Confins du désert - sanctuaire du Pas du Dragon

Et Mellyna était restée. Sans lâcher la petite main de l'adolescente, sur le bord du lit, le dos contre le mur de pierre froid. Elle avait fini par s'assoupir elle aussi. Le calme et le doux ronron d'une respiration régulière avait eu raison de ses réticences. Son corps n'était pas encore tout à fait remit et il lui fallait dormir plus. Les évènements des derniers jours ne lui en avait pas laissé l'occasion.

C'était la chaleur qui l'avait réveillée et un discret coup de museau contre sa joue.

*-Il fait grand jour, tu te prends pour un chat à dormir autant ?
-Tu ne peux pas t'occuper tout seul ? *

La dédrane n'avait pas ouvert les yeux, elle sentit la désapprobation du petit animal. Il se laissa tomber sur ses genoux et se mit à ronronner doucement. Répondant à l'invitation, la gardienne se mit à caresser les douces écailles. Est-ce que celles du seigneur Earl étaient aussi douces ? Cette pensée parasite la sortit quelque peu de son agréable torpeur. Pourquoi pensait-elle à lui maintenant ? Bizarre.

Au bout d'un moment, Masha commença à s'agiter dans son sommeil. L’atmosphère de la pièce changeait, moins sereine, mauvaise.

*-Elle commence un cauchemar.
-Je sais, j'ai senti aussi. Je vais la réveiller.*

Mellyna fit remonter le dragon sur ses épaules et entreprit de caresser doucement la chevelure de la jeune fille.

-Masha ? Ma puce, ouvre les yeux.
Tu n'as pas envie d'une bonne toilette et d'un repas ?

Lui si beau ne lui disait pas de mot gentil. A vrai dire il ne lui disait rien du tout. Il n'émettait que des soupirs rauques et il la serrait trop fort, beaucoup trop fort et ... Masha ouvrit les yeux.

- Mellyna ?

L'adolescente se redressa et se frotta les yeux.

- Le Désert soit loué Mellyna tu es là. Tu es restée, c'est si gentil ! Oui, oui tu as raison, il faut se préparer.

Un petit tour à la sale des vapeurs. C'était agréable d'être entre filles. Et la Dedrane avec ses façon d'être maternelles était vraiment rassurantes.

- Je remercierai toujours le Désert de t'avoir rencontrée ce jour-là. Mais j'étais triste que tu sois fâchée contre moi lors de l'expédition. Ca m'a fait beaucoup de peine tu sais ... alors que tu sois de nouveau là aujourd'hui, ça compte beaucoup pour moi. Merci Mellyna.



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Khamsin fut assez surpris du gratouillis, il ne s'attendait pas spécialement à une démonstration d'affection de la part de l'écailleux, mais il l'accepta avec joie. C'est que depuis qu'il était dans le Désert, il se sentait délaissé par Fanaa qui préférait passer du temps avec l'écailleux (justement) et les autres deux-pattes. Cela se comprenait, si il y avait d'autres valaë dans le coin, Khamsin profiterait du temps à passer en leur compagnie, mais hélas ce n'était pas le cas. Par contre il y avait les petits deux-pattes, eux lui prodiguaient les caresses dont ils étaient en manque. Il fallait dire que les jeunes étaient naturellement plus enclins aux caresses que les vieux sérieux.
Le valaë soupira d'aise et ferma les yeux, heureux, détendu. Tant pis pour la chaleur du moment qu'on s'occupait de lui. Il leva la tête pour donner un rapide coup de langue sur le bout du nez puis reprit sa place.
Agrouuu ...

Fanaa avait fini de s'occuper de la chambre, pourtant elle n'avait pas envie d'en sortir. Elle avait envie de voir Earl. Alors peut-être que si elle attendait elle pourrait au moins le croiser lorsqu'il reviendrait dans sa chambre ? Oui. Voilà qui serait bien pour un début de journée.
Elle s'installa dans son fauteuil, prit du tissu, un fil, une aiguille et commença à broder.

- Bleh !

Earl fronça le nez et se l'essuya d'un revers de manche.

