La Taverne de Veis

Earl raccrocha à sa place la dernière lame. Restant assis sur ses talons, il observa un moment ce que faisait -ou semblait faire- Fanaa. L'aura de Syld paraissait avoir été annihilée.

- Qu'est-ce que cette fille sait, au juste ?

Il secoua la tête puis se releva tout en dévisageant le nouveau venu.
Ah, Médiovien.
Son côté Fédorien grimaça -le feu et l'eau font rarement bon ménage-, et son côté Levitis haussa les épaules avec dédain.

- La plus insigne politesse veut qu'on frappe avant d'entrer, messire Flaque d'eau. Même moi je l'ai fait (avec le pied), alors...

Le jeune homme contourna Soghann et se glissa derrière l'intrus pour sortir de la chambre.

- Je vais aller prendre la température en bas.

Il manqua percuter un soldat qui galopait vers la pièce du fond, celle où aboutissaient les traces de sang laissées par de petites chaussures prises de panique.

- Woaaah... il sont longs à la détente, les gros-bras, siffla Earl en se décollant du mur contre lequel il s'était prestement rangé. J'espère qu'ils ne sont pas tous aussi nerveux, parce que si c'est le cas les assaillants risquent avant tout de crever d'ennui, les malheureux !

Il descendit les escaliers, et s'immobilisa sur la dernière marche, perplexe.
Fait surprenant, la salle principale était plutôt calme... et une bonne partie de ceux qui s'y trouvaient était resté figée, la mine proprement ahurie et le regard encore fixé vers le centre de la pièce. Ils n'auraient pas eu l'air plus hébétés si Valnor avait été là, à se dévêtir langoureusement en leur lançant des clins d'oeil.

- C'est une conception locale du "branle-bas de combat" ? Il se passe quoi, là ?

*Doucement, va doucement. Tu gâches de l'énergie. Essaie de prendre seulement ce dont tu as besoin.*

Petit à petit, Fanaa réduisit le flux et réussit à le maintenir au même niveau. La barrière étant formée, il n'y avait pas vraiment besoin de la renforcer indéfiniment. Elle était tout à fait solide et résistante.
Mais, réalisant qu'elle était en train de pratiquer de la magie et qui plus est, sur Syld, Fanaa sursauta et trembla un peu. Un jet d'énergie alla toucher le plafond où il laissa une marque de brûlé.
La Danseuse ouvrit des yeux affolés, elle réalisait le danger et craignait pour les personnes alentour. Elle regarda vers Soghann, il saurait quoi faire lui, il savait tant de choses!
Un autre rayon rebondit contre un mur, ricocha sur le plafond, sauta à l'endroit où s'était tenu Earl. Il avait eu raison de sortir. Un troisième atterrit pile entre les pieds de Soghann.

- Par les lunes...

*Regarde Syld. Ne pense à rien. Oublie les autres. Imagine une flamme et soufle dessus, en douceur. Si tu souffle trop fort, la chandelle tombera et brûlera la maison. Prend ton temps. Il vaut mieux que cela soit long mais qu'au final tu réussisses à calmer le feu. Voilà. c'est cela... c'est très bien.*

Fanaa allongea sa respiration et suivit ces judicieux conseils. Immobile, elle se concentra afin de parvenir à baisser l'intensité pour enfin maintenir la protection stable. Elle aurait voulu réveiller le chenapan mais ne se risqua pas à tenter de mener deux actions magiques de front.
Celle-ci était déjà...

*Je sais faire de la magie, moi??*

*C'est ton héritage...*

-Elle n'a pas fini ! Insensible !

Les débordements d'énergies l'inquiétait, d'autant plus que la panique intensifiait les tourments de l'harmonie principale. Dide l'entendait maintenant il y avait plusieurs mélodies de fond, qui torturait encore plus les sens du violoniste. Il fallait calmer la tempête de son, sinon il ne pourrait retourner dans son sommeil.

-Excusez moi, Monsieur. Voulez vous me laissez passer ? Je pourrai peut être me rendre utile.

La jouissance d'avoir l'ascendant sur cet homme était un sentiment qui ne lui ressemblait pas.

