La Taverne de Veis

Le Shalos s'autorisa à glisser une réponse à la question qui n'en demandait pas, avant que Lennart ne réponde.

Ce n'est pas parce qu'on est un tueur que l'on est au dessus des règles... Au contraire, le métier d'Assassin en comporte un nombre impressionnant. Pour la plupart, un manquement se solde par un accident assez désagréable, et aux conséquences tout à fait définitives.

Puis, pour lui-même :

Bon, ils arrivent, ces verres ?

- et ensuite vous venez vous pourrir le foie avec les plus mauvais alcools pour oublier c'est ça? Oublier puis tout recommencer peut être?

Les yeux bleus de l'Assassin cessèrent de balayer la salle à la recherche de la serveuse pour venir se poser sur le visage de la chasseresse. Il répondit d'une voix étonnamment calme, presque doucereuse.

L'oubli dans l'alcool n'est un remède que pour ceux qui considèrent qu'ils ont quelque chose à se reprocher. Vous me connaissez encore bien mal pour me juger ainsi. Apprenez donc à me connaître, si cette idée ne vous rebute pas, avant de penser tant de mal de moi.

Les yeux bleus de la jeune femme s'accrochèrent à ceux de l'assassin.

- C'était juste une question.

Elle baissa le regard et ajouta plus bas.

- enfin 2 en vérité.

Ses lèvres se retroussèrent en un sourire taquin.

Marmaduck semblait comme paralysé

Je ne suis pas un Illymis
Je ne suis pas un Illymis

Il titubait raide comme un piquet et blanc comme un linge

Je ne suis pas un Illymis
Je ne suis pas un Illymis

Il s'assit dans un fauteuil et commanda quelque chose de très forts
Et encore un et encore un .... après trois ou quatre tords boyaux il se détendis sous l'effet de la boisson et n'eut plus les idées très claire .....

'chanté ..... Suis armaduck ..... Maermuck ! Marmuck !
Tu ne touches pas à la dame c'est ma copine !

Il avait les yeux vitreux et regardait dans le vague

Lorsqu'il sembla piquer une crise, Fanaa observa Marmaduck avec méfiance. Il semblait... fou. Les illymis lui faisaient très mauvais effet. Ceci dit elle n'appréciait pas tellement les fanatiques non plus.

Un peu mal à l'aise, elle tambourina nerveusement des doigts sur la table.
*je vais le voir ou pas?* Comment savoir si dans cet état il n'était pas dangereux? Pauvre oiseau.
Mais il avait fait référence à elle dans ses derniers mots. Sinon à elle, au moins à une fille. Donc les femmes auraient moins à craindre que les hommes venant de lui. Peut être.
Si elle n'y allait pas elle passait pour une sans coeur. Si elle y allait...
Pauvre oiseau quand même. Il n'avait rien demandé.

Elle secoua la tête et avec un soupir résigné elle repoussa la table et se leva. Saisissant son tranchoir à peine entamé, elle s'approcha du fauteuil de Marmaduck et le tendit au sorcier.

- Je crois que tu as assez bu. maintenant il faut que tu manges pour éponger tout ça sinon tu seras malade. Tiens, prends...

Sa voix était douce, comme celle des mères qui calment leurs enfants.

Le regard du Shalos suivit Fanaa tandis qu'elle prenait soin du "non-ilymis". Puis il se retourna, pour venir se poser tranquillement sur le second Ilymis. Il posa les coudes sur la table, croisa les doigts et posa son menton dessus. Avec un sourire qui pouvait être autant de la moquerie que de la compassion, Soghann annonça :

Mauvaise pioche.

Lennart resta quelques peu hébété par la réaction de celui qu'il avais pris pour un Ilymis, puis vint s'assoir à la table. Sans un mot il écouta la courte discussion entre le shalos et Fanaa. Alors qu'il observait Fanaa essayer de s'occuper de Marmaduck, il sembla se réveiller en sursaut au son de la voix du Soghann. Il but d'un trait sa choppe d'hydromel, et annonça froidement:

Effectivement, cela me désole.

Le regard que lui lançais Soghann ne lui plaisait guère. Ne connaissant que très peu les shalos, et ce, seulement par les dires de sa famille, il avait de forts préjugés à leur encontre. Cependant, il poursuivit:

Je vous remercie pour cette petite aide, cela m'étonne venant de la part d'un assassin.

