Hutte des Délices (QG du Gros)

Soigneuse ou pas, Syld se serait bien levé pour aller surveiller la façon dont l'entretien avec le Taciturne se déroulait. Il l'aurait fait, oui, si seulement son corps ne lui avait clairement fait comprendre qu'il avait bel et bien dépassé les bornes. Bien malgré lui, le brigand se sentait somnolent, et ses regards furieux vers Denma perdaient de leur intensité en dépit de tout la volonté qu'il pouvait y mettre.
Le jeune homme avait donc fini par capituler et laissait la soigneuse faire son office tout en s'efforçant de rester éveillé même si la contemplation du plafond n'avait vraiment rien de bien excitant. A ce rythme, il allait pouvoir dresser un catalogue complet de tous les plafonds d'Adreis...

Les gonds bien huilés de la porte émirent un chuintement discret. L'instant d'avant, il n'y avait personne, et l'instant d'après, Fanaa se trouvait là.

- Mais que t'est-il arrivé ?
- Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Les deux questions avaient fusé en même temps. La main de Fanaa lui effleura les cheveux.
Ah, ce n'était donc vraiment pas une hallucination.

Syld s'empourpra.
Fanaa n'avait peut-être pas rajouté de "encore" à sa question, mais elle aurait aussi bien pu le hurler que ce n'aurait pas été plus clair.

- Il ne m'est rien arrivé du tout, marmonna-t-il entre ses dents, baissant bien la voix pour éviter qu'on puisse les entendre au-delà de la chambre.

Le raclement de gorge ironique de la soigneuse lui attira un énième coup d'oeil incendiaire. N'en étant plus à cela près, Demna se se troubla guère et poursuivit son ouvrage comme si de rien n'était.

- Mais toi, Fanaa, où étais-tu passée tout ce temps ? Ce n'est p...

Il s'interrompit pour dévisager la jeune femme avec plus d'attention.
Il avait peut-être les perceptions un peu floues, mais pas au point de ne pas s'apercevoir que la Fanaa qui se trouvait là n'était pas la même que celle qui avait pris la fuite vers le lac.
L'assassin reprit d'une voix un peu plus sèche :
- C'est plutôt à moi de te demander ce qui t'est arrivé.

Fanaa aurait pu être peinée du ton qu'employa Syld en second lieu mais, toute à la joie de le voir, elle n'y fit pas attention.

- En fait...

Par où commencer? Son esprit se faisait moins embrumé, il y avait des zones de lumière, des souvenirs précis, d'autres un peu plus flous mais dont elle était pourtant certaine.

- Plein de choses je crois.

La jeune femme jeta un coup d'oeil à la soigneuse qui ne semblait pas vouloir s'éloigner. Ne comprenait elle pas qu'il fallait les laisser seuls? Mais elle faisait son office. Et la santé du chenapan était primordiale.

Fanaa s'agenouilla au sol, saisit délicatement la main du chenapan et la porta à ses lèvres. Elle lui lança un regard malicieux bleu myosotis.

- Je ne sais pas si tu me croiras, c'est un peu fou. Mais à toi je peux le dire : j'ai rêvé d'Aquarelle! Aquarelle c'est ma mère et ça semblait si réel! Tu sais, elle est morte il y a des années, c'est une certitude. Mais là, elle était là! Et ce n'était pas un souvenir. Elle m'a parlé, elle m'a appris des choses. C'est une Chandlune et moi aussi !

Une fois qu'elle fut lancée sur le sujet, Fanaa eut du mal à s'arrêter. Elle avait oublié la tierce présence, se focalisant sur le gredin face à elle. Lui pressant la main, les yeux brillant, le pouls rapide elle lui raconta sa mère, qui dansait, qui était si belle avec ses yeux violets. Elle lui confia que si elle-même dansait, c'était pour se rapprocher d'elle car elle voulait lui ressembler. Et que son seul souvenir c'était justement la danse. Mais là, avec ce drôle de rêve, elle avait de nouveaux souvenirs.

- Oh! Et j'ai oublié de lui parler de Soghann et toi! Mais tu sais, je suis persuadée qu'elle l'avait deviné. C'était tellement fou!

Son regard se teinta d'inquiétude.

- Tu vas croire que je suis folle?

Sans lui laisser le temps de répondre elle reprit, l'air un peu plus grave.

