Au bord de l'eau

Soghann sorti la tête de l'eau, lançant un regard mauvais à Syld.

Merci bien pour le coup de main, la température me faisait un peu hésiter...

La suite fut rapide. Ayant pris une impulsion sur une grosse pierre, l'assassin sauta hors de l'eau, suffisamment haut pour attraper Syld par les épaules. Il se laissa ensuite tomber en arrière, l'entraînant dans sa chute et provoquant une deuxième grande éclaboussure qui acheva de tremper Fanaa.

émergeant en riant, il lança à son compère :

Pas besoin, je vois la tienne, maintenant !
Je pensais attendre que tu ai retiré tout ce qui peut rouiller, mais finalement, c'est plus drôle comme ça, héhé...

Avec un large sourire, il passa ses mains sur les côtés de son visage, écartant de ses yeux ses longs cheveux de jais qui collaient à sa peau.

Bon sang, ça fait du bien !

Fanaa se leva aussitôt et se précipita pour pousser Syld à son tour... mais Soghann fut plus rapide et il l'éclaboussa encore. A ce train là, elle ferait mieux d'enlever tout de suite ce qu'elle avait sur le dos. Le tissu allait bientôt craquer définitivement. mais elle ne pouvait pas se déshabiller, elle n'avait rien d'autre à se mettre. Elle attendrait jusqu'à la limite de sa tunique. Elle prenait le risque.
Reculant de quelques pas pour admirer les deux assassins mouillés, elle se laisser aller à rire elle aussi.

- Vous êtes... hihi! vous êtes... trop mignons!

Mettant ses mains sur ses tempes, elle les bougea façon branchies, se moquant des deux hommes poissons.

- gloup, gloup! C'est la première fois que je vois des tritons. Incroyable. Syld, tu aurais peut être dû enlever tes bottes non?

Fanaa se dirigea vers la veste de Soghann, l'ouvrit, admira les différentes lames et en choisit une.

- Aïe!

Elle s'était coupée. Un goutte écarlate perlait au bout de son doigt. Zut. Soghann avait raison. Elle récupéra aussi "sa" bourse et la replaça autour de son cou. Ainsi elle était plus en sûreté et elle masquait un peu le décolleté qui se faisait de plus en plus engageant. Et gênant. Les laissant barboter dans l'eau, elle marcha le long de la berge en scrutant le sol. Elle était à la recherche d'une certaine pierre. Quand elle l'eut trouvée, elle y fit une petite entaille (ciel! la lame coupait la pierre comme du beurre!! le grand shalos était bien outillé!). Un poudre grise s'écoula, qu'elle récupéra dans sa main.
Elle entailla ensuite l'écorce d'un arbre voisin, récupéra un peu de résine qu'elle mélangea à la poudre. Elle respira sa mixture. Mmmh corsé, légèrement épicé. Bon dosage.

S'en repartant vers les deux jeune hommes, elle s'agenouilla au bord de l'eau et tendit ses mains pleines.

- Interdit de me faire tomber, hein! prévint elle. Tant que vous êtes à l'eau, que diriez vous d'un décrassage complet, cheveux compris? Voici le savon. Et je suis même prête à démêler vos tignasses!

- Les seuls outils que je garde toujours sur moi sont ceux qui ne craignent pas l'humidité, tu devrais le savoir, Soghann.

Syld se fendit d'un sourire éblouissant tout en secouant sa crinière rebelle gorgée d'eau.

- Sinon je ne serais pas resté planté sur la berge...

Le jeune homme acheva de se libérer de sa chemise qui commençait à avoir l'habitude des trempettes inopinées. Le vêtement atterrit en un petit tas mouillé sur la rive et fut bientôt rejoint par deux bottes qui n'en menaient pas large.

- N'empêche...

Il recracha une goulée d'eau puis redressa un peu le foulard qui couvrait son oeil droit et menaçait de couvrir aussi le gauche avec toute cette agitation.

- ... tu devrais essayer le remède du tavernier ! J'ai l'impression qu'il est diablement efficace !

Sifflotant d'un air innocent, le bandit s'éloigna d'une ou deux brasses, très à son aise. L'eau commençait à se réchauffer sous le soleil et commençait tout juste à devenir agréable...
Le retour de Fanaa le fit revenir près du bord.

