Maison de Soghann & Syld

HRP : Venant du Bosquet.

Soghann a écrit:

Soghann se laissa lourdement tomber sur un sofa rouge, puis s'y allongea, ses paupières se fermant déjà. Posé à côté de lui, le sac d'or qu'il venait d'amener le réconfortait de son évidente bonne santé, rebondi qu'il était. Il trouva cependant la force de jeter un coup d'oeil autour de lui : cette demeure lui plaisait de plus en plus. Bien bâtie, située dans une beau quartier de Shalanos, pas assez grande pour attirer l'attention mais suffisamment confortable pour qu'un homme passablement riche y trouve son compte. Et le fait était que, malgré ses propos sur le chemin, Soghann était un homme qui pouvait se permettre de vivre confortablement.

Les contrats qu'ils remplissaient avec une rare efficacité leur permettaient de compter sur une manne inépuisable d'or et de bijoux amassés et dont une partie était soigneusement épargnée, le reste passant en boisson et plaisir divers pour les deux assassins.

Soghann avait acquis la demeure d'une façon qui était assez floue, quelque chose comme un legs d'une personne qui n'avait qu'une très vague lien avec l'assassin. Mais à vrai dire, personne à Shalanos ne se souciait de ce genre de choses. Ici, les biens appartenaient à ceux qui les prenaient. Comment pouvait-il en être autrement, dans la capitale des voleurs ?

Bercé par cette pensée, il se laissa glisser dans un sommeil comblé.

Bâillant à qui mieux mieux, Syld s'était débarrassé de ses bottes à peine le seuil passé et avait coiffé un fauteuil de son manteau.

- Aaah... ça fait du bien de rentrer chez-soi... enfin chez-toi... enfin bref.

L'air à peine plus frais, Soghann adhérait visiblement à l'idée d'une pause de quelques heures en la demeure... il valait mieux le laisser tranquille et, de toute façon, lui même s'endormait déjà tout debout.

Syld traversa donc le rez-de-chaussée en sautillant pieds-nus sur le dallage froid avec quelques frissons avant de grimper les escaliers quatre à quatre.

Il avait longtemps eu l'habitude de crécher dans des soupentes plutôt sordides, bien qu'ayant largement les moyens de trouver mieux. Peut-être était-ce pour cela qu'il préférait dormir dans les étages, où qu'il aille...

La maison lui avait plu dès qu'il y avait mis les pieds -un peu poussé en cela par Soghann-. Depuis lors, il savait de quelle façon pousser la porte d'entrée sans qu'elle grince, connaissait l'emplacement de chaque objet au point de pouvoir se déplacer sans lumière.
Il avait adopté la demeure, autant qu'elle semblait l'avoir adopté.
Même l'odeur de renfermé qui flottait parfois dans les pièces après une longue absence de leurs occupants lui était devenue familière.

Le jeune homme parvint tout juste à atteindre un fauteuil avant de s'effondrer, assommé tant par la fatigue et les excès récents que par la tension qui retombait tout d'un coup. Renversé contre le dossier moelleux, il s'endormit aussitôt, les lèvres entrouvertes sur un soupir de contentement.

En général, Syld dormait comme une bûche. C'était d'ailleurs une particularité assez étrange pour un assassin : ceux qui gagnaient leur vie en prenant celle des autres avaient habituellement le sommeil léger, voire inquiet. Lui roupillait comme un bienheureux... en général.

Cela ne faisait que quelques heures qu'il dormait, mais son sourire serein avait disparu, chassé par une expression plus tendue. Une de ses mains avait glissé de l'accoudoir, et se referma sur le vide dans un spasme.

- Je n'ai pas voulu faire ça... non... Ne me laisse pas ! Ne...

Syld se redressa à-demi de son fauteuil, le souffle court, et mit quelques secondes avant de se souvenir où il était. Il retomba contre le dossier avec un soupir.
Un mince filet de sueur lui coula dans l'oeil, provoquant une sensation de brûlure.
C'était toujours la même chose...

Le jeune homme finit par quitter son fauteuil, le pas incertain, et zigzagua jusqu'à la cuvette d'eau posée sur une commode. Il s'aspergea à nouveau la figure et resta là, accoudé au-dessus de la bassine, les cheveux détrempés, à observer son reflet comme s'il avait cherché à y lire l'avenir.

- Je sais, je sais !