Avec un soupir, il se décala et s'allongea à même le dallage, sans se préoccuper de ses vêtements propres et de la fine couche de poussière rouge qui recouvrait le sol. L'avant-bras posé sur le front pour se prémunir de l'éclat du soleil, il laissa son regard divaguer dans l'azur du ciel.

Le jeune homme passa sa main libre sur les dalles puis la ramena au niveau de ses yeux. La poussière aux reflets de cuivre qui maculait ses doigts faisait penser à du sang. En fait elle en avait presque le goût métallique. A force d'avoir du sable qui crissait entre les dents on n'y prêtait plus garde, mais la similitude restait frappante.

Earl tourna et retourna un moment cette main rougie, comme fasciné. Ces derniers jours il avait eu pas mal d'occasions de la voir réellement souillée, cette main...
Mais la chaleur réverbérée sur la façade devenait fournaise. Le balcon semblait presque onduler dans cette atmosphère ardente.
Le Lévitis se décida enfin à se redresser. Poussiéreux comme il l'était, il était bon pour repasser à la salle des vapeurs.

Il rentra à l'abri du soleil et s'immobilisa quelques instants, surpris par la tendre pénombre de la pièce après la luminosité éblouissante du dehors.

Ah ! Enfin l'écailleux se décidait à rentrer, il était temps ! Un peu plus et Khamsin se desséchait sur place. Content de rentrer enfin, il dépassa le Levitis pour retourner s'installer sous le lit où il se laissa tomber de tout son long sur la pierre presque fraîche.

Fanaa leva le nez de sa broderie pour jeter un oeil au valaë. Si il était de retour, c'était qu'Earl n'était pas loin. Elle tourna la tête vers le couloir mais il n'y avait personne. Elle se tordit alors le cou pour réussir à voir la partie de la chambre qui menait au balcon. Il était là. Son coeur manqua un battement.

- Bonjour ...

Earl se raidit.
Il pensait ne trouver personne, ou plutôt il l'espérait.

- Bonjour.

Cela ne servait plus à rien de faire demi-tour.
Le Lévitis s'avança donc pour récupérer la serviette jetée sur le bord du paravent. Il alla ensuite ouvrir un des coffres-banquettes délicieusement décorés disposés le long d'un des murs, à la recherche d'une brosse ou d'un outil quelconque pour dépoussiérer ses vêtements. Il ne tenait pas à ce que tout un chacun puisse le voir à nouveau pâle et défait...

Il ne put retenir un tressaillement lorsque Fanaa s'approcha.
Mais non, elle n'allait pas lui sauter à la gorge.

- Ah... merci.

Earl rabattit le couvercle molletonné de soie et esquissa un geste vers les vêtements ainsi présentés. Mais sa main s'immobilisa à mi-chemin. Elle était maculée de poussière.

- Je les prendrai après.

Il devait vraiment retourner se laver.
Et frotter plus fort.
Il avait presque envie de se frotter au sable, quitte à s'en arracher la peau. Peut-être qu'alors il cesserait d'attirer les empoisonneuses en puissance ?

Le jeune homme reprit la serviette et se releva, sans cesser d'éviter de croiser le regard de Fanaa.

- Eh bien je vais... aller me décrasser.

Fanaa hocha la tête.

- D'accord. Je t'attends.

Pourquoi avait-elle dit ça ? C'était sorti tout seul. Alors vu que des paroles prononcées étaient impossible à récupérer, autant les laisser être réelles.

La jeune fille se releva aussi, serra les vêtements contre elle et se dirigea vers le lit pour les poser dessus. Ensuite elle retourna à son fauteuil où elle s'installa, cette fois dos à l'arcade qui donnait dehors, de façon à pouvoir suivre Earl du regard sans toutefois se faire mal aux cervicales.

Earl hocha vaguement la tête.

- D'accord.

Par bonheur les couloirs étaient presque déserts. Pas un gloussement de servante, pas même un froufrou de jupe le long des murs.
Même la pièce ronde était vide, à présent que chacun s'était vu allouer une chambre particulière. La plupart des nomades venus de loin pour la fête de l'abondance étaient repartis vers la mer de dunes, libérant les salles innombrables du temple de pierre.