- Ah tiens, c'est une bonne idée ! La dernière fois que je me suis lavé les cheveux, ça remonte à... ça remonte à...

Il compta sur les doigts d'une main, de deux mains, reprit la première main... puis abandonna.

- Mmh, je préfère ne pas me souvenir à quand ça remonte. J'ai vu la tête de Sog après un bain impromptu, ça suffit comme révélation horrifique pour aujourd'hui !

Le jeune homme réfléchit encore un instant, puis leva un doigt en demandant d'une voix flûtée :
- Et après, on aura le droit à un massage ?

Fanaa adressa un adorable sourire à Syld.

- Promis! c'est même Soghann qui va te le faire! Allez viens par ici!

Elle attendit que Syld trouve une place où, une fois assis au fond de l'eau sa tête arrivait au niveau de la berge et s'y installa. Passant ses jambes nues sur les épaules du shalos pour l'empêcher de gigoter, elle s'attaqua au shampoing. Oulala! L'homme était chevelu, elle n'allait pas s'ennuyer. Mettant de l'énergie à frotter, elle changea bientôt la terrible tignasse en une non moins redoutable masse de mousse blanchâtre.

Elle dut se mordre la lèvre pour ne pas rire, espérant que le chenapan ne la sentirait pas se gondoler -pourtant aussi discrètement qu'elle le pouvait- promis!.

- Syld je... je suis en train de laver ton foulard en même temps là. C'est pas grave? Je peux l'enlever si tu préfères, il ne faudrait pas qu'il déteigne.

Faisant de son mieux pour cacher sa déception, Syld s'installa et se laissa complaisamment dorloter.

Il riait même dans sa barbe en imaginant l'allure qu'il devait avoir, ainsi coiffé d'une meringue mousseuse.
D'un doigt rêveur, il caressait une des chevilles de Fanaa.
Une douce somnolence le reprenait.

Bref, il se sentait bien.

Il serait même resté là toute la journée si...

- Enlever mon... ?

Le jeune homme se raidit brusquement et saisit le poignet droit de Fanaa alors qu'elle n'avait même pas esquissé un geste vers le foulard.
Foulard qui, il est vrai, avait piteuse mine.
Mais Syld s'en souciait assez peu.

Il se rendit compte qu'il serrait le poignet de la demoiselle avec beaucoup plus de force qu'il ne l'aurait voulu.

- Non, je... pardon...

Brusquement tout pâle, le Shalos la relâcha et se renfonça dans l'eau.

- Ce n'est pas la peine. La couleur est de bonne qualité, elle ne risque pas de déteindre.

Fanaa resta interdite un instant, surprise de la réaction de son chenapan. Elle leva son poignet droit à hauteur de ses yeux. Des traces de doigts rouges s'imprimaient sur sa peau blanche. Il était tout engourdi. Mais ce n'était pas le plus grave.
C'était de sa faute à elle. Elle l'avait peiné. Elle cherchait quelque chose à dire mais rien ne lui venait à l'esprit. Rien pour se rattraper.

Syld s'était enfoncé dans l'eau, manifestement gêné lui-même.

- Penche la tête en arrière. C'est de ma faute. Pardon. Ferme les yeux je ne voudrais pas te mettre de la mousse dedans.

Elle rinça bien l'épaisse chevelure rebelle. Le guidant pour qu'il se rasseye, elle s'attela au démêlage. Sortant un peigne de sa ceinture, elle s'occupa des cheveux, une mèche par une mèche, partant du cuir chevelu pour aller jusqu'à la pointe. Ce va et vient était sensé procurer beaucoup de plaisir, de détente. A condition bien sûr d'être sensible au niveau du crâne.

Elle prenait son temps, avait la main légère, un poignet souple... et l'autre douloureux. Ne pas y penser. Ca va passer. Se concentrer. Ce genre de caresse pouvait faire tout oublier, parfois même plonger dans une douce semi-conscience.
Elle espérait parvenir à mettre Syld dans cette sorte d'état. En espérant qu'il ne soit pas trop nerveux.

Posant son peigne au sol, elle laissa courir ses mains sur le visage, le cou, la nuque et les épaules du chenapan, priant pour un retour en arrière dans le temps. Juste quelques instant auparavant... s'il vous plait...