« - Alors c’est vous que ces bouseux ont choisi pour diriger cette pagaille… ? Une femme ? Et bien on aura tout vu dans cette maison de fous. »

A peine Sire eut-il prononcé ces paroles que la Dame écarquilla les yeux de colère, la bouche légèrement entrouverte. Et, alors qu’elle s’apprêtait à rendre la monnaie de sa pièce au jeune homme, ce dernier continua :

« - Oh, ne vous offusquez pas, Madame. Beaucoup naissent avec ce handicap et n’en font pas tout un plat. Mais disons que la plupart savent garder leur rang… Hahaha… Voilà… Vous êtes bien plus mignonne quand vous rougissez. »

Thénaïs était rouge de colère. La plume qu’elle tenait dans sa main droite frémissait doucement et un spectateur même non attentif aurait pu jurer qu’elle allait la lui planter dans la gorge en vociférant comme un putois.

Mais le jeune Sire s’amusait toujours de ce genre de situation, il reprit donc la parole avant son hôte, histoire de lui couper, une fois de plus, l’herbe sous le pied.

« - Pour répondre à votre question, sachez, ma Dame, que je connais bien le peuple Ilymis et que je pourrais sans doute vous aider à éviter un bain de sang dans cette auberge.

Je vois que vous doutez encore de mon pouvoir de séduction, mais parmi les miens je suis reconnu comme étant un éphèbe à prendre, en plus d’être un bon parti. Qui ne connait Sire n’est pas Ilymis. Alors je pense, en toute honnêteté, que si seuls des Ilymis attaquent cette masure, il n’y aura pas grand-chose à craindre.

Et comme je connais mes talents, je suppose qu’après l’incontestable victoire que nous connaîtrons sans verser le sang, je pourrais goûter aux joies des vôtres…»

Après ces quelques paroles, Sire se tut, attendant la réaction de Thénaïs. Mais il n’était pas dupe… Il était loin d’être quelqu’un d’exceptionnel, et s’il ne parvenait à faire revenir les Ilymis à la raison, il n’hésiterait pas à rentrer dans leurs rangs.

Sire avait toujours fait parti des vainqueurs.

Si, par ses mots, il parvenait à éviter cette attaque, il deviendrait un héros comme dans ses récits. Et s’il n’y parvenait pas, il serait soit un défenseur acharné de la veuve et de l’orphelin qui aurait mis en déroute une armée immense, soit un attaquant courroucé qui aurait réduit en cendres une auberge dont les tenanciers tuaient les voyageurs itinérants dans leur sommeil.

Oui, décidément, Sire aimait bien ce dans quoi il venait de s’embarquer.

Voir ce Shalos s'écarter de son chemin était un reel plaisir, mais Dide n'eut pas le temps d'en profiter. Il observa la jeune demoiselle, se demandant ce qu'il pourrait faire pour l'aider. Les énergie étaient trop violente, et il remarqua vite que ce flux était trop différent de celui dont il avait l'habitude pour pouvoir le manipuler. Elle était devait donc se débrouiller seule, mais la panique semblait lui faire perdre ses moyens.

Une idée viens alors a Dide, il allait utiliser sa maitrise pour calmer la demoiselle. Sans son violon il allait avoir du mal.

-Allez me chercher un instrument de musique en bas.

Néanmoins il ne pouvait attendre, il allait devoir utiliser sa voix. Il ne chantait pas le mieux du monde, espérais néanmoins que ça suffirait. C'était la première fois qu'il allait tisser de l'Elixia dans sa voix. Il commença à fredonner l'harmonie principale qui irradiait la demoiselle. Cette chanson délicate, aux notes légères, rythmé par les battements de son cœur, rendu frémissante par la peur, fut un exercice quasi impossible. Bien sur il ne pouvait imiter la puissante venu de cet afflux de pouvoir, le grincement de ces annihilations, alors Dide les ignora pour ce concentré sur les modification a apporter a cet œuvre.

Il peina un peu mais fini par y mettre une pincée d’Elixia, il éclaircit alors les notes, enlevant le frémissement, bannissant tout ce qui suggérait la peur, l’inquiétude, ou le doute, et au contraire appuya chaque son, y incluant de la détermination, de la confiance. Le fredonnement du violoniste se transforma en chant aux accents guerrier.

Fanaa avait réussi à modérer la magie et à se retrouver tout à fait calme quand de nouveaux sons l'agressèrent. Elle sursauta et heureusement qu'elle avait réussi à baisser l'intensité de l'énergie sinon la flèche de lumière qu'elle décocha sans le vouloir aurait brûlé l'auteur de cette intrusion.

