Confins du désert - sanctuaire du Pas du Dragon

Un petit sourire étira les lèvres de Mellyna, il ressemblait à un ours boudeur, elle aimait bien les ours, même taciturnes. Dangereux mais sympathiques si on ne les brusquait pas trop.
Elle continua ses soins, en silence cette fois-ci, elle ne voulait pas déranger les réflexions du soldat.
Une fois le visage propre et sec, elle étala sa crème cicatrisante sur les zones les plus touchées.
Son travail achevé, la gardienne reposa le tout dans un coin et revint se poser non loin de Ridelgald.
Assise sur la rambarde ses pieds ne touchaient pas terre, elle les balançaient en rythme. Sa tête était tournée vers la voute étoilée, ce ciel changeant était si beau.
Au bout de quelques minutes, elle brisa le silence d'une voix douce.

-Vous avez laissé une famille à Levitas ?

Ridelgald regarda les ombres qui se découpaient sur les murs dont la teinte rouge s'était fondue en un bleu violacé un peu froid.

- Il n'y a plus personne.

Cerune s'était posée au sommet d'un piton rocheux, arrondie comme un gros oeuf brillant.
Des hululements d'animaux nocturnes faisaient écho au loin dans les gorges. C'était tout un concert feutré de glissements, frottements, crissements, une chorale de cris qui roulaient comme des pierres, s'élevaient dans les aigus, sifflaient, trillaient, jappaient ou chantaient sous la voûte étoilée. Il fallait tendre l'oreille pour les entendre, mais les habitants des plateaux étaient bien là. De temps à autre, la voix plus puissante d'un grand prédateur faisait taire les sons qui n'étaient pas de la roche, du sable ou du vent. Mais les murmures ne tardaient pas à reprendre.

- Et vous ?

La dédrane réfléchit un petit moment avant de répondre. Il y avait bien les descendants de sa sœur. Elle les avaient perdus de vue depuis si longtemps. A quelle génération en étaient-ils ? Elle avait connu ses neveux, ses arrières petits neveux, tous morts depuis des années. Puis elle était partie, se retirer dans la forêt, pour réfléchir et faire son devoir, et ils l'avaient oubliée. Quand elle avait voulu revenir, il était trop tard, elle ne connaissait plus personne et plus personne ne la connaissait.

-Pareil.

Elle ne sut pas quoi ajouter d'autre. C'était la vérité, ces gens inconnus n'étaient plus sa famille. C'étaient des personnes de son peuple comme les autres. Son ton se voulait neutre, cependant, elle ne put empêcher la tristesse de peser sur ce seul mot.

- Hey...

Earl se pencha et récupéra l'objet entre les doigts crispés de Fanaa.

- Tu n'as quand même pas été l'essayer pendant que j'avais le dos tourné, si ?

Il huma les cendres pelucheuses qui collaient encore à l'intérieur du fourneau puis éternua.

- Oh, oui, bon, tripatouiller des substances de ce genre en n'ayant pas l'esprit parfaitement clair et éveillé n'était peut-être pas une idée lumineuse. La boîte a dû être trop secouée. Une feuille d'hypnère aura réussi à se glisser dans un des casiers voisins.

Le jeune homme tapota la pipe sur sa paume puis laissa la brise emporter les cendres au loin.

- Tssk, c'est censé engendrer des rêveries agréables, à la base. Mauvaise qualité.

Satisfait d'avoir trouvé une explication puis se dédouaner de ses pensées impensables, il esquissa un mouvement pour retourner à l'intérieur. Mieux valais remiser ces ustensiles peu glorieux sous clef...

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Ridelgald n'émit pas un commentaire, se contentant d'un hochement de tête à peine perceptible.
A quoi bon s'étendre sur ce sujet ?
Il en avait déjà dit plus qu'il ne l'aurait voulu. Inutile de remuer la boue d'avantage.

La dédrane finit par frissonner pour de bon, elle sauta de la rambarde et ramassa ses affaires. Elle les déposa dans sa chambre, un petit dragon enroulé dans les couvertures y dormait déjà à point fermé. Elle attrapa une des couvertures en grosse laine et revint la poser sur les épaules du soldat.

-Pensez à aller dormir. Le ton était amical, le mouvement un rien maternel.

