Lac Ryma

Gavriel rêvait qu'il portait Fanaa dans ses bras. Ils venaient de se marier et il l'emmenait, heureux et fier vers leur chambre nuptiale. Il était fou de joie. Elle l'embrassa dès qu'ils passèrent la porte. Quelques secondes plus tard ils roulaient sur le lit et elle lui enlevait son pantalon en haletant "vite, vite!". Ravi de son empressement, il assurait comme une bête. Dans son rêve il était son premier, il le savait. Tout s'était passé comme prévu, c'était un destin sans anicroche, sans shalos pour le devancer. Gavriel était heureux. Alors qu'il était en phase de terminer, il lui demanda "dis mon nom, dis mon nom ma belle!" Il la voyait sourire et se mordre les lèvres, il savait qu'elle aimait leur étreinte, qu'elle l'aimait lui. Elle ouvrit la bouche pour parler mais il y allait s'y fort qu'elle ne pouvait que haleter. "Dis mon nom Fanaa, je veux t'entendre!" A la toute fin, au moment crucial, il se tendit et émit un râle de soulagement tandis qu'elle se cambrait d'une façon si sensuelle qu'il se sentait prêt à repartir pour un tour.
"Syld!" lâcha-t-elle dans un souffle, souriante, essoufflée, les joues rougies par l'effort. L'image même d'une femme comblée. Alors quoi ? "Petit joueur va. Il ne te suffira pas de bourriner pour me remplacer. J'ai une place plus importante que ça, MOI." Cette voix, c'était celle de cet abruti d'assassin, c'était sûr! Et l'entendre lui avait coupé tous ses moyens. Il regardait à droite, à gauche, cherchant la trogne de l'indésirable. Il sentit les mains de Fanaa sur ses épaules, elle l'appelait, elle en voulait plus. Quelques secondes et il lui donnerait tout ce qu'elle voudrait. Tout. Il baissa les yeux pour la voir finir de s'attacher un bandeau noir sur l'œil. Comme lui. Bon sang que fallait il faire pour l'effacer totalement et à jamais ? Si le tuer n'avait pas suffi, y avait il seulement un moyen ?

Gavriel s'éveilla en sursaut et passa sa main dans ses cheveux. Qu'y avait il dans cette foutue tisane. C'était sensé le détendre, l'aider à dormir et au final il cauchemardait. Lorsqu'il releva la tête, Fanaa était à quelques pas, traversant le salon vers l'escalier.

- Ca va ? Tu n'arrives pas à dormir, toi non plus ?

Elle ne répondit rien, se contentant de désigner l'étage.

- Tu veux que je t'accompagne te recoucher ?

Elle fit "non" de la tête. Gavriel sourit, était-ce les brumes du sommeil ou celles de la tisane ? Il se sentait bien et savait ce qu'il avait à faire. Il n'avait que trop attendu.

- Je viens, ne t'inquiète pas.

Fanaa secoua de nouveau la tête mais de façon plus incertaine.

Le Levitis se leva, prit la main fine dans la sienne et grimpa les marches. Il entrouvrit doucement la porte de Fanaa pour vérifier que personne n'occupait l'autre moitié du lit, puis, rassuré de voir la pièce totalement vide, il entra en compagnie de la jeune fille et referma la porte sans bruit avant de se tourner vers elle.

- Seuls tous les deux mon petit ange. Viens par là.

Il ôta doucement la chemise de nuit avant de la poser sur le siège de la coiffeuse. Fanaa remonta ses bras contre elle pour cacher sa poitrine et Gavriel trouva cette timidité charmante.

- Tu te caches mais tu ne devrais pas, tu es si belle.

La poupée se mordit la lèvre et ne dit rien. Gavriel la rejoignit et dégagea une oreille des longues boucles sombres. Le joyau rougeoyait dans la pénombre. Il osait le narguer. Le jeune homme se força au calme tandis qu'il ôtait à Fanaa son bijou d'oreille. Elle tressaillit lorsqu'il le jeta négligemment au sol.