Le Lévitis s'approcha du rideau de perles qui marquait l'entrée de la salle des vapeurs. Ses doigts effleuraient déjà les délicates gouttes de verre coloré lorsque des voix résonnèrent dans l'étroit escalier voûté qui descendait vers la petite pièce circulaire hors de vue. L'endroit était déjà occupé.
Et ces voix...
Earl eut un brusque mouvement de recul. Si brusque, d'ailleurs, qu'il heurta le vase de verre bleu posé dans une niche du mur. Le fracas de l'objet s'écrasant au sol claqua comme un coup de fouet.

Masha, occupée à parler à Mellyna se tut au milieu d'une phrase et sursauta. Ses mains agrippèrent le bras de la Dedrane et elle regarda craintivement vers l'escalier. Tout le monde pouvait être maladroit, c'était vrai, mais tout de même a Sanctuaire, les serviteurs faisaient assurément attention à tout afin de ne pas troubler les Illahi.
Et ce fracas ne présageait rien de bon.

- Il y a quelqu'un ?

Masha se tourna vers Mellyna.

- Peut-être que la personne est tombée, on devrait peut-être aller voir si elle a besoin d'aide ?

-Reste là et finit ta toilette, je m'en occupe.

La dédrane passa rapidement une serviette autour de son corps svelte. Heureusement qu'elle n'était pas très grande sinon la petite serviette n'aurait jamais couvert sa poitrine. Elle avait eu un pressentiment quand à la personne qui devait être là. Ce n'était pas le moment d'un face à face à nu, à ça non. Mellyna s'approcha du lévitis qui semblait sous le choc. Elle murmura pour ne pas que Masha l'entende :

-Seigneur Earl ? Tout va bien vous ne vous êtes pas fait mal ? Je suis désolée mais la salle est occupée pour quelques minutes encore. Vous voulez bien patienter un moment ? Nous avons presque fini...

Il ne paressait pas être blessé, tant mieux. Enfin du moins pas physiquement, pour ce qui était du psychologique, ça n'avait pas l'air d'aller fort.


-Vous devriez... peut-être... en parler avec quelqu'un... Vous n'avez vraiment pas l'air dans votre assiette. Avec votre ami Ridelgald ? Il se fait du souci pour vous.

Tout en parlant, elle commençait à ramasser les débris étalés sur le sol.

-Ouch ! Quelle maladroite !

Elle s'était coupé la jambe en rampant sur un tesson de vase et s'était relevée par réflexe. La plaie était plutôt profonde et le sang commençait déjà à former une petite rigole le long de son tibia.

- Ridelgald ne sait rien de cet... incident, et je ne tiens pas à ce qu'on aille lui en parler, répliqua vivement Earl à mi-voix lui aussi.

Mais Mellyna n'avait pas tort, il était d'une pâleur exceptionnelle, comme si tout le sang avait fuit son visage.
Et en parlant de sang...

- Laissez, ce n'est pas à vous de... Ah !

Il l'attrapa par le bras pour la faire assoir au bord d'une des estrades couvertes de de tapis chamarrés et de coussins.
Il retira du bout des doigts un minuscule éclat resté fiché dans les chairs avant d'appuyer fermement la serviette qu'il avait à la main contre la plaie.

- Tch, ça coule beaucoup, il faut faire refermer ça.

Il commença à nouer plus solidement le tissu autour du mollet finement musclé, tout en marmonnant :
- Je vais aller chercher quelqu'un qui saura s'occuper de ça.

La dédrane ne s'était pas préparée à tant de sollicitude. Elle était convaincu que le lévitis était quelqu'un de foncièrement bon, mais ne s'attendait pas à cela. Cet empressement la fit rougir légèrement.

-Merci.
Non, ne vous dérangez pas, je peux le faire moi même. J'ai toujours du fil et une aiguille dans mes affaires.
Je vous emprunte votre serviette. Il y en a des propres en réserve dans la salle des vapeurs.

Elle se releva pour gagner la salle en boitillant. Mellyna regarda une dernière fois par dessus son épaule.