Puis Mellyna partit sans se retourner, laissant le lévitis à sa solitude. Elle ne se dirigea pas vers son lit mais déambula un moment dans les couloirs. La dédrane croisa une servante qui lui indiqua la chambre de l'eyerash.
Elle frappa deux coups légers à la porte puis entra. Thani ouvrit un œil à moitié, sourit et l'invita à le rejoindre en ouvrant grands les bras. La dédrane fit glisser ses vêtements avant de le rejoindre sous les draps.

-Tu m'as manqué.

Cette phrase affectueuse contenait une question muette : Où étais-tu passée ? La dédrane se serra un peu plus contre le torse musclé pour toute réponse. Elle n'avait pas envie de parler. Entourée de chaleur et de sécurité, elle s'endormit instantanément.

- Pas ... pas vraiment.

Toujours agenouillée, Fanaa le regardait. Il avait l'air bien. Peut-être un peu fatigué. Et étrangement bavard pour ne rien dire, mais il se tenait droit et ne titubait pas. Il semblait bien.

- Comment est-ce que tu t'appelles ?

La question était sortie toute seule. Une question dont elle connaissait la réponse bien sûr. La même qu'elle avait posée alors qu'il luttait contre les effets de la morsure ... la morsure ! Le double n'avait sûrement pas de marque rosée à l'endroit où le cou avait été ouvert par les dents de l'énommé. Mais oui, la voilà la façon de s'assurer de faire la différence !
Fanaa se frappa le front. Quel était ce raisonnement ? Il n'était qu'une hallucination, une illusion, elle n'avait pas à y accorder tant d'importance. Non. A vrai dire elle ferait mieux de l'oublier, voilà. De penser à autre chose. Pourquoi songer à un inconnu -mort qui plus est- quand en face il y avait quelqu'un de réel ?
Elle se sentait légèrement ivre maintenant et eut un drôle de sourire, un peu vaseux et pas très assuré.

- Earl Nereyn Althetran Pendergast Adennon.

- Altheraan. Décidément tu n'y arriveras jamais. En plus c'est dans le désordre. Et "Nereyn" ne signifie quelque chose qu'ici, inutile de rallonger la liste officielle.

Earl haussa légèrement les épaules.
Oui, il valait mieux mettre tout ça sous clef. A en juger par leurs questions, certaines s'embrouillaient rien qu'en respirant un peu de fumée.

- Tu devrais aller te coucher aussi.

Fanaa eut une petite moue.

- Je finirai bien par y arriver.

Puis il l'envoya se coucher et elle baissa le nez pour émettre un :

- Oh... déçu.

Ensuite l'idée commença a prendre une nouvelle forme dans sa petite tête et elle releva les yeux sur lui avec un :

- Oh. interdit.

Enfin elle réalisa qu'elle venait à peine de comprendre la demande du Levitis et ses joues rosirent tandis que ses yeux se mettaient à briller.

- Oh !

D'un même mouvement elle se redressa et sauta au cou d'Earl. Ses longues jambes s'étaient arrimées autour de sa taille. Elle lui sourit en l'embrassa en se serrant contre lui. Sa tête se remplissait d'images et de sensations que lui seul était en droit de provoquer et les derniers lambeaux d'hallucination se désagrégèrent.
Ils allaient bien dormir cette nuit ! Mais pas tout de suite. Oh non, pas tout de suite ...

- Mais...

Earl fut le premier surpris par la réaction de Fanaa. Il n'y avait rien à interpréter dans ses paroles, mais la jeune femme ne pouvait décidément s'empêcher de chercher un sens plus loin que nécessaire.
Il rattrapa de justesse la pipe encore tiède qui avait failli lui échapper face à cet assaut.

- Qu'est-ce que t-gnnnnrf ?

Déséquilibré, il recula jusqu'à ce que le mur dans son dos l'arrête.

- Fa-rrf... gnn-escends... gnnn... nnn ? nnn !

Elle secoua la tête en souriant, ne s'éloignant pas de plus d'un souffle de lui. Son doigt tapota le bout du nez doré.

- Chhht ... Il n'y a pas besoin de mots voyons ... murmura-t-elle, malicieuse.