- Voilà, c'est mieux comme ça. Maintenant tu peux être mienne, entièrement mienne.

Il voulut l'embrasser mais elle détourna la tête et fit un pas en arrière. Curieusement, sa réaction fit sourire Gavriel. Il se sentait bien, si bien ! Il se retint de rire parce qu'il ne voulait faire aucun bruit et saisit son visage et le maintint entre ses mains.

- Je t'aime Fanaa. Laisse toi faire, toi aussi tu vas m'aimer, tu verras ...


Le reste ... n'est pas à raconter. Aucun bruit ne sortit de la chambre. Nul ne pouvait imaginer la scène qui s'y déroulait. Cette nuit avait tout l'air d'être une nuit comme les autres.


Ce n'est qu'à l'aube que Gavriel réintégra le canapé, plus euphorique et détendu de jamais. Merci Michael pour les conseils, merci Kyara pour la tisane libératrice. Merci Fanaa pour tout le reste !

La voleuse fronça les sourcils... La petite danseuse était assez taciturne et dans ses rêves... mais la, elle avait plutôt l'apparence de quelqu'un dans ses cauchemars.

Adwel se leva et s'approcha de la belle, la boucle d'oreille dans le creux de sa main. D'une voix douce et maternelle quoique tintée d'une légère inquiétude, elle se mis a genou près d'elle, et sans la toucher, fit:

- Fanaa? Fanaa, ouvre les yeux. Tu as perdu ton bijou. Il est la, dans ma main. Tu devrais le remettre a ton oreille... tu es si jolie avec cette petite boucle!

Sa voix était douce et claire, comme un petit ru bondissant. Les paroles coulaient pour apaiser la petite poupée qui semblait tétanisée. Adwel voulait avant tout qu'elle revienne a la réalité. Elle aurait ensuite tout le temps de savoir ce qu'il s'est passé.

Cette voix, elle la reconnaissait. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas entendue, pourtant elle ne l'avait pas oubliée. Cette voix appartenait à la toute première personne qu'elle avait vue quand elle était née. C'était sa maman-oiseau-bleu.

Fanaa ouvrit les yeux pour s'en assurer et le soulagement se peignit sur ses traits.

- Adwel !

A quatre pattes elle sortit de sa cachette, passa ses bras autour du cou de la voleuse et se cramponna à elle avant d'éclater en sanglots. Les grosses larmes coulaient dans la chevelure aux reflets bleutés.

Adwel serra la petite poupée qui, a son grand soulagement, l'avait reconnu.

Et bien et bien petite fille. C'est tout... Tout va bien... tu va abimer tes jolis yeux.. ce serait dommage! hein? aller, ça va aller...

La voleuse caressait doucement la chevelure de la danseuse.

Que c'est-il passé ma belle? un cauchemar? tu as mal dormi? tout va bien maintenant... les méchantes ombres sont parties... Le soleil se lève... on ouvre les rideaux? le soleil va poser ses rayons sur le lac...

Elle ne voulait pas trop la brusquer... attendant que la petite se calme.

Fanaa aquiesça et suivit Adweliwen à la fenêtre. Une fois les rideaux ouverts, on pouvait voir le lac, comme la mediovienne l'avait dit.

La poupée pointa l'étendue bleue où miroitait le soleil de doigt et tirant un peu sur la main d'Adwel. Elle alla jusqu'à la porte, toujours pieds nus, toujours en chemise de nuit. Visiblement, elle voulait sortir avec la voleuse.

- Adwel ? Lac ?

Oui, sortir, allez prendre l'air, loin de la maison, loin de ce mauvais rêve. Elle battit des paupières et joignit les mains.

- 'plait ...

Car on dit toujours s'il te plait quand on demande quelque chose ^^

La petite poupée avait l'air de se détendre mais aussi de vouloir fuir... Adwel sourit.

- D'accord petite mademoiselle, mais il va falloir s'habiller!

