Maison de Soghann & Syld

Soghann avait suivi avec intérêt les substances contenues dans la pâtisserie faire le chemin dans l'organisme de Fanaa, et plus particulièrement dans son cerveau, provoquant les symptômes qu'il connaissait bien : bouffée subite de chaleur, déshinibition, et très forte envie de... tendresse. Lorsqu'elle se colla à lui, il se laissa faire, sans pour autant profiter de la situation : ce n'était pas le genre à droguer les femmes pour s'en servir. C'était juste un jeu, cette fois, et la finalité n'était pas de profiter de Fanaa, mais de lui jouer un tour. A ses dépends, certes, mais un tour tout de même. Il répondit malgré tout à son baiser, y prenant plaisir mais ne cherchant ni à la prolonger ni à aller plus loin. Il sourit lorsqu'elle s'intéressa à Syld, et son sourire s'élargit lorsqu'elle reprit ses esprits pour l'accuser.

L'air totalement innocent, il haussa les épaules, son large sourire décridibilisant son air "Me regarde pas comme ça, j'y suis pour rien !".
Se servant un verre de lait, il failli de nouveau s'étouffer lorsque qu'en les couvant d'un regard attendri, elle leur sorti :

Citation :

Vous êtes vraiment adorables!

Continuant à manger, Soghann répondit tranquillement à Syld :

Oui, c'est au programme de la journée...
on va d'abord aller faire les boutiques -non que j'en raffole, soyons clairs-, afin de lui trouver des vêtements dignes de ce nom, pas des haillons. On va ensuite aller faire un tour dans le coin des armuriers, histoire de te trouver de quoi te défendre. Ainsi, tu arrêtera de piquer nos chemises et mes couteaux...

Il avait dit ça sur un ton taquin, loin des reproches qu'il lui avait fait au réveil. Affalé sur le canapé de manière presque lascive, tout en grignotant nonchalamment un bout de brioche, il conclu :

Cela dit, il faudra que je prenne un bain avant de sortir...

Il n'ajouta rien, mais l'on pouvait lire dans son regard et son intonation qu'il n'avait guère envie de prendre le dit bain seul...

- Quelle coïncidence ! J'avais prévu d'en faire autant, signala Syld avec beaucoup de naturel. D'ailleurs...

Il s'étira tout son content.
Il était rassasié, et donc d'excellente humeur.

- Mmh... je crois que je vais monter tout de suite.

Le jeune homme sauta sur ses pieds, l'oeil mutin et le sourire suggestif. Il tiraillait déjà sur les lacets de sa chemise.

- La porte sera ouverte...

Ses pieds nus foulant en silence le dallage, il traversa le salon. Puis, une main sur la rampe de l'escalier, il précisa avec un clin d'oeil jeté par-dessus son épaule :
- Le baquet est assez grand pour trois personnes, en fait...

Avec un petit rire, il fila à l'étage.

Syld avait fait vite : le baquet était déjà plein d'eau, ses vêtements gisaient déjà en vrac par terre, et lui-même profitait déjà du bain fumant.

Alangui contre le bord du baquet, le jeune homme tourna la tête vers l'arrivant puis se fendit d'un sourire.

- Je commençais à me sentir seul...

Il s'accouda sur le rebord et posa le menton sur ses avant-bras, tout prêt à assister à l'effeuillage de son compère.

- Dépêche-toi de venir : l'eau est vraiment délicieuse !

Puis, trouvant sans doute que Soghann prenait trop son temps, il se pencha un peu hors du baquet, l'attrapa par la ceinture et l'attira plus près.

- Allez, active-toi ! Sinon c'est moi qui t'enlève tout...

Répondant à l'impatience de Syld, Soghann finit de se débarrasser de tout ce qu'il avait pu avoir sur le dos et ailleurs, puis enjamba le rebord du bac. Il se laissa couler jusqu'au cou avec un soupir de contentement : en effet, l'eau était à la température idéale...

La demande était assez claire : ces messieurs avaient besoin de quelqu'un pour prendre soin d'eux durant leurs ablutions. Non qu'ils soient incapables de s'épouiller et se papouiller mutuellement. Juste qu'ils devaient avoir envie de changement.
Les laissant monter chacun leur tour, Fanaa resta sur le canapé en comptant. Elle mangea une pomme afin de chasser l'amertume du mélange spayskayke-lait, vérifia qu'elle n'était plus soumise aux effets dudit spayskayke et enfin, au bout d'un temps qu'elle jugea suffisant, prit le chemin de l'étage.

