Taverne du Moo Pendu

HRP : venant de la Forge de Seronn


Si un regard avait pu tuer, nul doute qu'ils ne seraient jamais arrivés à la taverne. Et, comme d'habitude, Syld sembla totalement passer à côté de l'hostilité qui planait dans l'atmosphère ambiante : il avait tellement l'habitude de se rabibocher avec les plus jalouses que cela ne le préoccupait guère...

Ils parvinrent donc sains et saufs à bon port.
Plusieurs serveuses firent mine de se précipiter, avant de brusquement changer d'avis en découvrant Fanaa.

- Ah tiens... personne ne vient prendre notre commande ?

Syld chercha vainement une serveuse du regard mais celles-ci semblaient brusquement très occupées ailleurs.
Le jeune homme se gratta la tête d'un air perplexe, haussa les épaules, puis porta deux doigts à sa bouche. Le sifflement aigu qui s'ensuivit fit sursauter toute la salle.

- Ohééé, on a les crocs, ici !

Trop fainéant pour se lever et aller voir le tavernier à son comptoir (ce qui aurait sans doute été plus simple), Syld agita une main en l'air, penché en arrière sur sa chaise.

- Hep ! Quelqu'un pour nous dire ce qu'il y a au menu, ou alors je vais me servir moi-même dans les cuisines ?

Sans doute l'assassin avait-il déjà mis les pieds dans l'établissement... et sans doute avait-il aussi déjà mis cette menace à exécution un jour, car le propriétaire en personne jaillit littéralement de derrière son comptoir pour venir saluer leur table avec moult courbettes, la sueur au front.

- Oui oui oui... donc qu'est-ce que je vous sers ?
- Pour moi se sera comme d'habitude, fit Syld en s'étirant langoureusement, un sourire affamé aux lèvres. Et bien saignant, hein...

Puis, avec une nonchalance qui frisait le sans-gêne, le jeune homme laissa les autres décider de ce qu'ils voulaient et fit mine de s'intéresser aux poutres apparentes du plafond. Il se passait le temps comme il le pouvait en attendant son assiette...

Fanaa n'avait pas d'appétit. Elle se contenta donc de demander à boire. L'endroit était assez sympathique, plutôt convivial. Mais à quoi servait l'estrade du fond de la salle? Avec les barres verticales? Y avait il des spectacles? Intéressant.

La jeune fille eut une impression désagréable, se retournant, elle croisa des yeux joliment maquillés brillant de fureur. La femme aux yeux la regarda de haut en bas, évaluant le potentiel de risque qu'elle pouvait représenter. Fanaa ne dut pas lui faire trop bon effet car elle se "radoucit". Bon c'est un grand mot. Disons plutôt qu'elle se désintéressa d'elle.
Et posa même sa boisson sur la table sans trop en renverser et apporta sa commande à Soghann de façon polie.

Quand elle servit Syld, ce fut avec moult sourires et regards fripons et laissa sa main s'attarder sur une épaule du jeune homme en minaudant:

- Ce sera tout Syld chéri? Tu as besoin de quelque chose? N'hésite pas demande TOUT ce que tu veux. Ou ne demande même pas et sers toi, comme d'habitude...

Elle se pencha à son oreille:

- Shamarra est là. Elle a dit qu'elle danserait pour toi tout à l'heure. Elle espere te voir en tête à tête avant que tu ne repartes. Et moi encore plus!

Elle lui fit un clin d'oeil et eut un mouvement très suggestif avec ses lèvres et sa langue.

- N'oublie pas, tout ce que tu veux!

Et elle retourna derrière le bar.

Ayant visiblement terminé leur conseil de guerre, les serveuses suivirent l'exemple de leur consœur et reprirent leurs allées-et-venues.

- Fanaa, tu es sûre que tu ne veux rien d'autre ?

Syld suspendit un instant l'assaut qu'il menait sur le contenu de son assiette pour glisser un coup d'oeil vers la jeune femme.

- J'espère simplement que ce n'est pas parce que tu as l'impression de nous avoir causé trop de dépenses, hé ?

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, le jeune homme avait déjà nettoyé ses plats et se suçotait les doigts d'une façon telle qu'une fille de salle qui le surveillait du coin de l'oeil tout en prenant les commandes d'autres clients faillit tomber dans les pommes sous le coup de l'émotion.

Le Shalos lâcha un soupir de satisfaction.

- Ha, c'est vrai que la chère est fort bonne, ici ! On aurait parfois tendance à oublier ce détail au profit de certains autres...

Il coula un regard plus vert que bleu du côté de l'estrade.
En fait, il avait encore l'air affamé. Mais son appétit était à présent moins attisé par les mets qu'on pouvait servir dans une assiette que par le murmure qui tintait encore agréablement à son oreille.

Le jeune homme claqua des doigts et, comme par magie, plusieurs bouteilles d'alcool apparurent sur la table, déposées par des mains prestes qui semblaient guetter le moindre signal.

- Santé !