Elle s'approcha de Fanaa et observa la robe de nuit

- Regarde, il y a plein de poussière sur ton vêtement... Alors... si tu mettais ta jolie robe bleue? et ensuite, on ira faire un tour au lac. d'accord? Je te laisse t'habiller seule?

- Mmh. aquiesça la poupée.

Elle enfila la jolie robe qu'elle portait le jour de sa "naissance" et saisit la main de la voleuse pour la lâcher aussitôt et s'agenouiller au sol pour regarder sous le commode, derrière la porte, dans l'armoire et finalement ramper sous le lit pour en ressortir avec le poupon borgne. Elle l'épousseta et lui fit un bisou puis retourna à Adweliwen. La statuette de Rayah dans une main, le poupée dans l'autre, elle ne pouvait plus tenir la main d'Adwel ce qui l'embêtait un peu.

Il fallait choisir et ce n'était pas facile. Le cadeau de 'Reen ? Ou celui de Kya' ?

Après quelques secondes de réflexion les sourcils froncés (comme quoi le sujet était des plus sérieux!) elle reposa la statuette sur la coiffeuse. Après tout, elle était déjà allée au lac alors que le poupon n'était jamais sorti du jardin, lui.
Une fois son choix fait, elle put sortir en compagnie de la jolie voleuse.

Dans l'escalier, elle mit son doigt sur sa bouche pour faire signe à Adwel de garder le silence. Dans son regard une ombre passa tandis qu'elle traversait le salon sur la pointe des pieds en retenant son souffle.
Ce n'est qu'une fois dehors qu'elle put de nouveau respirer.

C'est aussi avec beaucoup de précautions qu'elle traversa le jardin mais une fois dehors elle entraina Adwel vers le lac en courant.

Une fois devant l'étendue d'eau bien aimée, elle émit son habituel cri d'admiration.

- Ooooooooooooooooooh !


Un petit rire de joie et elle regarde sa maman-oiseau-bleu dans les yeux. Elle dut y lire du souci car elle arrêta de sourire et la pointa du doigt.

- Adwel ? Où ?

Bonne question ça, où était passée la jolie voleuse depuis tout ce temps ?

- Voilà. Nous y sommes.

Lynn se sentit quitter les bras et le torse tout tiède puis gentiment déposée sur de l'herbe.

Le chat miaula pour attirer son attention et se roula sur le dos pour réclamer caresses et attention. Ben oui, il ne s'agirait pas qu'elle l'oublie si vite !

*Oulà*
L'homme l'avait soulevée sans crier gare, et transportée sans paraître en souffrir le moins du monde. Pas de transpiration, pas de tremblement dans les bras, pas d'accélération du souffle... Elle ne se considérait pourtant pas comme un poids plume... Elle avait donc affaire à quelqu'un de fort!
Mais qui pouvait-il bien être? Elle ne reconnaissait pas cette voix, qui s'adressait à elle comme s'ils étaient proches...
Lynn apprécia en connaisseuse la façon dont l'homme détourna la conversation de lui-même sans en avoir l'air, tout en la complimentant au passage. Elle était toutefois bien trop intriguée pour se laisser distraire aussi facilement...

homme mystère a écrit:

- Voilà. Nous y sommes.

"Nous y sommes? Où donc? "

Elle tendit la main et se mit à gratouiller le ventre du chat.

"Et pardonnez-moi de ne pas vouloir lâcher le sujet mais... qui êtes-vous? Vous me parlez si cavalièrement... je n'ai pourtant pas l'impression de vous connaître..."

Elle attendait une réponse... qui ne venait pas. En fait, elle avait presque l'impression que l'homme s'était volatilisé. C'est alors que son attention fut détournée par le chat.

"Tu es un vrai clown toi!"

Le félin revint, se jucha sur elle et plongea son regard dans le sien. La jeune femme aurait facilement pu se perdre dans ces yeux... l'animal s'approcha encore, presque nez contre nez. La vue de Lynn se brouilla comme elle louchait... elle ferma brièvement les paupières pour refaire le point. Les rouvrit...

