La Lanterne Rouge

Devant les paroles d’Ania et les questions de la Torche, le jeune homme resta muet. A l’idée de cette épreuve, le corps tout entier de Miki frémit. Le nom que donnait les catins a ceci était assez révélateur de ce qu’elles en pensaient. Toutes les mêmes. Toutes maudissant les hommes, le haïssant pour le seul fait d’en être un, le punissant pour une faute qui n’était pas la sienne. Et Thalia ?

Miki la regarda un instant, puis détourna le regard. Non ! Il était impossible qu’elle aussi, qu’elle devienne comme ces filles. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait plus espéré pouvoir parler a quelqu’un, qu’il n’avait eu de véritable amie. L’espoir. Miki l’avait même oublié. Il s’accrocha a l’étincelle qu’avait allumer Thalia.

-Ne t’inquiète pas, demain soir, tu vaquera à tes occupations habituelles ici même ! L’épreuve ne te concerne pas, tu as le soutien de Tahni, et il n’y a pas meilleure bénédiction.

Il ne la regardait pas. Il avait repris son admiration des différentes toiles accrochées aux murs. Il fixait notamment son regard sur celle représentant Ania nu, dansant sans pudeur, les cheveux aux vents, le regard envoûteur mais le sourire absent.

-Ania est seulement jalouse. Elle est arrivée ici un mois après moi, elle pensait alors que sa vie avait touché le fond, mais le destin lui a prouvé le contraire. Quand elle a finit par relever la tête, elle s’est battu pour arriver au titre de favorite. Elle y est maintenant depuis si longtemps, avant même que Tahni ne devienne la maquerelle.

Miki avait suivit le combat d’Ania pour le pouvoir. Elle avait écrasé les filles, piéger les plus belles, et terroriser les plus faibles. Elle avait fait cela a couvert, et Miki qui a l’époque était plus que quiconque sa tête de turc, n’avait pas eu le courage de la dénoncé. Il posa enfin son regard sur Thalia, feignant un joli sourire

-Mais son règne touche à sa fin. Regarde autour de toi, tout ça sera bientôt a toi. Tu va avoir le droit de décorer comme tu le désir ! Tu pourra prendre les objet que tu veux des autres chambre, et au sous sol, il y a une salle avec du mobilier et des draps supplémentaires. Il suffit juste que tu arrives à gagner.

Ainsi entre l’amitié de Thalia et la paix avec Ania, Miki avait choisit son camp. Restait plus qu’a trouver un moyen de favoriser subtilement la danse de la Torche

Obéissant machinalement au geste de Miki, Thalia parcourut brièvement encore une fois cette salle du regard. Mais elle ne l'aimait pas. Ca ne lui faisait à vrai dire ni chaud ni froid cette perspective de victoire, d'emporter un soit-disant espace personnel.
La jeune femme n'était pas interessée, car si c'était pour s'entre-déchirer dans l'ombre de ce bordel, avec les camarades de labeur.. Non vraiment. Ce fut pourquoi les deux iris pâles se reposèrent sur son compagnon de danse, circonspects et peu impressionés. Les bras croisés sous sa poitrine, la catin se détacha de sa contemplation feinte et blasée, pour effectuer un demi-tour sur elle-même. Il lui semblait qu'ici, dans cette pièce cossue et chaude, elle étouffait. Depuis que Thalia était arrivée ici, elle n'avait pas pu une seule fois s'approcher d'une porte ou d'une fenêtre. Humer le parfum du dehors, sentir la fraîcheur du soir quand elle marcherait dans une rue humide et pavée. Lors de sa venue en chariot depuis Shalanos, la prostituée avait profiter d'une vague « sortie » même si ce n'était que sa vente et l'acheminement de sa personne en tant que vulgaire marchandise.
Même si les autres filles l'avaient enviée, Thalia y était indifférente. Même pas rancunière ou haineuse. Simplement ce n'était qu'une fatalité, la résignation était de mise. Et toutes les nuits son corps était offert. Ca faisait si longtemps. Environ douze ans. Oui, une douzaine d'années, elle ne savait plus trop bien, réfléchissait-elle nonchalante en passant la main sur sa poitrine douce et ferme.
Un autre point qui la différenciait des autres femmes ici. Sa complexion. Elle était grande et sèche, peu étoffée, simplement dotée d'une douceur encore enfantine sur ses hanches étroites et des seins menus, qui tenaient dans la main d'un homme désireux d'en goûter les fruits bruns et appétissants. Quand elle marchait cuisses nues, on pouvait apercevoir au travers d'un mouvement un peu plus accentué que les autres, les traces rugueuses de quelques cicatrices rosâtres, s'épanouissaient à l'intérieur. Et son attitude généralement dédaigneuse et hautaine, alliée à son visage fin et peu expressif, presque glacé, lui conféraient un magnétisme particulier et peu commun. Quand s'éclairait son corps mince à la lueur des torches, ses jouets de distraction et de danse, là, elle devenait la cible. Involontaire ou non.