Il se servit un verre, adressa un clin d'oeil à Soghann, puis décala son siège afin d'avoir une meilleure vue sur le fond de la salle. Il s'appuya sur son accoudoir tout en humant rêveusement le contenu de son verre.

- Ca faisait un moment que je n'avais pas remis les pieds ici, mais c'est toujours aussi accueillant...

- Mais non, que vas tu chercher là? Je n'ai vraiment pas faim, c'est tout. par contre toi... tu es en forme!

L'on baissa les lumières et Syld, ainsi que les autres se tournèrent vers le fond de la salle. Fanaa, qui tournait le dos à l'estrade, s'installa à califourchon sur sa chaise, les bras croisés sur le dossier de façon à ne rien rater du spectacle.

Et c'est alors qu'Elle arriva. Des lèvres pulpeuses, des yeux noirs, une indomptable crinière sombre et une démarche féline. Elle se dirigea vers la scène, provoquant plus que des émois à chacun de ses pas. Des muscles parfaits roulaient sous sa peau, elle avait un port altier et dégageait une sensualité incroyable. Elle lança un long regard à Syld. Regard pour lequel tous les autres clients se seraient damnés. Mais comme c'était Syld, ils s'inclinèrent. Ils ne faisaient pas le poids et le savaient. Il était vraiment unique en son genre. Ils se contenteraient de regarder sans rien en retour. A part, au fond, un espoir.

Vêtue de Cuir noir moulant ses formes parfaites, la femme ressemblait à un superbe fauve. On s'attendait à l'entendre feuler.
Elle se plaça au centre de la scène et attendit un silence qui se fit d'un coup. Tandis que d'invisibles musiciens préparaient l'ambiance avec une musique démarrant en douceur, Shamarra se mit à se mouvoir. Sa taille dansait indépendamment du reste de son corps, ses mains glissèrent sur elle-même en suivant le rythme, elle gardait son regard de braise parfaitement maquillé dardé sur Syld.
Puis la musique s'accéléra et elle passa aux choses sérieuses. Elle secoua ses cheveux et dénoua les lacets qui comprimaient sa poitrine dans la combinaisons. Envoyant un baiser dans la salle, elle se retourna et s'installa a califourchon sur la chaise, dos au public, avant de se cambrer en arrière, offrant un superbe décolleté au public exalté. Elle se mit debout sur la chaise et en quelques gestes elle arracha sa combinaison, se retrouvant en dessous de cuir rouge passion. La tension sexuelle se fit plus intense. Shamarra alla vers la barre et l'escalada, dos au public, puis ôta son soutien gorge, le fit tourner, l'envoya voler et réussit à viser Syld sans même faire mine de le viser.

Se plaçant tête en bas, une main dans le dos pour tenir la barre et l'autre bras "cachant" ses seins dans un faux semblant de pudeur, elle se laissa glisser à terre, roula lentement sur le côté, se redressa et salua.

La salle croulait sous les applaudissements et les sifflets, ainsi que les bis. De sa démarche incroyable, Shamarra traversa la salle sans un sourire et alla droit à la table de Syld. Elle ôta son porte jarretelle et le jeta négligemment à Soghann. Après tout il était l'ami de son cher shalos préféré. C'est tout naturellement qu'elle s'installa face à Syld, sur les genoux du jeune homme et lui plaqua la tête au milieu des seins. Qu'elle avait de parfaits et incroyablement confortables.

- Bienvenue Syld chéri. roucoula-t-elle d'une voix suave.

Fanaa ne l'avait pas quittée des yeux, totalement impressionnée. Cette femme était superbe et vraiment douée. Wouahou!
Shamarra sembla remarquer qu'un regard non masculin était braqué sur elle.

- Qu'est-ce que tu as toi? demanda-t-elle sèchement.

- Vous dansez si bien! Je voulais vous dire : vous êtes magnifique! Vraiment!

- Je sais.

Sa voix si douce avec Syld claquait comme un fouet avec Fanaa. Puis elle réfléchit. Cette fille mal fagotée accompagnait visiblement Syld et Soghann. Shamarra connaissait son Syld. Il aimait (malheureusement) toutes les femmes. Et appréciait moyennement que les unes soient mauvaises envers les autres. Elle se força donc à lui parler de façon sympathique (pas trop grinçante, quoi). Elle n'allait pas perdre Syld alors qu'elle venait juste de le récupérer.

- Mais je suis sure que tu peux faire aussi bien. Cela se voit dans tes yeux.

*casse toi punaise!* songeait elle intérieurement. Puis elle eut une idée. Une idée puérile. mais qui pourrait se révéler digne d'intérêt. Elle reprit.

- Ce soir, c'est mon jour de bonté. je te prête ma scène, je te laisse mon succès. Epate nous donc!

- Mais... non je ne peux pas...

Shamarra était persuadée que toute fille espérait, au fond, se montrer sous un beau jour. Etre quelqu'un d'autre au moins une fois. Celle la ne devait pas faire exception. Même si son jour à elle devait être fadasse. Elle ne savait même pas s'habiller correctement!

