Auberge des Trois Zoris

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Si elle comprenait bien, Syld et elle-même avaient été promus serviteurs. Bien. Cela au moins c'était dans ses cordes. Elle n'aurait aucune peine à jouer le jeu.

Syld se retourna pour titiller Earl qui avec ses "la ferme Syld" à répétition était tout à fait crédible dans son rôle de Maître. Même si le filou n'était pas le plus irréprochable des valets. Un peu trop à l'aise, presque insolent mais cela faisait partie de son charme dans n'importe quel rôle.

Le véhicule serpentait le long de la côte, Fanaa suivait le mouvement, laissant balloter sa tête sur la droite et la gauche selon les virages. Les maisons lui cachaient la mer maintenant, hélas. Puis elles disparurent d'un côté de la route pour révéler un port. Plusieurs bateaux y étaient amarrés. L'Oubliée découvrait une ville portuaire pour la première fois mais le temps maussade qui ne s'arrêtait pas ne donnait pas envie de s'y attarder. Pas encore. L'homme finit par arrêter son attelage.

- Bin vous v'là arrivés les jeunes. J'espère qu'vous avez fait bon voyage ! Et tant qu'on y est, si vous voulez m'acheter quelques poissons pour votre dîner, très sain, très frais. Et je vous fais un prix bien sûr !

La Danseuse n'écoutait plus. Debout, elle avait repéré la pancarte indiquant "les Trois Zoris"; en dessous étaient dessinés 3 pièces dorées. Original. Sautant à bas de la carriole, Fanaa se dirigea vers l'avant et inclina la tête.

- Maitresse et Maitre Earl, je vais aller demander des chambres. J'en profiterai pour y faire monter des bains. Cela vous remettra de l'od... de la fatigue du voyage. Je commanderai aussi des repas chauds, cela vous fera du bien, vous avez passé la journée le ventre vide, je crois.

Elle se dirigea vers l'auberge, puis se retourna.

- Ne restez pas trop sous la pluie, vous serez mieux au sec. Il ne faudrait pas que vous tombiez malade.

Sur le pas de la porte, elle s'essora les cheveux avant de rentrer, puis s'activa. En un tournemain 3 chambres furent mises au nom d'Earl - sous réserve qu'il en annule quelques unes, Fanaa ne connaissait pas ses moyens, il valait mieux prévoir - avec baquet d'eau chaude. Elle avait donné des directives claires mais aimables et quand ses compagnons entrèrent, quatre ragouts et une bouillie les attendaient sur la table.
La jeune fille se précipita pour retirer leurs capes et manteaux dégoulinant d'eau et alla les pendre auprès de la grande cheminée dont - heureusement - le feu avait été ravivé.

Enfin elle écarte les bras et leur présenta la table. Sur laquelle des fleurs manquaient à son goût mais bon. Il faudrait faire sans.

- Prenez place et mangeons tant que c'est chaud. Il y a de la bière mais aussi de l'eau. Je ne savais pas ce que vous préfèreriez Ma Dame. Earl je ne sais pas ce que tu... ce que vous... enfin les chambres ont été réservées sur votre compte mais... mais je trouverai un moyen. Vous n'avez pas à supporter toutes ces dépenses. Pour l'instant je n'ai rien mais je trouverai. Mais je vous en prie asseyez vous. Vous avez besoin d'autre chose ?

Fanaa était aux aguets, prête à bondir au comptoir à la moindre demande, mais pourtant à l'aise. Et elle espérait que le Levitis et sa compagne n'étaient pas du genre à avoir des encantectus dans leurs bourses. Et que lesdites bourses étaient pleines.

Figé au milieu de la salle commune, Syld observa les faits et gestes de Fanaa en silence. Mais c'était à lui de souffrir d'un soudain tic du sourcil gauche.
Earl n'avait pas encore ouvert la bouche pour émettre la moindre remarque qu'une main s'abattit sur son col.

- Excusez-moi, mais pourrais-je vous dire deux mots, maître ?

Le Lévitis eut tout juste le temps de poser l'encombrante gamine sur une chaise avant de se retrouver tiré avec vigueur vers une porte donnant sur une petite cour intérieure. Syld le jeta presque dehors et claqua la porte dans leur dos.
Bras croisés, le Shalos darda un regard vert absinthe sur le clerc.

- Earl, j'ai l'habitude de tes manières et de ta façon de traiter les neuf dixièmes de la population comme s'ils étaient au pire des insectes, au mieux tes subordonnés. Mais là... Que tu t'amuses à me désigner comme étant ton larbin, passe encore. Mais Fanaa... mais Fanaa ! Est-ce que tu comptes sérieusement la laisser jouer les servantes ? Ce... c'est...

Il fit un pas en avant et attrapa Earl par les pans de sa veste. Le Lévitis eut d'abord un mouvement de recul puis, se reprenant, il saisit les poignets du Shalos en le fusillant de son regard fauve.

- Si j'avais pu deviner qu'elle était du genre à le prendre au mot de cette façon, je n'aurais jamais dit ça ! Tu me considères réellement comme quelqu'un qui prend du plaisir à humilier son prochain ? C'est vraiment comme ça que tu me vois ?

Syld se figea et se mordit la lèvre. Lui aussi avait sauté aux conclusions un peu trop rapidement.

- Je...

Il détourna à demi la tête, gêné. Earl attendit quelques instants puis, face à son silence prolongé, lâcha un soupir et détacha doucement les mains crispées sur le revers de son habit.

- Je pourrais te dire que la façon dont tu me considères me blesse... et ce serait la vérité.

