Crypte du Fossoyeur

- Bien sur! si tu veux, j'ai un client, le maître de Kyara, qui attend une commande de ma part. Mais c'est a Shalanos. Il faudrait retrouver la violoniste et voir ce qu'elle en pense. De toute façon, il me semble que la mission de Kyara est aussi de protéger Fanaa et de la raccompagnée. Nous verrons bien. Remontons a l'air libre.

La voleuse regarda une dernière fois la crypte et réprima un frisson. Elle invita Gavriel a remonter l'escalier. Elle fermerait la marche.

[HRP] Baaaah le post tout court -_- [/HRP]

Gavriel la suivit avec reconnaissance après avoir salué (sans trop le regarder) le Fossoyeur.

Il se retrouvèrent dans la rue et l'envie de détaler d'ici du jeune homme se fit plus forte. Mais sa curiosité avait été piquée.

- A Shalanos ? Tu peux entrer là-bas ? Mais tu es mediovienne, non ? comment as tu eu ce droit ? Et attends. Il y avait Hakuren avec nous tout à l'heure. Où est-elle passée ? Bah tu me diras c'est une grande fille la princesse du givre. Et Dide, il n'avait pas parlé de racheter le corps? Où est il maintenant ?

Il secoua la tête. Trop de questions inutiles.

- Ecoute, on sort de la ville et on réfléchira à ce moment là d'accord ?

Les cheveux étaient là. Gavriel demanda à Adwel de l'aider à installer Fanaa devant lui. Il la maintenait d'un bras ferme.

- J'aimerais bien retrouver Eireen aussi...

Sa soeur lui manquait. Il n'étaient jamais restés sans contact aussi longtemps. Cela créait une sorte de vide désagréable.

Kyara avait suivit le groupe tout en restant a distance. Elle vit ses "compagnons " s'activer. Quand Adweliwen, gavriel et Fanaa remontèrent, elle s'approcha d'eux et entendit la conversation.

- retournez a shalanos va pourtant être dur. Je peux entrer et sortir a ma guise mais je ne peux plus y faire rentrer quelqu'un sous peine de mort. Sauf fanaa et peut être adwen... Donc pour ma part je suis Fanaa.

Une sensation etrange... Il se passait quelque chose du cote de la ville des ombres

* Maitre ?*

Senril ne pouvait pas parler par la pensée à Kyara. Par contre, en utilisant le bijoux étoilé d'ombre d'Adweliwen, il pouvait parler à la Mediovienne.

*Ma chère Adwel. Pourriez vous demander à ma Kyara ce qui s'est passé ? Elle va bien ? Rien de grave n'est arrivé ? Soyez charmante et informez moi de sa situation si vous le pouvez. Où vous trouvez vous ? A-t-elle besoin de moi ?*

Adwel allait répondre a Gavriel quand elle se figea. Ses yeux s'assombrirent. Elle ne comprenait pas exactement ce qu'il se passait lorsque la voix de Senril lui parvint dans son esprit. Pendant une fraction de seconde, elle vit par les yeux du Shalos qui était dans l'un de ses fauteuils préférés, dans son salon.

*Tout... Tout va bien, Hésita-t-elle. En tout cas pour Kyara et Fanaa. Mais Syld... Syld est mort. *

Avec cette pensée, elle envoya malgré elle un fort sentiment de tristesse au Shalos

* J'ai aussi ce que vous demendiez... et même plus encore. Kyara ne se doute de rien. Nous sommes actuellement a Fealanir. Nous allons sans doute bientot partir, peut-être pour Veis puisque la situation s'est calmée la-bas.*

La voleuse semblait absente... comme elle l'avait été dans la bijouterie.

Hakuren se rapprocha du groupe. Elle n'avait pas suivit la troupe chez le fossoyeur, préférant étudier la population après l'exécution ratée. Les différentes réactions étaient intéressantes. Il y avait les colériques, les indignés, les déçus, les tristes, les compatissants, les indifférents...

Et devant elle... il y avait une evanouie et une léthargique

-Hum? Elles vont bien?

Tout en s'enquérant de la situation, la mage continuait d'écrire.

*Veis ? Huh. Beaucoup de passage pas là-bas. beaucoup trop.*

L'homme se matérialisa à quelques pas de la petite troupe et cligna des yeux, aveuglé par le soleil.

- C'est décidément incomparable avec l'image que nous renvoient les sphères de fenêtre-sur-dehors.

