Hutte des Délices (QG du Gros)

Le Bel fit remarquer que le "ménage" devrait être fait rapidement... le Gros acquissa tout en réfléchissant a la potentielle utilité des cadavres avant qu'ils soient dévorer par les Ombres... Soudain, Syld s'écroula.

- Par la lumière obscure!

Le Gros se leva tant bien que mal pour observer l'objet de son désir inconscient. Il jeta un regard implorant vers son compagnon

- Que...? Que lui arrive-t-il? Vite, emmenez leur dans la pièce du font, il y a une chambre où vous pourrez le coucher... mais... que...

La panique venait de s'emparer du Gros... sa voix tirait vers les aiguë.

Soghann n'eut que le temps de se précipiter vers Syld pour l'empêcher de tomber face contre terre. Apparemment sans effort, il releva son compagnon et le chargea sur son épaule.

Il s'attendait plus ou moins à une réaction de ce type à un moment ou à un autre, mais pas aussi soudaine. Le jeune assassin avait décidément trop tiré sur la corde ces derniers temps, et elle venait de lâcher. Soghann s'approcha de la porte et, sans ménagement, poussa du pied le cadavre du garde toujours assis contre le battant.

- Je suis sûr que tu trouvera comment expliquer tout ça à notre ami commun. Mais fait monter un clerc avant toute chose.

Sans plus de cérémonie, l'assassin sorti de la chambre et referma doucement la porte, prenant garde à ne pas cogner Syld contre le chambranle. Personne dans le couloir : leur discrétion avait payé, personne n'avait été alerté. Seule la tache de sang qui dépassait de sous la porte indiquait le drame qui venait de se produire derrière.

Arrivé dans la chambre proposée par le Gros, il découvrit une pièce meublée avec un peu de goût, manifestement pour les invités de marque. Elle était dénue des relents de sécrétions diverses qui régnaient dans la plus grande partie de la bâtisse. Le lit était propre, et bien fait, préparé pour recevoir et non pour une passade avec une donzellle.

Avec délicatesse, Soghann déposa son fardeau sur les draps accueillants, puis alla dans la salle d'eau se procurer un linge mouillé dont il épongea le front de son compagnon. Sa respiration était faible, mais régulière. Il était tout simplement épuisé...

Du moins c'était ce dont essayait de se convaincre Soghann, tout en sachant pertinemment que Syld avait probablement aggravé son cas en utilisant des drogues pour se maintenir sur pied et se donner un regain d'énergie... Il secoua doucement la tête pestant de ne pas lui avoir intimé de rester se reposer à la maison. Maintenant, ils ne pouvaient même plus rentrer et étaient coincés ici, ce qui empêchait Soghann de dormir pour le veiller.

Syld battit des cils et mit quelques secondes à se rappeler où il se trouvait et ce qui venait de se passer.

"Ah, quel crétin..."

Il n'avait perdu conscience que quelques instants mais c'était déjà une inqualifiable énormité en plein milieu d'une "discussion professionnelle".
Très réussi, dans le genre "tout ce qu'il vaut mieux éviter de faire lorsqu'on se considère comme assassin de métier", vraiment !

Le jeune homme fit mine de se redresser...
... puis attrapa précipitamment la cuvette de faïence posée sur la table de nuit pour finir de recracher le philtre de Volombre que son organisme n'avait pas encore réussi à absorber. Plié en deux, Syld toussa encore deux ou trois fois.
Quelques gouttes de sang bien rouge vinrent se perdre dans la mixture noirâtre qui oscillait dangereusement dans la cuvette.
De toute évidence, son corps n'en aurait pas supporté d'avantage.

Le brigand reposa le récipient sur le guéridon d'une main tremblante, manquant renverser la moitié du contenu sur le parquet, puis se laissa retomber dans les coussins sans songer à essuyer le liquide tiède qui lui ruisselait sur le menton. Il glissa un oeil presque timide du côté de Soghann... et le regard que ce dernier lui renvoya signifiait clairement que les explications sur le pourquoi du comment étaient superflues.
Syld se fendit d'un sourire penaud.

- Pour le coup, tu as bien de raison de me faire tes "yeux de Soghann". J'ai vraiment merdé. Encore heureux que la situation ait été sous contrôle...