Il plongea les doigts dans l'eau et en troubla rageusement la surface pour effacer son image.
Le fauteuil émit un gémissement lorsque le Shalos s'y affala de nouveau. Il appuya la nuque contre le dossier et ferma les yeux.

- J'ai déjà dit que je regrettais !

Le sommeil le gagnait à nouveau, plus profond, plus calme.

- Sheera...

Le murmure flottait encore sur ses lèvres qu'il dormait pour de bon, la tête sur l'épaule, dans un repos sans rêve...

- Rrrh... Aaa... Atchoum !

Le bruit caractéristique d'un assassin dégringolant de son fauteuil suivit de près cet éternuement spectaculaire qui avait fait sursauter le voisinage à cinquante mètres à la ronde.

Et une flopée de jurons capables de faire blêmir le plus roués des mendiants de Shalanos suivit le bruit de la chute en question.

De toute évidence Syld avait fini par se réveiller pour de bon...

Avec moult marmonnements, le jeune homme traîna des pieds dans le couloir, les escaliers, les différentes pièces du rez-de-chaussée et récupéra ses bottes : Soghann étant debout, il n'y avait plus aucune raison de se déplacer en silence.
Puis le Shalos traîna ses semelles somnolentes sur le chemin inverse, heurtant chaque marche pendant l'ascension plutôt laborieuse vers le toit.

Sa tête ébouriffée émergea enfin de la trappe restée ouverte.

- 'lut SoghaAaaAAann...

Deux choses étaient sûres :
Il ne faisait aucun doute que Syld était bien parti pour remporter haut la main le concours du plus large bâillement de tout Adreis.
Et, surtout, il n'était vraiment pas, mais alors là vraiment pas du matin.

Il se frotta les yeux d'un revers de manche avant d'ajouter :
- Je crois que je me suis un peu enrhubé.

Cette précision essentielle venait fort à propos expliquer la couverture que le jeune homme avait jetée sur ses épaules.
Fait aussi notable que remarquable, l'assassin réussissait presque à garder de l'allure, ainsi drapé comme un vieux sage, la crinière en bataille, la moue piteuse et l'oeil encore tout grincheux d'avoir dû s'ouvrir si "tôt".

Il remua du nez, renifla, puis éternua à nouveau dans le coin de la couverture.

- Et berde...

Soghann rit de bon coeur devant la mine revêche de l'assassin, et son accent enrhumé. Autant il avait l'habitude des réveils de Syld, autant il ne s'enrhumait pas spécialement régulièrement. Il ne put résister au plaisir de le titiller un coup :

Mon pauvre petit ! Je crois qu'on va attendre un peu avant de reprendre un contrat, renifler puis éternuer dans le cou d'une victime n'est pas vraiment ce que j'appellerais une approche discrète !

J'aurais bien quelques idées pour te réchauffer mais je doute que ta dignité accepte certaines. Bouge pas...

De toute évidence avec une idée bien précise en tête, il descendit l'escalier et remonta une minute plus tard, portant deux chaises pliantes et une bouteille. D'un geste expert, il déplia les deux chaises et les disposa côte à côte sur le toit/terrasse, orienté de façon à pouvoir embrasser la ville du regard tout en pouvant poser les pieds sur le rebord de la terrasse. Il s'assit sur l'une des chaises, puis tendit la bouteille à Syld avec un petit sourire.

Tiens, lampe donc quelques gorgées de ça. C'est souverain contre pas mal de chose. Par contre, tu ferais mieux de t'assoir avant, ça cogne un peu.

Syld renifla prudemment le goulot de la bouteille et pâlit d'un ou deux tons.

- Ne me dis pas que c'est ce que je pense ?

Face au sourire large comme une porte cochère de Soghann, il fut certain que c'était bien "ça".

- Misère... tu veux m'achever, pas vrai ? Tu sais qu'il y a des paysans des plaines de l'est qui utilisent ce truc comme voraticide ?

Le jeune homme tenait la bouteille loin de lui comme si elle allait lui sauter à la figure.

- Est-ce que je ne pourrais pas... heu... chercher un clerc, peut-être... Non ? Aah, mais pourquoi est-ce que ça tombe toujours sur moi ??

Il finit par s'asseoir, toujours emmitouflé dans sa couverture, l'air désespéré.

- Et flûte ! Si j'y reste, je te lègue mon vieux jeu de cartes truquées et tout un lot de dés pipés que tu trouveras dans le dernier tiroir en bas à droite du buffet dans le couloir. Et en ce qui concerne mes économies personnelles... tu peux toujours chercher.