Les coquins avaient laissé la porte entrouverte, mais elle y toqua tout de même avant d'entrer. Elle les trouva tous deux immergés jusqu'au cou, nus comme des vers. Pour prendre un bain c'est la tenue la plus appropriée, il est vrai, mais les voir totalement sous l'eau transparente la gêna (et même troubla) un peu.

Elle se dépêcha d'attrapper du savon et d'en verser une généreuse dose dans le baquet avant de touiller avec sa main, créant de la mousse qui protégerait l'intimité des deux shalos. Ouf, c'était mieux.
Remontant les manches de sa chemise, elle se mit en devoir de prendre un gant, de le tartiner de savon et lança à la cantonnade:

- Je lave qui en premier?

Soghann se laissa attirer par Syld, riant de son impatience. Il quitta son pantalon et se glissa dans l'eau avec plaisir. Fanaa ne tarda pas à monter à leur suite, comme ils l'attendaient tous deux. Echangeant un sourire avec son compère, Soghann leva une main plein de mousse :

- Moi !

Puis, alors que Fanaa passait à sa portée, il se tendit brusquement, l'attrapa par la taille et l'attira avec force dans le baquet. Cela éclaboussa copieusement les alentours mais ils ne s'en souciaient guère. Avisant l'expression indignée -et surtout trempée- de la jeune femme, Soghann se mit à rire de plus belle.

- Une chemise en moins, haha !

Comprenant ce que Soghann projetait de faire, Syld se décala un peu. Fanaa ne tarda pas à venir combler l'espace ainsi dégagé dans le baquet.

Le jeune homme tenta de garder un minimum de sérieux par égard pour la demoiselle... peine perdue : il éclata de rire. Un rire clair et magnifique, comme on en entendait assez peu par ces temps troublés.

Il avait reçu de l'eau jusque par dessus la tête et se frotta l'oeil pour essuyer le savon qui y coulait.

- Quand j'ai dit qu'il y avait assez de place pour trois... j'avais vu juste !

Il repoussa les mèches mouillées qui collaient aux joues de Fanaa.

- Allez, ne fais pas cette tête. C'aurait été dommage que tu restes à part. Et puis tu n'es pas là pour être à nos petits soins comme une servante : tu es notre invitée, non ?

Le jeune homme pencha la tête sur le côté, caressant du regard les formes que soulignait divinement la chemise détrempée. Fanaa aurait réveillé les ardeurs d'un vieillard goutteux et perclus de rhumatismes, dans cette situation.

- Heureux soit l'habit qui ait le bonheur de se coller ainsi à la peau blanche d'une belle... Mais si tu l'enlevais ? Ca serait quand même plus pratique...

- Oh... non!

Trop tard. Soghann avait été trop rapide et elle se trouvait immergée entre eux. Elle hésitait sur la conduite à tenir lorsque Syld éclata d'un rire merveilleux. Un pur rire détendu, joyeux. Gagnée par son euphorie, elle se laissa aller à rire aussi. Après tout, la situation était plus amusante qu'autre chose. Tant qu'ils ne voyaient pas son dos. Elle avait gardé sa chemise donc tout allait bien.

Sauf que Syld... lui demanda de l'enlever. La joie passagère de Fanaa s'évanouit aussitôt. Elle resserra ses bras autour de sa poitrine, pour se protéger. Elle tenta de le leur dire de façon... douce. De cacher la panique que cela lui inspirait.

- C'est gentil mais en tant qu'invitée, j'ai le droit de prendre soin de vous si j'en ai envie n'est ce pas? Ton offre est alléchante, mais j'ai l'habitude de m'occuper de moi toute seule. Ne te donne pas cette peine...

Syld n'insista pas : il n'avait aucune envie de plomber l'ambiance.
Il se contenta de secouer la tête en souriant avec insouciance comme si c'était sans la moindre once d'importance. Après tout, il avait décidé de ne pas la brusquer.
C'était vraiment comme apprivoiser un animal trop craintif...

- Bon, tant pis !

D'une main légère, il se mit à caresser une des longues et jolies jambes de Fanaa.

- J'espère juste que tes habits auront une durée de vie plus élevée que celle des chemises que tu portes. Car à moins de vouloir être revenue chez le tailleur tous les deux jours, il te faudrait tant d'exemplaires de chaque vêtements que le recrutement de porteurs chargés de transporter ta garde-robe deviendrait nécessaire...

