Chez le vieux Grimm (soigneur)

Venant du Mitz...


Ils s'arrêtèrent finalement devant une porte que rien ne distinguait de ses voisines.
Pas un seul bouquet de plantes médicinales suspendu à sécher aux étroites fenêtres, aucune des odeurs de baumes et d'huiles qui signalaient habituellement les demeures des masseurs, herboristes ou soigneurs de tout poil.

Tandis que le Lévitis vidait ses cendres dans la brise avant de ranger sa pipe, Mellyna s'avança sur la dalle du perron et donna un coup décidé à la porte, tout en espérant ne pas faire erreur sur l'endroit.

Aucune réponse. Il fallut frapper à répétition pour que finalement s'ouvre une fenêtre juste au-dessus et qu'une voix de stentor retentisse.

- Foutez-moi là paix !! Je suis vieux, j'ai besoin de sommeil ! Et j'en ai marre des emmerdeurs de missionnaires Ilymis qui viennent me bassiner avec leur religion de mes deux, sous prétexte que les soins sont divins, bla bla bla ! Gonflez-moi encore avec ça, et j'vous vide le contenu de mon pot de chambre sur la tête ! Compris ?

Pour un homme âgé, il avait du coffre.

- Eh bien on est deux à avoir signé à la pétition "j'emmerde ces foutus prêtres Ilymis", rétorqua Earl avec un ricanement tout en se décalant au cas où le bonhomme mettrait sa menace à exécution.

Il attrapa aimablement Mellyna par l'ourlet de sa tunique et la tira devant lui en guise de bouclier.

- Le demoiselle est venue sur la recommandation d'un certain Talisham... enfin, pour autant que ce soit son nom véritable.

On se pencha à la fenêtre. Le visage présentait des rides, les quelques touffes de cheveux fous étaient grises. C'était à peu près tout ce qui permettait de classer l'individu dans la catégorie "ancien". Pour le reste, la moitié de buste qui dépassait aurait plus collé à un guerrier qu'à un clerc tels qu'on se les représente. La figure un peu rougeaude avait manifestement connu quelques bagarres en son temps.
Il darda sur le couple deux yeux noirs assez enfoncés dans leurs orbites, surmontés d'arcades sourcilières prononcées.

- Ça fait toujours un bon point pour vous. C'est pas encore suffisant pour compenser le fait de m'avoir tiré du plumard cela dit.
Talisham, talisham... voyons voir, un petit blondinet qui jongle, c'est ça ?

- Heu... s'il se teignait les cheveux, ça ne m'étonnerait pas qu'il puisse jongler. Mais là c'est plutôt un brun qui pique aussi fort qu'un frelon, grommela Earl.

Il jeta un coup d'oeil vers le levant et hocha la tête. Le soleil s'extirpait à présent des sables du désert, mais il était en effet encore tôt.

- Et... navrés pour la nuit écourtée. Vraiment.

A la réflexion il n'y avait d'autre urgence que l'ennui qui le menaçait s'il restait assis à attendre devant une énième tasse de thé. Ca ou un faux mouvement qui hâterait la perte peut-être définitive de sa main droite. Les blessures aux mains faisaient partie des plus difficiles à soigner parfaitement, et c'était encore pis si on laissait traîner.

- Un brun... Vous ne trouvez pas que c'est un peu léger comme description ? Allez, vous n'êtes pas pote avec les casse-pied, et vous avez la décence de vous excuser...

*Et la demoiselle n'est pas vilaine*

- ... J'vous laisse une chance, y r'semble à quoi votre Talisham, c'est quoi votre problème et qu'est-ce qui vous fait penser que j'pourrais le régler ?

Il pointa l'index vers eux.

- Autrement dit: expliquez-moi pourquoi je ne devrais pas vous expédier loin de chez moi à grands coups de pieds au cul ?

- Personnellement j'étais soit ivre, soit pas encore tout à fait net quand je l'ai vu.

Earl jeta un coup d'oeil à Mellyna qui bredouilla une description aussi détaillée que possible, visiblement désarçonnée par l'aspect et l'attitude du vieillard en dépit des avertissements de Talisham.
Le bonhomme ne ressemblait pas du tout, mais alors pas du tout à l'idée qu'on se fait d'un soigneur.