Syld prit une inspiration, avant de descendre la moitié de la bouteille d'un trait pour ne pas avoir le temps de regretter son geste.
Très logiquement, il faillit s'étrangler et se plia presque aussitôt par dessus l'accoudoir de sa chaise, toussant à rendre l'âme.
Il en avait bu des vertes et des pas mûres dans les tavernes les plus suspectes du pays; mais l'alcool de minandi, c'était vraiment la pire décoction qu'un gosier puisse voir passer.

- Tseuh... si je tenais le [censuré] qui a inventé cette mixture...

Soghann rit encore une fois devant la réaction, pourtant attendue, de Syld. Il était vrai que la liqueur de minandi était particulièrement forte, et son goût ne s'améliorait pas avec l'âge. Les Shalos savaient s'en servir pour tout un tas de choses diverses : soigner les rhumes, mais aussi détruire les parasites et chasser les insectes, faisait partie des nombreuses applications de la mixture.

Il assena quelques coups secs sur le dos courbé de Syld, se rendit compte que la couverture amortissait les chocs, haussa les épaules en souriant et récupéra la bouteille. Il la reboucha avec soin, soucieux de ne pas s'imprégner de l'odeur particulière de la chose. Il l'a posa ensuite dans un coin, où il ne risquait pas de se prendre les pieds dedans. Ce qui aurait été catastrophique pour sa toiture.

La légende dit qu'à force de tester toutes les décotions qu'ils parvenaient à tirer du minandi, ils ont perdu la tête. Sur le comment la tête s'est détachée de leurs épaules, les versions varient...

ça débouche les sinus, non ?
Jettant un coup d'oeil au niveau de la bouteille

Ceci dit, le contraire serait étonnant. Tu as pris une dose suffisante pour déboucher les latrines d'une garnison entière.

- Merci, je m'en suis rendu compte, maugréa Syld, toujours cassé par dessus son accoudoir.

Il préférait attendre avant de se redresser, histoire que son estomac ait le temps de s'habituer à l'infernale liqueur.

- A côté de ça, les pires tortures, c'est de la rigolade... Oh bon sang...

Il toussa encore une fois ou deux puis, centimètre après centimètre, se rassit correctement.
Un malicieux picotement dans son nez le fit soudain ciller, s'agiter, jusqu'à ce que le jeune homme plaque une main sur son visage afin de réprimer à toute force un nouvel éternuement tout en adressant de frénétiques signes de dénégation à Soghann de l'autre main.

- Non, non, non ! Pas de blague ! Je suis guéri, c'est bon !

Il renifla prudemment avant de se tasser sur sa chaise, un oeil méfiant vrillé vers l'infâme bouteille qui le narguait depuis le coin de la terrasse.

- Si on avait un autre contrat, là, maintenant, il me suffirait d'aller souffler dans les bronches de la cible pour qu'elle tombe raide morte.

Il détourna le regard de la bouteille avec un frisson rétrospectif.

- A tout prendre, je me demande si je n'aurais pas préféré garder mon rhume. Pas moyen d'aller conter fleurette à une jouvencelle avant deux ou trois jour avec des relents méphitiques pareils : la malheureuse n'en réchapperait pas !

Je doute que faire la cour à une damoiselle en portant un masque à gaz soit très efficace, même pour toi. Ce la dit, maintenant que tu es guéri, nous pouvons ressortir de la ville, pour retourner à la taverne de Veis. Tu éviterais d'asphyxier la moitié de Shalanos par ta seule présence, et l'odeur aurait le temps de se dissiper.

Sinon... On peut trouver à faire ici même. Nous avons gagné suffisamment d'or pour vivre comme des princes pendant deux ou trois bonnes semaines. Si tu as envie d'un divertissement précis, c'est le moment...

On peut assi partir en quête d'un novueau contrat. Pas forcémment ici, mais à Fedoran, par exemple. Les courtisans de là-bas se livrent sans cesse des petites guerres d'influences qui font des ravages dans leurs rangs. Mais ces gens là, c'est comme la mauvaise herbe : tu en coupe, il en pousse deux fois plus. Mais ça paye bien.... Et ça nous ferait voir du pays, un peu.

Jetant un coup d'oeil malicieux vers Syld

J'ai aussi entendu dire que les courtisanes de Fédoran étaient de vraies furies au lit... Sans être aussi farouches que, disons, les Ilymis.

- Fedoran, tu dis ?