Les traits fins du jeune homme restaient tendus, crispés en dépit de son sourire qui n'en était que plus douloureux.

- Mais je suis aussi fautif. Cela m'amusait de piquer ton amour-propre, et j'en ai oublié ce que Fanaa pouvait ressentir. Je n'en ai pas tenu compte.

Syld s'écarta sans oser le fixer en face.

- Désolé...
- Je le suis aussi, soupira Earl.

Il posa une main sur l'épaule du Shalos.

- Allez, on rentre... petit frère.

Les deux hommes étaient bien vite ressortis. Quelle bêtise, ils allaient tremper leurs vêtements... Fanaa secoua la tête. Mais à quoi pensaient ils ? Des affaires purement masculines probablement.

Un gémissement étouffé lui parvint et elle se tourna vers la petite fille sur la chaise. La pauvre n'était pas très bien installée, roulée en boule sur une place si peu étendue. Fanaa se mordit la lèvre. Cette enfant là... était bizarre. Il lui manquait quelque chose, quelque chose d'important comme ... une âme.

*Elle ne dégage pas du tout la même chose que les enfants shalos, ni même comme les enfants du cachot. D'elle n'émane ... rien. C'est très perturbant. Et c'est bien pour ça que je n'ai pas envie de m'en approcher. Elle me fait un drôle d'effet. Désagréable.*

Mais au fond ce n'était qu'une enfant, un être faible incapable de survivre par elle-même. Si personne ne faisait rien... Avec un soupir, la jeune femme prit la fillette dans ses bras et alla l'allonger sur un banc. Elle ne s'était pas réveillée de tout le voyage semblait il. Fanaa l'observa quelques instants. Son cœur battait régulièrement et sa respiration était lente et profonde. Pourtant quelque chose clochait. Toujours ce vide, cette absence, ce manque.

*Ce n'est sûrement qu'une impression. Pourtant si elle n'en a vraiment pas, je pourrais peut être lui donner une des miennes ? Cerise serait très bien dans le corps d'une petite fille. Sauf que ce n'est pas possible. Et que ... je sens que ce serait une mauvaise chose... pour moi. Bon. J'arrête.*

Elle n'osa pas même l'éveiller pour la nourrir et préféra s'asseoir à la table avec la Levitis. Elle gardait tout de même un œil sur la petite. Au cas où.

- Vous devriez manger ça va refroidir. Le but était quand même de vous réchauffer. A moins que vous ne vouliez les attendre, bien sûr.

Les deux hommes rentrèrent à ce moment là. Ils restaient étrangement prudents l'un envers l'autre, encore embarrassés par ce qui venait de se produire. Syld se mordillait nerveusement la lèvre inférieure, le regard fuyant, tandis que Earl semblait encore plus raide que d'habitude.

Ce dernier s'immobilisa un instant, avant d'attraper deux chaises vides pour les rajouter à leur table. Il décocha un regard de défi vers Syld qui haussa les épaules et réussit enfin à esquisser un sourire d'excuse et de reconnaissance mêlées.
Earl se laissa tomber sur sa chaise plus qu'il ne s'assit et fixa ce qui se trouvait dans l'assiette devant lui avec une concentration un peu exagérée.

- Vous devriez aussi manger tant que c'est chaud, vous deux.

Le sourire de Syld se fit plus franc, plus naturel. Le nuage qui obscurcissait son expression s'évanouit.
Il prit place sans façon.

- Fanaa, tu attends quoi ? Tu devrais te servir tant qu'il y a quelque chose sur la table !

Il tendit sans attendre la main vers une miche de main, avant de suspendre son geste.

- Eh mais... Earl, je me doute que tu n'as pas gardé toutes tes anciennes habitudes, mais j'aimerais bien savoir... Tu es toujours aussi fauché lorsque tu voyages ?
- Hmm...

Earl parut soudain encore plus fasciné par le fond de son assiette.
Le Shalos resta un instant bouche bée, puis explosa d'un rire frais et clair.

- Alors ça ! Bouge pas, je vais arranger ça. Je m'en suis douté dès que tu as commencé à te renseigner sur le gérant.

Il quitta son siège avec vivacité et se dirigea avec assurance vers ce qui semblait être la porte des cuisines.
Il y eut un moment de silence, puis une exclamation d'épouvante leur parvint aux oreilles en même temps qu'un bruit de casserole qui dégringole par terre :
- AH NON, PAS VOUS !

Un petit homme chauve boudiné dans un tablier trop grand sortit à reculons des cuisines, les mains tendues en avant comme pour repousser quelque monstre de cauchemar. Il se détourna pour prendre la fuite... et aperçut Earl qui lui faisait un petit signe moqueur de la main à l'autre bout de la salle.

- PAS VOUS AUSSI ! Ah non, par pitié, pas ça ! Je vous offre les repas, les chambres, tout... mais par pitié, ne cassez rien ni personne dans mon auberge !

Nonchalamment appuyé au montant de la porte des cuisines, Syld regarda un moment le malheureux bonhomme se tordre les mains de désespoir puis adressa un véritable regard de pirate à Earl tout en riant tout bas.

- Il s'en souvient ! Problème réglé !
- Je vois ça...

[HRP] Mais... vous dormez quand vous deux?!? j'fais comment moi maintenant....[/HRP]

Hakuren descendit souplement de la charrette alors que Fanaa prenait son rôle de serviteur très très au sérieux. La mage courra après cette dernière pour s'abriter de la pluie qui dégoulinait du ciel gris ardoise.