Oh s'emparer de ses lèvres ... Oh passer ses doigts dans les cheveux blancs ... Oh lui taquiner l'oreille ... Oh descendre dans son cou ... Oh passer les mains sous la chemise et commencer à défaire les liens ...
Il n'y avait pas besoin de tissu non plus ...

- Mais !

Trop tard.
Les herbes l'avaient rendu un peu trop réceptif aux stimulations physiques... et il avait tout juste réussi à calmer ses pensées soudain un peu trop débridées. Fanaa avait à peine besoin de souffler sur les braises pour raviver le feu.

- Non, j'ai dit non, parvint-il à articuler sans grande conviction.

Eh mais où était passée sa chemise ?
Fichus vêtements ! Les gens du désert ne semblaient pas doués pour la confection d'attaches solides.

Une petite seconde.
L'hypnère n'avait pas un parfum aussi sucré. D'ailleurs cette odeur lui rappelait...

Un cliquetis de boucle de ceinture.

... le contenu d'un bol aux couleurs éclatantes.
Par Ael ! Il lui avait bien semblé avoir laissé la boîte dans la poche de gauche, et non celle de droite. Fallait-il interpréter les gloussements des servantes comme...
Ou alors...
Masha ?!
Mais comment aurait-elle su...

- C'est pas... ah... pas juste.

Ne jamais sous-estimer une femme. Encore moins une femme amoureuse. Ou bien une femme qui avait une idée précise en tête.

Masha, car c'était elle, avait en effet trafiqué le ... enfin l'herbe à fumer du beau Levitis. Elle lui aurait bien proposé le bol rituel mais il n'aurait jamais accepté alors elle avait espéré que les plantes séchées gardaient le même effet que ce soit fumées ou infusées. L'adolescente avait glissé son corps nu et fin sous le drap du lit d'Earl et attendait patiemment. Où qu'il se trouve à présent, il finirait bien par rentrer dormir.
Et elle serait prête à le recevoir comme il se devait. Lui si beau serait son premier ... à cette pensée elle sentit une chaleur envahir ses joues et les petites pointes de ses seins durcirent.
Cette nuit, il lui donnerait un enfant.


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- Non, tu n'as pas dit non ...

La Fanaa-de-nuit que connaissait Earl était là, bien là, et elle ne comptait pas se faire oublier. Oh que non. Et mais ... il ne pouvait plus bouger ?! Par quel prodige ? Mais ? Elle l'avait attaché ? Elle avait utilisé son pantalon pour cela ! Et il se retrouvait maintenant incapable de se servir de ses mains qu'elle avait liées (en faisant attention de ne pas trop serrer) à la rambarde.
Ainsi la maline pouvait attaquer autant qu'elle voulait sans qu'il puisse jamais répliquer. D'humeur joueuse et appliquée, elle descendit, descendit à reculons pour prendre soin de son ... épée qu'il avait tirée au clair.
Elle avait le pouvoir entre les lèvres. Celui de le faire soupirer, de lui faire oublier la dureté du sol, (assez peu atténuée par les vêtements qu'elle avait glissé sous sa tête), comme celui de le frustrer lorsqu'elle faisait mine de s'arrêter. Une ruse pour l'aiguiser encore plus. Elle comptait bien le rendre fou !

- Maintenant si-gh...

Attaché ?!
Avait-il une tête à se livrer à ce genre de fantaisie ?

Earl tira sur le tissu mais les liens de fortune tinrent bon. L'étoffe était beaucoup plus résistante que la finesse de son aspect ne le laissait prévoir et Fanaa semblait savoir faire des nœuds dignes de ce nom.

Tournant la tête, il s'efforça de saisir une des extrémités du vêtement entre ses dents. Il parviendrait sûrement à desserrer ses entraves.

- Mmh... ah...

Son soupir involontaire laissa filer l'ourlet qui glissa hors de portée. Haletant, la joue appuyée contre son bras, il regarda le bout de tissu qui se balançait dans la brise, comme pour le narguer.
Les vêtements posés sur le dallage avaient bougé et lui collaient à présent entre les omoplates.
En somme, il était attaché comme un vulgaire Shalos. Ah il était beau, le potentiel chancelier...

Fanaa sentit que malgré ses soupirs, il n'était pas réellement à ce qu'il faisait. Qu'est-ce qui bloquait ? Elle se redressa sur les genoux.