- Argl... tseuh !

Il s'était si bien détendu qu'il n'avait rien vu venir... et avait inspiré pile au moment où l'eau lui arrivait dans la figure.

Presque à-demi noyé, Syld voulut se redresser mais son pied dérapa sur une pierre au fond de la rivière. Le jeune homme s'enfonça sous la surface avant d'avoir pu reprendre sa respiration.

- Glourb...

Il ré-émergea précipitamment et se raccrocha à la berge en toussant à rendre l'âme.

- So... *tousse*... Soghaaan !

Il ne fit qu'un bond (enfin, un saut de carpe, quoi) jusqu'à son compère. Posant les deux mains sur les épaules du vil enquiquineur, il pesa de tout son poids. Comme il n'était pas très lourd, cela n'aurait peut-être pas suffit à faire couler le grand Shalos... mais un croche-pied bien ajusté permit de finir le travail : Soghann se retrouva à boire la tasse, maintenu au fond par un Syld assez remonté.

- Et après c'est moi qui ai la mentalité d'un mioche de sept ans, hé ? Suffisait de le dire si tu voulais que ce soit ton tour !

Bloub bloub...

**Penser à remonter, avant de répondre...**

Aussitôt pensé, aussitôt fait. Bien que les épaules maintenues au fond, Soghann avait l'avantage d'une allonge bien plus importante que Syld. Il tendit donc le bras pour écarter l'assassin, et, au prix d'un contorsionniste invraisemblable, parvint à l'attraper par l'aisselle d'une main, l'autre étant fermement accroché au pantalon de Syld. Prenant de nouveau appui sur le fond, il se dressa de toute sa hauteur, exhibant sa victime impuissante à bout de bras au dessus de lui.

*Tousse*

Tiens donc, la belle prise que voilà !

Phrase qui fut aussitôt suivie d'une nouvelle et importante gerbe d'eau, consécutive au lancement du Shalos un peu plus loin dans la rivière.

Désolé, mais tu ne semblais pas prêt à céder ta place !

- Yargloub...

Syld refit surface, l'air si possible encore plus mouillé qu'il ne l'était déjà.
Il avait l'impression d'avoir avalé la moitié de la rivière.

Un bonne quinte de toux plus tard, il leva la main.

- Pouce ! Je me rends !

Le jeune homme écarta d'un doigt les mèches qui lui retombaient dans l'oeil, l'air rieur.

- A force de boire de l'eau, je vais finir par me changer en grenouille... coâââ !

Il regrimpa sur la rive et se laissa tomber sur un coin d'herbe au soleil, les bras en croix.

- Dès qu'on se baigne ensemble, faut que ça se termine comme ça... et le pire c'est que je me fais toujours avoir !

Le Shalos piqua une fleurette entre ses dents puis croisa les mains derrière sa nuque.

- Enfin bon, aujourd'hui il fait beau... Je vais peut-être arriver à sécher tout seul. Ca changerait un peu.

- Mais... non!

Et voilà. Le charme était rompu. Il avait suffit de quelques goutes d'eau pour que tout s'efface. Soghann. Fanaa n'avait plus envie de rire. Elle jeta au grand shalos un regard lourd de reproche. Mais nul ne le vit.

Tous deux étaient occupés à se chamailler de nouveau. Ils riaient. Ils étaient libres et heureux. L'instant était agréable, léger. Mais Fanaa n'était pas touchée par la candeur de la scène. Quelque chose bloquait ses sensations. Comme un voile ou une barrière.

Elle les regardait s'amuser, mais ne s'amusait pas elle-même. Ce spectacle ne lui était pas indifférent mais... plutôt lourd.

Alors qu'elle gardait les yeux rivés sur les deux shalos, sa main gauche chercha à tâtons autour d'elle jusqu'à se refermer sur la lame empruntée à Soghann. Munie de celle-ci, elle l'amena tout naturellement sur l'intérieur de son poignet gauche et l'entailla.
Ligne carmin sur peau d'albâtre.

Elle sentit le poids quitter sa poitrine... et put sourire de nouveau.

Syld rouvrit soudain un oeil sans cesser de mâchonner la tige de sa fleur. Son estomac venait d'émettre un grognement particulièrement expressif.