- Et sinon j'ai incidemment passé la main au travers d'un miroir, mais pas au travers du mur qui se trouvait derrière. Au moins quatre phalanges en miettes pour autant que j'aie pu en juger et des dégâts assez sérieux ou en passe de le devenir au niveau des nerfs et des tendons. Cela vous va comme précisions ? Et sauf votre respect j'aime autant vous prévenir que mon "cul" paraîtrait aussi dur à votre pied que ce fichu mur pour mon poing.

Tout bien considéré, il aurait peut-être dû patienter une heure ou deux avant de tâter des herbes...

Grimm écouta d'autant plus attentivement la description qu'elle était faite par une femme. Il prit grand plaisir à réclamer des précision tout à fait inutiles bien après avoir réuni suffisamment d'éléments pour n'avoir aucun doute sur l'envoyeur.

- Ah, ce Talisham-là... Obligé de l'endormir pour le soigner sous peine de l'entendre causer sans s'arrêter du début à la fin... Je vois, je vois.

Le discours de Earl fut en revanche recueilli d'une oreille qui paraissait distraite (bien que la taille des pavillons suggère que pas grand chose ne devait leur échapper).

*Ah, bien ma veine, ce sont toujours les hommes qui ont besoin de soins.*

- Oh, si ce n'est que ça, on devrait pouvoir vous rafistoler. Et "sauf votre respect", vos fesses peuvent être aussi dures qu'elles veulent, ce n'est pas avec votre poids plume que ça m'empêchera de vous faire décoller au besoin. Ah !

Il disparut de la fenêtre, pour réapparaître à la porte quelques instants plus tard.
Dédrane et Levitis purent ainsi se rendre compte du fait que l'homme était grand, leur rendant plus d'une tête à tous deux. Des épaules larges, un cou de taureau, des mains comme des battoirs.

- Le cabinet c'est tout droit, porte à gauche au fond du couloir. Vous attendez quoi, le déluge ?

- Sous ces latitudes c'est sûr que ça prendrait du temps...

Earl n'avait pas trop l'habitude de devoir se dévisser le cou pour dévisager quelqu'un.

- Pas faux, pour le poids plume.

Sur ce constat, le Lévitis se rendit dans la pièce indiquée sans plus chercher à s'étonner de ce soigneur anticonformiste dans la bouche duquel le mot "cabinet" sonnait si étrangement.

Grimm referma la porte derrière eux et s'engagea à leur suite. Il les fit entrer dans une pièce toute simple, qui comportait un lit, un bureau encombré, quelques étagères sur lesquelles étaient rangés des livres et des instruments, des chaises qui semblaient servir d'étagères suppléantes.
Des gravures représentant en détail certaines parties du corps humain étaient accrochées aux murs.

- Vous, asseyez-vous là.

Il désigna le lit.

- Et pour la petite demoiselle...

Le Fédorien transféra une pile de bouquins d'une chaise au sol.

- Voilà. À moins que vous ne vouliez être auscultée aussi... M'enfin, ça n'a pas l'air d'actualité.

Soupirant, il revint à Earl. S'asseyant sur un tabouret pour se mettre à hauteur, il lui prit d'abord le visage entre deux doigts et le tourna d'un côté, puis de l'autre, scrutateur.

- Devriez arrêter de prendre ce que vous prenez avant qu'il soit trop tard. Ça vous fera pas de bien.

Il lui enfonça un doigt dans les côtes.

- Manger, dormir, faire raisonnablement de l'exercice... Vous r'semblez à un convalescent qui se serait remis à faire des excès sans s'être d'abord remplumé. Sont irresponsables ceux qui vous laissent vous balader, devraient vous assommer ou vous attacher à votre plumard, sauf pour la promenade ou l'entrainement. C'est un crime de laisser fondre ses muscles.
Bref, montrez-moi c'te main. Hum... c'est une sacrée caresse que vous lui avez fait à votre mur. Il a dû bien vous prendre la tête pour mériter sa beigne... M'enfin, ç'est pas mes oignons.
Bon, au moins c'est pansé correctement. Mais pour réparer ça, va falloir que je file un coup de main à dame nature. Hum...

Le clerc prit un peu de recul, regardant le levitis de haut en bas.

- Vous, vous êtes pas bâti comme tout le monde. Seriez pas mage des fois ? Est-ce qu'il y a des contre-indications au fait que je vous rafistole à l'elixia sans y aller de main morte ? Vous allez pas m'exploser à la figure, un truc du genre ?