-Ne vous inquiétez pas, je n'ébruiterais pas cette histoire. Mais vous devriez lui parler quand même, même d'autre chose.
Je me dépêche et je reviens vous chercher quand on a fini.

- Du fil et une aiguille ? Et risquer de garder une marque alors qu'il suffit de demander un soigneur ?

Earl ravala ses objections.
Mais quand même, ce n'était pas comme s'il n'y avait pas eu des guérisseurs sous le même toit...

Par contre, il n'allait pas la laisser clopiner comme ça dans les couloirs. D'un bond il se redressa et la rattrapa pour la prendre par le poignet avec fermeté.

- Vous comptez sérieusement traîner la patte jusqu'à votre chambre ? Vous cherchez à finir de vous déchirer un muscle ou un ligament ou quoi ?!

Sans lui laisser le temps de protester il passa le bras de la Dédrane par dessus ses épaules.

- Je vais finir par croire que tous ceux possédant la moindre notion médicale font systématiquement des patients abominables...

-C'est possible, je n'y avais jamais songé...

Pour le coup la dédrane était vraiment gênée. Elle ne put s'empêcher de remarquer que le jeune homme sentait bon. Il fallait vraiment qu'elle empêche son cerveau de dériver, Fanaa serait surement d'accord avec ces remarques, mais pas ravie qu'elles viennent de son amie.

-Mais vous savez, tant que ce n'est qu'une blessure physique et pas trop profonde... Ça guérit tout seul en deux-trois jours. J'ai un organisme un peu spécial. Il n'y a vraiment pas de quoi s’inquiéter...

Mellyna boitillait et essayait de s'appuyer le moins possible sur le jeune homme. Il était encore agonisant quelques jours plus tôt et elle s'en voulait de le déranger ainsi.

C'est alors que dans un froufrou d'ailes furieux, un petit reptile surgit en face d'eux en grondant.

-Oh, poussin ! Pas maintenant, s'il-te-plait. Tu ne vas pas piquer un crise dès qu'un homme m'approche.

Le ton était plus fatigué que fâché mais avait suffi à arrêter net le dragonnet dans son élan de morsure.

*Mais Mellyna ! *

-Pitié, on reprendra cette conversation plus tard. J'ai un truc à recoudre et pas le temps d'argumenter avec toi. Tu vois bien que le seigneur Earl m'aide. Quand tu auras sa taille je m'appuierai sur toi, promis !
En attendant, tu vas dans la chambre et tu me mets les aiguilles et le fil sur le lit. On arrive, merci.

Entonnement Eleïr'l n'avait rien répliqué et les avait précédés dans la chambre, préparant le matériel.

- Un organisme un peu spécial qui a pas mal souffert dernièrement. Et ce n'est pas une raison pour s'amuser à aggraver une plaie alors qu'il n'y a aucune nécessité.

L'apparition visiblement agressive du lézard volant ne sembla guère le troubler. L'or de ses yeux s'était cependant assombri et, par quelque réflexe, ses lèvres s'étaient légèrement retroussées sur ses dents blanches et régulières.
A voir cela, on aurait pu croire que plus d'un écailleux repartirait avec une trace de morsure.

- Si vous tenez tant que cela aux travaux de couture, je m'en occupe. Pas de protestation, je vous prie.

Son ton était sans appel tandis qu'il la faisait asseoir sur le lit.
Sans attendre, Earl tira à lui le nécessaire aux soins.

- Pas contre, vous devriez un peu tirer sur cette serviette... et prévenir la bestiole fumante et grondante qu'elle aurait tout intérêt à se tenir tranquille.

Tout en parlant il avait dénoué la bandage de fortune et commencé à nettoyer la plaie.
Il y avait une différence notable entre le Earl habituel et le Earl-clerc. Il n'avait pas sourcillé en prenant la jambe lésée par la cheville pour lui faire poser le pied sur une de ses cuisses. Assis sur ses talons à même le sol pour être au bon niveau, il n'aurait eu qu'à lever les yeux de son ouvrage pour voir plus qu'il n'aurait dû, mais il restait froidement concentré sur ce qu'il faisait. Même si la "bestiole fumante et grondante" avait décidé de lui croquer l'oreille, il n'aurait sans doute pas manqué un seul point.