- Pourquoi j'ai toujours des fringales qui arrivent sans prévenir, moi ?

Le sourcil grincheux, le jeune homme lâcha un soupir puis se redressa afin d'aller se servir dans le panier ramené par Fanaa.
C'était un cas d'urgence.
Et puis bon, il n'y avait pas trois bols pour rien...

Syld s'assit ensuite à côté de la jeune femme, les pieds dans l'eau, mordit dans un bout de pain à belles dents, le mâcha consciencieusement, déglutit.
Tout ceci sans regarder sa voisine.
Avec la même concentration, il vida le bol, reposa soigneusement le récipient sur une pierre plate, et puis...

- Pourquoi tu as fait ça ?

Son ton était si tranquille, si naturel que, n'eusse été le sens de sa question, il aurait aussi bien pu parler de la pluie et du beau temps, les yeux mi-clos et le nez en l'air pour mieux se chauffer au soleil.

Elle était contente que Syld se rapproche. Cela signifiait qu'il appréciait toujours sa compagnie. Ouf. Au début elle ferma les yeux et dirigea son visage vers le ciel en souriant, profitant juste de l'instant.
C'était reposant, agréable.
Elle était avec Soghann et Syld.

Et ce dernier lui posa la question. Elle tressaillit. De quoi parlait il? Du shampoing? Du bandeau? Ou bien... elle baissa les yeux vers son poignet. Elle hésita à changer de sujet. Après tout cela ne le concernait pas. Enfin cela risquait de l'ennuyer. Mais il avait quand même posé la question. Parler d'autre chose reviendrait à la prendre pour un idiot. Elle choisit de lui répondre sans détour. Elle baissa les yeux.

- C'est ma punition. Je le méritais et... tu ne m'avais pas fait assez mal.

Le regardant de nouveau, un doux sourire aux lèvres :

- Et comme ça j'ai un autre souvenir de toi.

Du bout du doigt elle enleva une miette que le chenapan avait au coin de la bouche.

- Tu vois que je ne t'avais pas oublié. C'est juste que tu dormais si profondément que je n'ai pas osé te réveiller. Mais j'avais pensé à ta part.

La blessure n'était pas trop profonde mais le couteau de Soghann étant suprêmement aiguisé (c'est pas des couteaux de tapettes qu'il a lui, c'est un pro) elle saignait plus que prévu. Elle songea à tremper son bras dans l'eau.

- Soghann! appela-t-elle. Tu viens? C'est à ton tour d'avoir de beaux cheveux brillants!

- Une... punition ?

Syld resta un peu interloqué.

- Juste parce que tu as suggéré d'enlever mon bandeau ? Mais attends, tu ne pouvais pas savoir que...

Il secoua la tête et se frappa le front du plat de la main.

- Aaah ! Mais je vais finir par croire que c'est de ma faute, là ! Qu'est-ce que c'est que ces histoires de punition juste parce que je suis trop chatouilleux dès qu'on aborde certains sujets ?

Le jeune homme se mit à quatre pattes sur la berge et leva une main vers le visage de Fanaa.

- C'est-vraiment-n'importe-quoi...

Et Syld de souligner chaque mot d'une petite pichenette entre les yeux de la demoiselle. Il attrapa le poignet blessé et fouilla dans sa poche.

- Mmh, elle est complètement détrempée... tant pis.

Avec les gestes précis de quelqu'un qui a l'habitude de ce genre d'intervention, l'assassin entreprit de panser la petite plaie avec la bande de tissu qu'il venait de repêcher dans les fins fonds de la poche.

- Là ! Et interdiction de jouer avec la ferraille de Soghann, d'accord ? D'ailleurs, Sog, amène-toi ! Les grands machins qui te servent de cheveux devraient suffire à occuper notre demoiselle pendant un bon moment. Ca sera toujours mieux que d'aller tester le fil de toute ta quincaillerie...

Quand Syld commença à la gronder, Fanaa tressaillit et le regarda avec des yeux ronds et l'air penaud. Elle entrouvrit la bouche et ne réussit pas à prononcer un mot. Elle cligna des yeux à chaque pichenette et quand il eut terminé, elle se mordit la lèvre inférieure et regarda le sol.