Et pendant ce temps, Shamarra pourrait s'occuper de Syld dans sa loge, en privé! Oh oui! Elle porta la main à son front.

- Je ne me sens pas bien. En fait ça me rendrait service, comme ça les client auraient quand même leur show et moi j'aurais mon infirmier. Sans compter que tu ferais honneur à tes hôtes. Tu sais à Shalanos, tout est question d'honneur. Tu le leur dois.

Elle disait tout ce qui lui passait par la tête. N'importe quoi. Mais les yeux de la punaises brillaient. Ca allait marcher. Shamarra n'avait qu'une envie : qu'elle se vautre et se ridiculise. Même si Syld ne la regardait pas spécialement, la féline demoiselle n'avait pas manqué de remarquer que la petite tanche portait son manteau. Il ne le lui avait jamais prêté à elle!
La punaise allait craquer, c'était sûr!


Fanaa n'était pas bête. Elle savait qu'elle ne ferait pas le poids contre la superbe femme. Et elle devinait bien que cette dernière tenait à la comparaison. Mais... elle avait envie d'essayer. Elle en avait même très très envie. Et puis c'était un défi, c'était amusant les défis!

- D'accord!

Intérieurement, Shamarra se réjouit. Super. Elle fit des papouille à son Syld et lui susurra:

- Tu viens avec moi? Tous les deux, seul à seul, j'ai des nouvelles choses à te montrer...

Le soutien-gorge de Shamarra accroché à un doigt, Syld se laissa papouiller sans trop songer à réagir. Il fixait Fanaa avec incrédulité.

- Fanaa, tu ne comptes tout de même pas... ?

La bête fauve qu'il avait sur les genoux lui coupa la parole avec un baiser qui l'obligea à chercher d'une main le soutien du pilier le plus proche. Encore un peu et son siège aurait basculé sous tant de fougue.

- Sh... Shama... Shamarra, je...

Qu'avait-il fait pour se trouver face à pareil dilemme ?
D'un côté, il ne demandait qu'à répondre aux attentes passionnées de la danseuse, et de l'autre, il n'avait pas envie de quitter sa place si Fanaa devait faire quelque chose.
Car, non aveuglé par la jalousie qui ôtait une bonne partie sa perspicacité à Shamarra et ayant déjà pu voir Fanaa en tenue plus que légère... eh bien, il subodorait que le spectacle pourrait se révéler beaucoup plus intéressant qu'il n'en avait l'air au premier abord.

Inutile de songer à une hypothétique aide de la part de Soghann : ce dernier semblait concevoir un malin plaisir à le voir ainsi torturé par un trop-plein de bonne fortune...

- Heu j... Glargh...

Trop impatiente pour attendre une réponse, Shamarra venait de se lever sans lâcher le col de sa chemise. Il était heureux que l'assassin porte des cols plutôt flottants, sans quoi il eut fini étranglé aussi bien que par une corde de chanvre face à pareille impétuosité.

- Oh, viens là ! Vite...

Bon gré mal gré, Syld fut bien obligé de suivre le mouvement.
Avant d'être entraîné derrière le lourd rideau de velours pourpre qui marquait l'entrée des arrière-salles servant de coulisses, il adressa des signes muets à Fanaa en espérant qu'elle les comprenne : "Prends ton temps, surtout ! Je reviens tout de suite... enfin si c'est possiiiiiible..."
Le rideau se rabattit brusquement, dissimulant la suite à tous ceux qui assistaient à la scène avec un mélange de curiosité, d'envie, de jalousie... voire même de furieuse envie de meurtre pour certains. C'est vrai, quoi, ce damné brigand ne laissait vraiment rien aux autres...

La remarque de Syld fit un effet mitigé à Fanaa. N'avait il pas confiance en elle? Et bien elle allait lui montrer qu'elle était capable de faire des choses elle aussi. Même si elle n'était pas la féline. Le jeune fille soupira. Elle avait de la chance quand même...

Quand Syld eut été enlevé par la dénommée Shamarra, Fanaa se tourna vers Soghann, les yeux suppliants:

- Oh Sogh! J'ai besoin de toi s'il te plait! Il faut vite que tu m'accompagnes dans une chambre là-haut pour m'habiller et m'aider à m'échauffer. Oh je t'en prie! Fais ton regard de Soghann pour que personne ne touche à nos affaires et viens!

Fanaa joignit les mains et lui fit un petit sourire mutin. Il fallait qu'il vienne. Il le fallait absolument!

Soghann s'était laissé traîner, ses maugréments dissimulés par la pile de paquet qu'il s'efforçait de porter sans en laisser choir aucun. Une fois installé, il avait laissé tomber les affaires avec soulagement, ne faisant aucun commentaire pendant plusieurs minutes afin de reprendre son souffle. Lorsque la serveuse vint enfin, il fit un geste qui signifiait *la même chose*. Il n'avait pas besoin de préciser quoi, connaissant aussi bien -voire mieux- cette taverne que son compagnon.

