Hutte des Délices (QG du Gros)

Incapable de rester tranquille après une si longue immobilité, Syld amorça un demi-tour dans le couloir. Mais il buta presque aussitôt contre un obstacle imprévu. Pas encore très stable sur ses jambes, et complètement pris de court, il ne put faire autre chose que basculer avec l'"obstacle" invisible.

- Ouch ! Ah, je me demande si je ne devrais pas prendre ma retraite, là, tout de suite...

Le sol était un peu dur, mais quelque chose de moelleux avait en partie amorti la chute.
... moelleux ?

- Fanaa ?

Syld se redressa sur les coudes, les cheveux dans l'oeil.

- Par les Ombres, ça c'est du camouflage !

Elle reparut instantanément.

- Syld ça va? je suis désolée, je ne comptais pas te faire tomber !

Elle se plaqua brutalement une main sur la bouche en réalisant qu'avec son exclamation, elle n'avait pas respecté son serment de discrétion. Mais, réalisant tout aussi soudainement que le chenapan l'avait rompu avant elle, elle se détendit. Un tout petit peu.

Puis elle lui sourit, souleva une mèche de ses cheveux fous et souffla à son oreille, caressant sa tempe de son haleine tiède.

- Je te l'ai dit, maman m'a appris des choses. Et je m'efforce d'être une bonne élève.

Elle profita d'être si près de lui pour poser un bisou sur sa joue puis se remit debout et l'aida à faire de même.
Elle chuchota à l'attention des deux assassins :

- Alors? Qu'avez vous découvert? Je peux me cacher mais je n'entends pas à travers les murs, moi...

- Eh bien...

"Bonne élève" ? Tu parles ! A ce point-là ça tient plus du prodige qu'autre chose !

Puis son regard glissa sur la marque noire qui s'étalait sur la peau blanche de la jeune femme.

Un prodige, hein ?

Syld s'épousseta les manches pour donner le change. Et, tant qu'à faire, tenter de mettre un peu d'ordre dans ce qu'il savait.

- Les ramifications de cette histoire remontent plus haut que prévu. Mais...

Le brigand hésita, puis coula un regard de naufragé du côté de Soghann, comme si son compère allait brusquement sortir de la profonde réflexion où il était plongé et fournir un magnifique raisonnement qui donnerait un sens à tout ce fatras.

- En fait...

Le jeune homme s'interrompit une nouvelle fois. Il se frappa le front avec une exclamation étouffée.

- Raah ! Non, franchement, je-ne-com-prends-pas ! Pour commencer, qu'est-ce que cette fichue Harpe sacrée à la noix à de si spécial, pour qu'un des hommes les plus puissants de Shalanos se mette à faire le mariole dans le dos de ceux qui sont encore plus puissants que lui, au risque de tout perdre ? J'ai dû me faire traiter de crétin au moins trois fois par jour depuis ma création, mais je voudrais bien savoir si c'est moi qui est vraiment stupide, ou si cette histoire est vraiment dingue, mince, quoi !

- Mais non, c'est sûr que c'est l'histoire qui est un grand n'importe quoi, pas ton esprit. tenta gentiment de le rassurer Fanaa.

- C'est vrai la harpe sacrée c'est un objet médiovien très important... pour les Medioviens. Que pourrait il apporter aux Shalos?
Enfin je dis ça mais hélas je n'y connais absolument rien. Et les complots... Enfin je veux dire seuls ceux qui sont vraiment concernés sont à même de démêler les fils inextricables de cette affaire.

*de ce grand n'importe quoi, oui* songea-t-elle, à part.

Elle avait beau chercher, elle ne comprenait rien à rien, il faut dire qu'avec les seuls éléments que lui avait donnés Syld, c'était bien trop brouillon pour en saisir quoi que ce soit de logique. Quant à savoir ce que Sogh et Syld venaient faire en plein milieu ?

La jeune femme secoua la tête. Pas la peine d'y réfléchir, elle n'y réussirait pas de toute manière.
Imitant Syld, elle se mit à regarder Soghann. Du moins l'endroit où il se tenait vu qu'il restait invisible.

- Sogh ?