Il s'attarda sur une fine cheville.

- Tu aurais l'air d'une princesse en voyage. Mais d'un point de vue pratique, ce ne serait pas l'idéal.

Syld changea de sujet. Ce jeune homme était si compréhensif! Il savait toujours dire des choses gentilles comme tout. Elle devait sûrement pouvoir lui faire confiance. Et puis il avait dit qu'à shalanos, ce genre de choses passait pour normales. Cette ville n'était vraiment pas facile. Mais cela signifiait que ni Syld, ni Soghnn ne seraient choqués. Normalement. Mais ces marques étaient si laides. Il ne fallait infliger leur vue à personne.

Tandis que Syld parlait, elle sentait sa main sous l'eau, qui caressait la peau de sa jambe. Ce contact était agréable, et si doux. Elle se demanda ce que ça donnerait sur le reste de son corps. Après tout il proposait de prendre soin d'elle. Ce serait sûrement une sensation merveilleuse d'avoir ses mains douces et fermes un peu partout. L'envie de se laisser aller devenait plus forte. Elle réfléchit à toute vitesse. Et si elle ôtai la chemise tout en restant adossée au baquet? Ils ne verraient rien. Il suffirait qu'elle dise qu'elle n'aime pas qu'on lui touche le dos, non? Et ainsi, entre ses mains expertes elle atteindrait les sommets du plaisir...
Ses bras se desserrèrent pour agripper le bas du vêtement. Celui ci la moulait comme une seconde peau. Elle commença à la soulever mais au niveau du nombril, il lui sembla reprendre ses esprits. Ca ne marcherait pas. Il ne fallait pas rêver.

Elle tenta vaille que vaille de se rappeler de ce que Syld disait afin de répondre :

- ah oui? Princesse? Oh non aucun risque. je ne ferai rien qui pourrait vous gêner. Je me vêtirai du strict minimum promis. Surtout que je ne veux pas vous ruiner. Pour les chemises, on pourrait profiter de ces courses pour en acquérir de nouvelles? Pour vous. J'aime bien porter vos habits. Ce sont des choses à vous alors... je ne sais pas. ça me touche.

- ça m'étonnerait que tu arrive à nous ruiner... On ne va pas te laisser avec une simple chemise sur le dos, tout de même.

Tout en parlant, Soghann avait laissé sa main remonter tout doucement le long du bras de Fanaa, jusqu'au arriver dans la nuque, qu'il commença à masser doucement, tout en adoptant une attitude détendue et relaxée. Il essayait surtout de penser à autre chose qu'au formes de Fanaa, délicieusement moulées par le tissu mouillé.

Il faudra aussi que nous allions faire un tour dans le quartier des forgerons... et que tu nous dise quel genre d'arme tu préfère...

Son autre main, doucement, alla se poser sur la jambe qui n'était pas déjà entre les mains de Syld, et se mit à la caresser.... Doucement... A peine un effleurement. Il ne fallait surtout pas l'effaroucher...

Quand Soghann toucha sa nuque, Fanaa se crispa. Il était beaucoup trop proche de la zone critique! Le massage qu'il tenta ne lui fit aucun effet helas. Heureusement (ou pas) il changea de cible et décida de lui caresser la jambe à son tour.

Les deux shalos semblaient vouloir s'atteler à la tâche de la détendre. Elle avait même l'impression qu'ils cherchaient à l'apprivoiser. Et elle commençait à avoir du mal à leur résister étant donné qu'ils savaient y faire... Dans son corps lui revenaient des sensations oubliées. Elle avait envie de se laisser aller, sans penser à rien, de les laisser faire jusqu'au bout et de voir ensuite où ça la mènerait. De fermer les yeux et que les sensations présentes remplacent les souvenirs du passé.

Mais ce ne serait pas correct. Elle leur devait déjà tant. Elle ne pouvait se laisser aller ainsi. C'était à elle de s'occuper d'eux. Pas l'inverse. Pas tout le temps. Surtout qu'elle ne connaissait aucune autre façon de les remercier.

Tous deux parlaient de sortir faire des emplettes mais leurs gestes lui demandaient de rester au chaud avec eux. Allez. Elle pouvait bien le faire pour Soghann et Syld. Ils étaient si gentils. Et elle s'était promis de faire tout ce qu'ils voudraient. Elle avait tout de même une légère appréhension. Et si elle n'était pas à la hauteur? La concurrence était rude du côté de Syld et Soghann n'avait pas l'air de s'intéresser à quelqu'autre personne que Syld, justement. Et encore.