La respiration de la jeune fille s'accéléra. Elle ne devait pas écouter ce qui se passait, devait rester concentrée, il le fallait absolument. Mais la mélodie biscornue la dérangeait. Le Mediovien avait du mal à trouver ses marques, provoquant une réelle gêne chez elle. La chanson était maladroite, mais elle ne semblait pas viser à lui faire du mal. Helas, distraite par ces sons imprévus et non désirés, Fanaa commença à perdre le contrôle. L'énergie s'emballa, augmentant sa tension et sa panique. Ses yeux agrandis d'effroi fixaient le vide. Le vide où elle distinguait cette boule de lumière en fusion.

Le chant se fit plus violent, guerrier, dur, tout à fait agressif. Dans l'esprit de Fanaa tout se mêlait, le stress, la panique, la peur d'échapper le contrôle, la conscience du danger, la pression exercée...
Elle ferma les yeux très fort pour se protéger, mais ce sont ses oreilles qu'elle aurait voulu protéger. Ce qui était impossible, elle avait besoin de ses mains pour canaliser le pouvoir.

- Ar... Arrêtez ça ! gémit elle, en proie à une nouvelle douleur.

De nouveau ces coups de griffes à l'intérieur de son crâne. Elle ne tiendrait pas longtemps dans ces conditions. Pas longtemps du tout!

D'un suprême effort de volonté, elle rapprocha ses paumes l'une de l'autre. Au milieu se trouvait la boule de lumière et celle-ci luttait pour ne pas se laisser renfermer. Les mains de Fanaa étaient comme deux aimants contraires, elles se repoussaient mais elle força, et força encore. Quelques gouttes de sueur perlèrent à ses temps et sur le bord de sa lèvre supérieure.
Fanaa restait focalisée sur un but, un seul : écarter le danger.

Ce fut éprouvant mais elle put enfin coller ses mains l'une à l'autre. Cela rappela le bruit d'une applaudissement. Un seul.

Et tout fut terminé.

Tout sauf la chanson du Mediovien.

Fanaa se boucha les oreilles.

Hakuren s'arreta d'écrire... depuis un moment, elle ne faisait que froncer les sourcils, les yeux dans le vague... Elle se désintéressait complètement de l'Ilymis qui de toute façon l'insuportait... elle en espérait même une réponse violente de Thénaïs.

En revanche, ses poils se dressait sur ses bras...de la magie...

- Par le blizzard des hauts toits! qu'est-ce qu'ils nous font la haut?!?

L'assassin avait vite compris qu'il n'aurait pas le temps de trouver un quelconque instrument. S'il devait se passer quelque chose, il n'y pouvait pas grand chose.

Et effectivement, le problème s'était réglé de lui-même. Fanaa parti se reposer dans un coin, tandis que le Médiovien restait abasourdi par ce qu'il venait de voir. Soghann, lui, ne préférait pas y penser. Mais il commençait à comprendre pourquoi Sentence voulait qu'on la protège. Cette femme était devenu une véritable bombe ambulante. Peu réconforté par cette pensée, l'assassin reporta son attention vers le Médiovien, toujours immobile.

Il alla s'appuyer de nouveau contre la porte, bouchant la sortie, et croisa les bras. Souriant d'un air goguenard, il lança au Médiovien :

- Impressionant.

La mélodie de la demoiselle se calma, lentement. Dide s'en voulait de l'avoir fait souffrir. Il avait de nombreuse fois ressentit l'horreur d'un tel traitement, et détestait y avoir recours. Comment avait il pu se tromper au point d'avoir mis de la souffrance plutot que de la détermination ? Son violon lui manquait. Avec, il n'aurai jamais fait une telle erreur. Ça aurai pu la tuer. En y repensant, ça aurai peut être même du la tuer. Dide fut parcouru d'un frisson.

-Impressionnant

L'homme était appuyé contre la porte. Dide se le répétait sa musique était inquiétante, volontairement assourdis. Un requiem ? Non, un glas. Ce mot était plus juste pour transmettre les consonance des émotions de cet hommes.

-Tu es un Shalos ?

Un sourire sans joie se dessina sur le visage de Soghann. Tentative pour entamer une discussion et désamorcer la tension qui régnait toujours dans la pièce, ou interrogation sincère ? Ou bien cela avait-il un sens particulier pour le jeune homme ?

- Autant qu'il est possible de l'être.