- Elle m'a appris à ne pas craindre les ombres. mais après... je ne sais plus trop. Après c'est plus que flou. Et j'ai retrouvé Soghann. Et toi.

Ainsi termina-t-elle en lui adressant un lumineux sourire. Elle avait pris garde à parler doucement mais son coeur battait toujours la chamade. Se remémorer Aquarelle... Elle ne lui parla pas des voix dans sa tête. Premièrement parce qu'elle n'y songeait déjà plus. Ensuite parce qu'après un tel discours, elle était à bout de souffle. Elle entoura la main du filou de ses deux mains à elle, plaqua le tout contre son coeur, tentant de se calmer. Ce qui échoua car ce contact fit s'emballer son myocarde de plus belle.
Le souffle court et les joues roses, elle finit sur ces quelques mots chuchotés.

- Je suis contente de te revoir...

Syld ne put réprimer un sourire malicieux.

- Pas possible ! On ne dirait vraiment pas...

Il leva sa main libre pour lui caresser la joue, effleurant au passage le tissu qui dissimulait en partie la marque de son cou. Il avait à peine frôlé l'étoffe, pourtant le jeune homme fut secoué d'un grand tressaillement et eut un brusque mouvement de recul avec une exclamation étouffée.

C'était comme s'il avait touché un fer chauffé à blanc. Le bout de ses gants paraissait intact mais la façon dont le brigand se mordit brusquement la lèvre inférieure suffisait à prouver que la douleur n'était pas feinte.

- Qu...

Son regard se posa sur le col qui avait glissé et laissé à nouveau à découvert la marque noire.

L'assassin se figea avec une expression assez indéfinissable. Il se pencha pour examiner cette forme sombre qui tranchait avec violence sur la peau laiteuse de la jeune fille puis releva la tête afin de fixer l'intéressée.

- "Plus que flou", hein...

En sentant la main de Syld sur sa joue, Fanaa put enfin se détendre, fermant à demi ses yeux. Ils allaient finir la mission puis ils rentreraient "à la maison" retrouver Sendaë, et tout irait bien.
Hélas, l'instant de tendresse ne dura pas. Le visage de Syld exprima surprise et douleur tandis que, par réflexe, il retira ses mains, rompant tout contact.

Suivant son regard, elle observa sa marque et la scène lui revint en mémoire. Un frisson glacé la parcourut. Ses yeux la picotèrent mais elle se braqua tout entière pour ne pas se laisser verser une larme. Elle était en mission, elle devait rester concentrée. Il le fallait. Elle aurait voulu regarder Syld mais craignit de croiser ses yeux bleu-verts. Qu'auraient ils exprimé ?

- C'est un homme sans visage. Un autre. Il a ouvert l'espace à côté de moi et il m'a brûlée. Il m'a fait mal.

Elle se rappelait de cette douleur intense, à la fois brûlante et en même tant affreusement glacée.

- Pourtant je n'avais rien fait de mal. Je te le promets Syld! Je ne le connais même pas !

Elle releva la tête et le fixa de ses yeux bleus, emplis d'incompréhension. Puis elle fronça les sourcils.

- Soghann l'a touchée, lui aussi. Et ça ne lui a rien fait, alors pourquoi est-ce que tu as mal ?

Non! Pitié non! Ca n'était quand même pas ... ?!

La sensation de brûlure s'estompait, laissant place à un picotement pas vraiment douloureux mais quand même désagréable. Syld garda l'oeil baissé vers ses doigts engourdis qu'il pliait et dépliait avec quelques difficultés. Il prenait son temps pour répondre.

- Alors lui n'a rien senti ? Ah, je suppose que ça équivaut à un gage d'authenticité...

Il resta un instant absorbé par le jeu encore un peu laborieux de ses articulations. Dire qu'il n'avait fait que la frôler au travers de deux couches de tissu - le col de Fanaa et les gants qu'il portait -... Qu'est-ce qui se serait passé s'il avait directement posé la main sur la marque noire ?

Le jeune homme releva la tête pour fixer Fanaa. Un simple regard suffisait pour comprendre qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'était cette marque, et tout ce qu'elle pouvait signifier.

- Rien fait de mal ? Tu as pourtant bien dû faire quelque chose pour te retrouver sous la protection directe de Sentence !

Il parlait toujours à voix basse, mais son ton s'était fait cassant. La vision du symbole royal le rendait plus que nerveux.
Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, hésita, puis se ravisa.