Prenant son courage à deux mains, elle proposa :

- On ne serait pas mieux dans une chambre? Avec les rideaux tirés...

La main de Syld se figea un instant, avant de flatter à nouveau cette zone sensible de la jambe où affleure un nerf qu'il faisait vibrer du pouce avec la science d'un joueur de luth.

- Es-tu vraiment sûre que c'est ce que tu veux ?

Il releva la tête et fixa Fanaa dans les yeux.

Le jeune homme connaissait à fond le langage du corps, et savait en interpréter le plus petit frémissement, relever le plus infime changement dans le rythme d'une respiration. Après tout, c'était aussi utile pour le plaisir que pour le meurtre... il cultivait donc cet art sans aucun complexe.
Et ce que lui disait le corps de Fanaa venait nuancer ce que sa proposition pouvait avoir d'aguicheur.

Il aurait fallu être aveugle, sourd et totalement obtus pour ne pas sentir que la jeune femme était beaucoup trop tendue, en fait.
Elle réagissait, oui... mais elle restait crispée, encore sur la défensive.

- Fanaa, si nous avons décidé de t'emmener jusqu'ici... ce n'est pas parce que nous attendions un paiement en retour.

Le Shalos entremêla ses doigts avec ceux de Fanaa et les leva hors de l'eau mousseuse. Délicatement, il déposa un baiser sur chacune des phalanges de la blanche main, le regard toujours attentif.

- Mets-toi bien ça dans la tête : tu ne nous dois rien. Et il n'y a donc aucune raison que tu te forces à faire quoi que ce soit.

Les paroles de Syld firent vaciller la volonté de Fanaa.

La main mêlée à celle du sacripan, le regard soutenant le sien, tentant de trouver ce qu'il voulait vraiment, Fanaa hésitait.
Pourquoi l'arrêtait il maintenant? Et seulement de la voix en plus, les caresses continuant cachées sous la mousse. Bien sûr que si elle leur devait quelque chose! Elle ne pouvait pas se contenter de profiter de leur bonté sans rien donner en retour.
Elle déglutit.

- Je ne me... force pas.

Son regard était si intense et si doux. Tout comme sa façon de prendre la main. Depuis la première fois, il avait toujours eu un comportement qui mettait en confiance. Sans compter le baiser brûlant...

Il n'y a pas de secret honteux à Shalanos. Alors autant profiter d'être là pour le partager. Elle pensait le leur raconter un peu plus tard. Mais qu'à cela ne tienne. Ils auraient le final maintenant. Son cœur battait de plus en plus vite.

Elle pressa la main de Syld.

- Tu me trouves jolie, j'espère...

Sans attendre la réponse, elle lâcha sa main et se leva. Son coeur battait à tout rompre. *allons ce n'est pas grand chose* se répétait elle.
Elle enleva sa chemise et déjà ils purent distinguer des marques. Sa poitrine lui faisait mal, sa respiration s'accéléra.

- C'est... la morsure du fouet.

Elle repoussa ses cheveux mouillés afin de dégager la surface de son dos. Pour que ses deux compagnons distinguent la peau abîmée, lacérée par les mèches de cuir.

Mais ce ne furent pas des marques de coups de fouets que les assassins purent voir. Non.

Dans son dos il y avait…

Des ailes. Pas de vraies ailes bien sûr. Un dessin. Un dessin superbe avec un souci du détail incroyable. Tracés à la pointe d’un couteau, de fins traits plus blancs que la peau d’albâtre de la jeune femme. Chaque plume avait été travaillée avec un soin minutieux. Au point que l’on pouvait s’attendre à les voir se déployer à tout moment.
C’était à couper le souffle.
Non seulement par la beauté du résultat, mais aussi par l’horreur de celui-ci. En effet, ce magnifique dessin n’était en fait qu’un ensemble de scarifications. Cette œuvre, une mutilation.

Le massage de la nuque, d'habitude souverain, eut l'effet inverse : Soghann le senti tout de suite, et choisi de se concentrer sur les jambes de la demoiselles. Il suivit avec intérêt l'échange entre Syld et la jeune femme, n'intervenant pas mais n'en perdant pas une miette : il savait parfaitement que Syld était plus doué que lui pour détendre les jolies femmes, il le laissait donc faire.