Devant chacun de ses yeux, un joyau. Elle resta figée, en contemplation, incapable même de penser. Puis l'impressionnante quantité de signaux que lui envoyait ses sens parvint à attirer son attention.
Chaque joyau était un oeil à la pupille fendue, l'un à l'iris d'or, l'autre à l'iris bleu... des yeux de chat. Sauf que l'écartement ne collait pas.
Contre le bout de son nez quelque chose pressait, qui avait, hum, la texture et la consistance d'un autre bout de nez en fait...
Sur ses épaules, les pattes de velours du félin avaient été remplacées par quelque chose de plus long, plus large, moins poilu, pourvu de doigts... des mains...
Et sur ses genoux... Le poids était considérablement plus élevé que celui du chat. Aucun doute possible. Surprenant d'ailleurs qu'elle ne s'en soit pas rendu compte avant tant la différence était flagrante.
Comme elle ne réagissait toujours pas, la partie lucide de son esprit décida de s'exprimer plus clairement, et lança à la partie inerte: *Youhou, tu as un être humain sur les genoux... *

"Par les vents, non mais ça va pas la tête!?"

Les réflexes s'étaient enfin déclenchés. Elle repoussa l'individu non-identifié qui se retrouva dans l'herbe, les quatre fers en l'air.

"Les jeunes hommes bien élevés - bon sang, et quel jeune homme! Maintenant qu'elle le voyait en entier... Mais oui, elle le voyait!- n'escaladent pas les demoiselles sans y avoir été invités!
Mais qu'est-ce qui se passe à la fin!? "

Les quatre fers en l'air, donc, ledit jeune homme se mit à rire, un rire clair et joyeux, à s'en tenir les côtes.

- Ah Lynn tu es trop drôle !

Il tourna vers elle son visage éclairé par un sourire et ses yeux magnifiques brillant de malice. Il se releva et revint vers Lynn. Sans prévenir encore une fois il passa ses bras sous elle et la souleva, avant qu'elle n'ait eu le temps de réagir. C'est qu'il savait être vif, l'animal !

Tenant Lynn dans ses bras, il se mit à tourner de plus en plus vite, tandis que son visage irradiait de joie. Il rit encore.

- Ce qu'il se passe ? Ce qu'il se passe Lynn ? Tu ne vois donc pas ? Ah si avoue, tu me vois n'est-ce pas ? C'est fantastique !

Il rit de nouveau, il se sentait bien ! Puis arrêta de tourner mais ne reposa pas la jeune femme au sol. Avec un demi-sourire et l'air de ne pas y toucher, il répondit à la belle dans ses bras.

- Et une jeune fille bien élevée, est-ce que ça demande à n'importe quel inconnu de l'emmener elle-même ne sait où ? N'est-ce pas cavalier chère amie de planter là son fidèle compagnon félin pour le premier blanc-bec venu ? Alors tu vois Lynn, nous avons tous les deux certaines bases d'éducation, et savons donc que les règles sont faites pour être ... contournées !
C'est fantastique !

Il ne faisait pas allusion auxdites règles pour sa dernière exclamation et se remit à tourner avec Lynn avant de s'arrêter à nouveau.

- Ca va Eyrol, pas trop le tournis ?

Un bref instant, elle sentit l'elixia se concentrer au bout de ses doigts. Homme, inconnu... menace!... mais quelque chose la retint. Cette familiarité...
Et elle le voyait.
Et il avait pris instantanément la place du chat. Dont il avait les yeux.
Un chat si intelligent. Et si... galant.


"Non... Tu n'es quand même pas..."

C'était difficile de mettre de l'ordre dans la confusion quand un homme se prenait pour un manège et vous donnait le tournis. (D'autant plus que l'homme en question n'avait aucun besoin de jouer les centrifugeuses pour faire tourner la tête à une demoiselle...)

"Tu..."

C'était impossible... et pourtant c'était la seule explication possible.

"Tu ES le CHAT???"

Ses yeux pétillaient.