Il regarda le Shalos dans les yeux comme pour essayer de le jauger son humanité s'il était vraiment un de ces monstre assoiffé de sang que lui décrivaient ses parents. Il murmura pour lui même:

Non, il semble être comme moi...

Et repris à voix haute

Désirez-vous vous désaltérer?

Sans attendre la réponse, il fit signe à la serveuse de s'approcher.

Depuis quelques minutes, un bourdonnement de voix filtrait par la porte de la salle réservée aux mercenaires. Il y eut bref moment de silence avant qu'une voix rocailleuse n'éclate, parfaitement audible cette fois-ci :

- Non mais tu ne vas pas nous dire que tu ne triches pas aux dés après ça ?!

S'ensuivit d'un bruit sourd puis de l'ouverture plutôt brutale de la porte qui laissa passer une espèce d'assemblage de tissus aux teintes indéfinissables. Ledit assemblage vola donc par dessus le seuil de la pièce et serpilla avec une remarquable efficacité le parquet de la salle commune. Sa glissade fut arrêtée net par le comptoir qui vibra de la base jusqu'au goulot de sa plus haute bouteille sous le choc.

- Mais aïeuh !

L'individu qui se trouvait à l'intérieur de cette invraisemblable défroque à présent plus crasseuse qu'autre chose porta une main à sa tête avec une petite grimace.
Il fallait avouer que le pied du bar était en bois dur d'excellente qualité...

Le jeune homme toujours affalé par terre ouvrit un oeil malicieux du plus beau bleu-vert. Un seul, oui, car l'autre était caché par un bandeau écarlate artistement noué.
Et à son grand dam, le nouveau venu s'aperçut que son entrée peu glorieuse n'avait pas manqué de spectateurs.

Le garçon se fendit prestement d'un sourire d'autant plus éclatant qu'il avait le teint naturellement foncé sous sa couche de poussière, puis salua l'assemblé depuis son coin de plancher avec un geste de la main si naturel que ce ne pouvait être la première fois qu'il se retrouvait dans pareille situation.

- Bien le bonsoir, gente compagnie...

C'etait comme si Marmaduck n'était plus dans la même dimension que les autres ...
La presence de l'autre Ilymis lui avait rappeller trop de mauvais souvenir et lui avait fais revivre trop de mauvaise chose ..... il s'etait revu devant son père qui mui repetait qu'il etait lamentable et qu'il etait la honte de la famille parcequ'il avais encore eu un zero en cours, il se revoyait entrain de se cacher pour ne pas que les autres le trouve .....

La voix de Fanaa le rappella dans l'auberge. Il pris machinalement le morceau de viande qu'elle lui tendait et l'avala sans sentir le gout .... l'alcool faisait encore effet mais son passage dans un autre monde les avait atténués

Pour toutes réponse il balbutia un merci mal adroit et lui fit un sourir ou du moins ce qui y ressemblait le plus.

Il se retourna vers ses convives et d'un air gênés

Désolé ....

Soghann ne répondit pas à la question de Lennart. Il essayait déjà de commander à boire depuis plusieurs minutes, mais peut-être la serveuse avait-elle décidé de l'ignorer. Toujours est-il qu'il admira la sortie magistrale du Shalos. Celui-ci s'étant relevé, il éleva la voix pour lui dire :

Ho, Syld ! Viens donc à notre table ! Et amène la serveuse, en même temps !

Répondant au regard interrogateur de Lennart, Soghann esquissa un sourire et se contenta de dire sur un ton malicieux :

Lorsque l'on est familier des tavernes de Shalanos, il est des personnages que l'on ne peut décemment pas manquer de connaître...

Syld, de toute évidence pas encore très sûr sur ses pieds, secoua la tête afin de remettre tout ce qu'il pouvait y avoir à l'intérieur à la bonne place. Sans cesser de se masser la nuque, il leva le pouce dans la direction de son coreligionnaire.

- Pas de problème, donne-moi juste une minute...

La minute en question fut employée pour s'emparer sans vergogne d'un verre encore plein sur la première table à portée de main, pour le vider d'un trait, et enfin pour passer au vol un bras conquérant autour de la taille de la serveuse qui gloussa en tentant de préserver l'équilibre de son plateau.