Le Shalos se crispa à nouveau et leva à demi la main vers la cuvette. Mais le malaise passa, et il se renfonça dans les oreillers, le souffle court. Ses dents claquaient sous l'effet d'une fièvre qui grimpait en flèche en dépit de sa reprise de conscience.
Autant en parler tant qu'il était encore capable d'accrocher correctement les mots les uns à la suite des autres.

- Soghann... tu auras le droit de me passer un savon pour ça, mais... Sendaë... elle est toujours à la maison. Du moins elle doit toujours y être... je... j'ai essayé de lui expliquer qu'elle ne devait pas essayer de revenir, mais elle n'en a fait qu'à sa tête. Je sais que j'aurais dû la laisser. Et malgré tout...

Syld secoua la tête.

- Ah, là n'est pas l'important ! Ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait aller la chercher, et... et la confier à une caravane de marchands en partance de Shalanos, par exemple. S'il savent qu'elle est sous notre protection, ça devrait suffire à garantir sa sécurité le temps qu'elle arrive en lieu sûr. Il fera bientôt nuit. Tu devrais y aller.

Voyant le mouvement de protestation de son compère, il poursuivit vivement :
- Ca ira. Tiens, regarde ! Ce n'est pas comme si j'étais complètement hors service !

Les griffes se formèrent docilement au bout de sa main tendue, luisantes et effilées comme si elles n'avaient encore jamais servi.

- Tu vois ? La priorité, ce n'est pas moi...

Soghann fronça les sourcils en entendant la confession de son compagnon. Sendaë, encore à Shalanos ? Ce n'était pas dans les habitudes de Syld de faillir ainsi à une mission, aussi infime soit-elle. Mais s'enticher d'une jolie jeune femme et les mettre tous les deux en danger par la même occasion, voila qui était encore plus grave.

L'assassin n'osait deviner à quels sacrifices Syld avait du consentir pour permettre à la Dédrane de pénétrer une seconde fois à Shalanos envers la volonté du Souverain. Avec un soupir, il s'assit sur le lit et s'enfouit le visage dans les mains, cessant ainsi de fixer son vis-à-vis. Il se mit à gromeler sans pour autant sembler s'adresser à Syld, pas vraiment énervé mais quand même pas mal remonté.

- Comme si la situation n'était pas assez délicate, voilà un problème qui nous revient dans les pattes... Avec le taciturne qui va venir ici dans moins d'une heure... C'aurait été l'occasion parfaite de mettre la main dessus...

Nouveau soupir.

- Tant pis. Je vais rentrer en vitesse pour la faire sortir de là, à moins que...

Rapide coup d'œil vers Syld.

- Tu as réussi à la faire rentrer à la barbe du Roi ? Non, il s'en est forcément rendu compte. Il sait qu'elle est là, n'est ce pas ? Il a accordé un sursis, à elle et à nous. Elle ne craint donc rien pour l'instant, je me trompe ?

Syld ne put retenir un petit rire amer.

- S'il sait qu'elle est là ? Ah, je pense bien qu'il le sait, oui. Quant au sursis, il ne va probablement toujours pas plus loin que la tombée du jour... du moins en ce qui nous concerne. Or il fera bientôt nuit. Dans une heure. Deux, peut-être.

Un peu égaré, il cherchait machinalement du regard le globe magique qui leur servait de repère temporel au milieu de la nuit éternelle de Shalanos. Mais l'objet n'était pas là, bien sûr.
L'assassin fit un louable effort pour rattraper le fil de la conversation qui menaçait de lui échapper.

- Il y a encore un peu de temps pour s'occuper de ce problème avant que le Taciturne n'arrive. Mais une fois qu'il sera là, il pourrait arriver n'importe quoi.

D'abord nerveuse, presque frénétique, son élocution se faisait plus traînante à chaque mot supplémentaire.
Qu'il aurait fait bon céder sans résistance au sommeil...

- Ce n'est pas certain qu'un de nous ait à nouveau l'occasion de retourner la chercher avant la fin du délai... L'affaire dans laquelle nous avons mis le nez n'est pas de celles qu'on peut facilement laisser en suspens.

Soghann écoutait, la mine renfrognée, le raisonnement plutôt logique de son compère. Il n'était plus question de la sécurité de Sendaë mais de la leur, et il avait raison sur un point : la nuit allait bientôt tomber et le délai serait alors achevé. Il devenait urgent de s'assurer que Sendaë serait hors de la ville d'ici là.

- Soit. Repose toi, fait du charme au Gros si ça te chante, je m'occupe de l'intruse.