Elle retint une grimace de douleur quand il saisit son poignet et eut un instant de frayeur, instantanément remplacée par de la surprise au moment il commença à bander sa blessure. Le tissu noué serré pour empêcher le sang de couler était du même rouge que le bandana de Syld. Elle avait les yeux fixé sur ce bout d'étoffe, l'air incrédule et émerveillé à la fois.

Syld appela Soghann. Fanaa tenta de glisser discrètement la lame à ce qui lui tenait leiu de ceinture et adressa un sourire éclatant au grand assassin, l'invitant à la rejoindre.

- Tu vas voir c'est très agréable. Je te masserai aussi ça va te faire du bien!

Soghann, riant encore de ses jeux d'eaux avec Syld, n'avait pu empêcher le geste de Fanaa. Il l'avait cependant vu, mais était resté sans réaction, tellement l'acte l'avait interloqué. Il avait connu des femmes qui trouvaient leur plaisir dans la douleur, mais une qui se tailladait le poignet comme ça, il n'avait jamais vu ! Il s'en retrouva tout penaud, incapable de trouver quelque chose à dire, et s'en remit mentalement à Syld pour trouver une solution. Il rempli très bien son rôle et pensa la plaie puis l'appela à les rejoindre. Mi-marchant mi-nageant, il s'approcha du couple et, sans un mot, glissa une main caressante le long du ventre de Fanaa jusqu'à trouver le manche du poignard qu'il saisi et retira de la ceinture. Désormais très proche de la jeune femme, il mit la lame entre leurs deux visages et murmura sur un ton qui se voulait gentil :

Ce ne sont pas des jouets... Ils sont fait pour tuer...

Il se pencha ensuite sur le côté pour saisir sa veste et glisser la lame dans son fourreau, puis revint fixer Fanaa.

Tu aurais pu te faire bien plus qu'une simple égratignure... Ne joue pas à ça, s'il te plait. Pas avec ces lames.

- On aurait eu l'air fins si cette lame avait été empoisonnée, oui, marmonna Syld en tirant la nappe un peu plus près afin de se servir tout à son aise.

Remuant des orteils dans l'eau, il se pencha en arrière, appuyé sur un coude.

Il se mit à suçoter avec gourmandise le doigt qu'il venait de tremper dans le pot de miel.

- Et puis bon... gniam ! Soghann n'aime pas que quelqu'un d'autre que lui aille toucher son attirail. Il collectionne les armes comme on collectionne les femmes... et ils se montre aussi jaloux avec.

Le jeune homme récupéra une goutte de miel sur ses lèvres du bout de la langue, puis tira le même bout de langue vers son compère.

- En fait Sog est un grand frustré !

Le Shalos fit mine de câliner une dague, l'air pâmé d'amour.

- Mon précieuuuuuux !

Soghann était tout près, elle sentait son souffle et l'expression qu'il avait dans les yeux la fit frissonner. Elle n'osa pas résister quand il récupéra son bien. Même si elle le regretta. Quand le poignard quitta sa ceinture, elle sentit un froid à l'intérieur d'elle. Mais comment lutter contre cette remontrance menée de façon si affectueuse?
C'est le genre de remarque à laquelle on répond par réflexe: "Je te le promets". D'ailleurs Fanaa le dit. C'était automatique. Dans ces conditions là, qu'elle le pense ou pas elle était prête à tout lui promettre.

Syld coupa la tension qu'elle sentait en elle avec sa remarque. Elle lui adressa un clin d'oeil.

- C'est pas bien de se moquer de Sogh!

Avec un petit sourire, Fanaa frotta le bout de son nez contre celui de Soghann et le tira vers l'eau.

- Allez viens, c'est ton tour!

Heureusement, il lui restait de la mixture à cheveux. Dans le cas contraire, elle devinait que Soghann n'aurait pas accepté de lui re prêter son couteau. Pas tout de suite en tout cas.

Elle lui fit se remouiller la tête et s'amusa à faire mousser la touffe. Elle prit le temps de lui masser le cuir chevelu du bout des doigts, puis le rinça et passa au... démêlage.

Oulala! Soghann avait les cheveux longs! Bien plus longs que ceux de Syld! Ce dernier avait raison sur un point : elle allait être occupée pour un bon moment. Un vrai bon moment!

- Elle est comment votre maison, dites? C'est comment Shalanos?