Le temps était clément et il y avait du vent. Du vrai vent. Senril ôta l'un de ses gants et leva la main pour goûter ce contact aérien.

- Intéressant...

Enfin il se tourna vers la petite bande et s'approcha. Par les Ombres même le contact des pavés du sol était différent. Tout cela était vraiment... bizarre. Mais il y avait un certain attrait aussi à cette nouveauté.

- Mes Dames... salua-t-il en s'inclinant galamment. Monsieur. ajoutat-t-il a l'intention de Gavriel.

Il prit la main d'Adweliwen et l'effleura de ses lèvres avant de se tourner vers Kyara, l'oeil brillant.

- Ma Kyara...

Il ne dit rien de plus, mais le regard qu'ils échangèrent était porteur de beaucoup de choses. Il fit même quelque chose qu'il n'avait jamais fait devant tant de personnes, il ouvrit grand ses bras et l'invita à s'y blottir.

- Je ne sais pas toi mais tant qu'à prendre l'air je voudrais aller dans un joli endroit.

Il croisa le regard d'Adweliwen mais continua de parler à la violoniste. L'experte en bijoux comprit le message et ne prononça pas tout haut le nom de leur destination. Après tout rien n'était encore sûr. Mais il fallait partir.

- Il va nous falloir d'autres chevaux si tu veux emmener tes nouveaux amis Kyara.

Ce fut le grincement du loquet de la porte des sous-sols qui signala la présence du Fossoyeur dans leur dos.

- Vous devriez vous méfiez en approchant des sorties de la cité : il paraîtrait qu'une embuscade mortelle attend certaines personnes. Une sombre histoire de vol de bijoux sur le point de dégénérer, apparemment.

Il disait cela comme s'il parlait de la pluie et du beau temps à des inconnus croisés dans la rue, sans s'adresser à personne en particulier, le ton léger et presque... oui, presque amusé.
Pour la deuxième fois en l'espace de quelques minutes, le Fossoyeur affichait une expression plus humaine, tout à fait différente de son habituel masque lointain et indifférent.

Ses doigts se déplièrent avec grâce dans un délicat cliquetis de métal, en un geste qui aurait pu passer pour un au-revoir tandis qu'il s'éloignait dans la ruelle.

- Espérons que certains de ceux qu'on recherche possèdent des compétences de camouflage... Je n'aime pas avoir à m'occuper de trop de défunts dans une seule journée.

- Merveilleux ! s'exclama Senril en entendant parler du vol des bijoux.

Il lança à Adweliwen un regard brillant.

- Kyara sait choisir les gens dont elle s'entoure.

Ensuite il posa pour la première fois depuis qu'il était là, ses yeux sur Fanaa. Elle était comme exsangue et respirait faiblement. Pire, il ne se dégageait rien d'elle. Rien du tout. L'homme réfléchit, il n'avait pas assez de parchemins de TP pour tous et quand bien même, il n'allait pas les distribuer de cette façon.

La Mediovienne ne devait pas prendre le risque de se faire attraper, et Fanaa risquait d'attirer l'attention vu son état et celui de ses vêtements.

- Ma Kyara tes parchemins je te prie, merci bien.

Il relâcha son étreinte pour écrire une destination sur lesdis parchemins avant de les tendre à Adwel.

- Ma chère, j'ai besoin que vous emmeniez mademoiselle Fanaa avec vous.

Il lui donna aussi une bourse.

- Croyez bien que je ne vous prends pas pour une domestique mais j'espère que quand nous vous rejoindrons vous aurez trouvé une petite maison prête à nous accueillir. En espérant qu'ils louent des maisons là-bas. Les auberges me mettent mal à l'aise. Je préfère avoir mon chez moi.
Si vous voulez bien me confier votre cheval, nous vous rejoindrons d'ici demain je pense. Acceptez vous ?

Dans une fraction de seconde, ce fut comme si Adwel se voyait elle même par les yeux d'un autre pour enfin revenir a elle. Devant se tenait Senril, apparu comme par enchantement. Puis le Fossoyeur... tout lui revint comme une claque.

L'homme étrange fit une remarque sur le vol de bijoux... Celle de Senril la fit froncer des sourcils. Si le Fossoyeur avait des doutes, ce n'en était plus maintenant... Le Shalos lui tendis par la suite des parchemins.

- Il n'y a pas de souci a se faire pour cela, seigneur Senril! Je peux prendre Fanaa et au moins une personne en plus avec ces parchemins... Kyara? Gavriel? Dame de Glace.. heu... Hakuren?