Il sorti de la maison comme n'importe qui, les gardes de l'entrée faisant plus attention à qui entrait qu'aux clients satisfaits. D'un pas rapide, il se dirigea vers leur maison, qu'il atteingit sans encombre. Il déverouilla la porte et trouva Sendaë dans un état second, attendant d'un air complètement absent. Un instant, Soghann se demanda si les passages répétés dans une faible intervalle à travers la frontière d'ombre n'avaient pas endommagé quelque chose chez elle, puis haussa les épaules.

Quoi qu'il en soit, ce n'était pas le moment de s'attarder ni de se poser des questions métaphysique. Saisissant la jeune femme par le bras, il la leva et la traîna dehors assez peu délicatement. C'était sa bêtise, autant que celle de Syld de l'avoir laissé en vie, qui le condamnait à faire tout ceci. Si le Taciturne arrivait maintenant et qu'il le ratait à cause de ça... Ravalant sa hargne montante, l'assassin ferma la porte et parti à grands pas en direction d'un des quartiers les plus contradictoires de Shalanos, à la fois des plus glauque mais des plus riches.

Le gros regarda la porte se fermer sur les silhouettes de ses tortionnaires... Il soupira de dépit... Le bel venait de quitter la pièce...

Le gérant du bouge se tourna vers une série de rubans. Il tira le bleu et patienta un moment. Une femme au visage dégageant une fausse bonhomie entra et regarda la scène avec curiosité. Elle connaissait cependant assez sa place pour éviter de poser la moindre question.

Elle se plaça devant son maître et, en un mouvement, elle utilisa ses dons pour refermer les plaies de son employeur.

- Demna, vas soigner aussi mon invité dans la Grande Chambre. Prends en bien soin et ne commet pas d'erreur. Sinon, c'est bien plus que ta langue que tu vas perdre.

Silencieuse, elle acquiéssa et sortis quelques minutes plus tard pour rendre visite a cet "invité". La muette d'un âge mur frappa a la porte et attendit une réponse.

Le Gros, lui, se gratta l'arrière du crane, se demandant comment rendre la scène crédible.

Ayant traversé Shalanos sans encombre, Soghann et Sendaë étaient arrivés à destination. Devant eux, une grande place où régnait une activité fébrile. Dans des parcs surveillés par des chasseurs munis d'équipements hors de prix, des gens de tous poils attendaient, pour la plupart dans un état résigné. Dans quelques regards pointaient encore la flamme de la rébellion et de l'espoir, qu'ils se hâtaient de cacher quand les yeux des gardiens passaient sur eux.

Il y avaient là des Shalos, jeunes pour la plupart, mais aussi des Dédranes, des Médioviens, un certain nombre d'Ilymis... Bref, il s'agissait là du marché aux esclaves de Shalanos. L'agitation inhabituelle qui y régnait, ainsi que la foule plus dense que d'habitude, dénotait que la décision du Souverain était parvenue jusqu'ici : de nombreux riches se hâtaient de se débarrasser de leurs esclaves étrangers, tandis que les marchands se préparaient à sortir toutes leurs "marchandises" de Shalanos, le temps que la fureur du Roi soit apaisée.

Traînant Sendaë dans un coin sombre, Soghann la plaqua contre un mur. Toujours aucune réaction.

- J'ignore si tu comprends encore ce que je te dis. Syld n'est pas en état de s'occuper de toi, et je n'ai pas le temps de te reconduire en dehors de la ville. Il se trame des choses trop graves pour que je perde du temps à te sauver la peau, et l'ultimatum arrive à expiration.

Dans le ton de l'assassin pointait une détermination farouche.

- Voilà ce qu'on va faire. Je vais te vendre à ces marchands, qui prendront soin de leur nouvelle acquisition. Ils te sortirons de Shalanos avec tous leurs biens, afin de pouvoir vous faire entrer de nouveau lorsque la situation sera calmée. Ils resteront à l'extérieur au moins une journée. Tu as de la jugeote, tu trouvera certainement un moyen de leur fausser compagnie dans ce laps de temps. Vu ?