Remorquant sa prise de l'air le plus délibéré du monde, le jeune Shalos rejoignit la table.

- Eh bien alors ? Aurais-tu fait du grabuge pour être ainsi forcé de m'appeler à la rescousse dans le but de passer commande, Soghann ?

Un sourire éclaira le visage de l'assassin tandis que le jeune homme s'approchait en traînant la serveuse.

Rien que de très anodin, si l'on considère la manière fort peu civile dont tu viens d'attirer tous les regards sur toi !

Puis, s'adressant directement à la serveuse :

Amenez nous donc deux tonnelets. Cela vous évitera des déplacements.

Puis, revenant à Slyd, en désignant tour à tour une chaise vide et l'Ilymis :

Prends place, je t'en prie. Voici Lennart, d'Ilymir.

Après l'entrée fracassante de Syld, Lennart se sentait mal à l'aise de le savoir installé à ses cotés. Il prit néemoin la parole:

Enchanté Monsieur Syld. Voilà une entrée fracassante comme on n'en fait plus! Ajouta-t-il avec un franc sourire.

Après tout les Shalos n'étaient-ils pas eux aussi membres d'adreis? N'étaient-ils pas eux aussi nos alliers dans la lute contre valnor? [HRP] heum si nous ne sommes pas encore en guerre contre Valnor n'hésitez pas à me le faire remarquer. Merci! [/HRP] Pourquoi serait-il mauvais de passer un bon momment avec eux sous prétexte que leurs ancêtres ont tyranisé les siens? Sentant que le temps n'était pas à la réflextion mais à la détente il attrapa un verre que la serveuse venait tout juste de ramenner et le leva haut en annonçant:

A une entente que j'espère longue!

Et, sans vraiment attendre que ses convives prennent part à ce toast, il avala une bonne partie de son verre. Voila fort longtemps que Lennart parcourait Adreis, et il lui semblait qu'il y avais longtemps qu'il n'avais pas passé de bons moment avec d'autres gens. De plus il voulait savoir si les Shalos sont vraiment aussi vils qu'il lui avait été dit, car il commençait à en douter.

Syld balaya la réplique de Soghann du bout des doigts d'un air faussement blasé mais vraiment amusé.

- Bagatelle, bagatelle... Il s'agissait juste d'une petite divergence d'opinion au sujet d'un double six. Pas de quoi fouetter un moo, donc.

Il s'inclina ensuite du côté du dénommé Lennart, une main sur le coeur, au final plus ravi qu'embarrassé au sujet des commentaires que provoquait son entrée.

- Ne me donnez donc pas du "Monsieur", messire : ma personne ne vaut sûrement pas l'usure des cordes vocales subséquente à la prononciation de ce vocable. "Syld" suffira amplement.

Son oeil pétillait, tempérant ce que cette subite éloquence pouvait avoir de pompeux.

Le sémillant Shalos décocha un clin d'oeil qui en disait fort long du côté de la serveuse tandis qu'elle passait à proximité, et la demoiselle, rouge comme une pivoine, manqua en renverser cinq verres pleins sur les occupants d'une table voisine.

La mine de plus en plus enchantée, le jeune homme entreprit de faire diminuer un peu plus le niveau du tonnelet déjà entamé. Il s'accouda à la table et tapota le verre de son confrère avec le rebord du sien.

- Même ivre mort, il ne faut jamais oublier de sourire aux serveuses, mon vieux ! Quand tu tires une face de vingt pieds de long il ne faut pas t'étonner si elles t'évitent. Tiens, regarde ça...

Le brigand se retourna, un coude sur le dossier de son siège, et adressa son sourire le plus charmeur dans la direction de la serveuse.
S'ensuivit le bruit d'un plateau qui dégringole par terre avec tout ce qu'il pouvait y avoir de verres, chopes et bouteilles dessus.

- Hélà ! J'y ai été un peu fort...

Le garçon se précipita galamment au secours de la donzelle qui piqua son fard de plus belle, et ne revint qu'après avoir obtenu un "à tout à l'heure" timide mais non moins prometteur.

- Ce n'est pas parce que que nous faisons partie du peuple des ténèbres que nous devons forcément afficher ténébreuse figure, si ? lança-t-il joyeusement en reprenant possession de sa chaise et de son verre. Qu'en pensez-vous, maître Ilymis ?