Toujours en silence, il couva d'un air amusé les serveuses qui lui faisaient sans aucune gène un certain nombre d'avance, leur attention tellement focalisée sur Syld qu'elles ne remarquaient même pas qui l'accompagnaient. C'était tant mieux. Il pouvait encore mieux observer, ainsi. Il put ainsi repérer un certain nombre de voleurs et de fines lames notoires dans la taverne, qui était dôtée d'une certaine notoriété. Il avala son assiette à un rythme un peu moins indécent que Syld, mais le plaisir de la dégustation n'en était que plus grand. L'asassin acheva son repas juste avant que les lumières ne soient baissées, et que Shamarra ne débute son spectacle.

Car spectacle était bien le mot. Cette femme était décidément magnifique... Sans doute l'une des plus belles conquêtes de Syld. Alors même qu'il admirait la danse, il laissa son attention en éveil, captant les mouvements autour de lui, même s'il se disait en son fort intérieur que seule une autre femme parviendrait à faire autre chose que de rester assis en fixant Shamarra.

Lorsqu'elle lui lança son porte jarretelle, il le laissa arriver en pleine figure, le ramassa et le porta de nouveau à son visage, humant le parfum -à se damner!- de la danseuse. Soupirant d'aise, il reporta son attention sur la danseuse elle-même. Qui s'était assise sur Syld, et désirait manifestement que Fanaa prenne sa place sur scène, le temps qu'elle entraîne son compagnon dans les coulisses. Souriant, Soghann ne fit aucun commentaire, aucun geste pour aider Syld. Il adorait ses petits moments, lorsque sa notoriété d'amant et son trop-plein d'amour des femmes lui retombaient sur le coin de la calebasse. Heureusement pour eux, cela n'arrivait pas trop souvent. Raison de plus pour profiter un peu plu du spectacle.

Fanaa fini par accepter l'offre, tout comme elle avait accepté les dagues. Et bien, on pouvait bien convaincre de tout cette jolie dame, en y mettant les formes... Cela dit, elle avait manifestement envie de faire ses preuves sur cette damnée scène. Et ça, il ne pouvait pas l'en empêcher... En espérant qu'il n'ait personne à tuer ce soir pour la protéger. La présence de Syld et Soghann autour d'une jeune femme était en général suffisamment dissuasive pour décourager la majorité des prétendants, mais il y avait toujours des petits nouveaux fraichement sortis des guildes, qui se croyaient tout permis...

Syld avait disparu derrière un rideau de velours, et Fanaa le suppliait de l'aider.

- Soit.

Il se leva, observa l'assemblée, dont l'attention était pour l'instant fixée sur le rideau de velours, qui ondulait encore. Attrapant une serveuse qui passait à proximité, il lui susurra :

- J'ai besoin d'une chambre, et que l'on surveille nos affaires. Syld et moi-même serions extrêmement désappointés s'il venait à manquer quoique ce soit à notre paquetage, à notre retour...

La serveuse, qui avait écouté l'assassin parler avec une expression presque effrayée, le regard perdu dans le bleu de ceux de Soghann, hocha vigoureusement la tête, sans se détacher du regard clair du Shalos. Elle sorti une clef de sa poche qu'elle lui présenta, et qui disparut bien vite dans la poche de Soghann. Il la laissa aller. Quelques secondes plus tard, la serveuse avait rejoint ses collègues, et une douzaines de paires d'yeux étaient fixées sur leur paquetage.

- Je crois que c'est bon, pour nos affaires. J'ai une chambre. Prend ce dont tu as besoin... Tes dagues, peut-être ?

Fanaa battit des mains. Il "tait d'accord! Elle était sauvée. Elle saisit les sacs dont elle avait besoin et de l'autre elle tira Soghann à sa suite.

Un fois dans la chambre, elle referma la porte, ôta le manteau et la chemise de Syld et son soutien gorge. Une fois tout posé sur le lit et elle, libéra, elle commença à s'échauffer en demandant à Soghann de l'aider à effectuer tel ou tel geste, de tirailler ses membres, de lui faire prendre diverses positions qui pouvaient sembler inconfortables ou bizarres.
Les mains de Soghann sur sa peau lui donnait des frissons. Et se dire qu'à lui ça ne faisait aucun effet, c'était un peu déroutant mais aussi rassurant. Si il n'y avait rien du tout, il ne pouvait y avoir de peur. Alors tout allait bien.
Fanaa prit son temps. Déjà parce qu'elle tenait à être vraiment prête, le niveau de Shamarra était vraiment haut. Et elle n'était pas la magnifique femme. Mais aussi parce que tout simplement elle aimait les mouvements, les sensations procurées.

Quand elle se sentit prête, elle tira Soghann à côté du lit, monta dessus et de là, sauta dans les bras du Shalos, entourant sa taille de ses jambes musclées. Les bras autour de son cou, elle ne fit ni une ni deux et l'embrassa. cette fois ce n'était juste un effleurement comme il y en avait eu auparavant. Ce fut un baiser long, lèvres et langues mêlées. Le genre de baiser qui donnait chaud. En tout cas à elle. A la fin, elle posa sa tête contre son épaule et se serra plus fort contre lui.