Sa bouche peinte exhala un soupir. Résignation et dépit mêlé.

« Ne me parle ni de bonnes grâces, ni de bénédictions. Le simple fait d'être ici n'est pas vraiment « paradis ». Beaucoup rêvent ici d'un autre boulot que putains. Et quant à cette « épreuve », sa voix prit une tournure sévère, si je dois passer par là, je le ferais. Au point où j'en suis...»

La sensation de cette grande main sur la peau brune et nue de son épaule n'amena aucune réaction sur ce visage aux yeux d'aveugle. Thalia se tint immobile, comme pensive. Ses paumes s'étaient ouvertes, dévoilant les deux autres yeux d'une blancheur tranchante et froide. Presque effrayante. Les tatouages qui lui servaient pour son numéro de diseuse de bonne fortune dans une époque lointaine.
Et au dur et à mesure, la chaleur qui se communiquait par le biais de leur peau confondue lui fit lever le nez machinalement et la jeune femme se pencha vers lui, un demi-sourire sur ses lèvres. Son geste eut l'air de la.. Toucher. Un simple remerciement.

Qui se traduisit par un simple baiser. Poser sans détours sa bouche sur la sienne.

Un baiser comme elle en avait l'usage avec ceux qui lui offraient de l'attention, c'est à dire, peu. Bien trop peu. Et ce geste n'avait aucune signification pour elle, ni séduction ni amour, ni volonté de s'approprier l'autre, mais juste témoigner une timide gratitude envers lui. Ses yeux s'étaient bridés, Thalia avait sur les lèvres un sourire vague alors que ses boucles brunes taquinaient leurs nez de leur parfum capiteux.

« ..Merci. »

Malgré son calme reconnu Olympien, Thalia ne put s’empêcher de pousser un cri surpris lorsqu’elle se sentit tomber en arrière. La catin eut beau essayer de se raccrocher à quelque chose, en l’occurrence les vêtements de Miki, ce qui lui tombait sous la main.
Mais la théorie des dominos restait présente, même dans un bordel Adrénien, et si l’un tombait.. Et bien l’autre aussi.
Ce fut ainsi que les deux jeunes gens se retrouvèrent au creux de la luxueuse baignoire de la blonde Ania, à sa grande stupeur secouée d’un fou rire. Décidément rien ne s’annonçait comme prévu ce soir !
Son rire était rocailleux mais pas désagréable à entendre et ses traits tirés en une grimace absolument comique, alors qu’elle tentait de se dépêtrer de ses jupons écarlates, bien encombrants.

Thalia riait. Elle riait à gorge déployée. C’était fou ce que ça faisait du bien, même si c’était strictement inconvenant pour elle de se laisser aller à une quelconque démonstration de ce genre. Se tenant à moitié les côtes, pliée dans cette cuve magnifique, la Shalos se mordait les lèvres pour mettre un terme à son hilarité. Mais peine perdue, la jeune femme ne pouvait s’en empêcher.

