La Lanterne Rouge

"Voilà..."

Douce et rocailleuse, la voix de la danseuse accompagna le tracé délicat du pinceau qui courait sur la paupière de Souris.
Thalia n'avait pas abusé de ses produits. Une beauté naturelle étant toujours plus préférée à tout un attirail d'artifices.
Juste un peu de poudre sur sa peau douce, une pincée de fard sombre se mariait avec le léger trait de khôl. Puis un beau rose de pêche sur ses lèvres d'enfant.
La Torche se recula un peu pour juger de son résultat, en passant les doigts dans sa chevelure brune. Et elle finit par sourire.

"Ca te va ? Ni trop ni pas assez."

Les heures de l'ouverture s'étaient vivement rapprochées, et son visage se chiffona alors qu'elle se leva de son tabouret. Le soir venait. Et avec lui son lot de labeur.

Sourire qu'elle reprit, un peu ailleurs.

"Je crois que nous allons devoir descendre,Murmura Thalia en rajustant rapidement son bustier. Tu es prête ?"

Passant ses mains sur sa courte parure, Thalia finit par soupirer un instant en regardant leurs reflets s'agiter dans les glaces.

Thalia, les yeux plissés, se tourna légèrement, faisant froufrouter sa robe écarlate. Il lui avait semblé entendre un bruit, quelque chose de désagréable. A voix basse, elle marmonna quelque phrase indistincte en secouant ses bracelets.
Ouvrant la porte plus avant, une brève expression surprise se peignit sur son visage indifférent. La lueur de la lanterne rouge jetant des ombres plutôt étrange sur le porteur et celle qui le dévisageait. Thalia se souvenait déjà l'avoir vu. Mais rien ne lui donnait envie de lui parler.
Un air vicieux et sale sur un visage ingrat.
Elle réprima un vague frisson, et secoua ses boucles brunes.

"Souris, viens, on va y aller avant qu'on ne se fasse disputer."

Sa voix était douce, mais tendue. Et pieds nus, elle fit un pas dans le couloir en surveillant la jeune fille.

Un soudain bruit de tissu qu’on froissait avec brusquerie, et le souffle haletant, Thalia parut dans sa robe rouge vif et dorée, juste derrière Miki.
Son souffle était précipité et haletant et ses pommettes mates plus foncées. Elle avait du courir, de peur d’arriver en retard. Non pas de gaîeté de cœur, mais la prostituée ne souhaitait pas réellement se faire battre ce soir-là. Posant ses mains tatouées sur ses hanches pour respirer plus à son aise et discrètement, la danseuse inspecta la salle. Ses yeux étaient très mobiles, elle n’eut même pas besoin de mouvoir sa figure déjà empreinte de son austère désinvolture.
Avec une légère grimace sur ses lèvres peintes, elle s’aperçut qu’il n’y avait plus de place pour elle. Bon, pour Souris ça irait, la petite faisait partie du corps musical. D’ailleurs.. Ah elle était derrière elle. Thalia eut un petit soupir de soulagement inaudible.

« M..Miki. »

La jeune femme s’était approchée sur la pointe des pieds et lui glissa son nom à l’oreille, dans un souffle.

« Ouf… J’ai ramené Souris. »

Miki sursauta quand la demoiselle parut a coté de lui, pourquoi arrivait-elle d'ici ? Il était vrai qu'elle ne connaissait pas encore bien le labyrinthe de couloir qu'était le bordel. Du coin de l’œil, Miki, vit la maquerelle les regarder avec intérêt.

-Vous l'avez de la chance, regardez ! La lanterne est descendu !

En effet d'une des ouvertures, le grand Sha'a surgit en marchant tranquillement. Il passa derrière dame Tahni. Celle ci discutait à voix basse avec Ania. C'était étrange de voir Ania ici à cet heure. Habituellement, elle restait dans sa chambre personnelle de favorite et ne faisait sa première entrée qu'au bout d'un certain temps, quand le premier flot de clients étaient parti avec les filles de basse qualité, laissant le chant libre aux plus riches de profiter de ses danses.