Syld se gratta le chef d'une main pensive, et on aurait presque pu entendre les rouages de son cerveau cliqueter avec un entrain retrouvé.

Entrain tout relatif, cependant, car la tête lui tournait un peu.
L'alcool de minandi n'était certes pas à prendre à la légère. D'ailleurs il valait mieux ne pas en prendre du tout, mais pour ça il était un peu tard.
Et puis bon, le rhume avait tout de même pris la fuite face à l'indicible mélange...

- Mmmh... sais pas... toutes les options sont tentantes.

Il s'étira car il avait la nuque raide à force de s'enfoncer dans sa chaise pour échapper à la surveillance diabolique de la bouteille tapie dans l'angle de la terrasse.

- Je n'ai rien contre Shalanos, mais j'ai toujours l'impression de...

Il jeta un bref coup d'oeil vers les murailles noires et luisantes du palais royal.

- ...l'impression d'étouffer un peu. Et puis j'aime bien savoir l'heure qu'il est sans avoir à courir après ton fichu globe magique.

Syld fit craquer ses doigts avec un petit sourire entendu tout en précisant :
- Le dernier contrat m'a laissé un goût de trop peu que même la saveur de cette horreur liquide n'est pas parvenue à effacer, c'est dire.

Il se leva d'un bond, toute vitalité retrouvée, et s'étira tout son soûl.

- Quoiqu'il en soit...

Mains croisées dans le dos, le jeune homme se pencha pour regarder son comparse sous le nez. Il avait l'oeil vif, et le sourire chenapan.

- Faut quand même que je vérifie un truc.

Il glissa un doigt preste dans le col de Soghann et le tira en avant, pour l'embrasser sans prévenir.
Le vil filou se redressa avec un clapement de langue.

- Allons bon, tu es toujours vivant... Mais je doute que tu fasses un baromètre convenable quant à la nocivité de mon haleine au minandi.

Dans un soupir théâtral, Syld croisa les bras, un sourcil joyeusement froncé.

- A force de jouer les piliers de taverne, tu dois être immunisé.

Un peu surpris mais pas décontenancé le moins du monde, Soghann se goûta les lèvres, l'air pensif.

Pour ce qui est de l'odeur, tu traîne une sacrée haleine. Elle va certainement te suivre pendant toute la journée, et une bonne partie de la nuit.

Pour ce qui est du goût...

Il se leva à son tour.

J'ai pas bien senti.

Imitant Syld, il attrapa ce qui servait de col à l'assassin et l'attira à lui, avant de se mettre à chercher consciencieusement tous les goûts que pouvaient bien receler les lèvres et la langue de son compère.

Il cessa au bout d'un certain temps, le lâcha et sourit d'un air malicieux, tout en se passant la langue sur les lèvres.

Moui, certes, tu as un certain arôme. Il va falloir qu'on se tourne vers d'autres alcools pour effacer cela. Il serait dommage de faire s'évanouir les dames de Fedoran.

Syld ne put s'empêcher de ciller face à cette "réplique", même s'il savait qu'il l'avait bien cherchée. Et la dernière remarque de Soghann lui tira un rire un peu nerveux.

- Moui, ce serait dommage.

Comme à chaque fois que la situation le mettait dans l'embarras, il se frotta la nuque avec un de ces sourires gamins qui lui attiraient tant de faveurs.

- C'est vrai que j'irais volontiers vider un ou deux verres avant de partir.

Il regarda autour de lui, en quête de quelque chose qui pourrait lui redonner une contenance. Malheureusement le seul objet qui tomba dans son champ de vision fut la fameuse et inévitable bouteille maléfique.
Syld rougit vivement et pivota brusquement sur ses talons pour échapper à cette vision d'épouvante.

- Ou cinq ou six... douzaines...

Ouai... Bon, je vais ranger ça avant que tu ne décide de la finir.
Achève de te réveiller, pendant ce temps...

Il saisit donc la bouteille et la descendit la ranger, tout en prenant au passage deux nouvelles bières. Il en profita aussi pour cacher son sac d'or une des planques de la maison, tout en en prélevant une partie pour le voyage. La demeure était grande, les cachettes ne manquaient pas, et un certain nombre de sortilège de ténèbres défendaient les plus importantes.

Rien qui n'eut arrêté bien longtemps une équipe de voleurs de haut niveau, certes. Soghann était conscient que rien ne pouvait arrêter une équipe déterminée de ces gens là. Mais ces gens savaient aussi qui voler un assassin n'était pas bon pour l'espérance de vie. Encore plus, lorsqu'il s'agissait du butin de deux assassins.