Le camouflage du Shalos disparu progressivement, tandis que les Ombres se dispersaient autour de lui. Comme s'en doutait Syld, il réflechissait activement à ce qu'ils venaient d'entendre. Il se frotta le menton, le regard perdu dans le vague, et se mit à parler autant pour lui que pour les autres. Contrairement à son compère, il ne fit pas mine de remarquer les aptitudes extraordinaires de Fanaa. Il avait prit le parti de s'en accommoder, pour y réfléchir plus tard. Ils avaient d'autres soucis un peu plus urgents pour l'instant, même si sa maîtrise des Ombres quasi-insouciante lui portait sur le système.

- Cette harpe est en effet un mystère. Je doute qu'elle ait de véritable pouvoir, si ce n'est celui de mettre Medievir en effervescence. Quant à ce que les amis du Taciturne comptent en faire, c'est un autre mystère. Sans doute s'en servir comme monnaie d'échange, mais contre quoi et avec qui ? Surtout dans le dos du Maître de la Guilde ? Un coup d'état, peut-être ? ça justifierai pas mal de choses, même si je doute que certains soient assez fou pour se croire capable de défier le Souverain en son Royaume. A moins qu'ils ne veuillent s'en servir pour provoquer la colère des Medioviens et la diriger contre quelqu'un, pour provoquer une nouvelle guerre ? Ce serait certes lucratif, mais de là à prendre autant de risques alors que nous avons déjà un ennemi commun...

Quant au rôle de la pierre, il me paraît évident. Elle cache peut-être un pouvoir quelconque, mais c'est surtout la preuve que la Harpe est ici, ou l'a été. Son possesseur pourrait créer de sacrés ennuis à pas mal de gens s'il en parlait aux Médioviens.

L'assassin fit une pause, en profitant pour jeter un oeuil à ses compagnons.

- Tenter quoi que ce soit pour résoudre nous même le problème en mettant à bas le complot quel qu'il soit est bien trop dangereux. De toute évidence, tout tourne autour de la pierre : c'est elle qui nous a mis dans cette situation. Nous devons donc nous en débarrasser. Pour ça, trois solutions :

Les yeux levés vers le plafond d'une propreté douteuse, le Shalos se mit à compter sur ses longs doigts.

- Primo, nous pouvons rendre la pierre au Taciturne, en échange de notre "immunité". Cela ne les empêchera de vouloir se débarasser de nous parce que nous en savons trop.
Secundo, on peut s'arranger pour que quelqu'un d'autre la trouve, de façon à ce que leur attention se reporte ailleurs. Mais cela pose le même problème.
Tertio, et c'est ce qui me paraît le plus sage, c'est parler de tout ça au Maître. Je doute qu'il apprécie ces nouvelles, mais au moins nous pourrons compter sur sa protection. Je doute que le Taciturne et ses compères soient très "clairs", et on risque de faire tomber pas mal de tête. Mais tant que ce ne sont pas les nôtres...

Ton avis ?

- Il me semble avoir suggéré au moins deux fois que l'un de nous aille mettre qui de droit au courant de tout ça. Donc je vote pour le "tertio", histoire de rester cohérent.

S'adossant au mur, Syld leva malgré tout un doigt.

- Il n'y a qu'un seul problème : on ne nous laissera sans doute pas avoir une entrevue avec le Maître aussi facilement. Et, si Achmed est bel et bien impliqué... On pourrait même avoir du mal à seulement nous approcher de la Guilde. Il doit déjà être au courant du fait que c'est nous qui avons ce fichu cailloux. Pour lui, ce serait un jeu d'enfant de mettre nos noms sur la liste noire. Et puis quel instructeur, quel apprenti, quel assassin irait mettre en doute sa parole ou lui demander justification ? Il ne l'a sans doute pas fait, de peur d'éveiller l'attention du Maître, cependant...

Le jeune homme se mordilla nerveusement l'ongle tout en poursuivant dans un marmonnement :
- Il est prudent. Il ne serait pas là où il en est aujourd'hui sans ça. Il y a fort à parier qu'il a fait passer quelques ordres discrets, au cas où nous tenterions de nous rendre à la Guilde. On ne pourra se fier à personne. Non, on ne peut déjà plus se fier à personne.

Syld se passa une main lasse sur les paupières.

- Si nous sommes "attendus", ce ne sera pas facile d'aller très loin sans ennui. Ah, après le palais, c'est sans doute l'endroit le plus difficile à infiltrer de tout Shalanos ! Au moindre incident, on risque de se prendre sur le dos l'intégralité des assassins confirmés ou pas qui logent dans ces murs. Ca m'étonnerait qu'on ait le temps de se justifier dans ce cas-là.