Le souverain observa la jeune femme quitter son palais sans chercher à l’en empêcher. Lorsqu’il la perdit de vue, les yeux immatériels des ombres se chargèrent de la suivre. Pendant ce temps, dans la salle du trône, le Roi faisait les cent pas, réfléchissant furieusement.
Il ne pouvait pas laisser Fanaa se balader ainsi, sans protection ou presque. Ce qu’elle représentait était tout simplement trop énorme pour qu’il se permettre de la laisser courir le moindre risque. Il avait une solution pour assurer sa protection, et c’est ce qu’il allait faire avant de prendre quelque décision que ce soit concernant la suite. Le Roi écarta les bras, et, dans un froissement de soie et de cuir, disparut.
Devant Fanaa, l’obscurité sembla se tordre, s’animer, et un curieux bruit de déchirement se fit entendre. De l’ombre sorti le souverain, qui s’approcha de la jeune femme.

- Je vais te faire un présent…

Le Roi usa de toute sa puissance de persuasion pour empêcher la fille de bouger, la clouant sur place grâce à son pouvoir de contrôle. Il posa deux doigts sur la peau offerte, qui glissèrent jusqu’à la jonction du cou et du torse. Alors qu’une intense douleur envahissait la zone que touchait Sentence, une marque apparut sur la peau blanche. Encore une.

Noire, mystérieuse, terriblement intimidante, elle représentait une forme indéfinie. C’était la marque du Roi lui-même, que seuls des serviteurs très proches et les soldats de la phalange noire portaient. Elle garantissait à son porteur une immunité totale à l’intérieur de Shalanos, y compris de la part des Ombres. Au passage, Sentence y ajouta quelque chose de plus, un sceau qui restreignait l’immense pouvoir qui émergeait de Fanaa. Ainsi, même elle ne pourrait pas utiliser toute sa puissance sans le consentement du Roi. Il valait mieux qu’ils apprennent tous deux à maîtriser tout cela avant de donner libre court au flux…

- Avec ça, tu es libre de te promener à travers Shalanos. Personne n’osera porter la main sur toi. En revanche, si tu sors, tu risque la mort. Reste en ville, je garanti ta sécurité. Je t’appellerai bientôt.

*J’ai encore besoin de réfléchir*, ajouta-t-il intérieurement, avant de disparaître de la même façon qu’il était venu. Le souverain se doutait que Fanaa ne comprendrait pas tout de suite ce qu’il venait de faire, ni même qui il était. Ce n’était pas important : l’essentiel était qu’elle ne se mit pas en danger, et il avait implanté ses dernières paroles avec une telle force dans l’esprit de la jeune femme qu’il doutait qu’elle enfreigne ses consignes. Il allait donc consacrer une partie de ses forces à la surveiller en permanence, tâche facilitée par la marque qui agissait comme une balise au yeux du Roi.

Le problème Sendäe étant réglé, Soghann se dirigeait d'un pas décidé vers le bouge du Gros. Il marchait d'un pas très rapide, espérant ne pas rater la visite qu'il allait recevoir. Ce serait une excellente occasion d'en apprendre plus...

L'expérience, autant que l'intuition, avertirent l'assassin qu'il était suivi. Peu discrètement, en plus. Les rues qu'il traversaient n'étaient pas spécialement peuplée, aussi n'eut-il aucun mal à se rendre compte de la filature.

Comptant sur l'inexpérience manifeste de son poursuivant, il bifurqua brusquement dans une ruelle sombre adjacente, et attendit patiamment que l'indésirable se montre. Se qu'il ne mit pas longtemps à faire : aussitôt, la main de l'assassin jailli et le saisi par le cou pour le plaquer sans douceur contre un mur.

Soghann avait eu sa dose de poursuites et de tentatives de meurtre pour la journée, aussi failli-t-il embrocher sa prise aussitôt. Evidamment, il se retint en s'apercevant que son, ou plutôt sa poursuivante n'était autre que Fanaa. Il la lâcha, la toisant d'un regard dur. Avant qu'il n'ait eu le temps de lui demander ce qu'elle faisait là, ses yeux se posèrent sur la marque noire qu'elle arborait dans le cou.

Malgré tout son contrôle, l'assassin tressailli. Il avait bien sûr reconnu la marque comme le symbole personnel de Sentence, ce qui plaçait Fanaa sous sa protection directe. D'où elle la tenait, c'était un mystère absolu aux yeux du Shalos. Son regard se détacha avec peine du symbole pour venir se planter dans les yeux de la jeune femme. Il émit un léger ricanement.

- On dirait que tu n'a plus besoin de ma protection...