Il fit aussi aussi un crochet par son armurerie, réserve de couteaux et dagues en tout genre, de l'aiguille empoisonné à l'épée courte. Il vérifia le fil de sa dague, échangea quelques couteaux pour d'autres, empocha quelques petites surprises, puis sorti d'un air satisfait.

Lorsqu'il remonta sur la terrasse, il tendit l'une des bières à Syld, puis ouvrit la sienne.

Avant d'aller à Fedoran, que dirais-tu de repasser par la Taverne de Veis ? Ce n'est pas exactement sur le chemin, mais faire un crochet par là-bas ne nous fera faire un détour que d'un ou deux jours. Après tout, nous avons notre temps... Et puis, je donnerais cher pour entendre narrer l'arrivée certainement épique du cortège funèbre !

S'interrompant le temps d'une gorgée

Et puis, je suis certain que tu ne rechignerais pas à revoir certaines des demoiselles que nous avons croisé là-bas...

- Je vais finir par croire que je suis désespérément prévisible, soupira Syld avant de faire un sort à sa bière.

De toute évidence, cette boisson passait beaucoup mieux qu'une certaine décoction à base de champignon.

- Va pour le détour ! Les brûlantes courtisanes fédoriennes devront encore prendre leur mal en patience pendant quelques jours...

Le jeune homme se fendit d'un sourire rêveur puis desserra son col qui était resté un peu de travers.

- Juste le temps de changer de chemise, et je serai fin prêt au départ.

Il fourragea dans ses cheveux fous avec une moue perplexe.

- J'ai déjà fouillé dans mes armoires pendant vingt bonnes minutes après être tomb... après m'être réveillé. Pas moyen d'en trouver une propre dans le tas. Je ne comprendrai jamais comment je me débrouille pour systématiquement tout fiche sens dessus dessous à peine arrivé.

Il haussa les épaules d'un air fataliste et fit les trois pas qui le séparaient de la trappe.

- Donne-moi deux... non, cinq... dix minutes. Si je me souviens bien, j'en avais vue une sous le fauteuil... à moins que ce soit sous le lit ? Bof...

Tout en réfléchissant aux endroits invraisemblables où il aurait pu avoir fourré une chemise, il dévala les marches à une allure qui prouvait, si besoin est, qu'il ne se ressentait pas plus de feu son rhume que de la thérapie ayant conduit au trépas dudit rhume...



HRP : vers la

HRP : venant de là


S'assurant que Fanaa venait derrière, Soghann avait suivit son compagnon dans les escaliers, du plus prêt qu'il le pouvait. Il guettait l'instant ou Syldperdrait connaissance, prêt à le rattraper avant qu'il dévale tous les escaliers, pour arriver en bas sans un seul os intact.

Ils arrivèrent enfin devant leur porte, et ce fut à ce moment que Syld abandonna, s'écroulant contre un mur, conscient mais épuisé.
Avec un sourire et en secouant légèrement la tête, Soghann sorti de sa veste une grande clef dont il se servit aussitôt pour ouvrir la lourde porte.
Après avoir rempoché sa clef, il passa ses bras sous les aisselles de Syld et le portant autant quil le trainait, il l'amena jusqu'au canapé qui les attendait dans le salon.
Sur la petite table ouvragée à côté, le globe magique montrait la nuit étoilée de l'extérieur, projetant sur les murs la lumière multicolore des lunes.

Assuré que Syld était installé confortablement, il invita Fanaa à entrer, avec un grand sourire et un geste de bienvenue.

Soit la bienvenue dans ma demeure, Fanaa.

N'attendant pas de réponse, Soghann alla dans la cuisine, et en ressorti quelques instants plus tard avec une outre, qu'il ouvrit et goûta. C'était de l'eau fraiche et claire. S'asseyant à côté de Syld, il l'aida à boire, puis posa l'outre à ses côtés. Enfin, il se releva, et se tourna vers Fanaa, lui annonçant d'une voix douce :

Il a perdu beaucoup de sang, il faut le faire boire de l'eau en quantité.
Je vais chercher quelqu'un qui pourra s'occuper de lui. En attendant, reste là, veille sur lui...
Personne ne viendra vous déranger.

Se dirigeant déjà vers la sortie, il stoppa, et désigna du pouce une autre porte :

Si tu veux t'habiller, tu trouvera des chemises dans l'armoire de la pièce à côté.