Pris d'une inspiration, le jeune homme se retourna vers Fanaa. Elle, elle n'était pas connue. Et avec la marque de Sentence personne ne l'empêcherait de passer, même si elle ne faisait clairement pas partie de la caste des assassins.
Personne...
Sauf quelqu'un qui de toute façon semblait déjà s'opposer au souverain lui-même.
Non, mieux valait ne pas tenter cette approche.

Syld cessa de se tapoter la tempe du bout de l'index et émit un petit rire bas, l'oeil soudain pétillant.

- Intéressant, tout ça ! Vraiment intéressant...

Comment Syld pouvait il trouver tout cela intéressant? Fanaa trouvait plutôt l'affaire compliquée et dangereuse. Elle tentait de comprendre les tenants et les aboutissants de ce sac de noeuds mais peine perdue.
Bah de toute façon, elle ferait ce qu'on lui indiquerait voilà tout. Elle voulait absolument se rendre utile. Et éviter d'être renvoyée à la maison telle un poids aux chevilles de ses compagnons.

Elle osa tout de même lever une main hésitante pour demander la parole :

- Euh juste... peut être qu'on ne devrait pas rester en plein milieu du couloir pour réfléchir à tout ça. Certes l'ennemi est parti mais ici cela reste un lieu public. N'importe qui peut débarquer. Et... on nous voit. Et... on n'a pas l'air de faire partie de la faune d'ici.

*Quoi que...*

Passant les pouces à sa ceinture, Syld haussa les épaules.

- Hé, ce couloir n'est pas plus mal que n'importe quel autre endroit de Shalanos. L'escalier grince un peu. Si un "client" décide de monter, nous l'entendrons arriver. D'accord, il serait possible d'espionner notre conversation à travers les murs comme nous venons tout juste de le faire. Mais le problème serait le même pour une bonne partie des bâtiments de Shalanos.

Le jeune homme lâcha un soupir.

- L'idéal aurait été la maison... mais elle doit être étroitement surveillée. D'ailleurs je pense qu'on aura pas mal de rangement à faire en rentrant. Aah, j'espère juste qu'ils n'auront pas été éventrer les matelas lors de leur fouille des lieux ! J'aimerais bien dormir sur autre chose que le plancher lorsqu'on aura réglé cette affaire.

A défaut d'avoir un bout de foulard à mordiller, il se mit à suçoter l'extrémité d'une de ses mèches de cheveux. La lassitude s'effaçait devant l'excitation.
La pensée répondant à la dernière remarque de Fanaa ne fit d'ailleurs que lui traverser l'esprit. Ils n'avaient pas l'air de faire partie de la "faune" typique qui hantait les couloirs et les chambres d'un lupanar ? Vraiment ? Les bordels de Fedoran étaient-ils si différents de ceux de Shalanos ?
Syld repoussa aussitôt cet accès de rancoeur encore trop vivace à son goût et décocha un coup d'oeil interrogateur du côté de Soghann, sans cesser de suçoter sa mèche de cheveux.

- Alors, quèch-qu'on fait ? On réfléchit à un magnifique plan d'attaque -qui changera en cours de route, bien entendu-, ou on y va à l'inchtinct ? Ch'ai l'imprechion qu'on va y rechter juchqu'à la prochaine fonte des neiges si on échaye de trop réfléchir...

Soghann fit la moue, comme s'il répugnait à parler de nouveau.

- Vous avez raison tous les deux.

S'animant brusquement, l'assassin passa dans le bureau du Gros. Il était toujours à son bureau, le regard vide. On aurait pu le croire mort si son énorme poitrail ne se soulevait pas au rythme de sa respiration.

- Bon boulot. Tu n'as plus qu'à lancer gentiment tes espions sur des fausses pistes, histoire que le Taciturne croit que tu cherche quand même. Fais bien attention à ce qu'ils ne nous approchent pas trop, sinon...

L'assassin laissa sa phrase en suspens, mais le Gros avait parfaitement compris la menace sous-jacente. Il sembla s'animer d'un coup, et se mit à acquiescer frénétiquement de la tête.

- Bien. Ha, et trouve toi d'autres gardes du corps.