Son maitre... Son maitre était sorti de Shalanos et lui offrait ses bras !!! Que ne fut pas sa joie mais aussi sa crainte en le voyant. Même en étant dans ses bras, elle n'arrivait pas à croire qu'il était sorti de la ville.

- Maitre... murmura-t-elle

Il lui demanda les parchemins qu'elle lui donna sans poser de questions. Elle s'écarta un peu, laissant Senril exposer son idée à Adweliwen, puis il lui tendit les parchemins :

Adweliwen a écrit:

- Il n'y a pas de souci a se faire pour cela, seigneur Senril! Je peux prendre Fanaa et au moins une personne en plus avec ces parchemins... Kyara? Gavriel? Dame de Glace.. heu... Hakuren?

- Je pense qu'il serait mieux que vous partiez toute seule avec Fanaa, plus facile à "transporter"


Kyara prit les rennes dans des chevaux dans les mains et caressa le chanfrein de l'animal en attendant le départ.

- Monseigneur ? Vous vous sentez bien ?

Earl sursauta et rouvrit les yeux. Comment avait-il pu s'endormir à un moment pareil ?
Il leva la tête.
Le soleil s'accrochait tout juste en haut du grand mât. Il n'était pas encore midi.

- Oui, je... Ca va.

Il se redressa et considéra l'homme qui lui faisait face. Le corps maigre mais nerveux, la peau burinée et craquelée par le sel et le soleil se réverbérant sur les flots... un authentique marin. La main qu'il tendit sans hésitation confirmait son statut : gercée par l'eau de mer et rendue calleuse par le frottement des cordages. Le contraste avec la main longue et aristocratique qu'Earl tendit à son tour était assez remarquable. Mais le Lévitis avait la poigne ferme, et le marin se fendit d'un franc sourire.

- Je suis le contremaître, Leoren.
- Earl Pendergast...

Le jeune homme ferma un instant les yeux avec un soupir avant de rectifier :
- Non, Earl Adennon.

Il jeta un coup d'oeil vers les hommes qui rassemblaient quelques caisses de denrées sur le ponton. De quoi tenir jusqu'à Lévitas, même en cas de vents contraires ou de gros temps.

- C'est l'équipage que vous avez engagé ?
- Oui patron. La plupart a servi sur le même bateau que moi.
- Des hommes de confiance ?
- Une fois qu'ils sont au service de quelqu'un qui les traîte bien, ils iraient jusqu'au bout du monde si cette personne le leur demandait. Ils sont tous honnêtes. Leur parole est tout ce qu'ils ont, et elle vaut sûrement plus cher que tous les sceaux de nobliaux qui... Pardon patron, je ne voulais pas vous offenser.
- Je ne le suis pas.

Earl réussit enfin à sourire. Un sourire un peu pâle et tremblant qui lui attira un nouveau regard anxieux de la part de Leoren.

- Vous avez pris connaissance du plan de route ?
- Oui patron. Nous nous y tiendrons.
- Bien. Je compte sur vous. Ah, et prenez ça. Si jamais on cherchait à vous faire des ennuis au moment de quitter le port, dépensez ce qu'il faudra.

Le contremaître devint tout pâle en soupesant le sac que le Lévitis venait de lui remettre.

- Mais c'est...

Earl leva une main pour interrompre sa protestation.
- Je vous fais confiance.

Ah, ces paroles lui ressemblaient si peu...

- Il faut que je vous laisse à présent. J'ai des affaires urgentes à régler. Nous nous retrouverons sur place. En mon absence, le capitaine de ce navire, c'est vous.

Après avoir salué le marin, le clerc tourna les talons pour se diriger vers la cabine tout en tirant un parchemin de sa poche. Il embrassa la ville d'un dernier regard.

- Maudite ville. Je n'aurais jamais dû venir ici...

Et il referma la porte au vitrail brisé derrière lui.

Hakuren était montée sur son cheval et regardait avec curiosité le Shalos qui venait d'apparaitre. Ils n'avaient pas été présentés mais il semblait que la violoniste était sous ses ordre... en quelques sortes.

Ce Shalos était si étrange... comme s'il découvrait tout pour la première fois... l'art de l'équitation aussi...

Un sourire franc s'afficha sur le visage de la mage

- Parfaitement intéressant.

Et elle donna un coup de talon sur les flancs du cheval qui avança vers l'une des sorties de la ville neutre.

- Oh ?