Se rencognant dans le moëlleux oreillers, l'assassin baissa les cils et se marmonna à lui-même avec un demi-sourire ironique :
- Bon, je suppose qu'au moins nous n'avons plus à nous soucier de cette histoire de délai !

Le cerveau de Fanaa tournait à plein régime maintenant.

"Authenticité"

- Ah mais oui, c'est vrai que tu n'es pas euh... authentique comme tu dis, mais depuis le temps c'est tout comme, non ?

"Sentence"

- Mais Sentence c'est le roi de Shalanos! Pourquoi ce ton empli de reproches? Je ne le connais pas, moi. Ce n'est pas une simple fille comme moi qui peut rencontrer un tel personnage. Et je ne lui ai rien fait, jamais je ne permettras un quelconque outrage envers lui. Tu te rends compte de ce qu... oh non!

Soudainement elle se rappela les voix dans sa tête et sa fuite éperdue... jusqu'au palais du Roi ! Quelle folie avait été la sienne ! Fanaa pâlit et ne put retenir un frisson.
Se détournant de Syld, elle s'assit dos au lit et face à la porte. Elle ramena ses genoux sous son menton, les entoura de ses bras et se tint ainsi. Elle avait la chair de poule.

- C'était le seul endroit...

Le Palais Noir lui avait semblé le seul refuge possible à ce moment. Elle n'avait pas réfléchi aux conséquences. C'était le seul lieu sûr. Où elle pouvait être à l'abri de l'homme sans visage. Et elle se rappelait que les voix avaient disparu de sa tête une fois qu'elle était entrée. Le sol était glacé. Mais après? Après? Rien. Aucun moyen de s'en souvenir. Mais il l'avait punie pour ça. Pour ce dont elle ne se rappelait pas. Ou juste pour l'intrusion, allez savoir.
Toujours sa peur, sa stupide peur. Elle en aurait pleuré de colère.

Syld posa un regard étrange sur le dos de Fanaa, l'oeil à demi fermé. Une lueur verdâtre scintillait entre ses cils.

Denma avait fait son office aussi bien qu'on pouvait l'espérer et la force revenait dans les muscles du brigand. Cela ne remplaçait pas quelques bonnes nuits de sommeil tout juste entrecoupées de journées calmes et reposantes, bien sûr, mais c'était déjà mieux, beaucoup mieux...
L'assassin tourna la tête vers la soigneuse.

- Merci, ça ira. Vous pouvez sortir.

Même si le jeune homme avait tenté de donner congé de façon aimable à Denma, son ton était plus que péremptoire. Une menace latente roulait sourdement au fond de sa gorge telle le rauquement d'un fauve. Ses griffes à demi formées se piquaient avec force dans le luxueux couvre-lit sans même qu'il s'en rende compte.

Syld s'efforça de reprendre un ton léger comme s'il ne portait pas beaucoup d'intérêt à la réponse à sa question :
- Fanaa, je pourrais savoir ce que tu entends par "pas authentique" ?

- Hein ?

Fanaa se retourna et croisa le regard de Syld. Elle vérifia que la soigneuse était sortie avant de répondre, un peu surprise.

- Mais c'est toi qui m'as dit que tu étais venu à Shalanos après... euh... après... tu sais bien...

Fanaa était gênée d'aborder ce sujet. Syld avait un passé sordide et douloureux, son dernier souhait était bien qu'on le lui rappelle. Le comprenant plus que quiconque, la jeune femme répugnait à l'évoquer.

- Après "avant", quoi. J'en ai donc déduit que tu devais venir d'une province Shalos. Car tu n'es pas né à Shalanos-même, n'est-ce pas? C'est tout. Et tu sembles dire que le roi différencie les Shalos de Shalanos et ceux de l'extérieur. Je me demande pourquoi. Et aussi...

Fanaa se mordit la langue, devinant qu'elle ferait mieux de ne rien ajouter. ce n'était ni l'heure ni l'endroit d'évoquer un tel sujet. Si il devait jamais être évoqué un jour.

- Voilà c'est tout. C'est juste que tu m'en avais parlé. Et tu sais j'écoute tout ce que tu me dis, alors je m'en souviens.

Le regard de la jeune femme était franc et clair tandis qu'elle répondait posément et observait avec soulagement que le filou semblait aller bien mieux.