Enfin, Fanaa décida d'enlever sa chemise : elle se leva et leur montra ce qu'elle essayait tant de cacher. Un tableau d'une exquise beauté, mais qui, dans sa fabrication, avait du nécessiter plus de douleur que n'en aurait jamais à subir la plupart des êtres humains. Soghann sera les dents, son esprit ayant du mal à appréhender tant de souffrance, tant de douleur, absorbée par cette jeune femme à l'aspect si innocent. Il avait beau faire, il n'arrivait pas à décrocher son regard des courbes, des lignes innombrables. Il sentait, à côté de lui, Syld, tendu à craquer. Celui-ci tendit la main pour prendre celle de la jeune fille, légère étreinte destinée à signifier quelque chose que les lèvres de Syld se refusaient à exprimer, trop choqué qu'il était.

Les deux assassin connaissaient la mort. C'était leur amie, leur compagnon de tous les jours. Mais la douleur... C'était autre chose. Ils connaissaient, chacun, à leur manière. Comme tous les Shalos, comme tous ceux qui étaient passés par la guilde des assassins. Mais là... ça dépassaient tout.

Sans s'arracher à la contemplation de "l'oeuvre", Soghann se rapprocha doucement, sans provoquer trop de remous dans le baquet. Le plus tendrement dont il était capable, il posa ses mains à plat sur les hanches nues de la jeune femme, et posa son visage au creux de ses reins, au creux de ses ailes. Lentement, méthodiquement, il entreprit de remonter sa colonne vertébrale, posant un léger baiser au creux de chaque vertèbres, ses mains suivant le même mouvement, remontant depuis les hanches.

Lorsqu'enfin il arriva à la nuque, il posa son menton sur l'épaule de la jeune femme, et passa ses bras autour d'elle, juste sous ses seins, et la serra contre lui, son dos nu plaqué contre le torse humide du Shalos. Au creux de son oreille, il murmura :

- Plus personne ne te fera de mal, à présent...

Au début il n'y eut rien. Juste le silence. Le sang qui battait ses tempes. Et les secondes s'étirant interminablement. Elle ne savait pas vraiment à quoi s'attendre mais d'ici à ce que des coups de fouets choquent des shalos à ce point...

Elle sentit une main saisir la sienne et baissa la tête. Ils ne disaient rien et c'était normal. Il n'y avait rien à dire. Rien à faire. Juste subir. Et cacher ces marques de la honte. Le silence devenait un peu trop pesant. Et voilà comment plomber une ambiance sympa. Bravo Fanaa.

Un mouvement dans l'eau. Des mains et des lèvres dans son dos, qui parcoururent tout e sa colonne vertébrale, la faisant tressaillir chaque fois. Et une étreinte. Et des mots rassurants.

- Je sais... Vous êtes mes anges gardiens...

Et elle éclata en sanglots. Même en voulant se retenir, c'était impossible. Heureusement que Soghann était bien campé sur ses jambes car la jeune fille s'écroula, retenue seulement par les long bras du grand shalos. Les digues craquaient, déversant des flots se souffrance et de peine contenus depuis tant.
Elle savait qu'elle gâchait tout l'aspect léger et amusant du bain. Elle s'en voulait un peu mais au fond elle était soulagée. Elle était en sécurité. Protégée. Par les meilleurs.

Quand Fanaa éclata en sanglots, Syld parvint enfin à se détendre. Il resta quelques secondes, adossé au bord du baquet, la tête renversée en arrière et le regard dans le vague.

Bon sang, cela faisait longtemps que...

Il secoua vivement la tête pour chasser les remugles de souvenirs soulevés par ces aveux douloureux.

Le jeune homme se releva pour prendre le visage de Fanaa entre ses mains. Tout doucement, il se mit en devoir de sécher les larmes qui coulaient sur ses joues pâles, déposant un baiser de-ci de-là.

- Shhh... tu es en sécurité... c'est fini, là...

Les mots n'avaient pas vraiment d'importance. Ils se fondaient juste en un ronronnement semblable à une berceuse.

Les sanglots avaient du mal à se calmer.

Tout bas, si bas qu'il n'était même pas sûr que Fanaa l'entende ou même le comprenne au travers de ses pleurs, il chuchota :
- Tu sais... quand j'ai dit que je ne faisais que me "passer le temps", au bord de la rivière... c'était vrai... mais au début. Juste au début...