Le Lévitis leva encore plus haut le sourcil face à cette réaction inattendue. Puis il haussa à nouveau les épaules avec un soupir résigné. Il parut se voûter, de façon imperceptible, et ses traits fins semblèrent se creuser d'avantage.

- J'ai dit que je rêvais de le tuer, car cela aurait été une solution tellement plus simple, tellement plus efficace à bon nombre de problèmes... Si j'avais été un aussi bon soldat que je devrais l'être, j'aurais pu le faire. Mais hélas, mon père a raison lorsqu'il dit qu'au fond j'ai le coeur beaucoup trop tendre.

Le jeune homme se détourna pour quitter la ruelle et tourner dans une venelle si possible encore plus sombre et plus étroite.

- J'ai malgré tout été à deux doigts de le laisser mourir. Aelred a vraiment bien su choisir son moment pour...

Il leva le mouchoir qu'il tenait toujours entre ses doigts crispés pour étouffer une quinte de toux.
Après quelques venelles coupe-gorges, ils parvinrent à une rue qui longeait un haut mur aveugle. Earl poussa une porte basse qui perçait cette muraille et, tâtonnant du pied pour trouver les marches dans l'obscurité, descendit un long escalier.

- Où est-ce... Ah, la voilà.

Un craquement, une étincelle bleuâtre, et une bougie s'alluma. A mesure que le Lévitis enflammait les mèches des quelques lampes à huile disparates éparpillées de-ci de-là, l'ameublement chiche des lieux s'extirpait de l'obscurité : un banc, quelques chaises aux airs de chevalets de torture à la retraite, un fouillis de chaînes rouillées, de vieux livres laissés ouverts et une rangée d'instruments d'acier brillant soigneusement alignés sur une table... Le reste demeurait dans la pénombre.

Earl se retourna vers Soghann qui, bien évidemment, l'avait suivi.

La lueur incertaine des lampes n'avantageait guère le Lévitis : bien au contraire, elle faisait ressortir les cernes profondément creusées sous ses yeux et les quelques mèches qui s'étaient échappées du lien qui les retenait sur sa nuque pendaient avec des reflets ternes devant son visage. Les griffures qui lui labouraient la joue étaient toujours visibles, elles-aussi.
Le jeune homme se laissa tomber sur une des chaises puis se massa les paupières avec un soupir.

- Tu ne me demandes même pas pourquoi j'ai choisi cette solution alors qu'il y avait tant d'autres moyens ?

Soghann était resté silencieux tout au long du trajet, occupé à tenter de détecter d'éventuels poursuivants. Sans succès : soit ils étaient seuls, soit il n'y avait rien à y faire. Ils descendirent un escalier digne d'un donjon Shalos, glauque à souhait et noir comme la silhouette de Sentence. Bien qu'invisibles pour Earl, il sentait les Ombres qui parcouraient ce lieu, se repaissant de l'obscurité et de la douleur.

Dans cette pénombre, les yeux du Shalos ressortaient avec encore plus de clarté, deux billes de glace dans la nuit. Son sang Shalos aidant, il pouvait voir plus que ce qui n'était directement éclairé, mais ne fit aucun commentaire sur ce qu'il vit. Il laissa Earl s'installer, préférant quand à lui rester debout. Du doigt, il poussa une chaîne qui pendait en travers de la pièce, déclenchant un cliquetis sinistre qui s'évanouit derechef. Aucun échos, pas de résonance, une pièce parfaitement insonorisée. On aurait pu égorger un troupeau de Moo ici qu'on aurait rien entendu dans la rue.

- C'était un bon plan. Avec une bonne part de risque, notamment celui que le gosse frappe un organe vital. J'imagine que tu l'a entraîné à bien viser, et que c'est ce que tu as pu trouver de mieux pendant le temps que tu avais. Mais côté discrétion, j'aurais difficilement fait mieux. Il faudrait aller creuser sa tombe pour savoir qu'il n'y est pas... A moins que tu ne te soit arrangé pour la remplir, bien sûr.

Le Shalos se laissa tomber à son tour sur une chaise, posant les coudes sur les accoudoirs et étendant ses longues jambes, puis conclu le tout par un long soupir. Il reprit sur un ton amusé :

- C'est cossu, comme piaule, ça me rappelle la maison !

Earl secoua la tête, insensible à l'humour du Shalos.
Sans doute les explications étaient-elles inutiles, mais, quelque part il avait besoin d'en parler.
Pour finir de se persuader qu'il n'avait pas eu d'autre choix, qu'il avait fait au mieux, qu'il n'avait pas commis d'erreur ? Peut-être.