Ania s’énerva et haussa le ton, ce qui fit sourire la maquerelle. Celle ci ne la regardait même pas et se concentrer sur la Torche et le Danseur. Soudain de sa main droite, fixant Miki dans les yeux, elle fit quelques mouvement compliqué.

-Quoi nous ?

Miki avait l'air surpris, il se tourna vers Thalia et lui lança tout en avançant.

-Viens ! Fait attention, la Tahni nous réclame. Je le sens mal.

"...N..Nous ? Pourquoi..."

Le coeur battant la chamade, Thalia avait cillé et plissait le syeux vers la maquerelle avant d'esquisser un pas. Mais qu'est-ce qu'elle lui voulait ?
Et.. Et pourquoi Ania n'était pas dans sa Chambre ? Ce fut au tour de ses sourcils de se hausser alors qu'elle rajusta les lacets de sa robe écarlate. Puis se recomposant une figure neutre, elle avança pieds nus vers la tenante du bordel, en retrait par rapport au danseur.

"Madame."

Voix douce et grave, remplie d'humilité servile. Il fallait minimiser la casse s'il y en avait.

Elles étaient arrivées a temps... Ouf...

Souris suivait un peu tout cela de loin. En spectatrice. Pourtant... elle compris qu'elle devrait accompagner les danseurs....

Elle se dirigea donc discrètement à sa place, la flute serrée contre elle.



[HrP] je laisse le soin au meujeu de placer tout cela.

Tahni fut ravi de cet accent d’humilité dans la voix de Thalia. Ania quand a elle ne les regardais pas directement.

-Thalia, depuis que tu es arrivé içi, j’ai eu le plaisir d’admirer ton niveau et ton talent. Je ne suis pas le seul, la nuit dernière, les offres sont montées bien haut pour passer un peu de temps en ta compagnie. Ainsi, je viens d’avoir l’idée d’accélérer ton ascension et de la mesurer avec la popularité de notre Ania dans un petit concours improvisé.

Elle semblait très fière d’elle et savourer ses propos, au fur et à mesure qu’elle les énuméraient.

-Ania, Miki et toi, vous allez vous mettre dans la chambre de la favorite, et au son de la flûte, vous ferez tout trois votre entrer. A tour de rôle, vous jouerez avec le danseur, vous ferez grimper l’attention des spectateurs en même temps que leurs enchères, et je poserai ma main sur l’épaule des gagnants, ce sera votre signal, si je touche l’épaule gauche, ce sera Ania qui partira avec l’homme, l’épaule droite pour Thalia.

Son sourire s’élargit encore, apparemment ce n’était pas fini.

-L’homme qui aura gagner le premier prix, sera celui que je toucherai en premier, celle qui sera désigné pour l’accompagner le mènera dans la chambre de la favorite.

Les lèvres de Thalia s'entrouvrir, surprise par ce que la gérante du bordel venait d'expliquer.
Elle allait.. Devoir danser avec lui ? Et en même temps qu'Ania ?
Mais... C'était impossible. Ils n'avaient rien prévu en terme de chorégraphie, pour trois personnes en même temps. Et le regard de la blonde et sulfureuse danseuse ne lui donnait pas tellement envie de réaliser cet "exploit" surtout si le prix gagné était coucher avec un enchérisseur..
La jeune femme referma la bouche, et ouvrit les paumes vers le ciel, résignée, laissant voir les tatouages au creux de ses mains. Deux yeux noirs et blancs. Signe qu'elle acceptait sans rien dire.

En même temps, si Thalia osait contredire sa "patronne", une volée de coups serait son dû. Un léger frisson courut sous sa robe tandis qu'elle jeta un discret coup d'oeil à Miki. Il ne paraissait pas non plus enchanté.

"Bien.."

Souffla-t-elle, sans âme, en baissant la tête avec un petit bruit de métal qui s'entre-choquaient sous ses oreilles mates.

"La compétition est rude."