Du bout du doigt, il caressa lentement, respectueusement, l'endroit ou la peau était marquée.

- J'ignore comment ceci est arrivé là... Mais cela garanti davantage ta sécurité qu'une armée de garde du corps... A Shalanos, en tout cas !

Son ton, ironique au début, était maintenant interrogateur. L'assassin brûlait de savoir pourquoi le Souverain s'intéressait à Fanaa, même s'il avait peu de chance de le découvrir. En tout cas, elle ne craignait plus rien à l'intérieur de la cité, et pouvait s'y promener librement, la marque faisant office de passe-droit dans la majeure partie de la ville.

Fanaa avait l'esprit embrumé et trouvait cela très désagréable. Il lui était trop difficile de se concentrer, de réfléchir. Elle ressentait un fourmillement sous son crâne, un démangeaison lancinante.

*Est-ce qu'un clerc pourrait m'aider?*

Un clerc ou une claque. Une bonne claque qui lui remette la tête à l'endroit et la sorte de cette insupportable torpeur qui l'envahissait.
Son souhait se réalisa. Ce ne fut pas tout à fait une claque mais elle se retrouva brutalement plaquée contre un mur, une poigne de fer bien serrée autour de son cou. Elle ne put retenir un hoquet de stupeur et frayeur. Apercevant du coin de l'oeil l'éclat d'une lame d'acier, Fanaa ferma bien fort les yeux.
Elle les rouvrit lorsqu'elle sentit la main qui lui enserrait le cou la relâcher. Soghann, Soghann était là! Soulagée tout d'abord de sa proximité, elle sentit poindre une inquiétude en entendant ses paroles. De ses deux mains elle saisit le bras de l'assassin qui caressait pensivement sa dernière marque et le regarda de ses grands yeux suppliants.

- Non, Soghann. je suis désolée je n'aurais pas dû partir ainsi. Mais j'ai encore besoin de toi au contraire. Sans vous je suis peut être à l'abri mais seule.

Non. Se mettre en position de faiblesse n'était pas la bonne attitude à avoir. mais la vérité était qu'elle paniquerait complètement si il l'abandonnait là et maintenant. Se forçant à respirer calmement, elle reprit la parole d'une voix qui se voulait (presque) détendue.

- Je peux t'être utile. Laisse moi te servir.

Cette "agression" lui avait donné une poussée d'adrénaline, encouragée par le stress dû au risque que le grend shalos la plante sans même l'écouter. Son timbre était bien plus ferme et son regard plus clair lorsqu'elle énonça, sure d'elle même.

- Je peux vraiment t'être utile. Fanaa appuya sur le "vraiment".

Sous les yeux médusés du shalos, des volutes d'ombre s'enroulèrent autour du corps et des membres de la jeune femme, qui se retrouva bientôt toute de noir vêtue. L'étoffe était douce et solide, moulant chaque détail de son anatomie, telle une seconde peau. Seul son visage était encore à découvert, mais elle avait pris soin de camoufler son cou.

Le Souverain du Royaume des Ombres avait certes apposé un sceau sur son pouvoir mais, si elle n'était pour l'instant plus une arme de destruction ambulante, elle gardait tout de même la main sur sa source et restait à même de l'utiliser de certaines façons.

- Si tu le souhaites, nul ne verra que je t'accompagne.

Une main chaude répandait une elixia fraîche dans tout son corps. Ah, c'était comme une brise vivifiante au coeur d'une journée orageuse. Comme le vent...

- Aesheera...

Syld fit un effort et parvint à rouvrir l'oeil. Mais il n'eut même pas le temps de refaire le point sur la réalité qu'un spasme le secoua.
La soigneuse s'y attendait et avait déjà attrapé la cuvette sur la table de nuit.
Agrippé des deux mains au bord du récipient, le jeune homme finit de rendre le contenu de son estomac. Sous le coup de l'afflux d'elixia, son organisme réagissait comme il se devait.

Sans se laisser tromper par son apparence un peu frêle, la femme avait vite décelé un corps jeune, sain, et étonnamment bien équilibré. Ce patient-là ne serait pas trop long à remettre sur pied...
... même s'il ne semblait vraiment pas faire cas de ce corps impeccable que la nature avait bien voulu lui donner, remarqua Denma avec un froncement de sourcil tout en lui soutenant la tête, une main toujours posée sur son front devenu moite de sueur.
Mais soit.
On lui avait ordonné de le soigner, donc elle finirait de réparer les dégâts dans la mesure de ses maigres moyens dès que l'organisme de l'assassin aurait achevé sa purge. Quelle insouciance, tout de même ! Il suffisait de jeter un oeil au contenu de la cuvette pour se rendre compte de la formidable quantité de toxines diverses qu'il avait absorbée. Quasiment de quoi foudroyer quelqu'un de moins résistant.
Ce gosse cherchait à se tuer, ou quoi ?