Syld plongea son regard dans les yeux limpides de la jeune femme mais ceux-ci ne trahissaient nul mensonge. Il n'avait pas manqué de noter le "Et aussi..." de son explication, cependant il ne devait s'agir que d'un détail sans importance. L'assassin ne trouvait aucune trace de l'expression à laquelle il s'attendait si Fanaa en avait su plus qu'elle ne devait à son sujet.

Avec un soupir, Syld se passa la main dans les cheveux.

- Ah, c'est vrai, je t'avais parlé de ça.

Bon sang, s'il continuait à se montrer aussi nerveux, il finirait vraiment par mettre la puce à l'oreille de quelqu'un !

- Tu n'es vraiment pas obligée de retenir des détails aussi insignifiants, tu sais...

Le jeune homme tapota le front de Fanaa du bout de l'index avec un sourire taquin.

- Avec toutes les sottises que je dis, cette jolie tête risque d'être vite remplie !

Balançant les jambes par dessus le bord du lit, il prit appui sur la table de chevet et se leva. Il ferma aussitôt l'oeil avec une petite grimace.
Ah, le sol semblait aussi agité que l'océan un jour de tempête.
Par bonheur le plancher finit par se calmer et, les jambes encore un peu cotonneuse, Syld put faire quelques pas prudents à travers la chambre.

On n'entendait toujours rien de spécial dans le couloir ou la pièce voisine. Le Gros devait s'en tirer convenablement.

Le brigand jeta un regard indécis vers la porte avant de baisser le nez vers la chemise qu'il portait avec une moue un peu dégoûtée. Le vêtement était littéralement trempé de sueur et de sang.

Encore un coup d'oeil vers la porte, un vers la chemise... et, avec un haussement d'épaule, Syld alla posément ouvrir au grand le placard le plus proche à la recherche de quelque chose de mettable.

- Le grand problème du métier d'assassin, c'est la difficulté à être présentable plus de deux heures d'affilée. Au-delà, on se retrouve immanquablement avec du sang partout, quand ce n'est pas avec de petits morceaux de cervelle ou d'entrailles à l'intérieur des manches.

Fanaa ne le quittait pas des yeux. Son visage, fermé l'instant d'avant était maintenant tout à fait détendu. Elle répondit tout de même en marmonnant :

- Mais je suis pas là pour rester une tête vide et t'inquiète pas j'ai encore de la place...

Et elle lui tira la langue! Bien fait! Elle avait envie de rire mais ne le pouvait pas, de crainte de faire trop de bruit. Elle se contenta de sourire tandis que le shalos s'affairait à se changer. En l'entendant plaisanter de bout de cervelle et de sang sur un ton aussi léger, Fanaa ne put retenir une grimace. Il aurait pu tout aussi bien parler de son plat préféré ou de son record de litres d'alcool avalé avec ce timbre là.
Et pourtant ces petits détails faisaient partie de la vie d'un assassin comme le temps qu'il faisait. C'était... normal. Il fallait tout de même une grande force d'esprit pour être un tueur de sang froid.

- Syld?

Elle eut envie de lui demander ce qu'il craignait tant, pourquoi il cachait une partie de son visage sous un foulard qu'il ne permettait à personne de toucher. Que signifiait cet oeil qu'il gardait toujours à l'abri des regards?
Les yeux sont le miroir de l'âme.

Fanaa se leva et s'approcha du jeune fripon sans le quitter des yeux.
On a tous quelque chose à cacher. Pourtant, il est aussi bon de faire confiance, de s'appuyer sur quelqu'un. De s'ouvrir. Toute l'attitude de Syld montrait qu'il se défiait de tout le monde lorsqu'il s'agissait de son secret. Et pourtant... peut être qu'au fond il attendait juste que quelqu'un le découvre, afin de pouvoir en partager le poids peut être. Ou sinon s'en libérer?

Lorsqu'elle se trouva face à lui, elle saisit tout doucement son visage entre ses mains et le caressa d'un regard infiniment doux.
Oui, il était probable que ce soit un appel à l'aide dont il n'avait même pas conscience. Qu'il espérait inconsciemment que quelqu'un l'affronterait pour dépasser cette protection qu'il avait érigée et aller découvrir l'envers du décor.
Il semblait à Fanaa que le temps s'était arrêté tandis qu'elle rapprochait son visage de celui du chenapan et que sa main remontait millimètre par millimètre vers l'étoffe noire. La tension devenait insoutenable. Elle le voyait, tendu lui aussi, se demandant sûrement ce qu'elle était en train de faire, sur ses gardes. Elle y était presque, elle...
Non.
Elle ne devait pas faire ça. Il lui faisait confiance pour ne pas aller au-delà des limites. Pour ne pas risquer de le blesser. Il lui faisait confiance et elle devait respecter cela.
La jeune femme fit baisser la tête à son compagnon et pressa ses lèvres sur son front. Elle prolongea le contact de quelques secondes avant de le rompre et de s'intéresser au contenu de l'armoire.
D'où elle tira une chemise noire.