Puis, avec un clin d'œil :

N'oublie pas, tu aura droit à un bain, quand j'aurais trouvé pour Syld.

Il allait franchir la porte lorsque, posant la main sur la poignée, il la regarda de nouveau, et lui demanda, son regard fixé avec une expression de franchise sur le visage de la jeune femme :

Et, s'il te plait... Ne fouille pas trop la maison, elle ne te connaît pas, et peut donc être dangereuse... Je te la ferais visiter en revenant.

Fanaa écarquilla les yeux. Une maison dangereuse?

- Promis.

Et la porte se referma sur lui.

Bon. S'occuper de Syld. ne pas fouiller la maison. Le réhydrater. La jeune fille s'approcha du canapé. Elle tendit une main vers Syld pour le toucher mais se rendant compte qu'elle était plus sale qu'elle ne l'aurait cru, elle arrêta son geste.
Tournant la tête de tous côtés, elle chercha de quoi se rincer mais il n'y avait que l'outre destinée à Syld. Soghann lui avait demandé de ne pas fouiller alors elle ne toucherait à rien.

Fanaa se débarrassa de son bout de cape et la jeta dans un coin de la pièce. Elle n'en ferait plus rien maintenant. Elle hésita à aller enfiler une chemise comme Soghann le lui avait conseillé mais n'osa pas en enfiler une toute propre sur son corps sale.

Elle tira une chaise au chevet du shalos allongé et s'y assit. Elle prit l'outre et se permit de s'en verser un peu sur les mains afin de se rincer.

Là. Maintenant elle pouvait se permettre de le toucher. Elle posa doucement une main fraîche sur le front chaud du chenapan, espérant lui faire du bien.

Le teint de Syld était presque aussi pâle que dans la forêt.
*Soghann a dit de le faire boire*
avec douceur, elle plaça l'ouverture de l'outre contre la bouche de Syld, lui releva un peu la tête et le fit avaler quelques gorgées.

Que faire d'autre? Elle se tordait les mains, se sentant plus inutile que jamais. Elle je tait de fréquents coup d'oeil à la porte. Mais que faisait Soghann? Il semblait à Fanaa qu'il était parti depuis une éternité.
La jeune femme était très tendue et pour ne rien arranger, elle ne trouvait rien à dire.
Elle le fit de nouveau boire, puis posa une de ses mains sur la sienne. Nouveau regard à la porte. Pas de grand shalos.

- Il va bientôt revenir. Et à tous les coups il va ramener une clerc femme. Et super belle en plus. Juste pour toi. Tu vas voir.
Le bandage que je t'ai fait n'est même pas assorti à ton bandeau. Quel manque de tact! Bah. J'espère qu'elle ne le remarquera pas. Au pire tu diras que ta ... euh... suivante n'a aucun goût.

*mais qu'est-ce que je dis moi?*

- Je suis vraiment désolée Syld. Je sais que je parle trop mais ce silence c'est si pesant... Toi ne parle pas. Tu as besoin de tes forces. Tu as besoin de quelque chose? Tu peux me demander tout ce que tu veux. Ah mais non, il ne faut pas que tu parles. Comment je vais faire?

Elle s'agitait sur sa chaise, nerveuse comme un tic (nerveux forcément).

- Par geste? Non tu ne dois pas bouger. Soghann a tort, je suis nulle comme infirmière! Bon.

Elle souffla profondément.

- Ca va aller. Ce va aller parce que Sogh a bien dit que j'étais nulle au lancer de couteau. Donc ça ne peut pas être si affreux que ça? Si? Pourquoi je reparle de ça moi?

Elle allait craquer. Elle allait craquer sans aucun doute.

- Ne fais pas attention à ce que je dis. d'ailleurs je ne dis plus rien. c'est mieux.

Elle porta de nouveau l'eau fraîche aux lèvres de Syld.

- Fanaa...

Elle l'empêchait d'ouvrir la bouche pour autre chose que boire, papillonnait autour de lui et monologuait avec une nervosité croissante.
Syld fronça légèrement le sourcil.
Il ferma les yeux un instant, inspira un grand coup et...

- Fanaa, sacré bon sang !

Il avait presque crié pour se faire entendre et empêcher la jeune femme de lui clouer le bec avec une généreuse rasade d'eau supplémentaire.
Il retomba la tête sur l'accoudoir du sofa, le souffle court.

- Mais enfin, Fanaa...