C'est donc un regard bien peu indulgent qui pesait sur la nuque de Syld dont les spasmes se calmaient.
Les pensées un peu moins floues, le Shalos resta penché au dessus du récipient. Il avait fait de son mieux pour faire bonne figure devant Soghann... enfin, plus ou moins bonne figure... mais là il n'avait vraiment pas du tout l'air bien, le teint blême, les cheveux pendant de chaque côté de la bassine en longues mèches désordonnées, la chemise collée à la peau par la sueur et un filet de salive mêlée d'un peu de sang au coin des lèvres.

Ah, il n'était pas prêt de refaire fi des consignes de repos qu'on lui adresserait à l'avenir !

Éberlué par la virtuosité avec laquelle la petite Fanaa disposait des Ombres, Soghann failli prendre peur. Mais il se maîtrisa et un sourire incertain se dessina sur son visage, à demi caché dans l'ombre.

- Ha, je crois que je commence à comprendre ce qu'il te trouve...

Cette remarque, quoique prononcée à voix haute, ne s'adressait pas réellement à Fanaa et n'appelait pas de réponse. L'assassin se dégagea et haussa les épaules.

- Soit, suis moi si tu le veux. Je serais bien à mal de t'empêcher de faire ce que tu veux, de toute façon. Il est tout à fait possible que l'on trouve une utilisation intéressante à tes "nouveaux" dons, mais pour l'instant il est urgent de rejoindre Syld.

Tout en parlant, il s'était remit à marcher d'un pas vif, sans douter que Fanaa le suivrait. Puisqu'elle pouvait avoir son utilité et qu'elle ne semblait pas prête de s'en aller, il prit le parti de la mettre au courant. Son regard acéré errait sur les visages et les murs environnant, à la recherche de la moindre menace, aussi ne regardait-il pas Fanaa en parlant.

- Quelqu'un de très haut placé nous en veut, apparemment, pour une raison que l'on ignore encore. La seule manière de s'en sortir, à part la fuite, est de remonter petit à petit la chaîne des exécutants jusqu'au commanditaire. C'est ce que nous avons commencé à faire ces dernières heures, et nous allons maintenant essayer d'en apprendre plus de la part de celui qui représente la suite de la chaîne.

Ses pas pressés l'avaient amené quasiment devant la porte du Gros, lorsqu'il aperçu à travers les passants le visage du Taciturne. L'assassin savait reconnaître ce genre de personne, même s'il ne les avait jamais vues. Aussitôt, il se plaqua contre un mur et tendit le bras pour que Fanaa fasse de même, ne quittant pas du regard sa "cible". Celle -ci entra chez le Gros, et les deux compères le suivirent après quelques instants.

Beedle était un client régulier du bordel. A son age, il n'y avait plus d'autre remède à la solitude. Il était encore un peu tot mais, on ne veille pas a des heures indécentes quand ses cheveux grisonnants tombent par poignées.Il avait toujours était de taille réduite, la tête juste au niveau du nombril de la plupart des gens, ce qui quand il était jeune lui conférait un atout considérable sur les autres voleurs. Il s'était fait une belle cagnotte dans les rues de Faelanir. Pour un briguant, il avait vécu jusqu'à un age déraisonnablement élevé. Il se ventait d'avoir vu de ses yeux les lunes s'embraser, et avait même commencé son métier avant que l'Elixia vienne compliquer les choses. Aujourd'hui sa vue baissait, il n'avait plus le sens de l'observation qu'il avait auparavant.

Il connaissait toutes les dames du bordel, le choix ne se renouvelait pas beaucoup. La tenancière le fit patienter le temps que sa préférer finisse avec son client actuel. Par habitude il se mit dans l'ombre, non loin de l'escalier, attendant que la fille la moins fade daigne revenir. Son attention fut d'abord attirer par un homme montant seul l'escalier. Il était de ceux qu'on évitait. Puis un homme et une femme approchèrent doucement de l'escalier a leur tour.