- Ca ne va pas.

Elle avisa sa mine, qu'exprimait-il ? Cela semblait de la honte, non ? Ou juste une gêne ?

- Ca ne va pas, hein ?

Qu'avait-elle mal fait ? Peut-être un peu trop de fantaisie ? Mais avec Earl il lui avait semblé qu'il fallait s'amuser pour le sortir de son carcan. Visiblement c'était un échec.

Fanaa s'avança et le détacha. Elle n'avait pas imaginé cela. En réalité elle avait voulu quelque chose de plus tendre et romantique. Main dans la main, tête contre épaule ... mais ce n'était pas cela que les hommes souhaitaient. Les hommes préféraient les femmes fatales. Et les autres fois ça s'était bien passé, alors quoi ? Où est-ce qu'elle avait mal fait ?

- Je suis vraiment désolée.

Déjà qu'elle se trouvait beaucoup moins jolie depuis qu'elle avait les cheveux courts, si en plus de cela elle ne savait plus faire plaisir à Earl, qu'est-ce qui lui restait ? Rien. Faire l'amour c'était la seule chose qu'ils arrivaient à faire ensemble sans se disputer, alors si ils perdaient ça ... si Fanaa perdait ça ... elle n'aurait plus aucune qualité à ses yeux !

Le tissu s'était resserré lorsqu'il avait tiré dessus.
Earl ramena lentement ses mains devant ses yeux. Ses doigts le picotaient. Des marques tout d'abord pâles puis rosées lui cerclaient les poignets, juste au dessus des cicatrices anciennes.

- Je n'aime pas...

En fait la brise était froide. Même la tiédeur des dalles gorgées de soleil tout la journée commençait à disparaître.

- Je n'aime pas être attaché.

Maintenant qu'il le disait, cela semblait tellement évident !

- Je ... j'ai été stupide ... je ... je ne sais pas ce qui m'a pris. Je craignais que tu ne t'ennuies et ...

Résonna dans la nuit le claquement d'une gifle.

- J'aurais réagi pareil en plus ... je ... excuse moi.

Fanaa se rapprocha et se saisit précautionneusement d'un des bras du Levitis et commença à lui masser doucement le poignet. Elle ne s'arrêta que le temps de déposer un bisou sur la fine peau de l'intérieur du poignet puis elle passa à l'autre. Il commençait à avoir la chair de poule sur le haut de ses bras.
La jeune femme lâcha les poignets pour se saisir de la chemise et la lui poser sur le torse.

Elle ouvrit la bouche pour lui conseiller de rentrer au chaud mais finalement la referma. Elle préférait qu'il reste encore un peu, même si c'était égoïste. Alors elle reprit le massage des poignets en souhaitant que le temps s'arrête là.

- Ce n'est pas... Ce genre de pratique...

... ne cadrait absolument pas avec une façon de penser lévitis "normale".
C'est ce qu'il aurait voulu dire.
Mais au lieu de cela...

- ... nécessite une vraie relation de confiance. Et cela je ne peux pas.

Earl secoua la tête.

- Pas encore. Je... c'est tout.

Il se demanda fugitivement si Syld se laissait à l'occasion entraver par son... partenaire. Si c'était le cas, il avait bien de la chance. Surtout lorsqu'on savait ce qu'il avait enduré.
Lui n'avait pas la même capacité à rebondir. Sans doute qu'il compartimentait trop, qu'il se contentait d'enfermer ce qui faisait mal dans une boîte au lieu d'apprendre à vivre avec.

Les dalles tanguaient un peu. Quoi qui ait pu être mêlé à sa décoction habituelle, c'était puissant, et les effets ne semblaient pas vouloir s'apaiser de sitôt.
Le sol était froid mais il sentait à nouveau monter une bouffée de chaleur qui le laissait en sueur. A ce rythme, la chemise posée sur lui n'allait pas tarder à faire pavillon.

Fanaa eut encore envie de s'excuser mais se retint, ne voulant pas le noyer sous un flot de paroles.

- Tu ... ce serait mieux qu'on oublie tout ça.