- Voilà. Je suppose qu'il est inutile de vous rappeler les précautions à prendre.

Devant le ton de commandement, la dédrane avait obéi sans réfléchir.
La deuxième remarque avait porté, et, si le lévitis avait levé les yeux de son travail, en plus de détails que Mellyna ne tenait pas à lui montrer, il aurait pu admirer un visage totalement écarlate malgré la peau mate.

Elle portait encore ses mains fraîches à ses joues brûlantes, pour essayer de faire partir sa gène si apparente, que le lévitis avait déjà fini son travail. La douleur avait été supportable grâce aux sutures rapides et précises d'Earl.

-Ca ira, je ferai attention. Merci.

Mellyna avait la voix d'une écolière qui avait bien appris sa leçon.

*-Il a de la chance d'avoir fait du bon travail.
-Pas la peine d'être mesquin, en plus d'être belliqueux.*


Un silence s'installa, on n'entendait que les grognements d'un lézard, décidément très jaloux, et qui se voulait convainquant, en haut d'une armoire. La dédrane se forçait à détailler les arabesques du lit pour se calmer quand une idée lui vint.

-Masha doit avoir fini maintenant. Si vous voulez bien aller sur le balcon deux minutes ou vous retourner... Je me couvre, je vérifie que la salle des vapeurs est bien libre. Et je vous laisse tranquille.

- Très bien.

Earl rabattit ses manches et décocha un bref coup d'oeil au lézard qui tentait de se gonfler de toutes ses écailles.

- Il y en a qui manquent singulièrement de tenue, ici. Je préconise une muselière, le temps qu'il fasse la différence entre un contact sans mauvaises intentions, une agression et une tentative de séduction. Cela évitera des séances de couture inutiles.

Le jeune homme alla reposer cuvette, aiguille et restes de fil sur une petite tablette de bois fossile, avant d'adresser un léger signe de tête à Mellyna.

- Je sors.

Il alla donc se trouver une place dehors, à l'ombre d'un pilier. Pratiquer à nouveau des soins, si dérisoires fussent-ils, l'avait d'avantage calmé que toutes les boissons relaxantes qu'on avait pu lui dire d'ingurgiter.

Masha avait reconnu sans peine la voix du Levitis alors elle s'était rhabillée à toute vitesse. Elle ne voulait pas le revoir. C'était trop tôt. Elle n'était pas prête, elle ignorait comment elle réagirait. Lorsque les voix se furent éloignées, l'adolescente monta les marches, ouvrit le rideau de perles, puis fila à travers la grande salle ronde, elle courut vers la chambre de Nandini.

- Masha ? Qu'est-ce que tu as ? Tu as l'air affolé !
- Ce n'est pas moi c'est le seign... enfin non. Rien de grave. Laisse. Tu as bien dormi ?

Elle ne pouvait pas en parler à la chasseuse. Vu comment l'affaire avait tourné ... et puis comme elle n'était pas non plus fière de ce qu'elle avait fait ...

- Ca va. Je n'ai qu'une hâte, rentrer au village et tout oublier. Et puis j'espérais retrouver ma soeur mais ... elle n'était pas là.
- J'ignorais que tu en avais une ?

Nandini haussa les épaules.

- Cela fait une dizaine d'années qu'elle a disparu. Je n'étais pas bien grande à l'époque. Il faut que je me fasse à l'idée. C'est tout.

Masha s'assit à côté de sa camarade, qui fixait le dehors, et posa une main compatissante sur son épaule. Epaule qui se dégagea aussitôt. Nandini n'était pas du genre à se laisser aller. Elle s'était déjà un peu trop confiée.


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Les jambes en écart facial, Fanaa avait allongé son buste sur le sol. Elle redressa les épaules et se posa sur ses coudes.

- C'était peut-être une idée stupide. Je l'ai déjà vu, ça devrait me suffire. Si je reste nous n'aurons rien à nous dire et ça va le déranger. Il va croire que je me sens trop chez moi, hein ?