Earl ne répondit aux conseils bourrus du bonhomme que par un reniflement mi-dédaigneux mi-boudeur. Pourtant ils étaient ô combien justes, et il en était pleinement conscient.

- Non, je ne suis pas... enfin... J'étais clerc mais maintenant... Bref, oui, mage, on peut dire ça comme ça.

Lui rappeler ce détail n'était pas pour lui rendre sa bonne humeur. Auparavant il aurait réparé ce gâchis avant même que Grimm avait fini son discours.

- Celui qui risquerait d'exploser ce serait plutôt vous. Mon elixia est parfois un peu... agressive. Mais ça ira tant que je saurai ce qui se passe.

Il serra les dents.

- Vous pouvez y aller à fond.

- Vous étiez clerc en plus ? Ah, comment est-ce qu'on peut donner des conseils aux patients si l'on a pas une hygiène de vie irréprochable ?
Enfin ce que j'en dis.
Tant que vous saurez ce qui se passe ? Oh, parfait, me voilà rassuré ! Et bien voilà ce qui va se passer: je vais forcer les miettes qui sont censées constituer votre main à se recoller, et vous n'allez pas apprécier parce que ça fait un mal de chien.

Il joignit aussitôt le geste à la parole. L'opération n'était pas particulièrement difficile quand on savait ce qu'on faisait. Bon, il fallait un peu jouer au puzzle pour bien mettre chaque élément à la position qu'il était supposé occuper, mais après ça, il n'y avait plus qu'à fournir ce petit monde en elixia pour stimuler la régénération. De l'elixia, il n'en manquait pas.

- Et voilà qui devrait faire l'affaire. N'allez pas vous l'abîmer de nouveau tout de suite, et n'oubliez pas de faire quelques assouplissements plusieurs fois par jour pendant plusieurs jours, que les tissus neufs gagnent en élasticité.
Enfin bon, n'importe quel clerc décent vous aurait fait la même chose en deux coups de cuillère à pot. J'peux savoir pourquoi vous êtes venu me voir moi plutôt que de passer par chez les soigneurs dont c'est le boulot de se lever avant midi ? Il n'y a vraiment que ça à vous faire ?

- Auriez-vous un problème de vue ? rétorqua Earl avec une certaine aigreur qui provenait plus de sa fierté sensiblement battue en brèche par les commentaires du soigneur que de la douleur qu'il avait pu ressentir.

Il fit miroiter les écailles qui s'étageaient le long de ses doigts telles des tuiles minuscules et argentées.

- Est-ce que cela ressemble à un quelconque maquillage ? Un clerc "se levant avant midi" aurait été du genre à poser des questions. Des questions intelligentes, j'entends. Et donc des questions gênantes.

Le jeune homme se redressa brusquement.

- Et ne vous payez pas ma tête. Un clerc ordinaire aurait probablement reconnecté le réseau elixien qui a été endommagé en même temps que tout le reste n'importe comment. Ce n'est pas comme s'il correspondait à ce qu'on apprend dans les livres d'anatomie. Bon, à défaut de vous payer ma tête, vous aller me dire combien je vous dois, dédommagement pour le réveil compris ?

- Et beh, c'est pas la politesse qui vous étouffe. Non, je n'ai pas de problème de vue, merci bien. Mais j'aurais tendance à penser que lorsqu'on porte des particularités qu'on a pas envie de montrer, et ben on évite d'être idiot et de s'abîmer tout seul. Il arrive bien assez de saloperies par accident.

Grimm se remit debout.

- Pis le genre de clerc que vous décrivez, j'appelle pas ça "ordinaire", j'appelle ça "rebut". Ah, c'est le souci des jeunes qui sont formés en ville ça. C'est mou la ville. La guerre, voilà ce qui vous fait un soigneur pas trop empoté. Quand il faut réparer un mage de combat sous un feu nourri venu d'en face, vous avez plutôt intérêt à ne pas faire n'importe quoi.
Pareil pour les questions, on demande pour ce qui concerne les soins, le reste, c'est pas nos affaires.
Bref.

Il considéra un moment son patient.

- Il vous a rien dit hein ? Ah, la sacrée fouine ! Vous me devez le fait de vous occuper de vous-même suffisamment bien pour que mes soins soient utiles longtemps et que je n'aie pas à vous revoir ici, ce sera déjà pas mal. Allez, du vent !

- Merci bien, j'étais clerc militaire, grogna Earl. Je sais comment ça se passe.