Beedle n'avait vu cette femme, et l'homme semblait tellement soucieux de ne pas s'approcher de l'assassin qui venait de monter l'escalier qu'il ne semblait pas faire attention a la beauté et la fraicheur de la putain qu'il avait choisi. Beedle n'aurais jamais cru voir une telle femme dans un bouge aussi minable. Alors qu'ils allaient monter furtivement l'escalier a leurs tour, le petit vieux retint Fanaa par l'avant bras.

-Je vous paie le double si vous me prenez tout de suite ...

Elle était merveilleusement belle et pure, Beedle en était tout frétillant. Mais quand elle se retourna, il distingua alors son cou.

-Hiiiiii !

Il émis un cri perçant et anormalement aigüe, puis fit demi tour vers la sortie en répétant.

-Marqué ! Elle est marqué !

[hrp] Voila je voulais juste vous mettre un peu dans le brin avec le Taciturne, bonne chance. [/hrp]

Le Gros était sous l'emprise d'une angoisse plus importante qu'à l'ordinaire... Pourtant, ce n'était pas la première fois qu'il avait affaire avec le Taciturne... A peine sa pensée émise que la porte du bureau du Gros s'ouvrit sur l'assassin visiblement mécontent de ne pas comprendre la situation.

L'homme passa au dessus du cadavre du premier garde et laissa la porte entrouverte. Il se planta au centre du capharnaüm du maître des lieux. Son regard parcourra la salle, allant des documents tombés a la chaise renversée puis au corps du deuxième garde pour enfin se poser sur la blessure de l'épaule du Gros. Il haussa un sourcil et fit:

- Alors?

Le propriétaire du bouge tressailli... Il n'était jamais bon d'entendre la voix du Taciturne. D'une voix montant sans le vouloir dans les aiguës, il répondit d'une traite

- C'est le Troué. Il a voulu récupérer une fille qu'il trouvait a son gout mais que je lui ai refusé! vous savez q'il traite ses filles comme de la viande! mais moi, je sais qu'elles ont des sentiments! et alors il a tuer mes gardes... devant moi... enfin, pas lui, mais l'une de ses brutes... et alors il m'a donner un ultimatum pour la fille... ah! tout ce sang! et en plus, il a voulu me couper le bras avec ses dagues de femme!

[î]Le taciturne leva un bras et regarda avec suspicion une tache de sang sur le rebord de la fenêtre[/i]

- Je vous assure, fit le Gros en remarquant cela, que grace a Darnath, l'une de mes sentinelles, j'ai pu mettre ça au clair... mais regardez moi mes gardes... Heureusement, lui, s'en ai tiré... parce qu'il doit me rembourser le nettoyage de mes belles étoffes! et vous avez vu ce qu'il a fait du parquet dans le couloir?

Le Gros continua comme cela pendant que le Taciturne fit le tour de la pièce pour trouver un indice qui contredirait l'histoire de ce port qu'il devait écouter... Mais a l'évidence, le gérant du bouge était soit plus intelligent qu'il ne le laissait supposer, soit sincère dans son discours.

Leur entrée ne manqua pas d'être remarquée. A cause de Fanaa, ne put s'empêcher de remarquer Soghann avec un grincement de dents. Cependant, à la surprise de l'assassin, elle résolut le problème seule... Et avec brio. Son regard médusé suivait ses mouvements qui avaient acquis une aisance incroyable depuis qu'il l'avait rencontrée, pas si longtemps auparavant. Et surtout ses pouvoirs, ses pouvoirs qui semblaient maintenant digne d'un grand sorcier Shalos.

Lorsqu'elle relâcha son emprise sur lui et qu'il comprit que tout cela venait d'elle, malgré le danger qu'ils courraient tous les deux et sa force manifeste, l'assassin tira une dague et la planta à un cheveux du cou invisible de la jeune femme. Son regard furieux se posa sur le point où aurait du se situer son propre visage, et siffla d'un air exaspéré.

- Ne refais jamais ça ! Aide moi si tu le peux, mais ne m'empêche JAMAIS d'agir !

Une fureur indescriptible perçait dans sa voix, mais son ton resta très bas. L'assassin détestait être privé de ses moyens, tout simplement parce que comme tout Shalos indépendant, il misait tout sur ses propres capacités... Quand Syld n'était pas à ses côtés, bien sûr.