- Si il doit y avoir des tâches de sang, ce sera discret au moins.

Syld resta un instant indécis, puis accepta la chemise.

- Merci.

Qu'est-ce que Fanaa avait bien pu vouloir faire ? Sûrement pas ce baiser si sage, il en était presque certain.
Son oeil bleu-vert s'assombrit fugitivement.

"Je ne voudrais pas avoir à te faire du mal... vraiment pas. Mais si jamais..."

L'assassin repoussa cette éventualité d'un mouvement de tête mécontent puis revêtit prestement la nouvelle chemise. Elle était un peu grande, cependant Syld avait l'art et la manière de paraître à son avantage, qu'il porte une guenille ou une habit princier sur le dos.

- Voilà qui est mieux !

Il ne se sentait toujours pas très frais, mais il y avait de l'amélioration.

- Nous allons pouvoir...

Une petite minute... "Nous" ?
Syld se retourna vers Fanaa comme s'il venait tout juste de pleinement réaliser sa présence.

- Mais au fait, comment es-tu arrivée ici ? Et puis... Ah, et puis on s'en fiche du comment ! L'important, c'est que tu ne devrais pas rester là, Ombre Fée. Tu ferais mieux de rentrer à la maison, le temps qu'on règle nos petites affaires d'assassins entre ces murs.

Ombre Fée... Fanaa s'empourpra en entendant ce si joli surnom. Dans son esprit, une image d'elle-même se forma avec, dans le dos, de fines ailes de gaze moirées. Les ombres, suivant son idée, prirent la forme imaginée et durant un instant, peut être deux, la jeune fille ressembla à un être féérique, surtout avec ses yeux qui s'étaient teintés de violet.

- Mais Soghann a dit que je faisais partie de la mission. J'ai enfin le droit de faire équipe avec vous alors je ne te décevrai pas. Je serai sage et je ferai tout ce que tu me diras. Tu vas voir, je peux me rendre utile.

Fanaa commença à s'estomper, en se contrôlant cette fois.

- Nous rentrerons ensemble.

Ce qui disparut en dernier furent ses yeux. Ses iris violet intense. Son regard rieur posé sur le filou.

- Tu vois? J'ai appris plein de choses! Viens !

Les extrémités de doigts inexistants passèrent sous la chevelure du jeune homme, effleurèrent sa nuque, descendirent le long du bras et pressèrent sa main avant de la lâcher. Puis la porte s'entrouvrit de quelques millimètres.
Fanaa jeta un coup d'oeil dans le couloir. Soghann était il encore devant le bureau? Comment savoir ce qu'il attendait de Syld et elle maintenant?

*Je pourrais peut-être lui parler par la pensée mais je n'ose pas. S'il ne s'y attend pas il pourrait sursauter. En plus il pourrait prendre ça pour une intrusion dans son esprit et il ne sera pas content. Hmmm. Mince. Sogh dis moi quoi faire s'il te plait.*

Syld ouvrit la bouche pour essayer d'expliquer à la jeune femme que des assassins travaillant en duo étaient déjà un cas exceptionnel, et que passer ce nombre à trois était quasiment contre nature à Shalanos.
Il aurait bien voulu dire aussi qu'il ne tenait pas à ce qu'elle vienne se mêler des affaires sordides et des meurtres qui constituaient leurs "petites affaires d'assassins" quasi quotidiennes. Faire équipe avec eux revenait à avoir aussi du sang sur les mains. Or cette idée lui déplaisait profondément.
Peu importaient les capacités physiques ou magiques, c'était le coeur qui comptait...

Mais il choisit de se taire et se contenta d'un haussement d'épaule assorti d'un soupir.

- Tu ne devrais pas avoir à faire ça juste à cause de nous.