- Mais c'est que tu es aussi maline que tu es belle, Lynn ^^ ça ne m'étonne pas de toi. Hmmm ...

Il se fit pensif et bougea légèrement le bras qui maintenait les épaules de Lynn.

- Dis, tu pourrais me gratouiller la tempe s'il te plait ? Je le ferais bien moi-même mais je risquerais de te faire tomber. Et alors là, oui je serais cavalier. Ce n'est pas mon attention. Alors, oui ... on doit pouvoir dire ça comme ça je suis le chat. Ah et tant que j'y pense, merci. J'ai beaucoup apprécié tes caresses ^^ et ton côté moulinette à paroles xD hahaha c'était mignon et super drôle. je dois t'avouer qu'il m'est arrivé plus d'une fois de décrocher mais c'est pas grave, il y avait ta voix. Ta voix me berce.

Coup d'oeil malicieux.

- Du moins, tant que tu ne la hausses pas de trop !

Lynn s'empourpra. S'il était le chat, cela voulait dire que c'était à lui qu'elle avait gratté le ventre quelques instants auparavant. Avec lui qu'elle avait dormi. Que c'était lui qui se promenait innocemment à côté tandis qu'elle prenait son bain le matin même...
*Et alors?* lui souffla une petite voix. *C'est pareil pour Eyrol non?*
*Non bon sang! C'est un métamorphe! Un humain! Un Homme! ça change tout!*
C'était peut-être bête, mais elle se sentait... trahie.

"Je ne te gratouillerai rien du tout. - il y avait suffisamment de chaleur dans sa voix pour, mettons, geler des flammes... - Et je te saurais gré de bien vouloir me poser immédiatement. Tu as apprécié les caresses hein? Celles que je te destine si tu ne prends pas tes distances avec moi suffisamment vite risquent d'être beaucoup moins à ton goût. Et estimes-toi heureux, d'habitude je ne préviens pas.
Qui es-tu? D'où est-ce que tu viens? Qu'est-ce que tu veux?"

- oh.

Tout sourire quitta le visage du jeune homme. Toute la chaleur qu'il avait senti en lui, que lui avait procuré la joie d'être vivant et garçon ... gela.

- Tu es fâchée.

Il la reposa au sol et recula de quelques pas. Il secoua la tête en regardant vers le sol.

- En même temps cette façon d'être te ressemble plus. Tu es de celles qui se méfient des hommes. Des femmes aussi d'ailleurs. La plupart du temps. Tes réflexes de défense sont revenus, je vois.

Il se passa une main dans les cheveux, gêné. Peiné, surtout.

- Je suis désolé, Lynn.

Il avait découvert la joie, l'allégresse, il connaissait le contentement, il découvrait dès à présent la tristesse. C'était lourd, froid et douloureux. Il se serait bien passé de connaître cette émotion mais il le fallait. Il fallait le vivre pour le comprendre. Et pour comprendre ce que les autres vivaient.

Seulement, probablement parce qu'il était encore trop vierge de ces émotions humaines, la virulence avec laquelle celle-ci le prit d'assaut, sans prévenir, sans qu'il y soit préparé, lui fit si mal, que ses yeux, les deux joyaux incroyables qu'étaient ses yeux, se remplirent de larmes.

Quelque part quelque chose lui disait qu'un garçon humain, même Sek aurait vu d'un sale oeil l'expression de son chagrin. Il le savait mais ces considérations de fierté masculine ne le touchaient pas. Il ... il cherchait autre chose et ... ne savait pas encore se protéger de la violence des émotions.

Il y avait quelque chose d'incongru dans ce grand jeune homme trop beau pour être humain dont les yeux -ah ces yeux!- ruisselaient d'un chagrin sincère. D'incongru et de surnaturel. Mais de ... touchant ...

"Comment pourrais-je ne pas être fâchée!? Je croyais avoir affaire à quelqu'un, et j'ai affaire à quelqu'un d'autre en réalité! Tu ne vas pas me dire que tu ne te rends pas compte de la gravité de..."