« Haaa, quel fabuleux clown ! Elle se remit à rire. J’ai pas un bon équilibrrrre ! »

Ecrasant du pouce ses larmes, elle tâcha de reprendre contenance, reprenant son accent effroyable qui lui faisait rouler des « r » à l’envie.
Son attitude froide et indifférente avait laissé place à une personnalité toute autre qui avait le sens de l’humour. Presque comme si elle avait oublié où elle était, qui ou plutôt ce qu'elle était... Puis la danseuse se tortilla afin de tenter de s’extraire du tub, en passant ses jambes au dessus du rebord souplement.
Une fois debout, Thalia défroissa sa robe, tourna sur elle-même en une pirouette et avec un sourire rayonnant, tendit d’autorité la main vers Miki.

« Allez le danseur ! »

Tandis que la lanterne était accrochée dans la rue, une lueur rouge s’alluma dans les yeux bridée de la musicienne Médiovienne au teins jaune et aux mèches bleus dans ses cheveux noir, en même temps qu’elle posait l’archet sur son violon.

Le premier à entrer, un garçon avec les yeux d’or et les cheveux blancs, était familier des lieux. Il tenta de discuter avec Tahni, mais celle-ci resta de marbre, et lui indiqua d’attendre dans son bureau. Il voulut protester, mais la maquerelle ne revint pas sur ses dires, et le jeune homme, après s’être retourné vers la porte, regardant une chose que lui seul voyait, s’exécuta.

Les clients arrivaient, un à un, ou riant à plusieurs. Les habitués se reconnaissaient car leurs préférés se levaient pour aller les saluer et les aguicher, les plus riches ne se pressait pas et attendaient de pouvoir se mesurer les uns aux autres, dans un petit affrontement de pouvoir, afin d’approcher la belle, néanmoins certaines se laisser aller a les tenté. D’habitudes certaines excellaient à détourner l’attention de ses chasseurs, mais aujourd’hui c’était bien différent car deux choses maintenaient l’attention des deux. Dame Tahni semblait s’amuser comme une folle, sautant presque d’impatience, pour faire part aux hommes de sa dernière trouvaille. Même les filles semblaient curieuses de savoir pourquoi les trois danseurs étaient partis dans la grande chambre. Mais pour faire patienter les gros richards, il y avait la Petite Souris. Autour de l’enclos des demoiselles, les hommes la regardaient avec insistance et chuchoter entre eux. Par moment, et pour son plus grand plaisir, Tahni était assaillit de discours financier et de regards avides. Tout semblait se passer comme l’avait souhaiter la maquerelle.

Tout les plus riches habituer semblaient être rassemblé. Quelques badauds venue s’offrir un peu de bon temps semblait s’attardé pour voir le spectacle promis par la maquerelle. Les filles avaient même arrêté d’aguicher inutilement les hommes. La maquerelle semblait ravie. Soudain, elle sembla décider que le moment était venu, elle s’avança dans le cercle des filles et alla jusqu'à l’estrade où était posé Petite Souris.

-Ca va être a toi de jouer. Tiens toi bien, et ne me déçois pas !

Puis elle fit signe aux musiciennes d’arrêter leurs musiques. Le regard rouge de jalousie de la Médiovienne se posa sur la Petite souris, ainsi que tout les yeux, autour d’eux.

Enchevêtrer dans une position ridicule, et avant qu'il n'ai compris quoi que ce soit, les deux jeunes gens riaient aux éclats. C'était un peu dissonant dans la pièce du bordel, et quand Miki s'en rendit compte, il pensa qu'il n'avait plus entendu de rire franc depuis bien longtemps. L'accent de la Shalos lui arracha encore quelques éclat, il répondit avec humour

- Un danseur doit toujours penser a vérifier ses appuis ! Je suis désolé !

Il ne l'était pas du tout, car ce rire lui avait vraiment plus. Il tendit la main vers la demoiselle.

Soudain, il se figea. La faible musique provenant de la salle s'était arrêté.

-Dépêchons nous ! Je crois que ça va être a toi !