- C'est pour que tu me donnes du courage. J'ai le trac...

Elle réfléchit et fronça un sourcil.

- Mais dis moi une chose Sogh, cette histoire d'honneur shalos, c'est vrai? Ou cétait juste pour me faire courir?

La réponse serait déterminante pour sa façon d'appréhender son passage sur scène. Soit elle s'amuserait soit...

Soghann, amusé, aidait Fanaa à prendre des positions bizarres, qui semblaient avoir des vertus assouplissantes. Il en profitait aussi pour regarder, bien sûr. Et puis, la toucher ainsi... Il se contrôlait tant qu'il pouvait. C'était pour l'aider à passer sur scène, par un quelconque préliminaire bizarre à un acte amoureux acrobatique.
Sa résolution fut mise très mal en point par le baiser de la jeune femme. Il pouvait sans difficulté tenir debout avec elle accrochée à lui comme une enfant à son père, mais là, il avait... très chaud ! Tentant de garder ses idées claires, il fixa le visage de la jeune femme et lui sourit.

- L'honneur est une valeur très spéciale à Shalanos... qui peut être interprétée de dizaines de façons différentes. Nous ne sommes pas comme les Fédoriens, avec une notion très carrée de l'Honneur avec un grand H. Pour eux, tuer un homme avec honneur, c'est le vaincre dans un duel, un face-à-face dans les règles. Conduite difficile à tenir pour un assassin, qui égorge par derrière et dans l'ombre...

Ne pouvant résister plus longtemps à l'attrait de ses lèvres, il l'embrassa comme elle l'avait embrassé.

- Ton honneur est la ligne de conduite que tu veux bien te donner. Nous ne t'avons pour rien demandé, tu ne nous doit donc rien... Enfin, pas une danse de ce genre devant des dizaines de soulard, en tout cas... Si tu estime avoir une dette envers nous, on trouvera ensemble un moyen bien plus utile de la rembourser.

Un autre baiser.

- Fait comme tu l'entend... J'ai pleine confiance en toi pour les éblouir.

Après ces 3 baisers (des vrais en plus!) Fanaa avait du courage à revendre. Donc l'honneur c'était du flanc. Alors elle ne se prendrait pas la tête et n'irait que pour s'amuser, chic!

Se détachant de Sogh, elle sauta à terre et s'habilla. Elle hésita pour les dagues mais les confia à Soghann. Elle n'en avait que 2, impossible des les utiliser. Et puis cela pouvait se révéler dangereux.

Elle mit dans les bras de Sogh une tunique de voile noir transparent.

- Garde moi ça s'il te plait. Ne le range pas hein, il faudra que je puisse vite l'attraper.

Elle enroula un ruban noir autour de son pied et sa cheville droite. C'était la seule parure qu'elle s'autorisait. Pas de coiffure, pas de maquillage. Elle sera la main de Soghann pour redescendre, la serra bien fort.

Arrivée dans la salle, elle n'eut pas droit à un regard. Elle était toujours vêtue du manteau de Syld. Pour les clients, elle était juste une fille comme ça. Le genre qu'on ne remarquait pas. Neutre. Elle ôta le manteau et le donna à Sogh qui alla s'assoir., puis se plaça sur la scène et posa son ruban à terre.

Elle était vêtue de la chemise de Syld, qui dévoilait ses longues jambes blanches. Certains regards se tournèrent vers elle. Elle ne savait certes pas s'habiller mais elle n'était pas laide au fond. Les musiciens ne jouaient pas pour une autre que Shamarra. Fanaa devrait se contenter de silence ou de... oh mais si il y avait un son : les gémissements de plaisir de l'autre côté du rideau. Fanaa sourit, ce serait parfait comme base. Ainsi, c'est au rythme du plaisir de la danseuse que la jeune fille se mit à reproduire ses mouvements : la démarche ondulante, les vagues du bassins, les mains baladeuses... l'étoffe de la chemise se levait parfois un tout petit peu plus et ceux qui étaient le plus près de la scène se prirent à espérer qu'elle allait la perdre.
Les halètements s'accéléraient. Fanaa monta sur la chaise et ondula, secoua ses cheveux et au moment de cri de jouissance de Shamarra, elle tourna le dos à la salle et retira prestement sa chemise!

Les hommes retinrent leur souffle. Fanaa resta immobile un instant, tout son corps tendu vers la ciel, et se retourna. Elle était vêtue de la courte tunique jupette moirée qui lui faisait comme une seconde peau. Un lumineux sourire sur son visage, elle tendit une jambe derrière elle et se baissa gracieusement pour saisir la baguette de son ruban. Lui imprimant un mouvement de spirale, elle récita :

Soghann...

Seigneur de l'ombre, shalos dans l'âme
Oseras tu ouvrir ton coeur?
Guidé toujours par tes lames
Homme de bien, homme d'honneur
As tu déjà songé à ne faire ta vie
Ni dans le sang
Ni dans la nuit?