- Il y avait d'autres possibilités, tout aussi efficaces, mais à la fois moins spectaculaires, moins risquées... et moins douloureuses, aussi. Non, la vérité, c'est qu'il n'y avait que deux personnes à convaincre de sa mort. La première : mon père, Aelred Adennon. Oh, il n'est plus que l'ombre de lui-même, en ce moment : il a perdu le goût de vivre depuis qu'il pense avoir accompli sa vengeance. Mais je suis certain qu'il y aura bien un de ses espions pour venir lui signaler que je suis entré dans une certaine taverne, dans laquelle croupissait un certain Shalos. J'aurais pu prendre contact par le biais d'un intermédiaire mais...

Earl sourit d'un sourire presque fataliste.

- Ah, je suppose que j'aime mon père, et que s'il lui faut cela pour vivre... Mais il va mettre du temps à comprendre ce que j'ai pu faire. Vous aurez un moment de répit plus que suffisant pour... pour...

Le Lévitis hésita, le regard soudain fuyant, avant de reprendre abruptement :

- Il fallait une mort assez convaincante pour le faire lâcher prise. Et la deuxième personne, c'était...

Il prit une inspiration.

- Cette fille, cette Fanaa. Parce qu'elle intéressait quelqu'un...

L'élocution du Lévitis se fit plus saccadée, moins claire, comme s'il cherchait ses mots et que ceux-ci avaient du mal à sortir.

- Quelqu'un... en rapport avec Valnor. Je ne sais pas exactement qui est votre Fanaa, mais elle avait quelque chose en elle de dangereux, quelque chose qu'il fallait protéger... détruire... ou sceller. Ah, j'ai bien failli tuer cette fille aussi. J'aurais peut-être vraiment dû le faire... et peut-être qu'un jour prochain, je...

Earl serra les dents.

- J'ai fait un pari : celui que, sous le choc, cette fille se replierait sur elle-même au point de sceller ce... "quelque chose" de dangereux en elle. J'ai gagné ce pari, et tous les autres. J'ai dérouté Aelred qui a cru dur comme fer que je me démenais pour tirer Syld hors de son cachot, alors même que je planifiais son assassinat. Je l'ai convaincu que j'abandonnais cette idée puérile de sauvetage et que je pliais face à ses arguments, devenant un des plus fervents partisans de l'exécution. Fanaa... à ce que j'en sais, elle ne pose plus de problème. Du moins pour le moment. J'ai refusé de sacrifier Syld, mon père, ou même cette fille sortie d'on ne sait où. J'ai fait ce que je pouvais pour... protéger ma cité de la menace...

Il eut un petit rire un peu trop saccadé tout en se massant les tempes.

- Ah, même si je n'arrive plus à me souvenir exactement en quoi... non, qui constituait cette menace, qui est venu voir cette fille pour... pour...

Une goutte de sueur glissa le long de son front plissé par la réflexion.
Ses souvenirs sur ce point précis lui échappaient. Il n'avait fait le lien avec Valnor que parce qu'il savait avoir tout fait pour empêcher que Fanaa se rapproche trop de Syld dans les dernières heures, que ce soit physiquement ou par la pensée. La seule façon de justifier cela, c'était ce qu'il savait au sujet de Syld, ce que cela pouvait impliquer. Valnor n'était sûrement pas venu lui-même pour évaluer Fanaa, mais sans doute qu'un de ses émissaires s'était déplacé. Quel était-il exactement, cela, Earl ne parvenait plus à s'en souvenir en dépit de tous ses efforts.

- Le poison sur la lame était censé suspendre complètement les fonctions vitales de Syld pendant quelques minutes. Pas juste réduire, mais bien arrêter tout à fait. Car le coup devait bien être mortel, porté en plein coeur. De simples gardes de Faélanir se seraient peut-être laissés tromper, mais pas ceux que mon père avait placés dans la foule et sur mes talons.

Ah, les "êtres blancs" qui formaient la garde rapprochées de l'ancien chancelier... S'ils n'avaient pas été là, cela aurait été beaucoup plus facile.