Le jeune homme se détacha un peu et, après une inspiration, parvint à sourire franchement.

- Bon... maintenant que tu as ôté cette fichue chemise, on peut s'occuper de toi ? Avant que le bain ne soit froid...

Entourée, câlinée de toute part, Fanaa sourit à travers ses larmes et ses cheveux mouillés. Elle reprit pied au fond du bassin, cessant de s’appuyer sur la force de Soghann et s’essuya les yeux en hoquetant.

- De moi ? euh oui ... Mais qu’est-ce que vous allez faire ?

La question de Fanaa prit Syld un peu au dépourvu tant la réponse lui paraissait évidente. Un bain, ça servait avant tout à se laver, nan ?

- Hein ? Mais je pensais juste...

Il jeta un coup d'oeil au gant de toilette inutilisé qui avait atterri sur le rebord du baquet lorsque Soghann avait tiré la jeune femme à l'eau.

Puis il se figea net, la bouche entrouverte.
Il venait de se souvenir des "jeux" qu'il pratiquait souvent lors des bains à plusieurs. C'était plus ou moins avec cette idée derrière la tête qu'il avait précisé que le bac pouvait aisément accueillir trois personnes, en plus.
Non, les bains ne servaient pas forcément uniquement à se laver...

- Heu...

Un moment à l'arrêt, son imagination venait de se remettre en route, faisant fi des scrupules qu'il pouvait soudain avoir.


Le jeune homme bégaya quelque chose de totalement inintelligible puis rougit comme une donzelle trop innocente.
Par tous les monstres souterrains, pourquoi est-ce qu'il se sentait soudain aussi embarrassé ?
Il devait être sobre depuis trop longtemps, pas possible !

- Je n'ai pas pensé... non, non... je ne pense à rien du tout... à rien, j'ai dit...

A chaque marmonnement, il s'était renfoncé dans l'eau, jusqu'à y être plongé jusqu'aux oreilles.
C'était bien d'être plus inventif que la moyenne, mais il y avait des fois où s'en serait bien passé...

Fanaa observa avec des yeux ronds Syld passer par différentes teintes et bredouiller pour finalement annoncer qu’il n’avait … aucune idée ?

La jeune fille éclata d’un rire franc.

- Mais alors pourquoi tu proposes si au final tu ne sais pas ?

Elle se gondolait maintenant, toute tension disparue, pliée en deux, les bras sur le ventre. Elle rit tant qu’elle en avait mal aux abdominaux. Entre deux rires elle réussit à placer :

- Tu es… tu es si mignon !

Se dégageant doucement des bras de Soghann, elle alla elle-même chercher le gant et le remouilla. S’agenouillant dans l’eau, elle avança jusqu’au sacripan immergé. Frottant son nez contre le sien en souriant, elle lui chuchota :

- Il fallait le dire que tu préfères que ce soit moi qui m’occupe de toi… hihi !

Se glissant derrière lui, elle se demanda si il était chatouilleux, et tout en lui frottant le corps avec application, chercha les zones à drôles de réactions.

- Sogh, mets toi dans l’eau, tu vas attraper froid. Après c’est ton tour ! Et puis on sort, vous avez dit qu’on ne devait pas s’empâter c’est ça ?

Syld ne tarda pas à s'agiter.

- Hey... hihi... arrête...

Chatouilleux ? Oh oui, il l'était !
Il se mordillait les lèvres pour ne pas rire, en pure perte.

- Non mais... tu en fais exprès, hé !

Il rigolait si bien qu'il avala de l'eau mousseuse bien malgré lui.

- Argl... tseuh ! Fanaa... attends un peu !

Le jeune homme se retourna et s'acharna à bloquer la demoiselle contre le bord pour la chatouiller sous les bras. Mais c'était comme essayer d'attraper une anguille.
Ils chahutèrent si bien que Soghann se ramassa d'énormes éclaboussures.

- Aha, je te tiens ! A ton tour, ma belle ! Là... et là...

Tout en riant à qui mieux mieux, Syld jeta un coup d'oeil du côté de son compère... et manqua se noyer sous le coup d'une nouvelle explosion d'hilarité : la tête que tirait le ténébreux Shalos avec ses grands cheveux collés en travers de la figure était un spectacle inoubliable.
Autant Syld pouvait se montrer un minimum sérieux, autant la minute d'après il se comportait avec la maturité d'un gosse de dix printemps...