La Danseuse se recula pour s'adosser à la rambarde juste à côté d'Earl. Le froid de la pierre apaisait une sensation de brûlure qu'elle ressentait au milieu de son dos et au bas de son crâne. Elle pencha la tête pour la poser sur l'épaule du Levitis et ne ressentit pas l'habituel chatouillement de ses longs cheveux glissant sur sa peau. C'était perturbant. Plus encore que d'avoir aperçu du coin de l'oeil des bassins dans la cour du Sanctuaire. Des bassins carrés avec des nénuphars flottant à leur surface. Un décor un peu flou qui n'existait pas. Les pensées de Fanaa n'étaient pas assez embrumées pour prêter foi aux divagations de son esprit, et puis la présence du Levitis à ses côtés l'ancrait dans la réalité, fort heureusement.

Elle prit sa main entre les siennes, la porta à son visage et embrassa chacun de ses doigts. Le toucher ... elle avait toujours besoin de le toucher pour s'assurer que tout était vrai, pour lui donner plus de réalité, s'assurer que ce n'était pas juste un fantasme.

- D'accord. On oublie, répéta Earl avec effort.

Oublier ?
Il aurait bien voulu.

Il devait se lever, là, tout de suite. Le Lévitis avait le sentiment que s'il attendait encore une minute de plus, Fanaa pourrait lui demander n'importe quoi et il s'exécuterait, quand bien même elle lui demanderait de sauter du balcon.
Ses nerfs étaient sensibles au point que le moindre effleurement en devenait presque douloureux.

Il se dégagea brusquement, s'arrachant aux côté de la jeune fille. La chemise glissa rejoindre le pantalon chiffonné sur le sol mais il n'en avait cure. N'importe quel insomniaque voulant respirer un peu d'air frais sur les longs balcons de façade aurait pu le voir, dans le plus simple appareil et dans un état habituellement réservé à des lieux plus intimes. Et de cela, Earl se fichait éperdument.

- D'accord, on oublie. Bonne nuit.

Il tourna les talons puis s'engouffra entre les voilages que les lunes teintaient de reflets irisés.
Un baquet plein d'eau glacée. C'est cela qu'il aurait désiré plus que tout.
La sensation de brûlure devenait presque insupportable.

Quoiqu'il ait pu absorber comme drogue, ce n'était sûrement pas recommandé sous forme de vapeur.

- Merde...

Sa voix semblait rauque, désagréable... tandis que l'écho des chuchotis de Fanaa paraissait si mélodieux, envoûtant, irrésistible tel un chant de sirène. Quoi qu'une telle voix de femme puisse dire, elle ne pouvait qu'avoir raison. Il fallait l'écouter, répondre à ses désirs, obéir.

D'une main mal assurée, Earl parvint à saisir le bord du drap sur son lit et le repoussa.

... dévoilant à son regard une Masha qui eut le réflexe de cacher sa poitrine de ses mains. Et puis elle lui sourit.

- Je t'attendais.

Maintenant qu'il était là, elle ne comptait pas le lâcher. Elle tendit son bras pour saisir la main du jeune homme et la poser sur son sein droit, puis elle passa son autre main derrière la nuque du Levitis et l'attira à elle.

- C'est notre nuit, notre nuit à nous ...


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Le coeur lourd, Fanaa gardait un regard vide fixé sur les voilages du couloir, là où Earl venait de disparaître. Il venait de briser un moment de tendresse. Pourquoi ? Pourquoi réagir avec tant de brusquerie ? Parce qu'il lui en voulait, sûrement. Oui, il n'allait pas lui pardonner si facilement. Il n'allait peut-être pas lui pardonner du tout ? Et là il avait raison de ne pas le faire, elle n'aurait pas le droit de lutter. Elle ...
Par les lunes elle voulait juste des instants de tendresse, elle voulait qu'il la serre dans ses bras, qu'il lui dise qu'il la trouvait jolie ou autre chose de gentil. Elle souhaitait occuper ses pensées, au moins de temps en temps, et non entourée d'un nuage de colère ou d'agacement. Etait-ce trop demander ?
Oui.
Assurément.
Vu son départ, et vu ses derniers mots ...