Elle jeta son ruban en l'air, fit 2 roulades et se releva sur une seule jambe pour le rattraper. Elle tourna sur sa jambe de terre, le ruban dans les airs formant de jolis volutes et continua:

Syld...

Si moins grand était ton coeur
Y aurait il une place pour moi?
Loin d'être ombre, tu es lueur
Dis toi que toujours on te suivra

Elle écrivit les lettres des noms de Soghann et Syld avec son ruban moirée et après une dernière pirouette, elle le posa à terre. Le pianiste, manifestement prit au jeu, se mit à jouer une petite musique entrainante.

Fanaa se laissa aller à des mouvements gracieux et souples, mouvant parfaitement ses bras, ses jambes, ses épaules, sa tête, ses hanches. Elle se laissait glisser en grand écart avant de se relever en flip arrière puis de laisser monter sa jambe tendue derrière elle...
Les spectateurs découvraient le style Fanaa. Des mouvements gracieux et fluides, qui coulaient tout seuls. C'était très joli. Elle ne possédait incontestablement pas le magnétisme sexuel de Shamarra, mais la voir se mouvoir ne pouvait laisser sans réaction. Les hommes avaient envie de l'emmener avec eux, certains pour se rapprocher de la pureté qu'elle dégageait malgré la sensualité de sa prestation, d'autre pour justement déchirer cette sensation de douceur qui l'entourait. Ma détruire. Elle éveillait des appétits malsains, dangereux.

Mais elle ne s'en souciait pas, elle ne les voyait pas, elle ne pensait qu'à sa danse. Dénouant un lacet, elle ôta sa chère tunique pour se retrouver habillée de l'ensemble en cuir noir "plus collé que moi tu meurs" composé d'une brassière et d'un short qui ne cachaient rien de ses formes.

C'est allongée en une pose lascive mais muscle non relâchés qu'elle termina sa partie et se releva bientôt, essouflée, heureuse. Elle avait commencé sa démonstration comme une fille de rien, un ombre tout au plus, et la terminait en shalos virtuose. Dans sa tête en tout cas. Elle ramassa le ruban et la chemise puis se précipita vers la table et enfila la tunique laissée à Soghann. Le tissu transparent sublimait le contraste cuir noir / peau blanche, mais camouflait les bouts d'ailes qu'on eut pu apercevoir par inadvertance. Elle souriait, aux anges encore et se forçant à revenir sur terre.

Bien entendu, il avait loupé le début de la prestation de Fanaa.
Mais quand Syld avait une idée en tête, rares étaient les obstacles en mesure de l'empêcher de parvenir à ses fins...

Vêtu en tout et pour tout de son seul pantalon remit à la hâte, il avait écarté le rideau d'une main et, appuyé au chambranle de la porte, admirait en souriant les évolutions de la demoiselle.

Sans doute y avait-il quelques regards assez déplaisants qui luisaient dans la salle... mais bon, Soghann était là pour veiller au grain.

Le jeune homme crispa un peu les doigts sur le montant de bois contre lequel il s'appuyait de l'épaule lorsque Fanaa apparut dans son ensemble de cuir. Dans cette tenue, elle semblait moins innocente, plus femme...
Vraiment, ce n'était plus une enfant. C'était bel et bien une femme, désirable et sachant user de son charme. Elle le faisait peut-être encore de manière maladroite, mais...

Il prit une inspiration pour maîtriser la bouffée de désir qu'il sentait confusément monter en lui. La taverne semblait soudain plus qu'étouffante.

Enfin, Fanaa dégringola prestement de la scène et fila rejoindre Soghann.
Syld se mit à applaudir depuis son poste d'observation, et la salle suivit.

Un murmure languide un peu étouffé lui parvint depuis une des pièces qui donnaient sur le couloir sombre au seuil duquel il se tenait.

- Mmmh... Syld, où est-ce que tu es passé ? Reviens...

Le jeune homme ferma les yeux avec une moue amusée puis laissa retomber le rideau. Une nouvelle fois, il allait répondre à l'appel de Shamarra...

Soghann applaudit en même temps que Syld, et la salle suivit. Ce n'était pas un triomphe, ce n'était pas Shamarra, mais c'était mieux que bien. Encore essouflée, elle revint vers lui, et enfila le vêtement qu'elle lui avait laissé. L'assassin sourit à la jeune femme :

- Bravo ! On dirait que tu as réussi à contenter la majorité de la taverne, ce qui n'est pas peu dire... Quand on voit à qui ils sont habitués.

Il fit un signe et, aussitôt, une serveuse se dirigea vers eux.

- Tu veux boire quelque chose, pour te rafraîchir ? Ou te requinquer, peut-être. Syld risque d'en avoir pour un peu plus de temps. Merci pour l'hommage, au fait...

Il sourit de nouveau, indiquant qu'il plaisantait :

Je préfère en général la discrétion que me procure la popularité de Syld, mais je crains de n'être maintenant que trop connu, ici !

La serveuse était arrivée. Soghann se pencha en arrière en une pose détendue -presque lascive-, et détailla la jeune femme qui le regardait.