Laissant là le maquereau, le Shalos fit volte-face et reparti dans le couloir.

- Je déteste agir sans plan, mais je crois que nous n'avons pas trop le choix. Commençons par sortir d'ici.

Quelques secondes plus tard, le groupe se retrouvait dans la rue. Ayant vite délaissé la place un peu trop animée sur laquelle donnait le bordel, ils s'étaient mis dans une petite ruelle le temps de réfléchir à leur destination. Soghann, appuyé sur une caisse, jouait négligemment avec l'une de ses dagues, qu'il sortait et rentrait nerveusement de sa cachette sans qu'on ne puisse deviner où celle-ci était.

Son visage était fermé, et son petit manège était un signe évident -d'autant plus qu'il était rare- de nervosité.

- Puisque la Guilde est trop dangereuse... Si on allait directement voir le Roi ? Nous n'aurons aucun mal à entrer...

Il n'avait pas besoin de s'expliquer. Un rapide coup d'oeil à la marque de Fanaa valait tous les argumentes.

- Je doute qu'Achmed se soit risqué à soudoyer les soldats de la Phalange. Et même si c'était le cas, il n'aurait pas pu tous les mettre de son côté, et encore moins sans que le Roi ne soit au courant.

- Allez voir Sent...

Syld eut beaucoup de mal à cacher le peu d'enthousiasme qu'il éprouvait à cette idée. Tellement de mal, d'ailleurs, qu'il n'y parvint pas du tout.

- Aller voir Sentence ? parvint-il à articuler au prix d'un louable effort. Ah, est-ce qu'on est vraiment obligés d'en arriver là ?

Nul besoin de réfléchir pour se rendre compte qu'il s'agissait de la solution la plus simple à leur problème. Le brigand était assez fin pour le comprendre, et visiblement cela ne le satisfaisait pas du tout.... vraiment pas du tout. Déjà, il fixait les sombres murailles qui dépassaient les plus hauts toits de Shalanos, avec la raideur stoïque et l'expression de quelqu'un qui vient de mordre volontairement dans un citron.

- Bon, comme si on avait le choix...

Il grimaça franchement -essayez donc de mordre dans un citron sans faire la tête- et tenta un : "Je pourrais rester à la porte ? Non ? " un peu plaintif qui ne reçut guère d'écho.
Syld enfonça les poings dans ses poches d'un air à nouveau grincheux puis se tourna franchement vers l'extrémité de la ruelle qui descendait vers le lac.

- Allez, je me rends. De toute façon, autant éviter de perdre trop de temps. Plus vite cette affaire sera réglée, mieux ce sera.

Fanaa se sentait plus mal à chaque nouveau regard de l'un des deux shalos vers sa marque. Aucun ne la regardait plus dans les yeux. Il lui semblait n'être plus une personne à part entière, juste réduite à cette marque noire. le reste ne comptait plus. Fanaa ne comptait plus.

Elle fit l'effort de mettre son malaise de côté. l'important n'était il pas de les accompagner? De rester auprès d'eux? Si cette marque pouvait lui servir à se rendre utile, et bien tout était pour le mieux non? Non. Elle ressentait un poids dans sa poitrine. Une gêne désagréable. Mais Fanaa avait décidé de tenir, de passer outre ses sentiments.

Sauf que... Sentence. La danseuse s'immobilisa. Aller voir le Roi ? Vraiment? C'était ça l'idée ? Elle sentit un frisson glacé parcourir sa colonne vertébrale. Son souffle se fit saccadé. Soghann et Syld avaient avancé.

- Non... dit elle d'une petite voix.

Puis elle leur cria :

- Je ne veux pas y aller !

La panique montait. Il lui avait fait mal. Ah cette douleur! Pourquoi l'avoir blessée sans raison ?
Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, brouillant sa vue, ce qui l'énervait. Elle ne voulait pas pleurer devant eux, ce n'était pas le meilleur moyen d'être prise au sérieux.

- Il est méchant. Il m'a fait tellement mal. Moi je ne lui ai rien fait! Je l'ai saluée, j'ai été respectueuse et polie. Et il m'a tout de même punie. Alors que je n'ai rien fait de mal. Il me fait peur, il ne faut pas y aller, vous ne savez pas ce qu'il fera !