Khamsin ne répondit pas. C'était des notions qu'il n'avait pas vraiment. Et puis il préférait utiliser son énergie à capter le plus de fraicheur possible.

Fanaa ramena ses jambes et se releva doucement en déroulant son dos vertèbre par vertèbre.
Ensuite elle prit la panière et s'en repartit ramener les draps sales et quérir de nouveaux vêtements propres pour le lendemain.

Elle songeait à aller voir Thani ... mais où allait-elle le trouver ?

L'eyerash était en pleine discussion avec son irascible grand-mère. Il l'avait croisé au détour d'un couloir en sortant de chez Earl.
Il s'était endormi et au réveil, il n'y avait plus personne sur qui veiller, il était alors parti à la recherche de sa dédrane.
Guangi, quand à elle, était justement à la recherche de l'homme et ne le lâcherait pas maintenant qu'elle l'avait trouvé.

-Il faut le lui enlever !
-Elle est adulte, je l'ai prévenue, que veux-tu que je fasse d'autre ?
-Il est dangereux ! Pourquoi s'est-il lié à elle ? Les dragons ne se lient que très rarement et surtout pas aussi jeune et pas avec des étrangers.
-Je n'en sais rien ! Peut-être qu'il se sentait seul ?

Le visage de la doyenne afficha un profond dégoût, elle se retint de cracher par terre, par égard pour le lieu sacré.

-Arrête de dire des bêtises et réfléchit pour une fois ! Ils ne font rien qui ne leur soit pas profitable. Tu ferais mieux de trouver son bénéfice et vite si tu tiens à cette femme.

Thani ne répondit pas, il avait l'habitude de se faire engueuler par la vieille femme. Il lui aurait bien parlé des capacités de Mellyna et de son idée sur la motivation du dragonnet, mais ce secret ne lui appartenait pas. Il fallait demander la permission à la dédrane avant tout. Et tant pis s'il passait pour un incapable.

-D'ailleurs où l'as-tu trouvée ? Pourquoi l'as-tu ramenée ici ?

L'avalanche de questions se poursuivait, cette conversation dans les couloirs, accessible aux oreilles de tous, commençait à sérieusement agacer Thani.

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Mellyna choisit rapidement des vêtements dans un coffre. Une tunique courte, il faisait trop chaud aujourd'hui pour ne pas laisser ses bras et son ventre à nu. Elle aurait bien choisi un pantalon court lui aussi, mais du sable aurait alors plus de chance de rentrer dans les bandages et de souiller la plaie.
Et puis, les autres s'inquièteraient de sa blessure, surtout une certaine danseuse qui n'avait pas besoin de cela, en plus de ses soucis actuels.

*-Tu ne ferais jamais ça ! N'est-ce pas Melly ?
-Mais non mon gros bougon, bien sûr que non. Il a cependant raison sur un point, il faut que tu apprennes à te contrôler et à comprendre les réactions des humains.
-Ce n'est pas si facile ! Vous avez tous des comportements si bizarres. Et avec lui je n'y peux rien, c'est viscéral. Il est un peu écailleux aussi, je ne supporterai pas qu'un autre écailleux te tourne autour.
-Eleïr'l, ce n'est pas un écailleux, il est humain et il ne me tourne pas autour, loin de là ne t'inquiète pas.
-Oui, bon je vais essayer pour les autres...
-Pour tous !
-Mouais.*

Le dragonnet ne paraissait pas convaincu mais il ne reviendrait pas sur sa promesse. La dédrane le savait, dans leur échange d'esprit à esprit, il n'y avait pas de place pour le mensonge.
Elle tressa rapidement sa chevelure, la lourde tresse blanche tombait joliment sur le côté, elle trouva un lien de cuir qui trainait et la noua avec.
Elle sortit de la chambre, deux minutes à peine s'étaient écoulées. Le lévitis l'attendait calmement, il paraissait presque détendu, comme une jolie statue dans un jardin. Elle s'avança doucement, regrettant de troubler la quiétude de ce tableau.

-Je suis présentable, on peut y aller.