- Et bien, on est mieux a l'intérieur... Fit la mage tout en tendant son manteau a Fanaa en observant la salle. Puis elle alla s'assoir Oh, oui! bien mieux que sur cette carriole.

elle ne prêta pas plus attention aux deux hommes qui sortirent qu'à la jeune femme qui se démenait pour commander des chambres, des repas, des bains... Hakuren ne venait pas d'une très riche famille... mais se faire "servir" comme cela lui plaisait... Et si en plus Fanaa aimait cela... Elle haussa des épaules a ses réflexions puis ressorti ses éternels carnets. Après un temps de pause, sa plume parcouru le papier.

quelques temps après, Fanaa se pencha vers elle

- Vous devriez manger ça va refroidir. Le but était quand même de vous réchauffer. A moins que vous ne vouliez les attendre, bien sûr.

- hum? oui, vous avez raison... Faites donc de même... la petite a mangé? Elle est vraiment... léthargique je trouve... Je ne pense pas que cela vienne de son coups a la tête... elle était déjà étrange avant... je ne suis même pas sure que cela vienne de son voyage avec le médiovien.

Elle soupira et reposa ses ustensiles d'écritures pour prendre sa cuiller et manger sa soupe de poisson... La mage grimaça... Non pas qu'elle n'aima pas le poisson... mais elle sentait elle aussi le poisson... Un bain sera nécessaire... Son regard revint sur la petite puis sur Fanaa.

- D'où venez vous? je n'arrive pas a bien voir de quel peuple vous êtes originaire... Il y a une certaine aura Shalos mais... vous êtes "trouble"...

Elle avait abandonné la soupe trop chaude pour le moment... Avant toute réponse, les deux hommes revinrent. La petite scène comique qu'ils jouèrent a l'insu du tenancier intrigua Hakuren

- Mais qu'est ce que vous lui avez fait pour qu'il se mette dans cet état?

[HRP] voila... et en plus, il est tout nul mon post...[/hrp]

[hrp]Boarf, en moyenne au lit à partir de 3h du matin... Moi je suis nocturne, j'y peux rien [/hrp]


Syld avait reprit place à la table lorsque Hakuren posa sa question... légitime, quand on voyait l'état du propriétaire qui était littéralement en train de réduire son tablier en pièces à force de le tordre en tous sens.
Au moment où Earl répondait "rien", il laissa fuser un petit rire.

- Disons que cette auberge est un des lieux où nous avions... hum... fêté l'obtention de nos diplômes respectifs.

Le Shalos leva le nez pour contempler les longues traînées noires qui striaient le plafond comme des traces de brûlé en dépit d'un nombre impressionnant de couches de crépis.

- Ah, par les Ombres, Earl avait bu au moins... une chope entière de bière !

Syld joignit pieusement les mains.

- Ce fut un cataclysme é-pou-van-ta-ble...

L'intéressé se pencha brusquement par-dessus la table pour lui tapoter le bout du nez d'une cuillère fumante et menaçante.

- Genre, vider complètement la cave et casser la figure à un équipage au complet, c'était mieux, peut-être ? Oh, et puis mange ! Il n'y a bien que la bouche pleine que tu ne racontes pas de sottises !

Hakuren éclata d'un rire cristallin en imaginant le capharnaüm que ces deux la pouvaient faire... et encore, elle se demandait si elle avait l'imagination assez fertile.

- Et bien! je pense que cela devait valoir le coup! Personnellement, c'est la bibliothèque de la grande université que j'ai dévasté... J'étais en première année et les quatrièmes années s'amusaient a nous martyriser... L'un d'entre eux a exagéré... Vous auriez vu les congères et le blizzard dans la salle! nous étions a la fin de la belle saison et il neigeait!

Le souvenir des bibliothécaires furieux essayant de protéger les livres... Et de l'étrange quantité d'élixia qu'elle avait libéré.... Et son surnom depuis... Le Blizzard....

Elle avait les mains posées autour de son bol de soupe... et étrangement, cette dernière était beaucoup moins chaude

- Oui oui Shalos c'est bien ça... marmonna Fanaa, les yeux baissés.

Elle n'allait tout de même pas répondre qu'elle descendait d'une lignée de lunaires quand même! Surtout si elle précisait l'avoir appris de Fealisèn qui le lui avait raconté dans une sorte de rêve. Fanaa avait déjà du mal à y accorder foi elle-même (c'était quand même dingue!) alors les autres ? Elle aurait l'air de divaguer si elle en parlait. Mieux valait ne pas en rajouter et éviter le sujet.

Ce qui fut facile car la conversation s'aiguilla vers les études des uns et des autres. La jeune femme découvrit ainsi qu'Earl tenait encore moins bien l'alcool qu'elle ! Ceci dit, elle n'en avait plus bu une goutte depuis son coma éthylique, n'en gardant pas un très bon souvenir. Earl et Syld étaient du genre à faire les 400 coups, ce qui ne l'étonnait guère. Quant à la Dame Blanche, allez savoir pourquoi, Fanaa ne l'aurait jamais imaginée faire des bêtises. Elle semblait droite, pure, exemplaire et irréprochable. Les Levitis avaient ils tous quelque chose de plus que les autres ? Mais en fait c'était bien normal que plus jeune elle se soit un peu laissé aller pour pouvoir être ce qu'elle incarnait aujourd'hui.