Il eut un regard incertains vers le pan de mur dissimulant les appartement ou la catin avait été se réfugier. Devait on la prévenir, ou cela arrêterai la concurrence ?

L’enthousiasme et la bonne humeur qui avaient brusquement fleuri sur le visage de Thalia se fana tout aussi vite. Et son expression coutumière se recomposa immédiatement, allongeant ses lèvres en une moue boudeuse.
Toutefois, elle saisit la main de son compagnon de spectacle et le tira vers elle pour le dégager de cette pourtant splendide cage qu’était la baignoire. Une cage bien plus confortable que celle dans laquelle ils allaient devoir se glisser pour la nuit.

« Frappe. »

Du menton la femme désigna la porte dérobée, camouflée habilement dans le mur.

« Si la blonde ne se joint pas à nos danses… Elle frissonna. Nous serions punis. Enfin, je serais punie. »

Le fouet, le pain sec ou pire, un alourdissement de ces prétendues dettes, laquelle la tenait par la gorge depuis des années. Un frisson passa sur ses bras, et elle abandonna Miki du regard pour rejoindre la grande porte. Celle qui donnait accès à la fabuleuse Chambre, que tous ces pervers convoitaient.

Un petit "clic" et un gros "vlan !" la porte s'ouvrit brutalement. Ania apparut, les yeux un peu humide, mais le maquillage toujours parfait et camouflant assez habillement toute trace des larme qu’elle aurait pu verser. Elle s’était changé, elle avait revêtue une robe d'un or très pale, composé d'un magnifique et pourtant très simple corset, d'une jupe légère, mi longue, en soie, et volant aux vent, et d'un jupon ajoutant de l'amplitude aux mouvement de la soie. Une robe comme celle d'une mariée, qui semblait lui aller comme un gant malgré son travail. Elle avait fait un certain volume à ses cheveux, et mis des bas exactement de la même couleur que sa robe.

-Allons y !

Elle avança vers la porte, pris Miki par le poignet, et l'attira a elle juste en face de la porte. Le torse nu du jeune homme contre son dos, elle lui mis les main autour de sa taille, actionna la clinche de la porte et poussa les portes pour l'ouvrir en grand, avant de prendre la pause.

Là, le public de la taverne pu alors l'admirer, la tête sur l'épaule du bel homme, une main posé sur les bras lui enserrant la taille, et l'autre lui caressant délicatement la nuque et ses cheveux vert.

Thalia s'était vivement écartée en voyant paraître Ania. Mieux valait ne pas faire de remous, d'autant plus qu'apparemment la demoiselle ne tenait pas à la voir ici que ce soit en cet instant ou après la scène.
Elle s'effaça donc discrètement, les laissant faire leur apparition.
Toutefois, la jeune femme se posa la question en elle-même.. Mais personne ne lui avait dit quand entrer ? Réalisa-t-elle en écarquillant brièvement les yeux.

"Mh.."

Et elle imaginait fort bien que si son entrée déplaisait aux ordres de sa maitresse, elle n'allait pas survivre très longtemps dans ce bordel.
D'un bond nerveux et féroce, comme si Thalia s'emplissait de hargne à l'idée de sa punition, elle apparut dans la lumière, se glissant en parfaite et séduisante couleuvre des sables contre le dos du danseur. Son attitude dédaigneuse s'amplifia en sentant la présence d'Ania sur la nuque de Miki et impatiemment, tout en gardant son regard effronté, Thalia délaça cette main et fit glisser les siennes sensuellement sur le ventre de l'homme.

Elle voulait jouer ? Et bien ....

Souris ne compris pas exactement ce qui se passait... Elle avait bien prévu ses thèmes et ses liaisons deux à deux... mais a trois? Elle fronça les sourcils quelques secondes avant de modifier légèrement son air.

Elle reprit le rythme des danseurs en espérant que le spectacle ne s'arrête pas brutalement a cause de son erreur.


[Hrp] après tout, qui ne tente rien...[/hrp]