Les yeux rieurs et un léger sourire accroché au visage du Shalos allégeaient le ton sévère sur lequel il répondit :

Mais je ne cours pas sans cesse après la donzelle... Je te laisse cet épuisant loisir. Tu as toujours su y faire pour provoquer des catastrophes -et il appuya ses paroles d'un coup d'oeil vers la serveuse-... Et je gage que le fait que les dites donzelles m'ignorent lorsque tu es dans les parages n'est pas un hasard...

Cela dit, si tu arrive à te servir de ces compétences dans notre métier, j'arrive tout à fait à m'en passer.

Tout en se servant un verre, le Shalos regarda le silencieux Ilymis.

J'espère que nous choquons pas notre hôte, il ne doit pas avoir souvent affaire à sieurs de notre espèce...

Légèrement gèné par cette dernière remarque il se contenta de détourner le regard. Et en réponse à Syld, ajouta:

Je suis d'accord avec vous Mons... Hum... Syld.

Il ajouta à l'adresse de Soghann

Non non. Vous ne me choquez pas le moin du monde.

A nouveau gèné, il avala une nouvelle gorgée de son verre qui commençais déjà à se faire vide...

Quand Marmaduck s'excusa à la tablée, Fanaa se retourna pour jeter un coup d'oeil à celle ci. Un nouveau venu sombre de chevelure et de peau était là.

Elle posa une main sur l'épaule de Marmaduck et lâcha, les yeux rivés sur les 3 buveurs:

- Pas besoin de t'excuser, on dirait qu'ils t'ont déjà oublié. Tu n'as plus qu'à retourner t'assoir comme si de rien n'était. Ils ne pensent sûrement déjà plus à ton facheux épisode.

Et elle? Allait elle se rasseoir? Elle en avait d'un coup beaucoup moins envie. Elle ne voulait pas s'incruster dans un groupe de camarades. Elle serait bien partie mais elle avait laissé sa cape sur le banc.

...

Bon. Elle fit un détour vers le comptoir et commanda une deuxième cervoise qu'elle paya. S'accoudant au bar, elle sirota sa bière en jetant de temps en temps des regards en direction de "sa" table.

- Soghann, toujours aussi désespérément sérieux, soupira Syld sur un ton léger aussi ironique qu'aimablement amical.

Il farfouilla dans la doublure défraîchie de son manteau et repêcha une petite pipe au tuyau droit aussi long que fin.

- Un peu de fantaisie dans la vie n'a jamais fait de mal, par les trois Lunes !

Le jeune homme ôta un de ses gants, et claqua deux de ses doigts qui étaient armés de sortes de griffes argentées finement ouvragées. Le frottement du métal contre le métal produisit une étincelle suffisante pour allumer le minuscule fourneau.

Avec un profond soupir de contentement, le Shalos se reversa en arrière. Il se pencha même si bien qu'il put jeter un coup d'oeil vers le bar dans son dos, au grand désespoir de sa chaise qui grinçait à qui mieux mieux, en équilibre instable sur deux pieds.

- Heyyy, mais qu'aperçois-je ? Une demoiselle qui regarde dans notre direction... et charmante, même vue à l'envers... Un de vous deux la connait ?

*oups! il m'a vue!*

Aussitôt elle se mit face au comptoir, tournant ostensiblement le dos à l'importun.
Mais derrière le bar se trouvait un miroir, ni très net, ni très propre il est vrai, mais l'oeil malicieux s'y reflétait. A travers le miroir elle soutint son regard.

*Qu'est-ce que je fais? Si j'y vais je risque de les déranger. Je voulais me faire oublier mais là c'est raté on dirait.* se dit-elle.

Elle inspira un bon coup, se retourna et s'en repartit vers "sa" table. Arrivant près du jeune homme au bandeau rouge elle lui lança gentiment.

- attention, vous allez tomber!

Et en le contournant elle bouscula la chaise déjà en équilibre précaire. Malencontreusement bien sûr.

- Wohoo...

Syld battit des bras pour tenter se rétablir l'équilibre fort compromis de son siège... peine perdue.
La chaise bascula avec fracas mais, par quelque pirouette qui semblait plus tenir du miracle hasardeux que de la simple prouesse physique, messire le brigand parvint à atterrir sur ses pieds. Il rattrapa au vol la pipe qui avait glissé de ses doigts et pas une seule braise ne lui échappa.