La tête de Fanaa oscillait vers chaque compagnon qui causait, suivant la discussion avec intérêt. Elle avait plusieurs fois porté la cuillère à sa bouche mais sans succès. L'odeur lui faisait froncer le nez et la seule idée d'ingurgiter la nourriture lui donnait des hauts le cœur. Elle abandonna, pas la peine de lutter, partager les souvenirs des uns et des autres était 100 fois plus attrayant ! Bon Syld était assassin de métier. Mais Earl il était quoi au juste ? Et la femme avec lui ? Aucun ne l'avait dit explicitement. Alors il fallait deviner. Quoique Earl avec tous ses ouvrages de médecine était sûrement clerc. mais elle était prête à parier que les studieux Levitis ne se contentaient pas d'une seule spécialité. Ils pouvaient assurément mener plusieurs carrières de front. Et la Dame Blanche devait être Mage du froid. Attendez du froid ? ça existait ça ? Et pourquoi elle parlait de "sentir" de quel peuple on est ? Magie que tout ça.

Ses trois compagnons se détendaient. Fanaa aussi, du reste. Le ronronnement d'une conversation légère, la chaude température d'un endroit sec, les espiègleries des uns, les grimaces ou rires des autres. La Dame Blanche avait un beau rire, vraiment.

Alors que Earl suprenait pour la dixième fois au moins Syld en train d'essayer de couper son verre d'eau à la bière, la porte de l'auberge se rouvrit et un homme émergea des trombes d'eau qui s'abattaient au dehors.

Alerté par le courant d'air, le Lévitis tourna la tête dans cette direction et grimaça. En dépit de la cape de voyage en cuir de moo ruisselante de pluie, il n'avait eu aucun mal à identifier l'uniforme des estafettes de Levitas.

- Et allez... ils sont rapides. Impossible d'être tranquille.

L'arrivant repoussa son capuchon détrempé pour balayer la salle des yeux. Il se dirigea avec assurance vers leur table puis s'immobilisa avec un claquement de talons.

- Monseigneur vice-capitaine Earl Pendergast-Altheraan Adennon ? Un message pour vous.

L'intéressé saisit entre deux doigts le plis cacheté qu'on lui tendait tout en lâchant un soupir agacé :
- Il me semblait pourtant avoir fait passer une consigne selon laquelle "Earl Pendergast" suffisait largement.
- Affirmatif, mon capitaine. Toutes mes excuses.
- Ca ira pour cette fois.

De l'ongle, Earl fit sauter le sceau et parcourut rapidement la missive. L'estafette rattrapa de justesse la lettre que le Lévitis lui jeta après l'avoir froissée avec exaspération.

- Dites-leur que je m'en contrefiche. Allez.
- Mais vous... A vos ordres.

Le messager prit juste le temps d'un nouveau salut avant de ressortir, bien que les cascades d'eau qui ruisselaient depuis le toit devant la porte n'aient rien d'engageant.

- Désolé pour cette interruption. Dame Hakuren, aviez-vous un discipline de prédilection ? Ma propre formation a été exclusivement militaire de bout en bout et ne laissait guère place au libre-arbitre dans ce domaine. J'avoue m'être parfois demandé si des études civiles n'auraient pas été plus "épanouissantes"...

Hakuren regarda Earl sous un nouveau jour... Il était a priori un peu plus que simple officier... Elle répondit au militaire

- En fait, Jusqu'à la sixième année, nous suivons un cursus commun sur la pratique générale de la "magie". Le malaxage de l'élixia, la théorie des flux et la diversité anatomique des mages. C'est une base nécessaire a la spécialisation possible, pour ceux qui le veulent. Certains reste "mages généralistes". Moi, j'ai décidé de me spécialiser sur l'étude de la manipulation des éléments et la régularisation des flux contraires, confluents et la puissance intrinsèque de la manipulation de l'élixia...

Elle fit une pause... se rendant compte de la complexité mais aussi de la ferveur avec lesquelles elle parlait

- Pour faire court, j'étudie le réglage du malaxage de l'élixia et les règles de manipulation des éléments, en l'occurrence le vent pour ma part personnelle. Nous sommes effectivement libres sur la direction des sujets que nous souhaitons étudier. Sous réserve que le projet soit accépté par le Doyen...

Sa voix se fit alors plus froide
- En septième année, une "mission" est impossée à l'étudiant pour savoir s'il est digne de devenir chercheur a temps plein. Ma mission est d'étudier les peuples d'en-bas... Ce dont je n'ai cure. De plus, je ne vois ab-so-lu-ment pas l'intérêt de ce type de recherche dans mon cas... je ne veux pas être anthropologue!

Elle se calma. et repris plus bas
- J'ai aussi pas mal de connaissance en plantes médicinales car mes parents sont apothicaires a lévitas. Depuis l'an derniers, ils fournissent d'ailleurs quelques remèdes à la grande cours!

La mage réfléchi un moment....
- Hum... je pense que je vais aussi partir plus tard sur l'étude des parchemins de téléportation... notre petite expérience de tout a l'heure m'intrigue. Je ne sais pas pourquoi Son parchemin m'a fait perdre le contrôle de tant d'énergie au point de geler le fossé... Et puis ce serait pas trop mal de garantir l'arrivée a un point précis! cela éviterait des désagréments comme le fossé, deux heures de marches ou pire, une falaise!

Earl écouta avec attention les explications de Hakuren... et ne put retenir un sourire lorsqu'elle déclara qu'elle ne voyait "ab-so-lu-ment" aucun intérêt à finaliser ses études en voyageant ainsi de par le monde d'Adreis.

- Moi je pense comprendre le pourquoi de ce sujet d'étude, murmura-t-il avec amusement.

Ah, ces Lévitis-Lévitis !

Mais il se renfrogna lorsque la jeune femme fit allusion à leur téléportation.