- Merci pour la surveillance, je vois que personne n'a touché à nos possessions. Ce sera une bière, pour moi.

Un coup d'oeil vers Fanaa l'invita à commander.

- Un poiré s'il vous plait.

Tandis que la serveuse allait chercher leurs boissons, Fanaa pencha la tête en arrière et ferma les yeux.

- Contente que ça t'ait plus, j'ai dit ce qui me passait par la tête. Tout ça était pour le moins... inattendu. Je savais que je ne faisais pas le poids contre Shamarra, qui le pourrait? Je ne suis pas sa rivale de toutes façons. Je voulais juste essayer.

Elle sourit.

- C'était bien...

Une main sur son épaule lui fit ouvrir les paupières. Un type tapa du plat de la main sur la table tout en lui serrant l'épaule.

- Hey poupée, on va faire un tour tous les deux?

Du coin de l'oeil, elle vit Soghann se raidir. Elle leva discrètement une main dans sa direction pour l'arrêter. Aujourd'hui elle était une vraie shalos. Elle ne s'en laisserait pas compter. Shamarra décidait qui, quand et où. Qu'aurait elle rétorqué dans ces conditions?
D'un ton neutre, elle répondit, absorbée par la surface de la table:

- Je ne travaille pas aujourd'hui.

Mais le type avait décidé d'être insistant. Passant par le col, il glissa sa main sous la tunique, appochant ainsi de la zone critique. Comment ce mec osait il mettre ses sales pattes sur elle et juste sous le nez de Soghann? Elle tourna vers le costaud un regard brillant de fureur mais il approcha sa bouche de son oreille et lui susurra:

- Allez va, fais pas ta mijaurée. Je te connais tu es la putain de Fe...

C'en était trop. Rapide comme l'éclair, la main de Fanaa se saisit de l'une de ses magnifiques dagues argentées (que Soghann avait laissées dans leur étoffe sur la table - merci Sogh!), et d'un geste si vif que le mec n'eut pas le temps de réaliser ce qui lui arrivait, elle la planta dans sa main sur la table.
Le shalos poussa un cri de rage et de douleur, mais retira prestement son autre main du dos de Fanaa, au grand soulagement de celle-ci.

- Espèce de sal...

L'injure qu'il s'apprêtait à proférer lui resta coincée au fond de la gorge quand la jeune femme posa le fil de la lame de sa deuxième arme sur sa gorge.
Elle fulminait.

- Ne prononce plus jamais d'obscénité devant moi. Sinon la prochaine fois ce n'est pas la main que je te coupe. Et ni la gorge, crois moi.

*Soghann au secours...* Dans cette position de tueuse qui a acculé sa proie, Fanaa avait un certain charisme. Mais la colère commençant à passer, elle se sentit un peu mal à l'aise dans ce lieu public. Et elle s'était comportée de cette façon juste devant Soghann! Oh lala! Qu'est-ce que le shalos allait penser? Surtout que là elle était bloquée. Elle craignait qu'il ne réagisse si elle libérait sa main. Quoique vu l'état de ladite main...

Lorsque l'homme avait approché, Soghann s'était raidi. Lorsqu'il avait glissé sa main dans son col, un couteau de lancé était apparu dans sa main, prêt à se planter dans l'oeil du Shalos. Mais Fanaa avait décidé de se défendre. La seconde main de l'agresseur se retrouva épinglée sur la table.

*Bien... Tu commence à prendre le pli. Les armes de Seronn sont toujours aussi efficaces...*

Elle se leva, menaçante, et plaqua sa seconde lame sur la gorge de l'importun. Soghann senti cependant sa colère retomber rapidement. Elle n'était pas encore à l'aise dans le rôle de tueuse, et elle allait perdre le contrôle si on la poussait trop. Prestement, il se leva à son tour, et contourna la table pour arriver derrière Fanaa. D'un coup sec, il retira la dague qui maintenant la main de l'homme, déclenchant un hurlement et le recul de l'homme, qui tenait sa main ensanglantée contre lui. Il déposa la dague sur la table, et, tenant sa propre arme de la main droite, Soghann passa devant Fanaa, s'interposant entre les deux pour la protéger et focaliser l'attention de l'agresseur sur lui... Cela ne rata pas , le bourreau lui parla d'une voix éraillée :

- T'es qui, toi, pour la défendre ? Son maquereau ?
- Aucune importance. Elle a décidé qu'elle ne se donnerait pas à toi, donc tu te casse. Ou tu meurs.

L'étincelle qui s'alluma dans les yeux de l'homme était précisément ce que cherchait Soghann. Grisé par l'alcool, la brute avait pris cela comme un défi : même en position d'infériorité, il allait passer à l'attaque, déshinibé par ce qui circulait dans son sang. Alors, Soghann aurait tout légitimité pour le tuer, ce qui ferait un parfai exemple pour les autres.