Il inclina la tête sur le côté, laissait tomber une partie de ses cheveux devant son visage, en plongeant une bonne partie dans l'ombre. Mais toujours, ses yeux froids et perçants étaient nettement visibles, rivés sur le Médiovien.

- Je suis Soghann. Je ne manipule pas l'Elixia comme elle, je ne chante pas, je ne joue que d'un instrument : l'acier. Je tue. Et toi, jeune troubadour sans instrument, qui es-tu ?

Il n'y avait pas de menace dans la voix du Shalos. Cependant, appuyé contre la porte, il bloquait toujours la sortie.

Earl balaya une dernière fois la grande salle du regard avant de tourner les talons. Après tout il n'était pas censé prendre part à une quelconque bataille où les intérêts de la cité aérienne n'étaient pas en jeu. Ils ne l'auraient pas laissé partir seul s'il n'avaient eu sa parole à ce sujet.

- N'importe quoi, vraiment !

Ayant remonté les marches quatre à quatre, il actionna la poignée de la porte.
Ah tiens, le battant résistait ? Ni une, ni deux, il débloqua la situation d'un coup d'épaule.

- Permettez...

Sans se préoccuper de Soghann et du Médiovien, le jeune homme se glissa à l'intérieur.

- Devant la porte, c'est pas l'idéal pour tenir salon, fit-il quand même remarquer au passage avec un rien d'aigreur.

Bon, Syld n'avait pas bougé un cil. Et l'étrange barrière semblait toujours présente.

- C'est peut-être mieux s'il ne se réveille pas tout de suite...

Il se redressa en prenant garde de ne pas frôler la barrière magique, puis, après avoir fouillé des yeux la chambre, alla écarter le rideau qui était censé donner un peu d'intimité aux occupants lors de leurs ablutions.
Avec un soupir, le jeune homme referma soigneusement le rideau dans son dos et alla s'asseoir sur ses talons, juste à côté de Fanaa.
Son chuchotis fut très doux, à peine plus bruyant que le murmure de la brise dans les feuilles des arbres.

- Est-ce que ça va ?

C'était bien cela. Dide avait entendu parler des Shalos. Des histoire effrayantes. Peuple des briguant, des assassins.

Maintenant que Dide en avait un en face de lui, il n'était pas le moins du monde impressionné. Cet homme respirait le meurtre. Quel détresse ne fallait il pas avoir pour vivre de la mort. De quel orgueil fallait il faire preuve pour se croire meilleur qu'elle au point de pouvoir la posséder et l'utiliser comme bon lui semblait. Bon sang même ses gestes étaient exécutés pour faire ressentir aux autres la menace qu'il était. Le spectacle semblait finement répété, la façon dont il lui barrait la route était révélateur. Il adorait être un marionnettiste, supérieur aux autres, maitre en son monde, prenant un malin plaisir à faire ce que bon lui semble de sa poupée. Contrôle illusoire.

La porte s'ouvrit. Dide ne broncha pas. Ce sera au Shalos de s'écarter, non au Médiovien de forcer le passage. Même si cet homme avait l'air Lévitis, l'empathe pouvait reconnaitre la musique d'un Fédorien. Était ce un délire ou cet homme l'avait il appelé flaque d'eau récemment ?

-Je suis Dide Labedeli, de la famille Labedeli, du peuple de Médievir. Fils du duc et conseiller de la reine, Karan Labedeli. Soldat de sa majesté. Artiste guerrier en ... voyage initiatique. Et actuellement votre voisin de chambre. Ravi de faire votre connaissance. Ne devriez vous pas utiliser actuellement votre instrument sur le champ de bataille ?

Un doute envahi le Médiovien, avait il dormis assez longtemps pour que ces futiles combats aient déjà commencé ou était ce déjà fini ?

-Les hostilités ont elles été déclarées ?

Bof après tout le violoniste s'en fichait bien, mais il sentait que cette discutions aboutirai sur sa libération. Lassé de voir le peu de peur qu'il lui inspirait, le Shalos finirait surement par le laisser passer.

Sentant la poignée bouger et pressentant la réaction prochaine de celui qui était très probablement Earl, Soghann s'écarta en ouvrant la porte d'un geste leste. L'épaule du Levitis ne rencontra donc que le vide, et c'est en léger déséquilibre qu'il fit son entrée dans la pièce.