- Aucun risque de se matérialiser au-delà d'une falaise. Les parchemins intègrent en général des enchantements de protection qui entre autres empêchent d'apparaître à plus d'un mètre du sol, ou au-dessus d'une eau profonde. Si vous croyez que c'est si simple d'être précis alors que l'atmosphère est quasiment saturée d'elixia !
- Holà, monsieur le Maréchal nous fait une crise de "je-ne-me-trompe-jamais", remarqua Syld avec placidité. C'est dingue ce que tu me rappelles quelqu'un...
- Syld, tu la boucles. Hum. Donc vos parents sont apothicaires ? Voilà qui est intéressant. J'ai moi-même quelques connaissances pratiques en la matière, toujours grâce à cette fich... à ma formation militaire. On ne peut manipuler une quantité infinie d'elixia, et il souvent nécessaire de savoir y suppléer par des techniques plus "manuelles" ou des remèdes naturels. Les batailles ne s'arrêtent malheureusement pas lorsqu'on est à court d'elixia. Quand vous rentrerez à Levitas vous n'aurez qu'à passer chez-moi. J'ai quelques ouvrages rares à ce sujet et il me ferait grand plaisir de vous les prêter.
- Waouh, t'es en progrès, mon vieux ! Mes petits conseils n'ont pas été si inut...
- Syld... la ferme.

Hakuren fit a peine attention a Syld en lui accordant un bref sourire. Elle se reporta sur le militaire

- Mais ce sera avec plaisir! Je suis toujours restée fidèle à cette forme de soin. Je ne suis pas clerc et ma pratique de l'Elixia ne peut pas aider a soigner - je peux juste atténuer la douleur d'un coup ou d'un échauffement par le froid- il faut donc bien me débrouiller comme je peux.

Elle revint sur Syld

- Et vous? a part être le bel amoureux de cette jeune femme et un shalos certainement versé dans d'obscures pratiques, vous faites quoi dans la vie?

- Obscures pratiques ?

Syld pencha la tête sur le côté avec une perplexité comique.

- Taquiner Earl serait donc considéré comme "'d'obscures pratiques" ? Ah bah, je me doutais bien que le système de valeur des Lévitis était différent, mais à ce point-là...

Earl étouffa un soupir en le voyant jouer les imbéciles comme il lui arrivait si souvent, mais se contenta de s'essuyer en silence les lèvres du coin de sa serviette.
Dans un style peut-être moins raffiné mais ô combien fascinant, Syld se suçotait les doigts sans aucune affectation. Il semblait avoir trouvé le repas tout à fait à son goût.

- Je passerais volontiers le plus clair de mes journées à me livrer à "d'obscures pratiques", mais ce n'est pas cela qui nourrirait son homme, j'en ai bien peur.

Un coude posé sur la table et le menton dans la paume, le Shalos adressa une mimique taquine à Earl qui sembla soudain se découvrir une passion pour l'étude du plafond.

- Donc je suis assassin. Il faut bien se choisir un métier, et puisque j'avais semble-t-il les aptitudes nécessaires...

Le jeune homme haussa légèrement les épaules et pouffa comme un gamin.

- Enfin c'est ce qu'on dit !

Pendant la demi seconde de battement entre la question indiscrète et cruelle de la Mage blanche et la réponse de Syld, Fanaa se pétrifia, eut un éblouissement et chercha en panique un moyen de changer de sujet. Mais le filou l'avait joué comme il le fallait, en passant outre. Elle le regarda avec reconnaissance. Mieux valait le silence...
En voulant attraper l'eau elle bouscula "accidentellement" son assiette qui éclaboussa la table et sa voisine (de Fanaa hein la voisine pas de la table). Le liquide n'était plus chaud mais sa couleur orange marron n'était pas forcément du meilleur effet sur les vêtements de la Levitis.

- Oh que je suis maladroite. Je suis tellement désolée, ohlala vraiment, je suis désolée. C'est la fatigue je crois. Excusez moi, vraiment.

Elle se releva et regarda dans le vague avec un demi sourire.

- Bien je vais... je vais... enfin j'y vais, quoi !

Après un rapide signe de la main, la jeune femme récupéra les manteaux et monta à l'étage. Choisissant une des trois chambres au hasard, elle utilisa l'eau du bain pour nettoyer la mante d'Earl. Pleine de fioritures et décorations, elle allait lui donner du travail. Mais déjà qu'elle avait laissé du bazar en bas...

- Désolée Dame Blanche... mais vous m'avez fait trop peur. Il y a des sujets à ne pas aborder.

Pour se faire pardonner elle allait nettoyer son manteau à elle aussi. Et puis celui de Syld, allez. Comme ça tout le monde serait content. Content et propre. Elle s'absorba dans sa tâche et finalement ça ne lui prit pas trop de temps. Ce n'était que de la boue après tout, pas du sang. Pas comme le sang de Syld après s'être fait enlever dans ce carrosse aux armoiries du Seigneur Adennon et en route pour Levitas. Même la mousse en était devenue rouge. Même ses avant bras à elle à force de frotter.

Elle tint le manteau décoré à bout de bras, l'inspecta quelques instants puis se leva et l'enfila avant d'aller se mirer dans la glace.

- Si j'en crois le souvenir de la mer, mon père s'appelait Ashk et c'était un Levitis. Et c'est de lui que je tiens mes cheveux noirs. Ce qui n'est pas courant pour un Levitis mais bon. Est-ce que je lui ressemble ?

Elle entortilla ses cheveux en chignon pour dégager son visage, tenta de durcir un peu son expression, de ressembler à un garçon. Non. Ca n'allait pas. Son père était très patient, cela se voyait sur son visage. Mais sa cicatrice sur l'oeil, comment l'avait il eue ? Elle fit un nouvel essai.

