outrepassé à sa dernière visite. Pénétrant la grande salle, il observa rapidement la clique qui se trouvait attablé, toujours aussi hétéroclite et peu commode. Plusieurs regards se tournèrent vers le nouvel arrivant, et surtout vers la personne qui l'accompagnait. Instantanément, le mercenaire commença à se balancer d'un pied sur l'autre, laissant apparaitre à chaque oscillement la garde d'une solide épée dépassant de son épaule. Il doutait que Kyara ait vraiment besoin de quelqu'un pour se défendre, mais il n'allait pas rester sans rien faire. Toute son attitude laissait sous entendre "ne me donne pas de prétextes" agrémentés d'un grand sourire et d'une main et demie d'acier. Le message passé, il commença à chercher les individus peu fréquentables que la jeune dame désirait revoir. Un grand éclat de rire lui donna une réponse rapide, il suffisait de trouver la table la plus animée et la plus fournie en jeunes femmes pour dénicher Syld. Soghann se trouvait un peu plus loin, en train de discuter avec un homme massif, une large hache se trouvait à ses cotés, l'air brute et sauvage. Pourtant, étrangement, Michael sentit que c'était vraiment le genre de personne qui pouvait lui apprendre, l'envie d'en découdre se profila, mais il secoua la tête. Il n'était pas la pour créer des ennuis. Se retournant vers Kyara, il lui indiqua la table ou se trouvait Syld.

-Les voila. J'espère juste que tu sais ce que tu fais...En fait tu sais ce que tu fais a mon avis. Bonne continuation.

Un dernier sourire, et il la laissa s'éclipser. Se décalant, il évita instinctivement une serveuse apportant un plateau de liqueurs, bières ou autres boissons alcoolisés dont l'auberge avait le secret. La gorge sèche, Michael maudit doucement son manque d'argent en glissant ses mains dans ses poches. Une sensation froide remonta de ses doigts...

-Sacré Reyson...Il me connait mieux que je ne le pensais...Hum, Excusez moi ! Une chope pour moi et pour les deux shalos attablés là bas, ce qu'il leur plaira !

Une dette remboursée...Mhh, il serait bien plus amusant de les rejoindre maintenant qu'il n'avait plus la sensation de leur devoir quelque chose. Avec un grand sourire, il s'étira et alla rejoindre la tablée, prenant conscience qu'il y avait bien des personnes qu'il ne connaissait pas, et qu'il arrivait peu après l'heure des salutations. C'était l'occasion de rencontrer du monde. S'inclinant légèrement, il s'annonça d'une voix claire.

-Michael, fédorien mercenaire free-lance en recherche de compagnon de table agréable. Puis je me joindre à vous ? Je pense qu'avec une flopée d'aventuriers aussi varié, je pourrais apprendre beaucoup de choses sur Adreis et m'amuser par la même occasion.