- Allez, souris, mon vieux ! Tu vas bientôt y avoir droit toi aussi !

Ce n'était plus un bain, c'était une bataille de chaque instant pour ne pas s'étouffer, ne pas se noyer, ne pas avoir trop de crampes abdominales... et rendre la pareille à l'attaquant.

Fanaa en pleurait de rire. Il lui semblait qu'elle ne s'arrêterait plus jamais.
Et quand Syld désigna une autre cible, elle se redressa et, pointant son doigt vers le shalos, elle sonna la charge :

- A l'abordage! Tous sur Sogh!

Et accompagnée de Syld, elle bondit sur lui, le noyant à demi, l'aspergeant, le titillant. On allait voir si le noble et austère shalos n'afficherait pas une expression... plus enjouée. Ensemble, ils vaincraient! Ils le feraient hurler de rire! A surprendre les voisins!

Soghann essayait désespérément de garder son sérieux, encore un peu sous le coup de la découverte des "ailes" de Fanaa, lorsque les deux autre baigneurs se mirent à se battre, essayait de se chatouiller à qui mieux mieux.

Brusquement, Syld le désigna pour cible, et Soghann eut à peine le temps de lâcher un "Sale *GLOUB*" qu'il était déjà à demi noyé, harcelé par les deux furies. Si Syld savait parfaitement où son compère était chatouilleux, Fanaa ne tarda pas non plus le découvrir. Il se mit à rire comme rarement, se laissant totalement aller avec bonheur, après la tension qui s'était installé quelque sminutes plus tôt.

Il tentait bien de se défendre, mais ils étaient deux, et sadiques, avec ça ! Il ne tarda donc pas à crier grâce, entre une gorgée d'eau savonneuse et un éclat de rire.

Au secouu*GLOUB*ouuuurs ! Arreeee*GLOUB*teeeezz !!!

Syld le laissa crier grâce un bon moment avant de décréter la fin des hostilités de sa part.

- J'accepte ta reddition, mon grand.

Il parvint à lever la main avec le sérieux d'un magistrat rendant la justice pour mieux souligner ses paroles, avant de s'effondrer contre le bord du baquet, haletant. Il n'en pouvait plus de rire.

- Arfff... pouce ! J'ab-j'abandonne aussi !

A bout de souffle, il jeta un coup d'oeil panoramique sur la pièce.

- Mazette... quel foutoir. On a éclaboussé jusqu'au plafond. Et il y a plus d'eau dehors que dedans, maintenant.

Le jeune homme s'ébroua, encore secoué par intermittences d'éclats de rire étouffés.

- Ah, ça fait du bien ! Bon, allez... c'est pas que l'eau commence à être frisquette, mais presque.

Il attrapa une serviette à peu près sèche (comparée au reste de la pièce) sur une chaise à portée de main et s'en drapa avec une nonchalance dénuée de toute pudeur au moment de s'extirper hors du bain.
Il fit une pause sur le seuil de la salle et se pencha en arrière pour décocher un sourire gamin aux deux autres.

- Fanaa, si tu veux, tu peux encore tenter de noyer Sogh... Le fieffé coquin le mérite bien.

Et il fila avant qu'un certain "coquin" ait pu l'asperger à nouveau, laissant des traces de pas mouillés dans le couloir.

Le jeune homme se faufila dans sa chambre, enjamba les grands tas de chemises qui gisaient toujours par terre, fouilla dans un monticule qui semblait moins froissé que les autres, et finit par y repêcher un pantalon et une chemise propres.
Il finit de se sécher, sauta dans le premier et, laissant la deuxième sur le couvre-lit, alla fouiner dans un tiroir.

Son foulard écarlate était complètement détrempé.
Et puis bon, pour sécher correctement la luxuriante crinière qu'il avait sur le crâne, ce n'était pas l'idéal...

Se serviettant la tignasse d'une main, il dégota de l'autre un foulard identique au premier entre un poignard et un jeu de cartes tout corné à force d'être trituré sans égards.
Tournant le dos à la porte, le Shalos leva les mains pour détacher son bandeau.

Il y était tellement habitué... l'impression était toujours aussi bizarre quand il l'enlevait. C'était un peu comme ôter un casque : il se sentait brusquement vulnérable, mais aussi tellement plus léger...

- Bon, n'en profitez pas trop pendant que je ne suis pas là pour vous surveiller, vous deux ! lança-t-il gaiement du côté de la salle d'eau sans se retourner.