Puis, passant la main par dessus l'épaule invisible de Fanaa, il ouvrit la porte au grand. Les portes fermées à l'aller et entrouvertes au retour étaient un des premiers détails qui sautaient aux yeux des gens du métier. Si le Taciturne avait été dans le couloir, il n'aurait donc pas manqué de les repérer sur le champ.

Un grand coup de pied dans le battant, et l'espion se prenait la porte en pleine figure.
"Enseignement de la première semaine de la première année de formation à la Guilde", songea Syld avec un rien d'amusement.

Tout en enjambant le seuil, l'assassin se drapa à son tour d'un manteau d'ombres, non sans se demander à quel moment Fanaa avait bien pu apprendre à devenir invisible aussi.

Le corridor semblait désert. Mais Syld se s'y trompa pas : il sentait une présence familière, toute proche.
Le jeune homme effleura l'éclat d'elixia qui scintillait faiblement à son oreille.

"Soghann ?"

Le Gros ne savait pas si le Taciturne le croyait ou non... dans tous les cas, ce n'était pas lui qui allait lui dire... Il n'avait dit que quelques mots alors que lui même l'inondait de paroles...

Le Taciturne regardait avec curiosité quelques bibelots renverssés a terre puis s'arrêta net, portant son regard sur le patron du bouge. Ce dernier ce tut, conscient que l'entrevue commençait vraiment.

- Qu'à tu as me dire? Fit-il d'une voix glaciale.
- Qu'à tu as m'offrir? répondit couragesement le Gros
- Ta vie...
- Heu... oui, enfin, il va me falloir plus... parce qu...
- Dis moi simplement ce que tu sais.
- Et bien, je ne sais que la pierre n'est plus entre les mains de l'aveugle... Cependant, impossible de savoir qui l'a maintenant. Il y a eu plusieurs morts sont les Ombres se sont régalés... donc quelques uns de mes hommes. Ils sont sur la piste de deux hommes... A priori, l'Artiste...
- N'est pas concerné.
-... n'est pas concerné... mais en revanche, le Médiov...
- est sous controle.
- Mais la pierre elle même... je ne s...
- Tu ne sais pas grand chose.
- Que...?
- Je n'ai pas que toi comme informateur...
- Mais alors que faites-vous ici si je ne vous suis pas utile? Peut-être que... si vous me donniez quelques informations... je pourrais...
- C'est bien sur quoi je compter.
- Ah...
- Deux hommes... L'un grand et glacial, l'autre plus fin mais agile avec un bandeau... Formé a la Guilde.

Le Gros ne pu s'empêcher de palir et se laissa tomber dans son siège.

Un silence tendu s'installa... Suspicieux, le Taciturne observa de pres le Gros qui fit faiblement

- Encore la Guilde...
- Oui, la Guilde...
- Que je haie les assassins...

Le Taciturne sembla légèrement déçu de cette réaction et fronça les fourcil en se retournant vers la porte

- Oh! mais je ne parle pas de vous...
- ...
- Mais sinon... je peux vraiment vous être utile...
- surement.

Une nouvelle fois, on n'entendait plus que les activités de la ville et de l'établissement... couinements de lits et d'amants... chants d'ivrognes...Le Gros tenta une piste pour essayer de faire parler le Taciturne, ce qui n'était pas une affaire facile...

- Mais... déjà, si je savais... quelles personnes je ne devais pas surveiller... car je vous avoue qu'il y a un de mes hommes aux trousses de l'Artiste et de sa boite a musique...
- ... certes... Mais ne fouille pas...
- C'est bien mon intention... de ne pas fouiller dans ces affaires ci...

Le Taciturne hésita. Le Gros était intelligent... et donc il devait l'être assez pour ne pas trahir... Après un moment en silence, il soupira et se retourna vers le patron de lupanar.

- Je te conseille donc de ne pas suivre L'Artiste.
- Évidemment.
- Ni moi... d'ailleurs.
- Comment en aurais-je eu l'idée...
- Sache aussi que ta bourse est remplie par l'Estoc et surtout, oublie Ashmed...

Cette information laissa le gros coi.

- Ne porte pas tes recherches sur le Maître de la Guilde... il ne serait pas bon qu'il ait des soupçons sur quoique ce soit. L'ignorance lui sied si bien.
- ...
- Enfin, si tu dois suivre quelqu'un ce sont les deux assassins dont je t'ai parlé précédemment. Ils sont intelligents... nous sommes certains qu'ils ont la pierre. Pas la peine de s'occuper de leur maison, c'est déja en cours... En revanche, ne les tue pas... nous voulons la pierre en priorité.