- Salut je m'appelle Ashk, de Levitas. Ashk comment? Euh je ne me rappelle pas. Voyons, qu'est-ce que ça pourrait être?

Quel était le nom à rallonge d'Earl déjà ? Quelque chose comme :

- Ashk Falagaart Pendragon Adennon ? Ah mais non ils ne s'appellent quand même pas tous comme ça ?! De toute façon il ne portait pas de vêtements aussi chargés. Et puis ses yeux. On n'a pas du tout les mêmes !

*En fait ils ressemblent plus à ceux d'Earl. bah. Comme quoi il ressemblait quand même à un Levitis en fait.*

Fanaa allongea le bras et toucha son reflet, pensive.

En bas, Earl resta un moment à fixer les taches oranges qui maculaient... eh bien, qui maculaient le décolleté de Hakuren. Décolleté que le Lévitis parut découvrir tout à coup.

- Ahem.

Il tourna un regard interrogateur vers Syld. Est-ce que Fanaa était simplement maladroite, ou bien...? Le Shalos fit un signe d'ignorance mais son demi-sourire en coin ne trompait pas.

- Bon, je crois que nous allons sortir de table aussi.

Earl se râcla la gorge avec embarras tout en détournant pudiquement les yeux des fameuses taches (et du reste).

- Je vais aller faire un tour dehors. Syld, tu viens aussi.
- Quoi ? Mais il tombe des cordes !
- Bain chaud en rentrant. De toute façon tu risques d'en avoir besoin.

Le Lévitis repoussa sa chaise et le Shalos le suivit, trop curieux pour s'inquiéter d'avantage de la pluie qui, en effet, battait furieusement les pavés sertis de boue de la cour intérieure. Indifférent au mauvais temps, Earl alla jusqu'au centre de la cour avant de refaire face au Shalos. D'un geste nonchalant, il repoussa les longs plis flottants de sa ceinture, révélant deux fourreaux de cuir blanc sanglés à un baudrier. Les minces lames des sabres jetèrent une lueur bleuâtre lorsqu'il les dégaina.

- J'ai besoin de m'assurer de quelque chose. Je veux pouvoir mesurer les fluctuations de ton elixia lors d'un combat. Alors sors tes griffes et amène-toi.

Syld resta interdit.

- Mais...

Un sifflement lui coupa la parole et un des sabres vint se planter en vibrant dans le montant de la porte qu'ils avaient laissée ouverte derrière eux. Le Shalos tourna lentement l'oeil vers l'acier qui étincelait à à peine deux centimètres de son cou. Une mèche de ses cheveux rebelles se détacha et tomba sur les pavés.

- Je suis sérieux.

Earl tira d'un coup sec sur la cordelette de soie qui prolongeait la poignée de l'arme. Le sabre s'arracha au bois du chambranle et revint docilement se loger dans la main dégantée de son propriétaire.

- Je te rappelle que je ne suis pas un civil comme vous l'êtes tous ici. J'ai beau être clerc, je suis parfaitement capable de te tenir tête s'il s'agit d'un duel à découvert, sans effet de surprise. Sans cela je ne serais pas vice-capitaine... Un clerc, vice-capitaine ! On aura tout vu ! Allez, amène-toi. Et ne va pas essayer de me ménager, ou tu risques vraiment d'être blessé dans l'histoire.

- C'est pas tout ça mais j'ai pas l'intention de rester enfermée, moi.

Elle retira le manteau et l'accrocha près de la cheminée. Elle alla suspendre les autres de même dans les deux autres chambres.

*Si je repasse par en bas... ça risque de bloquer. Donc une seule issue : la fenêtre!* se réjouit-elle.

Elle s'approcha en trottinant de l'encadrement, ouvrit les volets, jeta un coup d'œil en bas. Il y avait assez peu de monde dehors. Ils n'étaient pas fous les gens, ils restaient au sec. Eux.

*Pas moi. Moi je veux voir la mer.*

Elle grimpa sur le rebord, tourna le dos à la rue, se laissa pendre, puis lâcha et se retrouva au sol. Pliant les genoux pour se réceptionner en douceur, elle se releva, regarda à droit et à gauche tâchant de se souvenir du chemin d'une plage.

*Bah. Je vais suivre le port, longer la mer, et j'arriverai bien quelque part!*

C'est ainsi que la jeune femme s'éloigna de l'Auberge, déambulant au hasard avec pour seul point de repère la mer aussi grise que le ciel.

Fanaa n'avait pas peur, elle ne songea pas une seule seconde à s'inquiéter. Elle faisait juste attention à ne pas glisser sur les pavés détrempés et espérait que ce ne serait quand même pas trop loin.

suite : les falaises

Hakuren fronça les sourcils... Le Shalos était-il idiot ou la prenait-il elle-même pour une idiote?!? Elle avait toute fois sa réponse... il était assassin... ce qui aurait valu une petite ligne dans son carnet si a l'évocation du métier de son compagnon, Fanaa n'avait-elle pas renversé de la soupe sur son vêtement.... une tache... belle, grande, voyante....

La mage ne bougeait plus alors que la jeune fille fuyait avec les manteaux... Elle n'esquissa pas un mouvement quand Earl plongea son regard dans son décoleté avant d'en ressortir géné...