Parler était pénible, oui, mais l'écouter s'accuser de tous les maux l'était encore plus.

- Je te l'ai déjà dit : tu n'as rien à te reprocher. Ce n'est pas comme si tu l'avais fait exprès... Et puis cesse de te torturer, un peu, tu veux ? Sinon je vais me sentir coupable d'avoir été assez stupide pour ne pas avoir vu arriver ce fichu couteau...

Il s'interrompit un instant.
Oui, ce clerc commençait à se faire attendre...

- Allez, fais-moi plaisir... va au moins passer une chemise. Tu me rend encore plus fiévreux, là...

Syld ne put s'empêcher de rire, ce qu'il regretta aussitôt avec une grimace mal réprimée.

- Et puis bon... j'imagine la tête du clerc en te voyant ainsi penchée sur moi...

Fanaa stoppa net toute activité en entendant Syld forcer sur sa voix.

Puis elle s'examina. Un soutien gorge de dentelle et un shorty assorti. Elle n'avait même plus sa ceinture.

- Oh... tu crains qu'elle se fasse des fausses idées? D'accord je vais chercher un truc. je reviens tout de suite.

Voyons une armoire. Voilà. Une chemise. laquelle? N'importe c'est juste en attendant. Une noire voilà. Elle la passa en retournant vers le blessé. Elle était en une pièce, on pouvait seulement resserrer un lacet au niveau de la poitrine. Fanaa préféra la laisser lâche à cet endroit ou elle risquait d'être un peu serrée.

La jeune fille rapprocha encore la chaise et se rassit. Elle commença bien sûre par donner à boire à Syld. (Soghann a dit). Puis elle repoussa la chaise et s'agenouilla à même le sol. Elle embrassa le shalos sur le front, lui saisit une main et posa sa tête juste à côté de la sienne, de façon à pouvoir le toucher tout en ayant une super vue sur l'entrée de la maison.

*Soghann, je t'en prie, reviens vite!*

La porte s'ouvrit enfin, laissant passer Soghann, suivi d'un homme à l'air très calme, accusant un certain âge déjà mais encore vif. Il portait une robe magnifique, blanche et or, décorée d'arabesques noires sur les manches. Sans un mot, Soghann se plaça derrière Fanaa, lui posa les mains sur les épaules et la tira légèrement en arrière, afin qu'elle s'écarte de Syld et se lève. Il lui souffla :

Laisse le monsieur travailler...

Le monsieur en question ne perdit pas de temps. Il rapprocha la chaise du canapé, s'y assit, retira délicatement les bandages du blessés et observa la plaie quelques secondes. Ensuite, d'un air posé, il retroussa ses larges manches, dévoilant des bras grêles, à la peau très blanche, et couverts de tatouages cabalistiques. Très doucement, il apposa ses mains jointes sur la plaie, pris une profonde inspiration et ferma les yeux.

Quelques instants plus tard, une lumière éclatante jaillissait de ses paumes, noyant la blessure dans un flot lumineux obligeant chacun à fermer les yeux.

Moins d'une minute plus tard, c'était terminé. Syld était remit à neuf, la blessure totalement refermée, une très fine cicatrice restant le seul témoin du drame.

Le clerc se releva, un peu moins en forme qu'avant.

Alors que Soghann sortait déjà sa bourse, il indiqua de son doigt osseux Fanaa, regardant l'assassin dans les yeux. Il prit alors la parole, d'une voix rocailleuse, contrastant étrangement avec le corps fluet :

- Une nuit avec votre jolie esclave, et nous serons quite...

Le sourei de Soghann s'élargit, mais il sorti tout de même plusieurs pièces d'or de sa bourse, et les mit dans la main du clerc.

- Désolé, prètre, mais non.
- Quel dommage...

L'assassin reconduisit le clerc à la porte. Après avoir jeté un dernier regard vers Fanaa, ce dernier franchit le seuil et disparut bientôt dans la rue, et Soghann referma la porte derrière le clec.

- Voilà pourquoi j'ai insisté pour que tu passes une chemise, fit Syld d'une voix encore un peu incertaine à l'adresse de Fanaa dès que la porte se fut refermée sur le clerc.

Il s'assit, balança ses jambes par-dessus le bord du sofa, puis fit jouer son épaule avec prudence.

- Bon, on dirait que le vieux savait ce qu'il faisait.

S'appuyant au dossier d'une main, le jeune homme se leva précautionneusement.
Bien, le plancher restait sage, les murs aussi.
Tout juste s'il se sentait encore cotonneux et un peu nauséeux...