Masha l'aurait pensé plus entreprenant. C'était l'homme après tout. Mais si il ne la repoussait pas, par contre il manquait d'initiative. Ah mais ... voilà, il se tenait sur le côté et elle se glissa tout contre lui. Elle se frottait contre son corps, son corps brûlant, puis le fit passer au-dessus d'elle. Il était prêt, et il ne se défendait pas, c'est qu'il acceptait, il acceptait alors !

Elle se crispa lorsqu'elle le sentit puis rouvrit les yeux et lui sourit. Ca y était ! Elle était une femme, une vraie !

- Bienvenue dans mon espace vital.

Ne manquait plus qu'à le faire danser, à ce qu'il dépose un bébé en son sein. Les mains sur ses fesses, elle lui intima le mouvement de va-et-vient.


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Fanaa n'avait pu retenir ses larmes qu'elle avait tenté de cacher dans le chemise froissée. Pourquoi agissait-elle toujours de la plus mauvaise façon avec lui quand son seul souhait était de le rendre heureux et de l'être aussi ? Une fatalité semblait vouloir empêcher Earl de s'attacher à elle par tous les moyens. Fanaa en était désespérée.

Elle se rhabilla tristement, plia la chemise et le pantalon, ramassa la pipe et se demanda si il valait mieux qu'elle lui rapporte tout de suite ou plus discrètement demain matin. Si elle passait le voir maintenant, elle pourrait de nouveau s'excuser, essayer encore de rattraper les choses ... à condition que cela fut encore possible ...

Sa partenaire qui sanglotait maintenant. Elle avait eu peur, elle avait eu mal et elle était sure que ce n'était pas ainsi que cela aurait dû se passer. L'homme si beau abritait une brute en lui. Il parlait méchamment et il agissait de même. Sans douceur. Ce n'était pas juste. Pour sa première fois elle aurait tant voulu autre chose ...
Elle espérait maintenant qu'aucun enfant ne naîtrait de cette ignoble étreinte. Jamais !



Fanaa arriva à ce moment et entendit les pleurs. Elle oublia immédiatement sa propre tristesse pour s'inquiéter du Levitis. Pleurait-il à cause d'elle ? A cause de souvenirs atroces qu'elle aurait réveillés ? Pourvu qu'elle ne soit pas la cause son chagrin !

Dans la pénombre elle s'approcha à grands pas du lit.

- Earl ? Qu'est-ce que tu ...

Sous lui un visage se tourna pour la dévisager. Deux jolis yeux noisettes emplis de larmes. Et mais c'était Masha, pourquoi était-elle si triste ?
Et mais ... elle était dans le lit du Levitis ! Qu'est-ce que c'était que ...
L'adolescente s'essuya les yeux d'un geste rageur et s'extirpa avec peine de dessous le corps affaissé. C'est que c'était lourd un grande carcasse comme ça.

- Masha ?

Par les lunes, elle était toute nue ! Non ! Non non non !
Masha se redressa bien droite et caressa la tête blanche d'Earl avec un mauvais sourire.

- Et bien alors ! Tu croyais qu'il n'avait que toi peut-être ? Et bien non. Tu es loin de le satisfaire !

C'était gratuit. C'était injuste. Mais à ce moment-là, Masha n'en avait rien à faire. Pourquoi serait-elle la seule à souffrir ? Hein ?
Elle donna une tape sur la tête du Levitis, ramassa ses vêtements et s'en fut à la recherche de la chambre de Mellyna. Elle avait besoin d'aide maintenant !

Fanaa était complètement figée, elle n'arrivait même plus à respirer. Qu'est-ce qui s'était passé ? Ce n'était pas possible ! Il n'aurait quand même pas fait ça ! Si ? Etait-ce pour lui signifier que tout était terminé ?

- Je t'ai dit et redit que tu n'avais pas tué le bon. Tu vas me croire maintenant ?

Le double était là, juste derrière elle. Elle sentait son souffle dans son cou. Se forçant à rester sourde à ces paroles, elle avança une main et secoua l'épaule de l'homme dans le lit.

- Earl ? Earl réveille toi ! Earl, qu'est-ce ...

Elle hésita mais peut-être serait il bien qu'elle affronte enfin la vérité, qu'elle arrête de se voiler la face, de se faire des illusions et d'avoir de l'espoir ... peut-être ...

- Qu'est-ce que je suis pour toi ?