Thalia la Torche avisa du coin de l'oeil les deux torches qui lui servaient à son jeu de séduction enflammée. Oh oui, si Tahni le prenait comme ça. Elle allait l'écraser. Gagner assez d'argent.
Et partir de cet enfer.
Sa résolution lui revint à l'esprit et un délicat sourire se joua sur sa bouche pleine.

L'air dépité de la danseuse déplu fortement à Tahni. Qui était elle donc pour se plaindre du cadeau que la maquerelle lui faisait ? En plus, les demoiselle ne pouvait pas se vanter de pouvoir souvent s'amusé, et le programme semblait enthousiasmant aux oreilles de Tahni. Elle ne semblait pas se rendre compte de l'honneur qui lui était donner de pouvoir faire ses preuves si tôt après son entrée. Puis un sourire finit par se dessiner sur les lèvre de la fille, ce qui finit par rassurer la maquerelle.

-Bien, puisqu'on est d'accord, je vous laisse aller vous préparer. Ne faites pas d'apparition trop tot, et faites donc honneur a la lanterne.

Puis, tandis que les autres se diriger vers la grande double porte menant a la chambre de la favorite, Tahni se dirigea vers ses autres filles cherchant du regard la seconde attraction de la soirée. Elle ne la trouva pas de suite, pourtant, elle l'avait bien vu arriver.

Cacher entre derrière le piano s'agrippant a sa flute, elle aperçu enfin sa petite souris. Elle fit deux pas dans sa direction, l'agrippa par le poignée et la força a se lever, tout en ajoutant d'une voix mielleuse ne collant pas du tout avec la fermeté de ses mouvements.

-Allons, allons, ne te cache pas ma belle. Fais moi donc voir tes atours.

Elle l'attira a coté de l'estrade, et se mit à l'inspecter d'un œil critique.

-C'est étrange ces tissus sur toi, mais ils te vont plutôt bien. Qui t'as aidé à te préparer ? Thalia il me semble, j'aurai reconnu la robe sinon.

Elle la fit se tourner.

-Bien ça ira. Tu peux aller t'assoir.

Comme la petite faisait mine de retourner dans sa cachette, la maquerelle la retint.

-Mais non voyons.

Elle parcourut les alentours du regard se demandant où elle serait la mieux mise en valeur, elle finit par se décider pour l'estrade.

-Parfait ... assied toi sur le coin avant droit de l'estrade, mais fait attention a ne pas gêner les danseuse quand elles arriveront.

Elle s’arrêta un instant semblant réfléchir et calculer a toute vitesse dans sa tête.

-Dit moi ! Te sens tu de jouer un morceau assez long toute seule ce soir. Un morceau rythmée et dansant pour que Thalia et Ania puissent se montrer sous leurs grands jours. Ce serait un service que tu me rendrait, et je serait prête à t'accorder une faveur en plus de commencer a rembourser ta dette. Dit moi qu'est ce qui te ferai plaisir ma belle ?

Alors qu'elle attendait une réponse Sha'a souffla bruyamment et déposa la lanterne qu'il portait depuis longtemps maintenant au sol. Dame Tahni se dirigea vers lui, mais pas avant d'avoir souffler à sa Petite Souris

-Réfléchis y

Ania regardait Thalia visiter mine de rien de logement. Si elle pensait pouvoir la détrôner, elle devait rêver. C’était sa baignoire, ses tapis, son lit, elle les avaient gagné par un labeur dur, par un jeu subtil, par une volonté de vivre et de survivre toujours plus forte. Elle était fière d’être parvenue jusque là. Elle se battrait jusqu’au bout.

Distraitement elle posa son regard là où elle cachait son poignard. C’était l’ultime recours pour les homme trop violent, trop dangereux. Un autre privilège d’avoir son propre territoire, c’était de pouvoir y cacher ce qui était nécessaire. Si elle se débarrassait tout de suite de l’autre catin, … dame Tahni lui en voudrait. Mais aucune autre fille ne pouvait décemment prendre sa place de favorite, elle serait tranquille pour encore quelques mois. Elle fit quelques pas en direction de l’endroit où était cacher l’arme. Ce serai si facile, il suffirait d’attendre qu’elle tourne le dos, elle pourrait dire que ce n’était pas sa faute, que la Shalos s’était jeté sur elle, qu’elle avait tenter de la repousser, qu’elle s’était juste défendu… si seulement il n’y avait pas Miki.