Non, ils ne savaient pas ce qu'il ferait. Personne ne le savait. Les réactions de Sentence étaient imprévisibles... mais rarement irraisonnées.
Et puis ils n'allaient pas quêter une faveur, juste dire ce qu'ils savaient.

Syld se massa machinalement l'épaule.

Si on s'en tenait à ça, ils n'avaient rien à redouter. Sentence les laisserait sans doute parler, tout en scrutant leurs pensées pour faire la part du vrai et du faux, leur extirper les informations qu'ils pourraient volontairement ou non omettre.
Cette idée rendit le Shalos nauséeux mais il s'efforça de dissimuler son malaise.
Ils diraient ce qu'ils avaient à dire. Après, nul ne pouvait prévoir la façon dont le roi réagirait.

- Tu crois vraiment que nous y allons de gaîté de coeur ?

Le jeune homme laissa fuser un rire bref et sans joie.

- J'aurais préféré éviter ça aussi, mais nous avons le choix entre une quasi mission-suicide et une audience avec lui. Le résultat est presque aussi incertain dans un cas comme dans l'autre, mais c'est quand même l'option la plus raisonnable. Et notre souverain agit rarement sans motif valable. Du moins c'est ce que je pense.

Syld fixa les yeux remplis de larmes de Fanaa et secoua la tête avec un sourire un peu troublé.

- Avec un peu de chance nous obtiendrons un entretien sans que tu ais à intervenir. Si ça se trouve, tu n'auras même pas à entrer avec nous.

Il n'avait guère d'illusion sur ce point, mais après tout, qui pouvait savoir ?
Il tendit la main à la jeune femme.

- Allez, viens. De toute façon, on ne va pas te laisser courir les rues toute seule avec tout ce remue-ménage.

- Tricheur... souffla-t-elle.

Si lui le lui demandait en la regardant en face, et en prenant ses précautions, avec des mots qui se coulaient rassurants, comment lui résister? Elle voulut sourire mais n'y parvint pas. la pression sourde de sa poitrine était toujours là. Elle mit sa main dans celle de Syld et se laissa entraîner, tête basse, se retenant de fuir en sens inverse.

La masse noire se rapprochait inexorablement, pas besoin de regarder pour le savoir, elle le sentait. Il lui fallait se concentrer sur autre chose. Oui Sentence lui avait fait mal, très très mal même, alors qu'elle ne le méritait pas. mais il y avait pire que lui. Sentence n'était pas le pire. Sentence n'était pas l'homme sans visage. Enfin... pas le même. Oui. Déplacer sa peur, c'était la solution pour être moins à cran quand ils arriveraient.

Oh que Fanaa regrettait l'assurance qu'elle avait eue après l'entrainement de sa maman et la puissance qu'elle avait senti couler en elle. L'énergie... Fanaa releva la tête et fixa l'arrière du crâne de Syld, songeant à la sensation qu'elle avait ressenti à chaque baiser. ce déferlement d'énergie lumineuse qui lui venait d'on ne sait ou et passait au travers d'elle pour le rejoindre lui... Qu'est-ce que c'était? Pourquoi ça ne l'avait jamais fait avec Soghann ou un autre? La Danseuse avait pensé, jusque là que c'était dû à un fort sentiment partagé mais... Déjà elle n'avait aucune preuve de ce qu'elle avançait. cette idée de sentiment était plus un espoir qu'une réalité. Et puis c'était sûrement autre chose, mais quoi?

Bien. A laisser vagabonder ses pensées, elle arrivait à oublier la peur provoquée par Sentence. Le Roi... Sa main se crispa convulsivement sur celle du chenapan. Ne pas y penser ne pas y penser. ce n'est pas l'homme sans visage, ce n'est pas l'homme sans visage, ce n'est pas l'homme sans visage... Elle répétait tout bas cette litanie quand Syld s'arrêta.

Fanaa leva les yeux. l'imposant palais noir les écrasait de toute sa puissance spirituelle. C'était impressionnant. Il semblait encore plus immense.

- J'y suis déjà allée. Je me suis cachée dedans pour échapper à l'homme sans visage. Mais après... je n'ai pourtant rien fait de mal. J'ai été respectueuse.
Elle parlait tout bas en se torturant l'esprit à la recherche de ce qu'elle avait bien pu dire ou faire pour mettre le Souverain en colère... mais rien. Elle en était sure !