Les hommes sortirent, la laissant la avec ses carnets et sa tache... La lévétis pris alors quelques notes, les dents serrées et se répétant sans cesse: "L'Elixia est un flux que je dois contrôler...L'Elixia est un flux que je dois endiguer"

Agacée, elle se décida à monter dans chambre... mais quelle chambre? Dans la première des trois qu'on leur avait attribué, elle vit le manteau de Syld. dans la seconde, celui d'Earl et dans la troisième, son propre manteau... Elle entra. La pièce était vide. Son manteau était humide mais propre. Elle entreprit de tester la literie qui fut a son gout. Elle s'apaisa a la vue du baquet d'eau chaude qui l'attendait.... Elle se releva et trampa sa main... une très bonne température...

Soudain, comme s'était rappellé soudainement d'une casserole sur le feu - bien qu'elle ne cuisina pas temps que cela- elle se redressa et jura puis sorti de la chambre, dévala l'escalier, traversa la salle commune pour arriver sur le seuil de l'auberge.

un courent d'air galcial toucha les deux combattants

- Vous avez vu Fanaa? elle n'est dans aucune des chambres!

Les gouttes d'eaux qui s'approcha de la mage se cristallisaient et tombaient autour d'elle en une fine poudreuse... Et pourtant, elle se retenait...

La petite du médiovien dormait toujours a la table....

- Tu es sûr que c'est vraiment nécessaire de... holà !

Earl avait franchi les quelques mètres qui les séparaient le temps d'un battement de cil.
Les sabres émirent un crissement aigu en rencontrant les griffes de Syld. Ce dernier déglutit avec un petit bruit : Seronn l'avait prévenu de ne pas les utiliser pour bloquer une arme lourde. Mais elles tinrent bon. Les lames d'Earl étaient assez légères... et celui qui les maniait manquait de force brute. Mais le Lévitis n'était pas un adversaire à sous-estimer, Syld le savait très bien. Il rompit aussitôt, évitant d'extrême justesse une reprise foudroyante.

Attirée par le bruit, une partie du personnel de l'auberge avait mis le nez à la porte avec la plus extrême prudence. Mais ils ne tardèrent pas à oublier leurs appréhensions et les lamentations du gérant ("ils vont encore me démolir mon auberge !"), trop fascinés par les évolutions des deux belligérants.
De fait le spectacle valait le coup d'oeil, tant pour des yeux expérimentés que pour ceux qui n'y connaissaient strictement rien en matière de maniement des armes : Earl usait d'une garde classique qui sentait son école d'escrime, tandis que le Shalos avait la souplesse et la fluidité d'un animal sauvage. Et pourtant le combat s'en trouvait étonnamment équilibré. Les duellistes possédaient d'une rapidité et d'une précision quasiment égales. Les coups portés par le Lévitis n'étaient pas très puissants, mais il avait visiblement une grande expérience des combats à découvert. Avec une froide lucidité, il avait déjà pu mesurer jusqu'où pouvait s'étendre l'endurance de l'assassin et s'ingéniait à ne lui laisser aucun répit. Syld esquivait d'une façon remarquable mais ses mouvements commençaient déjà à se désunir. Avec leur allonge supérieure, les sabres le tenaient à distance et Earl ne laissait pas une seule ouverture.

Syld recula, déséquilibré par une feinte, et ses omoplates heurtèrent durement la paroi en bois d'un appentis. Earl ne lui laissa par le temps de se dégager et le fit plier sous un coup vertical que les griffes stoppèrent au dernier moment.
Les aciers entrecroisés jetaient des étincelles.
Le Lévitis se pencha en avant et lâcha dans un murmure :
- Ce n'est pas encore officiel, mais je devrais être nommé capitaine de la seconde division d'infanterie d'ici quelques jours.

Syld tressaillit puis fixa son adversaire avec un sorte de respect étonné.

- La seconde ?

Earl acquiesça sans relâcher la pression d'un pouce.
La seconde division d'infanterie ! Syld avait entendu dire que les officiers qui commandaient les deux premières divisions de chaque corps d'armée de Levitas pouvaient être quasiment considérés comme étant d'un niveau équivalent à la phalange noire de Shalanos. Et Earl qui était clerc avant toute chose ! Une classe de soutien ! Quels efforts il avait dû déployer pour en arriver là...
L'assassin scruta les yeux du Lévitis. Ils reflétaient un calme sans faille, sans incertitude. Pour Earl, ce combat n'était qu'un jeu.

Le Shalos céda et se dégagea rageusement, faisant voler un des sabres à l'autre bout de la cour. D'un revers au jugé, Earl l'envoya s'écraser dans une flaque de boue.
Syld se tendit en le voyant fondre sur lui. Il n'avait pas le temps de se relever. Il lança ses griffes, comme pour intercepter la lame qui descendait sur lui... mais le sabre ne rencontra que le vide et s'enfonça entre deux pavés. L'assassin s'était décalé au dernier moment. Et, au lieu de bloquer l'attaque, les griffes argentées s'étaient rétractées pour la laisser passer, se reformant immédiatement après. Le Lévitis se figea en sentant les cinq pointes de métal posées sur sa carotide.

Ce fut dans cette position que Hakuren les trouva et les frigorifia du même coup. Mais sa question dégela instantanément Syld qui eut un geste mal contrôlé.

- De quoi ? Encore ?!
- Fais gaffe, bordel ! s'exclama Earl en reculant avec précipitation.

Il porta vivement la main à son cou où deux balafres rouges venaient d'apparaître, et le sang cessa aussitôt de couler.
N'y prêtant absolument aucune attention, l'assassin s'était précipité à l'intérieur et avait exploré l'auberge de fond en comble en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il serra les dents en découvrant la fenêtre grande ouverte d'une des chambres.

- C'est pas vrai !

Il redescendit en trombe et s'immobilisa sur le seuil de la cour.