Mais... voilà que l'homme pleurait maintenant. C'était le monde à l'envers! Il la blessait, et c'était lui qui semblait en souffrir!
On aurait dit un gamin venant de se faire gronder pour la première fois et ne comprenant pas pourquoi. Bon, un grand gamin. Un grand et séduisant gamin.
*C'est pas vrai...*
Elle lâcha un soupir. S'assit. Tapota l'herbe à côté d'elle.

"Allez, viens par ici et sèche tes larmes. Tu sais... quand on est un chat, c'est assez simple de se faire apprécier, et on peut se permettre pas mal de choses. Quand on est humain, il y a certaines conventions à respecter. Par exemple... dois-je continuer à t'appeler "Messire Chat"? "

Le fait que Lynn lui parle de nouveau faisait très plaisir au jeune homme mais il n'osa se laisser aller à être tout heureux, de peur que la levitis change de nouveau d'avis.

Il alla s'asseoir à côté d'elle et l'observa, à la recherche d'explications.

- Quelqu'un d'autre ? Réalité ? Mais Lynn ... c'est moi !

Ben oui, c'était lui ! La forme changeait mais ... enfin ça restait lui !

Il s'essuya les yeux comme elle l'avait demandé. En chat, il n'aurait agi que selon ses envies à lui. En humain ... il avait le réflexe de faire ce que lui demandait la jeune femme.

Il eut une ébauche de sourire et ses yeux pétillèrent de nouveau lorsqu'il répondit :

- Mais Lynn, tu ne dois rien du tout ! Ni m'appeler "Messire Chat" ni me vouvoyer ! C'est toi qui a eu ces idées et qui t'es mise à le faire.
J'ai aussi l'impression que c'est plus facile d'être un chat. Mais aussi ...

Il soupira.

- ... Je ne devais pas être humain déjà. Je ne suis pas prêt. Je voulais encore apprendre, encore observer. Je ne sais pas ce qui s'est passé. C'est sûrement parce que je suis bien avec toi. Que je te fais confiance. Et aussi parce que tu as besoin d'aide. Du moins je l'ai cru.

Il leva ses bras protection au dessus de lui et se retint de rire.

- Pas taper hein ! Je sais que tu es très forte. C'est juste que j'ai voulu t'aider dans la rue. En chat je pouvais te guider mais pas empêcher les rustres de te bousculer.

Lynn était encore un peu perdue dans les réponses de l'homme. C'était comme si son esprit ne fonctionnait pas comme...

Miaou a écrit:

- ... Je ne devais pas être humain déjà. Je ne suis pas prêt.

*Mais alors...*

"Mince! Tu veux dire que tu n'as jamais été humain avant!? Ça explique bien des choses... Enfin, ça laisse pas mal de mystères quand même. Mais... Hem.
Bon d'accord, je vois. Toi, c'est toi. Oui. Tu es fondamentalement un chat...
Alors peut-être y a-t-il certaines choses que tu ne comprends pas encore... Je sais que rien ne m'oblige à t'appeler "Messire Chat", par exemple. C'était une façon de te demander ton nom.
C'est important les noms pour les humains.
Hum, et sauf dans certaines circonstances, les humains ne se gratouillent pas mutuellement n'importe où. Et il est souvent considéré comme inconvenant par un humain d'être vu nu par un humain de sexe opposé. Mais là encore, il y a des exceptions."

Lynn retrouva le sourire.

"Hum, pour ce qui est de la galanterie et des compliments, tu te débrouilles drôlement bien dis donc... C'est une habitude que je t'encourage vivement à conserver."

- Avant que tu ne m'en fasse la remarque j'ignorais que c'était si compliqué. Pourtant je sais plein de choses ! Mais il semble qu'en pratique, ce soit différent de ce que j'ai appris. Tiens par exemple, j'ignorais qu'affubler quelqu'un d'un sobriquet revenait à lui demander son nom. Je pensais qu'il fallait poser la question.
Et puis quand on est légèrement mal à l'aise ou qu'on réfléchit à quelque chose, il arrive qu'on se gratte la tempe. Et si je l'avais fait moi-même tu serais tombée. C'est pour ça que je t'ai demandé.