- Pfiouuu ! C'était juste !

Il redressa nonchalamment la chaise maltraitée d'une habile poussée de botte. Avant d'y reprendre place, le Shalos exécuta une révérence fort bien dosée à l'intention de la jeune femme.

La plaisanterie n'avait nullement altéré sa bonne humeur et son sourire était plus large que jamais.

- Merci bien pour... "l'avertissement", belle damoiselle. Je saurai me souvenir qu'il vaut mieux éviter de jouer les funambules lorsque votre charmante personne croise dans les parages.

Avec l'insouciante effronterie qui le caractérisait, il ôta un instant la pipe d'entre ses dents et se fendit d'un gracieux baise-main sur les doigts fins de la nouvelle venue.

- Pour la peine, aurais-je la joie d'apprendre votre nom ?

Soghann avait observé toute la scène sans se départir de son sourire.

Si cela ne faisait pas partie de ta nature profonde, je te demanderais ben de cesser de faire le pitre... Mais je sais que c'est peine perdue, surtout lorsqu'une jolie femme a le malheur d'être à proximité de toi.

Laissant à Fanaa le soin de se présenter elle-même, il lui adressa directement la parole sur un ton malicieux.

Ne vous laissez donc pas charmer par cet énergumène, madame. C'est un conseil de qui le connait bien : vous passeriez certainement une nuit fort agréable, mais le prix en serait bien élevé...

Il laissa sa phrase en suspend et coula un regard vers le Shalos, retenant un clin d'oeil. Il savait que celui-ci ne lui tiendrait pas rigueur de son intervention, car il savait parfaitement que tout cela était vrai et ne changerait absolument rien à ses chances de parvenir à ses fins, quelqu'elles soient. Il était suffisamment astucieux et plein de ressources pour cela, chose qu'avait appris à respecter -et, parfois, à haïr- Soghann. Cela ne lui ferait pas de mal de se prendre quelques bâtons dans les roues, tout lui étant manifestement trop facile. Cela ne pouvait même lui faire que du bien, à défaut de coups des dits bâtons sur le sommet du crâne.

Dès que Soghann ouvrit la bouche, Syld fit mine de lui jeter un des tonnelets à la figure puis, devant l'inefficacité flagrante de cette manœuvre, il lui adressa de grands gestes mi-menaçants mi-suppliants dans le dos de la demoiselle, prêt à faire semblant de chasser une mouche de passage si jamais elle se retournait trop vite.
Tout en brassant ainsi le vide ambiant, il articulait en silence quelque chose qui devait s'apparenter à "ferme-la, sacrédié !", dans un registre linguistique un brin plus coloré.

Rien n'y fit.

Bras croisés, moue boudeuse aux lèvres, Syld fut bien obligé d'attendre la fin des mises en garde.

- Et blablabla... "Une nuit fort agréable"... blabla... "un prix bien élevé"... bla..., singea le brigand, non sans un discret signe d'intelligence qui démentait son apparente mauvaise humeur. Je serais curieux de savoir d'où tu tires ça, exactement !

Dans une belle parodie de réflexion, il fronça les sourcils tout en se frottant pensivement le menton d'une main.

- Voyons voir... même fin soûl, je crois que je m'en souviendrais si on avait couché ensemble...

Tandis que Syld faisait mine de lui faire des reproches, Soghann enleva posémment son gant droit, découvrant des doigts longs, fins, délicats, et surtout très blancs. Dans l'obscurité de la taverne, elle luisait presque, évoquant curieusement un fantôme à ceux dont le regard tombait dessus.

Il se mit ensuite à regarder ses doigts avec nonchalance, comme pour vérifier qu'aucune saleté ne s'étaient glissée sous ses ongles parfaitement propres et bien coupés. Contrairement à son confrère, il ne portait pas de griffes, il leur préférait des lames plus longues... Qu'il pouvait toujours lancer ou cacher, en dernier recours. Sur un ton tout aussi détaché que l'était sa conduite, il répondit sans un regard vers le brigand :

Crois-tu ? En tant qu'assassin expérimenté, tu devrais savoir qu'il existe bien d'autres moyens de troubler les esprits que l'alcool... Et que nous sommes tous deux bien trop rompus à l'exercice du lever du coude pour que cela seul nous pousse à l'amnésie sélective.