- Elle est encore partie sans prendre la peine d'avertir qui que ce soit, cette... cette idiote !

Le jeune homme frappa rageusement le montant de la porte du poing.

- Je croyais qu'elle était assez maligne pour avoir retenu la leçon après ce qui c'est passé la dernière fois, mais... mais cette...

Hakuren leva les yeux au ciel, les flocons de neige caressant son visage

- Parce que ce n'est pas la première fois que vous la perdez? Par tous les vents! c'est pas un cadeau qu'Il m'a offert... Je ne suis pas une nounou moi!

La mage posa le regard sur Syld et inspira lentement.

- Bon... quand elle se sauve comme ça... elle a des préférences? des endroits où on la retrouve? où près de quoi elle était la dernière fois qu'elle a fuit? Et dire que j'ai mon bain qui m'attend! il sera froid le temps qu'on la retrouve.... Par moment, je regrette de ne pas avoir des prédispositions au feu...

L'image de la mage avec des cheveux rouge feu et des flammes envahissant la bibliothèque de Levitas la fit étrangement frissonner...être un aimant a brasier n'était finalement pas une très bonne idée...

et pendant ce temps, Fanaa descend les rochers


Syld baissa pensivement la tête.
Fanaa qui quittait l'auberge pour se précipiter du côté de la rivière... Fanaa qui courait vers le lac de Shalanos...

- Au bord de l'eau. Elle se réfugie souvent au bord de l'eau.

Il redressa brusquement la tête.

- Je vais la chercher.

Oubliant la nuit, la pluie et les vêtements détrempés qui lui collaient à la peau, il fit un pas vers la sortie. Un seul, avant qu'une main s'abattant sur son épaule parcourue de frissons ne le stoppe net.

- Toi, tu ne bouges pas d'ici.

Le Shalos dégagea cette main d'un geste sec et se retourna pour foudroyer Earl du regard.

- Ne me donne pas d'ordres ! Je ne suis pas un de tes soldats, je te rappelle.
- Ce n'était pas un ordre. C'était le conseil de quelqu'un qui s'inquiète aussi pour toi et qui a une nouvelle fois oublié d'y mettre les formes, rectifia le Lévitis avec froideur.

Hérissé par ce ton, Syld ouvrit la bouche, prêt à répliquer vertement. Mais ce qu'il lut dans les yeux dorés posés sur lui le convainquit au silence. Il ne put pourtant se contenir tout à fait :
- Je ne peux pas la laisser se promener toute seule dehors...

Earl lâcha un soupir résigné.

- J'avais compris, merci. Dame Hakuren, cela vous ennuierait-il de rester ici pour surveiller cette gamine ? Je sais que vous n'êtes pas une "nounou", mais...

Il parlait de la petite fille abandonnée par le Médiovien, cependant il fixait Syld. Laissant sa phrase en suspens, il monta rapidement à l'étage et redescendit presque aussitôt avec son manteau sur le bras.

- Syld... tu es un peu trop énervé, après notre petite passe d'armes. Ce serait vraiment mieux si tu restait ici pour te calmer.

Le Shalos se mordit la lèvre puis se laissa tomber sur la première chaise venue, marquant sa défaite. Earl hôcha la tête et se dirigea vers la porte principale. Le crépitement de la pluie s'éleva plus fort lorsqu'il ouvrit le battant.

- Si elle est bien quelque part au bord de la mer, je ne serai pas long.

Et il sortit.

Hakuren fronça les sourcils...

- La gamine...? Quelle gam... Oh! La gamine! humpf.... mouis.... c'est que le barde est moins impressionnant que Lui.... bref... Cher Syld, venez donc avec moi, vous avez bien des choses intéressantes a me dire sur le peuple Shalos! Et puis... je crois que j'aimerais observer un peu vos griffes d'élixia... quelle prodigieuse invention! Mais il faut une stabilité anatomique au niveau de la quantité d'élixia de base faramineuse!

Tout en parlant, la mage rapprochait l'assassin vers la table qu'ils avait quittés... La gamine n'avait pas bougé d'un cheveux.

Hakuren s'assit et regarda la petite

- Vous ne trouvez pas qu'elle est étrange cette petite? Elle... me parait... vide....

Elle soupira

- Vous savez, je suis fille unique... et je n'ai jamais eu la fibre maternelle... la petite a l'air bien niveau santé.... je ne l'explique pas... au fait... vous avez quel lien avec Fanaa?

Syld réussit enfin à se détourner de la porte pour examiner l'enfant. Etrange ? Hakuren ne semblait pas particulièrement faire allusion à son sommeil prolongé et presque... artificiel.
Le jeune homme fixa quelques instant le visage inexpressif de la gamine puis secoua la tête.

- Je ne suis pas sûr de ce à quoi devrait ressembler un enfant "normal", alors...

Il avait l'habitude des gosses qui hantaient les rues de Shalanos mais on pouvait difficilement qualifier ceux-ci de "normaux". Et ceux souffrant de traumatismes plus importants que les autres développaient des mécanismes de défense parfois complètement imprévisibles.

La dernière question lui tira un tressaillement mal contrôlé.

- Vous n'avez qu'à me considérer comme son garde-du-corps...

Il étouffa un petit rire sans joie.

- Un garde-du-corps de toute évidence passablement incompétent.

Hakuren jeta un regard interrogateur a l'assassin

- Garde du corps... vous... enfin... je ne vous vois pas vraiment dans ce rôle. Assassin... voleur aussi... mais garde du corps.... Hum.... Une sorte de mission peut-être...? Bref... passons... vous êtes originaire de Shalanos même? et comment avez vous connu Earl?