Il eut un demi sourire et regarda Lynn en coin.

- Pour la nudité, la pudeur ... moi je suis d'avis que la beauté ne devrait pas être cachée. Mais je ne regarde pas de femme nue sans autorisation ou invitation. Premièrement ...

Il haussa les épaules.

- Je n'en ai pas spécialement envie. Deuxièmement ...

Son sourire se fit charmeur autant que sincère.

- Je n'ai pas besoin d'aller voir comment tu es sans tes vêtements. Je sais que tu es très très belle Lynn. Aller regarder comme pour m'en assurer serait un affront à l'évidence.

Il tendit les bras, les enroula autour de Lynn et l'attira doucement vers lui pour un câlin, espérant qu'elle ne se fâcherait pas de nouveau. Ses colères l'attristaient. Il tenait beaucoup à elle.

- Tu veux bien ne plus être fâchée ? Je ferai attention. C'est promis.

Lynn se laissa aller dans les bras de l'homme... en rougissant.
*C'est un chat, un chat, un chat... *- essaya-t-elle de se convaincre. Mais quand tous vos capteurs vous indiquent que vous vous trouvez dans les bras du plus beau et charmant jeune homme que vous ayez rencontré, vous avez beau savoir que c'est un félin...


"Je ne suis plus fâchée... "

Comment aurait-elle pu l'être?

"Tu veux bien me dire ton nom?"

Rasséréné, il referma ses bras en douceurs autour de Lynn et l'embrassa sur la tête puis chuchota, le museau dans ses cheveux :

- Je suis content Lynn que tu ne m'en veuilles plus. Je t'aime beaucoup, tu sais ...

Doucement, il la plaça de façon à ce qu'elle soit assise au sol, entre ses jambes à lui, son dos contre le torse du jeune homme. Il posa ses mains sur les épaules de Lynn et les fit glisser le long de ses bras pour aller attraper ses mains. Les mains de la levitis toujours dans les siennes, il croisa les bras sur le ventre de la jeune femme de façon à l'enlacer tendrement.

- Je m'appelle Lyrev. murmura-t-il encore une fois dans ses cheveux.

Il releva la tête et prit une voix toujours douce mais un peu plus forte.

- Tu m'as demandé où nous étions, nous somme à Medievir. Au bord du lac. Devant toi, Ryma s'étend tel une grande nappe de ciel. Elle brille comme les plus beaux joyaux de la Harpe Sacrée, comme les yeux de la Reine Leryanna. Il y a une petite brise, légère, qui fait des petites vaguelettes à la surface de cet immense miroir reflétant le bleu des cieux. Le sommeil du Dragon est donc calme. Le ciel est tout bleu, il n'est pas un nuage qui s'y promène aujourd'hui. Il fait très doux. L'herbe est grasse et verte, si des herbivores se baladaient par ici, ils en feraient un festin. Il y a des petites tâches de couleur, des fleurs sauvages. A première vie elles semblent éparpillées au hasard mais ce n'est pas le cas. Pas dans la cité des arts. Si on le regarde de haut, on distingue un motif, un très joli motif. Mais ceux qui en profitent sont les oiseaux et les papillons. Eyrol pourrait voir lui aussi si ça l'intéressait. A propos de papillon, il y en a quelque uns qui batifolent sur la droite, un mauve, un jaune, un blanc. Oh sur ta gauche des abeilles butinent les fleurs dont je t'ai parlé, je suis sûr qu'elles se régalent du nectar. Le parfum des fleurs d'ici est spécial ...

Sa voix profonde résonnait dans sa cage thoracique et les vibrations se propageaient dans le dos deLynn. Il continua ainsi à lui décrire le paysage, l'endroit où ils se trouvaient, c'était sa manière de lui "montrer" le monde ...