En pensant à lui, ses yeux s’attardèrent sur l’homme. Cela faisait si longtemps qu’elle faisait comme si il n’existait pas, qu’elle faisait attention a ne jamais le regarder directement, que la vision lui parut étrangère. Il regardait les tableaux. Elle savait lesquels lui rappelait le plus de souvenir, ils étaient entrés dans l’établissement avec à peine un mois d’intervalle. Miki avait connu une petite moitié des filles se trouvant là. Il les regardait comme si il cherchait quelque chose. La colère monta en elle. Si il la cherchait, il allait être déçu. Cela faisait longtemps qu’elle n’etait plus ni sur ce mur ni dans son sous-sol.

-Elle n’est pas ici ! Plus aucun homme ne posera son regard pervers sur elle. Je ne t’ai toujours pas pardonné, et jamais je ne pourrais le faire. Mais fait la gagner, et j’aurai tout le loisir de rouvrir les hostilités.

Ils allaient devoir rester un bon moment ensemble, attendant que le spectacle ne commence. Elle ne savait comment elle le supporterai. Elle posa son regard sur le pan de mur qu’elle avait fermée tout à l’heure. De toute façon, maintenant ils l’avaient vu ce n’était plus la peine de le dissimuler. Elle mis le doigt dans l’ouverture qui lui permettait de déloger la porte du mur. Et s’arrêta un instant, et se retourna vers Thalia

-Ne te fais pas d’illusion. Je ne sais comment tu as réussi a t’attirer les bonnes grâce de Tahni, mais tu n’es qu’une putain comme les autres, de maigre valeur, jamais tu ne pourra sortir d’ici. Et si Tahni pense que te faire monter de grade suffira a t’empêcher l’épreuve de demain, elle se trompe lourdement. Elle n’y coupera pas, toi et moi on le sait.

Elle avait dit la dernière phrase en lançant un machiavélique en direction de Miki. Puis elle s’engouffra dans l’ouverture et sortit dans le passage secret

Les paroles dures et froides d’Ania transpercèrent la jeune femme comme une longue aiguille, et elle ressentit un creux dans l’estomac. Fiévreuse, Thalia se contenta de la fixer d’un regard qu’elle voulait orgueilleux et fier, inatteignable. Mais ce n’était guère possible, du moins tant que la blonde et belle danseuse serait là. Malgré sa beauté lumineuse que Thalia aurait pu envier, elle qui avait un teint plutôt basané, elle paraissait profondément amère.
Ce qui n’était en soi pas une chose difficile à comprendre. La jeune femme elle-même, du haut de ses vingt-cinq ans se sentait entachée, indélébilement, et ressentait peu d’affection pour ce monde de pulsions et de bêtes.

Les dernières phrases que la danseuse blonde lui asséna la clouèrent sur place, son visage devenant livide. Tour à tour, elle se mit à scruter l’endroit où Ania avait disparu. Puis la chambre.
Et enfin Miki.

Miki.

Le seul à qui elle semblait faire un tant soit peu confiance. Contre le mur, en retrait dans la pénombre légère qui y subsistait, les iris bleutés de la jeune femme se ravivèrent, tranchants et polaires.

« ..Une épreuve. »

Sa voix grondait sourde et puissante. Alors qu’au fond d’elle-même, la peur commençait à nouer son estomac, et elle frissonnait sous ses atours rouges et vieil or, sous ses lourdes boucles sombres qui couvraient ses épaules.
Soudainement, la prostituée se rapprocha de Miki, les yeux bridés. Inquisiteurs.
Lui. Il devait pertinemment le savoir, vu de la manière dont l'autre lui avait parlé.
« …De quoi est-ce que cette putain parle ? »