D'un geste rageur, il arracha sa dague et tourna son regard scrutateur vers le haut des marches. Personne. La colère ne lui faisant pas oublier la plus élémentaire prudence, le Shalos appela à lui les Ombres environnantes et s'en entoura, se confectionnant en un éclair une cape de ténèbres qui le rendait invisible s'il était immobile, dans les couloirs sombres du bordel. Quand à ses mouvements, ils étaient réduits à un flou pas beaucoup plus visible.

Aussi silencieux qu'un chat, il se mit à gravir les marches montant vers le bureau du Gros.

*laisse moi trucider ce sale serpent sinueux et sournois qui ose te siffler si brusquement dessus. son souci de masquer sa frustration risque de semer sa confusion en ton esprit. si tu me laisses l'éviscérer tu seras surement solitaire mais jamais plus asservie. aie confiance, crois en moi, ton supplice va se terminer incessamment sous peu.*

La voix qui résonna en elle, froide, implacable, fit encore plus peur à Fanaa que le coup de colère de Soghann à l'instant. Elle avait plutôt trouvé Soghann injuste en fait. Ce n'était pas sa faute si elle s'était fait remarquer. Lui ne l'avait même pas prévenue qu'il l'entrainait dans cet affreux endroit!

Mais la voix sans timbre révélait un esprit prêt à en découdre. Prêt à sacrifier, à tuer de sang froid l'un des rares compagnons de Fanaa. La Danseuse n'hésita pas une seconde. Même s'il était dur, même si il allait parfois trop loin, ce n'était pas une raison pour utiliser une solution aussi radicale. Jamais. Elle tenait quand même à lui.

*Non!* répondit elle. Ensuite elle attendit une remarque, une réaction, une lute peut-être. Il n'y eut rien. Que le silence. Comme si elle avait tout imaginé. Et à vrai dire elle ne savait plus trop quoi en penser.
*Ca ne va pas du tout. Il faut que ces intrusions cessent, un de ces jours je vais devenir folle!* Elle se prit la tête dans les mains, dans un moment de découragement et se laissa glisser au sol, contre le mur.

*Je dois retrouver Soghann. J'ai voulu le suivre je dois maintenant l'assumer et surtout, assurer. Même si il m'engueule sans raison. Il est comme ça. Je le sais. Ca ne devrait même plus me toucher. Il est nerveux sans la présence rassurante de Syld voilà tout. Allez!*

La jeune femme se releva, quand un éblouissement la saisit. Elle cligna des yeux, pour se débarrasser des tâches qui dansaient devant son regard et rejoignit le grand shalos. Elle se plaça de l'autre côté de la porte du bureau et attendit un ordre de l'assassin.
Tout en se demandant où était Syld et pourquoi ils ne le rejoignaient pas.




=> à noter l'alitération en "s" en premier paragraphe /o/

Fanaa sentit son coeur bondir malgré elle lorsqu'elle lut le nom de Syld sur les lèvres de Soghann. Lui demandait il de le rejoindre? Il semblait que oui. Elle acquiesça mais, s'il put le deviner, il ne le vit en revanche pas. Légère, elle s'approcha de la porte, jeta un dernier coup d'oeil au grand Shalos mais celui-ci, concentré sur son écoute ne la regardait déjà plus. Le plus discrètement possible, elle entrouvrit la porte, se glissa dans l'interstice et la referma. Là, enfin, elle pur respirer et redevenir visible.

Se retournant, elle vit le chenapan, couché...

- Mais que t'est il arrivé ? elle retint de justesse le "encore" qui lui brulait les lèvres. Soghann le lui avait dir pourtant. Un nouvel ennemi s'en prenait à eux. A lui.

Une femme se tenait à ses côtés sur le lit. Une inconnue qui avait ses mains sur lui.

Fanaa se figea, ne sachant plus si elle pouvait se montrer ou pas, mais de toute façon il était trop tard. La femme se retourna et la regarda.

Bon. Si Soghann l'avait envoyée ici, il n'y avait probablement pas de piège. A voix basse, elle salua la clerc puis s'approcha de l'alité. Elle repéra l'eau souillée dans une bassine et observa qu'il était un peu pâle. Fanaa mourait d'envie de le prendre dans ses bras mais n'osa pas. Elle se contenta de lui effleurer les cheveux d'une main hésitante tout en le couvant d'un regard empli de tendresse.

- Comment te sens tu?