Ignorant la remarque aigrie et son auteur, Soghann continua de fixer le Médiovien, un sourire moqueur aux lèvres. Manifestement, Dide n'avait aucune idée de la culture Shalos. Il ignorait que déballer titres et noms de famille n'avait absolument aucune signification pour ce peuple, et encore moins pour Soghann, qui avait occis son lot de contes, ducs et barons. L'assassin, comme l'immense majorité des Shalos, méprisait purement et simplement ceux qui s'affublaient d'un nom et s'en arrogeaient les mérites par "droit du sang".

La culture Shalos était ainsi. C'est donc avec un brin de moquerie que Soghann répondit :

- Eh bien, cher Dide de la famille Labedeli, fils de trou du duc et con sellier de la reine, le plaisir de la rencontre est partagé.
(HRP : il n'y a pas de faute de frappe)

Il laissa la porte ouverte, et sa main posée sur la poignée.

- Maintenant que les présentations sont faites et le problème réglé, je vais pouvoir, effectivement, aller mettre mes talents au service de la défense de cet établissement. La bataille n'a pas encore débuté, mais cela ne saurait tarder. Je suis certain que même vos capacités d'artiste guerrier y trouveront leur utilité.

-Merci. Mais si vous me reteniez ici uniquement pour m'insulter, ce n'était pas utile.

Un dernier regard en direction des rideaux derrière lesquels se cachait sa victime malgré lui, et Dide sortit.

Une voix. Une voix qui faisait attention à parler très bas, pour ne pas aggraver sa céphalée. Qui était-ce ? Le sang battait à coup sourd à ses tempes, derrières ses yeux. Elle leva un bras et celui-ci tatonna jusqu'à se poser sur le manteau de l'homme présent. Ami ou ennemi? Elle fut tenté d'ouvrir les yeux pour vérifier mais dut les refermer aussitôt. Contraste dans la pénombre, la pâleur des cheveux du visiteur lui avait blessé les yeux.
Que répondre? Elle n'avait de toute façon pas le courage de faire semblant.

- ... non ...

Quelle poisse. Earl était là, ils se trouvaient en privé comme elle l'avait souhaité mais elle se trouvait incapable d'entamer une discussion. Il lui était déjà pénible de penser. Quant à prononcer des mots...
Les dents serrées, elle marmonna le seul mot qui lui venait à l'esprit :

- ... pardon ...

Elle partageait son corps avec au moins deux autres personnalités, elle avait manipulé de l'elixia alors qu'elle n'était pas mage, elle avait rencontré sa mère disparue en rêve, mais au fond, elle n'avait peut être pas tellement changé.

- Ah, de quoi tu t'excuses, cervelle d'oiseau ? Garde ta salive pour des paroles intelligentes, au moins !

Earl avait à peine élevé la voix. Il fourra ses gants en boule dans une de ses poches et se pencha en avant pour poser une main légère sur les paupières closes de la jeune femme.

- Idiote, on peut continuer à manipuler l'elixia en gardant les yeux fermés quand la cible reste immobile. Personne ne t'a appris ça ?

Sans ôter les doigts qui couvraient les yeux de Fanaa avec une délicatesse tout à fait inattendue, le Levitis attira la tête de la jeune femme contre lui.

- Détends-toi. Tâche de te reposer un peu. Je ne peux pas faire grand chose dans ton cas, mais...

Earl garda le silence un moment.
"Bon sang, c'est exactement le genre de conneries que dirait ce fichu imbécile. M'obliger à jouer les grands coeurs à ta place, c'est la pire vacherie que tu m'aies faite, enfoiré ! Tu me paieras ça !"
Il avait les sourcils froncés cependant une ombre de sourire flotta au coin de ses lèvres.

- Juste une chose... je ne t'endors pas de force, à condition que tu t'arranges pour garder ton elixia à l'intérieur de toi. Si je me ramasse une décharge de ce genre, je crois que j'aurai du mal à rentrer en un seul morceau.

Alors que le ménestrel passait devant lui pour sortir de la pièce, l'assassin le retint par le bras. Il n'y avait plus trace de moquerie dans sa voix, ni dans ses yeux.

- Ce qui s'est passé dans cette pièce ne doit pas en sortir. Pour la sécurité de tous.

Puis il lâcha le ménestrel, qui pu continuer dans le couloir. Avant de fermer la porte, le Shalos lança, sur un ton redevenu moqueur :

- Et merci pour l'aide !