Il parut beaucoup plus gêné par le fait de ne rien devoir à l'homme. Car il lui devait quelque chose, et partir sans rien donner de tangible en échange c'était...

- Vous êtes sûr ? Je veux dire... Non, oui, d'accord, on s'en va.

Le type semblait avoir trop envie de mener à bien son expulsion "à coups de pied au cul" dans les règles de l'art s'il insistait trop.

- Enfin je... merci...

La porte se referma derrière eux.

- ... quand même. Et c'est moi le malpoli ?!

Mellyna qui une fois sa surprise passée, s'était retenue de rire pendant toute la consultation, gloussa comme une adolescente.
Les yeux pleins de larmes, elle ne prit pas la peine de répondre à la question du seigneur Earl, qui ne s'adressait pas vraiment à elle.

-Il faut croire que Talisham aime les personnages atypiques. De toute manière on ne lui demandait rien d'autre qu'un travail efficace n'est-ce pas ?
Bon que faisons-nous maintenant ? Vous voulez rentrer vous reposez ?
Sinon si vous voulez vous promener, j'aimerai bien visiter cette ville, c'est la première grande ville que je vois depuis des années !

La dédrane lançait à la dérobade des regards curieux et brillants. Fédoran commençait à s'animer pour de bon et les étals avaient ouvert leurs portes. Elle avisa une jolie librairie à la deventure colorée et mourut immédiatement d'envie d'y aller.
*Des livres ! Des centaines de livres ! *
Ne voulant pas influencer le choix du lévitis, qui avait besoin de repos, elle essaya de garder son calme en attendant sa réponse. Mais elle ne put empêcher ses yeux de pétiller de bonheur.

Earl enfonça les poings dans ses poches tout en marmonnant des "je t'en donnerai de la politesse, moi" accompagnés de regards flamboyants dardés sur la porte close.
Il émit un reniflement furieux avant de se décider à reprendre un peu de son allure seigneuriale, ou du moins autant que faire se peut après une généreuse pincée d'herbes.

- Visiter ? Oh, si vous y tenez. Autant profiter qu'il fasse encore frais. Et puis je... mrf, "politesse"... ne me sens absolument pas fatigué. On m'a recollé les os, il n'y a rien de fatiguant la dedans.

La dédrane ne se le fit pas dire deux fois :

-Tant mieux. Je veux commencer par le magasin là-bas alors !

Elle agrippa la manche du seigneur et l'entraîna avec entrain dans le magasin. Mellyna le laissa sur le seuil et s'enfonça dans les dédales de rayons. La boutique était conçue en longueur, sur cinq rangs, elle était bien plus grande que ce que son aspect extérieur ne le laissait présager.
Earl la perdit rapidement de vu et n'entendit que des :

-Oh, ça à l'air chouette ! Celui-ci je le cherchais ! Ca ça peut servir ! Il faut absolument que je le lise ! ...

Et autres exclamations de joie qui s'éloignaient.
Un murmure se fit entendre derrière le comptoir :

-Votre compagne à l'air très enthousiaste. C'est rare que des personnes si jeunes s'intéressent avec tant de passion à mes livres sur la faune et la flore d'Adreis.

La voix rauque appartenait à une femme plutôt âgée, aux cheveux blancs regroupés en un chignon sévère et à la figure constellée de cicatrices, datant visiblement de plusieurs années.


-Vous cherchez quelque chose de particulier ?

Earl en resta éberlué. Il demeura planté sur le seuil de la boutique, au point de susciter un brin d'inquiétude dans la voix cassée de celle qui devait être la propriétaire des lieux.
Il s'ébroua brusquement.

- J'avoue que...

Son regard suivit la course de quelques mèches blanches qui filaient entre les rayonnages.

- ... je ne m'attendais guère à la voir s'enthousiasmer ainsi pour des livres.

La Dédrane ne lui avait pas parut être du genre studieux. Penchée sur une fleurette ou une herbe rare, oui, mais sur les pages jaunies d'un livre...
Il toussota pour se redonner une contenance.

- Cela aurait été avec le plus grand plaisir, mais en ce moment je voyage léger.

Le jeune homme prit une inspiration pour se conforter dans cette résolution. Cela sentait le vieux bois, la sciure fraîche, l'odeur plus musquée des parchemins et l'encre.
Il ferma les yeux pour ne pas voir les reflets du soleil levant éclairer les tranches de cuir repoussé, les titres d'un or passé...
... puis lâcha une exclamation rageuse :
- Rah et puis zut !