Il massa sa nuque raidie à force de rester immobile contre l'accoudoir avec une grimace.

- Maintenant je peux l'avouer...

Il se fendit d'un sourire penaud.

- J'ai vraiment eu la frousse, pour le coup !

Soghann arriva enfin! Fanaa releva la tête et pressa la main de Syld. Le grand shalos entra, suivi d'un bonhomme âgé et bien habillé. Qui ne lui accorda aucun regard. Au début.
L'assassin aux longs cheveux éloigna doucement mais fermement la jeune fille du canapé. Puis ils restèrent debout à observer la suite des événements, lui ses mains sur ses épaules à elle et elle, ses mains sur ses mains à lui. Le visage tendu, elle regarda l'homme faire disparaitre la profonde blessure. Il était vraiment doué.

Quand il se releva, elle put voir qu'il avait donné de sa personne. Quel homme bon! Soghann la lâcha pour aller le payer. C'est alors qu'il demanda à profiter de ses charmes à elle. Mais Soghann refusa. Fanaa hésita entre reconnaissance et culpabilité et aussi... surprise.
*je lui fais envie dans mon état?*
En tout cas le clerc n'insista pas et s'en fut.

Et Syld... Syld se leva! Elle courut à lui et l'entoura de ses bras, le serrant contre elle.

- Oh tu vas mieux! Tu nous as fait tellement peur à nous aussi...

Elle releva la tête et fronça un sourcil:

- Mais tu peux bouger normalement? Tu n'as plus mal?

Un silence. Elle haussa cette fois son sourcil.

- Tu as encore soif?

- Hey, tu cherches à me noyer, ou quoi ? Et à l'eau de source, en plus ? Si encore c'était de l'alcool...

Visiblement, Syld récupérait vite.
Ses gestes restaient emprunts d'une infime hésitation, mais à part ça il avait repris ses mines habituelles, son oeil brillant et son sourire canaille.

- Je suis juste encore un peu ankylosé. Sinon ça va très bien. Tout prêt à reprendre du service !

L'indécrottable frimeur souligna ses paroles d'un joli moulinet du bras. Moulinet qui moulina fort bien, par ailleurs, mais qui le fit très légèrement chanceler.
Si le clerc avait soigné sa blessure, il n'avait ni effacé sa fatigue ni remis le sang perdu dans ses veines.

- ... presque prêt, en fait.

Le jeune homme se rassit prudemment sur le sofa.

- Je mangerais bien un morceau...

Campé bien fermement devant le canapé, les poings sur les hanches, Soghann lacha :

Parce qu'il faut te nourrir, en plus ?

Bon, j'avais prévu le coup, et comme on a pas refait les réserves depuis un moment...
On a un repas qui devrait arriver d'ici peu...

Comme pour approuver ses dires, on frappa à la porte, et le Shalos alla ouvrir, tout juste assez pour que l'étranger ne puisse voir l'intérieur de la maison, et particulièrement Fanaa.. Quelques mots, de l'or qui change de main, la porte qui se referme, et Soghann revint dans la pièce, avec au bras un gros panier débordant de victuailles. Aussitôt, un parfum de viande rôtie embauma toute la pièce, provoquant un concert de grognements d'estomac, qui semblèrent se rappeler brusquement qu'ils n'avaient rien avalé depuis des heures.

L'assassin posa le panier sur une table basse, puis traîna celle-ci devant le canapé. Avant de s'assoir, il alla faire un tour dans la cuisine, dont il revint avec plusieurs bouteilles de bière couvertes d'une légère couche de glace, qu'il posa sur la table. Enfin, il se laissa tomber sur le canapé avec un soupir d'aise, et entreprit de déballer le panier tout en essayant de caser ses jambes sous la table basse.

La nourriture arriva mais la bonne odeur ne fit aucun effet à Fanaa. Debout, gênée de ne savoir que faire, elle dansait d'un pied sur l'autre. Les deux shalos étaient installés devant leur repas, ce n'était pas le moment de les solliciter pourtant...

hésitante, elle finit par demander:

- Euh... Soghann? J'ai... j'ai pas faim du tout moi mais tu voudrais bien que je me lave maintenant? Je ne suis pas... enfin bon tu peux manger d'abord mais... montre moi juste la bonne pièce je saurai faire toute seule. S'il te plait? Je ne veux pas manquer à ma promesse.