Le Taciturne n'avait jamais autant parlé... et le gros n'avait jamais été aussi muet.

Le silence s'intalla de nouveau entre les deux hommes. Le Gros suait a grosse goutte. Il était a présent totalement conscient qu'il venait de mettre le pied dans quelques choses de bien plus gros que lui. Il s'éclaircit la gorge pour se donner de la contenance

- Hum hum... heu... j'ai bien noté ce que je dois et ne dois pas faire... et hum... vous, vous voulez peut-être profiter de l'une de mes belles? vous devez avoir besoin de vous détendre...
- ...

Le Taciturne était de nouveau le Taciturne. Il tourna les talons et se dirigea a grand pas vers la sortie sans même un regard derrière lui. Il s'arrêta la main sur la poignée de porte
- J'espère que tu ne me décevra pas.
- Non... non... il ne me viendrait jamais a l'idée de vous décevoir... jamais...

et il ouvrit la porte pour sortir

Entendant les pas du taciturne approcher rapidement de la porte, Soghann se décala précipitemment pour qu'elle ne s'ouvre pas sur lui. Il se plaqua contre le mur d'à côté, de manière à ce que le battant le cache en s'ouvrant, et rétabli aussitôt son camouflage à peine troublé par le mouvement. Le Taciturne sorti à grand pas, frolant les deux assassins cachés dans les Ombres.

Tout allait dépendre de si il parvenait à les détecter, ou si sa concentration était insuffisante.

Jet de camouflage de Soghann : 11/20

Le Taciturne s'arrêta. S'il ne savait pas exactement de quoi il retournait, il se sentait observé. Sa longue expérience de l'assassinat et du camouflage, plus que sa raison, lui disait qu'un assassin se cachait à proximité. Soghann, parfaitement immobile, ne respirait même plus. Il répétait mentalement les gestes les plus sûr pour se débarrasser du Shalos si il finissait par se retourner.

Jet de camouflage de Syld : 15/20

Mais le brigand, après quelques secondes d'arrêt, fini par secouer la tête. Une fausse alerte, certainement. D'un pas plus lent, comme s'il faisait davantage attention à ce qu'il faisait, il continua son chemin à travers le couloir.

Fanaa, apparemment, était resté au niveau de la chambre. S'apercevant de cela, Soghann se crispa légèrement. S'il la repérait et qu'il l'attaquait, les probabilités que les assassins réussissent à intervenir avant que Fanaa ait pris un coup étaient très faibles.

Jet de camouflage de Fanaa : 20/20

Mais de toute évidence, le camouflage de la jeune femme était encore plus performant que le leur. Par quel mystère, l'assassin ne préférait pas le savoir. Le Taciturne continua sa route, descendit les escaliers, et disparu à leur vue.



[HRP]Générateur de nombre aléatoires utilisé[/HRP]

Syld attendit un bon moment, le temps d'être sûr que le Taciturne avait bien quitté les lieux, puis laissa disparaître son camouflage. Il resta appuyé au mur quelques instants. Son flux d'Elixia peinait à se stabiliser.

Un souffle d'air moite passant par la fenêtre du bureau vint agiter les papiers répandus sur le sol. Il devait à nouveau y avoir de l'orage sur les sommets du Dregnir.

Le jeune homme lâcha une longue expiration avant de se décider à quitter le soutien de la paroi de pierre. Il coula un regard du côté du Gros, qui était resté planté au milieu de son bureau et semblait sur le point de fondre en une flaque de graisse. Il ruisselait littéralement de sueur. L'assassin secoua la tête puis fixa l'endroit où devait se tenir Soghann.
Même sans le voir, il parvenait instinctivement à le situer. Chaque être vivant possédait sa propre fréquence d'Elixia, tout comme chaque être vivant possédait un coeur battant à une certaine vitesse. Les différences étaient subtiles mais Syld connaissait suffisamment son compère pour démêler son signal au milieu de l'Elixia ambiante. Il avait donc clairement perçu ce que le Taciturne n'avait fait que deviner fugitivement : le camouflage d'Ombre de Soghann avait faibli.
Le grand Shalos commençait-il lui aussi à ressentir les effets de la fatigue ?

- Soghann... il faut que l'un de nous aille parler de tout ça avec le Maître. Cette affaire, c'est trop, même pour nous.