Et il fondit derechef sur les étagères les plus proches.

- Ca ira, je me débrouillerai !

Mellyna revint à la réalité au bout de quelques minutes, elle cessa de s'enthousiasmer pour ses découvertes et retourna à l'entrée du magasin.
Elle scruta les environs d'un air interrogateur, passant devant les rayonnages pour apercevoir le seigneur Earl absorbé par un ouvrage. Rassurée, elle repartit dans ses expéditions littéraires.
Au bout de 3 heures de lecture son estomac commençait à se manifester bruyamment.
Elle se résolut à envisager une sortie de ce magasin. Elle ne pourrait pas tout emporter, il allait falloir choisir. Elle avait sélectionné une vingtaine d'ouvrages allant de "De l'histoire de l'origine des peuples" aux "Politiques et rivalité d'Adreis", mais c'était beaucoup trop. Certes le poids ne serait pas un problème mais c'était encombrant.
La dédrane en choisit deux et reposa les autres avec un soupir de résignation.
Elle alla chercher le jeune homme qui ne paraissait nullement se soucier de l'heure. La gardienne le regarda en fronçant légèrement les sourcils, la mine réprobatrice : pour un convalescent il valait mieux ne pas sauter de repas.

-Seigneur Earl, murmura-t-elle en arrivant à sa hauteur, il va falloir penser à aller manger.

La dédrane fit demi-tour et déposa ses livres sur le comptoir d'Alba, la vieille dame l'accueillit avec un sourire chaleureux et appréciateur:

-Ces livres sont de très bons ouvrages. Le "Légendes de l'apparition de l'Elixia" est controversé mais intéressant, même du point de vue philosophique. "Les Plantes et leur vertus, de la région de Fédoran" est très complet et lui fait l'unanimité des soigneurs.
Vous êtes guérisseuse ?
-Non, c'est juste un loisir, répondit-elle avec un sourire aimable, votre boutique est ouverte l'après-midi ?
-Hélas non, à mon âge je commence à souffrir de la chaleur, voyez-vous. Mais en soirée je réouvre jusqu'à tard dans la nuit.

Mellyna opina du chef, l'air ravie de cette nouvelle et fit tomber les zoris dus sur la table. Ne restait plus qu'à attendre que le seigneur Earl fasse son choix dans ses lectures.

La voix de Mellyna le fit sursauter et il releva en sursaut un nez couvert de poussière du grimoire énorme dans lequel il s'était absorbé.

- De qu... manger ?

Le Lévitis plissa les yeux pour faire le point sur les fenêtres. A en juger par la luminosité, il devait en effet être près de midi.

- Oh...

Avec une petite grimace, il referma l'ouvrage qui était décidément trop encombrant. Réprimant un soupir résigné, il le remit sur son étagère puis fit quelques pas vers la sortie...
... avant de faire demi-tour pour se saisir des ouvrages qui avaient retenu son attention.

- Un, deux, tro... bon allez, trois. Qua... gnn... quatre...

Le comptoir émit un craquement lorsqu'il y déposa son butin, encore haletant.

- J'arrive, juste une seconde. Ah, le deuxième volume de "Théories de l'elixia", en version annotée par...

Résistant tant bien que mal à la tentation, il rassembla frénétiquement de quoi régler ses achats. Le vendeuse ne put dissimuler un sourire :
- J'espère que vous avez un sac solide pour transporter tout ça.
- Oui, heu... en fait non. Mais ça ira.

Earl se retourna brusquement vers Mellyna en tâchant désespérément de ne plus lire les titres des grimoires empilés un peu partout.

- A-allons-y. Vite...

Mellyna partit d'un autre rire mais réprimé, elle était dans une librairie tout de même. Décidément c'était une bonne journée !
Elle regarda avec amusement l'attitude paniquée du jeune homme. La dédrane lui tendit son sac de toile ouvert.

-Mettez vos livres dedans, il est solide.
Avec un clin d'oeil, Vous ne faîtes pas mentir la réputation de votre peuple au sujet des livres !

Dès que les livres furent rangés et le sac ajusté sur l'épaule de la dédrane. Elle obéit au lévitis et quitta en vitesse la boutique après avoir salué la gérante.
Elle ne savait pas trop où aller. La première taverne qu'elle aperçut paraissait convenir, aussi
s'y engouffra-t-elle avec son protégé.