Cela ne rata pas. Souple, la brute lança son pied droit sur le côté, tentant d'enfoncer sa botte épaisse dans les côtes de l'assassin. Le bras gauche de celui-ci para sans difficulté, s'enroula autour de la botte, et leva bien haut le pied. Cela déséquilibra l'agresseur qui tomba à la renverse, dos sur le sol. Dans la continuité de son mouvement, Soghann s'abaissa prestemment et enfonça précisément sa lame dans l'oeil vitreux, traversant os et cerveau, tuant instantanément, sans laisser la moindre chance.

L'homme ne bougeait plus. D'un coup sec, et avec un *chtoc* écœurant, Soghann retira sa lame du crâne de sa victime. Une flaque sombre commençait déjà à s'étendre sous le cadavre. L'assassin essuya distraitement son arme sur les vêtements crasseux du mort, et se redressa. Son regard fit, lentement, le tour de la salle. Il ne le dit pas, mais chacun compris ce que voulait dire ce regard : "d'autres amateurs ?".
La scène terminée, tous les clients s'empressèrent de reprendre sur un ton animé leur discutions, un instant interrompues par l'action, et d'éviter soigneusement de regarder vers Fanaa.
Personne ne cria, personne ne fit de scandale. Le meurtre était chose courante à Shalanos. Mais pas de façon si... rapide, et efficace. Pas si de grosses sommes d'or n'étaient pas en jeu.

*Pour la discrétion, c'est râpé...*

Syld avait fait vite : encore plus décoiffé que d'habitude, la chemise flottant au vent et le foulard bien chiffonné, il pointa son museau au rideau.

Très détendu (quoique encore un peu haletant), il traversa la salle puis enjamba le cadavre comme s'il s'était agi d'un tas de boue.

- Me revoilà ! Je ne vous ai pas trop manqué, j'espère ?

Sans trop se soucier de la flaque de sang dans laquelle il marchait, il alla plaquer une bise sur la joue de Fanaa.

- C'était vraiment très réussi, princesse !

Puis il ajouta avec un signe de tête vers la masse qui gisait sur le plancher :
- Et j'ai l'impression que je n'ai pas été le seul à apprécier le spectacle...

Le jeune homme essuya la rigole de sueur qui coulait dans son cou d'un geste nonchalant.
Shamarra avait fait preuve d'un enthousiasme à la limite de la violence.
Sûr qu'il devait avoir de belles griffures dans le dos...

Appuyant la hanche contre la table, il vida posément la dernière bouteille encore debout puis farfouilla dans ses poches pour poser quelques pièces supplémentaires sur la table.

- Pour ceux qui devront faire le ménage...

Il adressa un signe de tête entendu à Soghann avant de s'étirer avec un ronron de satisfaction.

- Bien, je pense qu'il serait temps de rentrer, non ?

Soghann fit disparaître l'arme qu'il tenait toujours en main. Plus personne ne regardait dans leur direction. L'assassin accueilli son compère d'un signe de tête et sourit.

- En effet, le quidam s'est montré un peu insistant. Il avait l'air d'en savoir long sur notre amie, en plus...


D'un air rêveur, il caressa l'entaille dans la table, auréolée d'une tache rouge.

- Quand elle lui a proprement épinglé la main -joli coup, d'ailleurs- je me suis dit que si on le laissait en vie, il allait nous causer des ennuis ultérieurs... C'est le genre de type trop fier pour admettre un refus ou une défaite : il nous aurait poursuivis, et nous aurait attaqués en traître. Il valait mieux s'en débarrasser tout de suite.

Il expliquait la scène à Syld moins qu'il ne se justifiait auprès de Fanaa. Elle paraissait dans un état second... Choquée, sans doute. Peut-être était-ce le premier meurtre qu'elle voyait ? Ou non... Elle aurait déjà rendu son poiré, sinon.

*Ha, c'est vrai qu'on ne nous a même pas servi, avec toute cette agitation...*

Avisant une serveuse qui était immobile au milieu du bar, portant le plateau qui leur était destiné et fixant le cadavre -sans doute une nouvelle-, Soghann soulagea la jeune femme de son fardeau et la laissa plantée là avec son plateau vide.

Attrapant de l'autre main ce qui restait de sacs, il vérifia que les autres suivaient et se dirigea vers la sortie. Personne ne les importuna.

Soghann prit volontairement un chemin détourné, passant plus près qu'il n'était nécessaire des rives du lac. Il repéra un coin tranquille, au pied d'une imposante demeure, lâcha les sacs et s'assit par terre avec un soupir. Tendant la bouteille de poiré à Fanaa, il lui fit, avec un signe de tête vers ce qui se trouvait devant lui :

- Tu voulais voir le lac, non ?

Face à eux, s'étendait un immense miroir noir, parfaitement lisse. Aucune vague ne venait lécher la rive qui se trouvait à quelques pieds d'eux. Comme si le néant avait tout dévoré jusqu'à cette plage. Un peu plus loin, se reflétaient les lumières qui signalaient les murs du palais de Sentence, près de dix mètres au dessus d'eux, légèrement sur la droite.

HRP : Bords du Lac