Soghann s'était laissé entraîné par la jeune femme, qui avait commencé à lui masser le cuir chevelu. C'était agréable, ça détendait... Le bruit de l'eau le berçait, et le soleil réchauffait sa peau nue. Elle brisa presque cet instant de plénitude en parlant, son ton enjoué tranchant brutalement avec l'état de calme, de sérénité, dans lequel il aimait à se plonger et où il était présentement. Ouvrant les yeux qu'il leva au ciel, il décida de ne pas en tenir compte et les referma. D'un ton très doux, caressant, il répondit :

Shalanos est une ville bien étrange... On raconte beaucoup de choses sur elle... Et beaucoup sont vraies...
Y vivre est une expérience bien spéciale... Tout le monde n'en supporte pas l'atmosphère plus de quelques jours, voire quelques heures...

- Mais Soghann là tu ne me racontes rien! s'exclama-t-elle. Je sais qu'elle est spéciale cette ville.

plus doucement:

- Mais toi tu l'aimes... d'après le son de ta voix.

Fanaa s'installa sur le ventre, battant doucement des jambes. Elle passa ses bras autour du cou se Soghann, posa sa tête sur l'épaule du shalos et réclama:

- Dis m'en plus, ce qui se raconte. Et ce qui est vrai surtout. S'il te plait... A moins que ça te plaise de garder le mystère! termina-t-elle avec un sourire mutin qu'il ne put voir.

Soghann garda les yeux fermés, mais un léger sourire vint se poser sur ses lèvres. Toujours sur le même ton, il continua :

Oui, moi j'aime cette ville... J'y suis né et j'y ai grandi, comme la majorité des Shalos. Comme tu dois l'avoir entendu, la ville est entièrement souterraine. On y accède par des passages secrets gardés, qui mène à une grotte tellement immense que la voute disparaît dans les ombres, quelque soit l'intensité avec laquelle on l'éclaire. La ville est séparée en plusieurs quartiers, à des niveaux de vie différents. Les plus riches sont vers le lac, qui s'étend dans le sud de la caverne. Son eau est très froide, et on lui prête de curieuses propriétés... Parce qu'elle filtre à travers les cendres du Puydlaguell, sans doute. Au dessus du lac, le palais royal domine la ville, ses murs noirs posés sur une île, reliée à la berge par un unique pont... Dans les rues, des bandes de gamins font leur loi, et se livrent une guerre sans merci pour survivre. Ces enfants forment plus tard les plus féroces des guerriers de Shalanos, parce qu'ils se battent depuis qu'ils sont nés, chaque jour...

C'est une ville cruelle, mais fascinante...

Pendant que le grand shalos parlait, les mains de la jeune Fanaa partaient à la découverte de son corps immergé, effleurant ses épaules, descendant vers ses pectoraux, ses abdominaux, glissant le long de la cicatrice...

- Fascinant c'est bien le mot... souffla-t-elle.

Elle coula un regard vers le chenapan à côté d'eux. *oui c'est exactement ça*

- Et chez vous? reprit-elle Ca se trouve dans quelle partie? C'est grand?

Ce n'est pas un palace, mais c'est une résidence assez coquète. Elle n'est pas tout à fait dans les quartiers les plus riches, mais tout de même dans la partie un peu cossue de la ville. La demeure m'appartient, mais Syld y est un invité permanent... C'est notre port d'attache... On y repasse quasiment toujours, entre deux contrats, ou entre deux beuveries... Même si on n'y reste jamais très longtemps, Syld ne supportant pas longtemps l'air de la cité... Ce qui ne l'empêche pas de connaître tous les bouges et bars de la ville par coeur...

Fanaa se redressa, un demi-sourire aux lèvres.

- Soghann! Ne me dis pas que tu n'y vas pas toi! Même s'il est vrai que tu préfères les lames aux femmes, (coup d'oeil à Syld) je suis persuadée que tu n'es pas un homme si prude!
Et puis Syld préfère sûrement que tu l'accompagnes. J'ai cru remarquer qu'il vivait parfois avec des risques!

à Syld:

- Pourquoi tu ne choisis pas des femmes douces? En tout point je veux dire. Pas seulement quand vous êtes ensemble. A moins que le danger ne t'attire?