La porte fermée plus ou moins délicatement, le Shalos se mit en devoir de vérifier l'état de Fanaa. Il se dirigea donc vers le fond de la pièce, non sans marmonner diverses imprécations à base de "petit con", "prétentieux", et "torché avec de la soie".

Il écarta le rideau, et se retrouva derrière Fanaa et Earl. Il s'en occupait déjà, et n'avait pas l'air préoccupé par l'état de Syld... donc il devait aller bien.

Il haussa un sourcil à l'intention du présumé clerc, sourcil qui était une question muette. Le second sourcil se leva lorsque l'apparition eut lieu, soulevant encore plus de questions.

Au léger bruit de froissement que fit le rideau en s'écartant, Earl tourna lentement les yeux vers Soghann. Il répondit à son interrogation muette par un hochement de tête rassurant puis reporta son attention sur l'apparition féminine.

De petites parcelles de lumière se détachaient de sa silhouette. Dans la pénombre procurée par le rideau, on aurait dit de minuscules lucioles qui flottaient paresseusement dans les airs, se mouvant au gré d'une brise fantôme. Earl leva une main pour effleurer une de ces étincelles.

- Ah...

Ses lèvres frémirent, ses cils s'abaissèrent, et ses doigts revinrent se poser en douceur sur la chevelure sombre de Fanaa.

- Bien. Elle va bien.

- Bon...

Earl passa un bras sous les genoux de Fanaa et la souleva sans trop de mal, même s'il se sentait raide à force de rester immobile. Avec des mouvements précautionneux, il alla l'installer dans son lit puis tira à demi les rideaux des fenêtres pour diminuer la lumière. Il revint au pied de la couche et, en quelques gestes précis, confectionna une compresse avec un linge humide qu'il posa sur les yeux de la jeune femme.

S'asseyant sur le rebord de la fenêtre la plus éloignée, le Levitis s'adossa au chambranle de pierre. Se souciant comme d'une guigne des restes de boue séchée qui se détachaient de ses semelles, il posa une botte sur l'appui, tandis que l'autre restait à se balancer pensivement dans le vide.

- J'vous jure, marmonna-t-il tout en rallumant la pipe coincée entre ses dents. Si j'avais su que l'autre écervelé traînait ses basques en pareille compagnie, je me serais arrangé pour l'intercepter à un autre moment... Même les informateurs ne valent plus tripette, crédieu !

Earl tira deux bouffées, fronça le sourcil, et rajouta quelques herbes repêchées dans la doublure de sa ceinture.

- Mais quel aimant à emmerdes, ce type !

Pensif, le Levitis fit tourner la délicate pipe incrustée d'argent entre ses doigts, puis interrompit brusquement son jeu pour pointer la fine tige de bois vers Soghann.

- Hey, je serais curieux de savoir où vous l'avez ramassée, fit-il avec un signe du menton vers Fanaa.

Planté dans le couloir, Dide se sentait d'un coup redescendu sur terre. En repensant a la confrontation qui venait de se produire, il se sentit étranger a lui même, l'orgueil dont il avait fait preuve lui était si distant, l'arrogance de ses réponses ne lui était pas coutumière, qui donc dans cette pièce avait un caractère si tranché pour que l'empathe absorbe ses sentiment et devienne si hautain ? Après tout quel importance ? Le violoniste avait mieux a faire.

Il restait secouer par ce qu'il avait fait a la belle demoiselle, et même si il n'avait que peux dormit, il redoutait de retourner dans sa chambre et ressasser des mauvaise pensées sur tout les actes peu valorisant qu'il avait fait. Il s'assura que Hydra dormait profondément et descendit dans la salle commune.

Le désordre qui y régnait, lui fit presque regretter sa décisions. Longeant un mur, il accéda à plusieurs serveuse qui s'était regroupé dans un coin. Il s'approcha de l'une d'entre elle et demanda

-Excusez moi ... Je voudrai un café pour me réveiller totalement, un café Médiovien de préférence, avec deux sucres et un peu de lait...

Se rappelant soudain de sa pauvreté actuelle, il réfléchit un instant a revenir sur sa commande, mais s'abandonna finalement a la facilité.

-Mettez ca sur le compte du Fédorien qui m'a payer ma chambre ... Michael je crois. Cette bonne ... âme n'est pas a un café prés.

Puis il ajouta.

-Au fait, vous savez ou je pourrai trouver un instrument de musique ? Je suis troubadour, mais j'exerce mieux mon art sur un violon qu'avec des mots.