- C'était risqué, tout d'abord de par la nature du poison, hautement instable, et de par la nature même de la blessure. Il fallait que tout soit minuté précisément. Bon sang, j'en ai froid dans le dos quand je pense à la façon dont elle s'accrochait à son corps sans vouloir le lâcher ! Je ne savais plus quoi faire ou quoi dire pour détourner son attention... Il fallait non seulement des soins temporaires pour éviter l'aggravation de son état - temporaires, car le poison a pour effet de dégrader l'elixia et toutes les "réparations" qui peuvent être faites par ce biais -, mais aussi et justement l'antidote. Tout devait s'enchaîner vite, très vite.

Earl se tourna vers la cornue de verre dont le contenu fumait, le jour où le Fossoyeur avait recueilli le corps de Syld.

- Sans compter cette blessure à la tête... Même s'il ne s'agissait que de soins temporaires, cela ne pouvait être fait par un amateur. Par bonheur, j'avais quelqu'un qui m'avait promis de veiller sur lui, d'en prendre soin. Oh, il n'a pas beaucoup apprécié la nature de cette requête, mais...

Le sourire fatigué du Lévitis s'élargit.

- J'ai ensuite pu récupérer Syld, grâce à des hommes de confiance. Et ils l'ont remis aux mains d'anciens serviteurs de ma mère qui possèdent quelques arpents de terre à quelques lieues d'ici. Puis j'ai fait la navette entre Lévitas et ici afin de maintenir les soins, le temps que le poison se dissipe. Ah, cela a été long, et surtout effroyablement douloureux : dans les derniers temps, le venin était assez faible pour qu'il reprenne conscience, mais encore assez actif pour que les soins ne perdurent pas. Les plaies qui se rouvrent, encore et encore, le sang qui ne s'arrête plus de couler, toujours d'avantage...

Le clerc porta une main tremblante à ses lèvres, le regard fixe.

- Combien de fois ai-je cru le perdre ? Combien de fois est-ce qu'il a cessé de respirer ? Combien de fois ai-je perduré dans ces folles tentatives ? Il a encore tellement souffert, tout ça parce que je refusais de m'avouer vaincu. Est-ce cela ? Est-ce que ce sont les conséquences de sa chute ? Est-ce qu'il s'est écoulé trop de temps avant que l'antidote fasse effet et que son coeur se remette à battre correctement ? Ah, je ne sais pas, je n'en sais rien.

Les yeux d'or se relevèrent enfin vers ceux de Soghann.

- J'ai fait tout ce que je pouvais faire en tant que clerc. Mais pour le reste... Nous nous sommes éloignés l'un de l'autre avec les années. Trop, sans doute. J'ignore quelle est exactement votre relation, mais j'ai pensé... espéré que... que ça serait suffisant pour...

Earl se tut brusquement, avant de se relever, aussi tendu et la tête aussi basse que s'il allait être jugé par les pairs de Lévitas.

- Je pense qu'il vaudrait mieux y aller, maintenant. Après... après, tu feras comme bon te semblera. Il n'y a pas de "suite des opérations", il n'y en a jamais eu.

Soghann avait écouté avec attention le discours du clerc, les mains croisées devant son visage, et les yeux rivés sur lui. Il avait tenté de lire entre les lignes, mais tout semblait très confus, même pour Earl lui-même. S'assurant que le Levitis avait bien terminé en laissant quelques secondes de pauses, il laissa échapper un sifflement méprisant.

- Tssk. Pour un soit-disant faible, tu as plus de couilles qu'un Mutamoo en période de rût. Cesse donc de te tourmenter, tu as gagné sur tous les plans... Tout en réussissant à sauver des vies, comme tout bon clerc qui se respecte. Et les Ombres savent qu'il est terriblement plus difficile de sauver les gens que de les tuer. Qu'importe les risques que tu as pris, tu as réussi.

Il se leva et fit le tour de la chaise, posant les mains sur le dossier.

- Quant à Fanaa... Je sais qu'elle a quelque chose de spécial. J'avais pour mission de la protéger... Parce que sa mort pourrait être catastrophique. Qu'elle soit scellée n'est pas plus mal, en espérant que cela tienne le plus longtemps possible. Reste que si je veux rentrer à Shalanos, il va falloir que je lui mette la main dessus.

Le bois craqua sous la pression des doigts du Shalos, sonnant comme une menace.

- Concernant notre relation, je pense qu'il vaut mieux que tu sois au courant plutôt que te faire des idées. Nous sommes partenaires de missions et sommes reconnus comme l'un des meilleurs duos d'assassins existant. Nous habitons ensemble, sommes occasionnellement amants, et nous passons difficilement l'un de l'autre dans un certain nombre de situation. Nous nous équilibrons en tout, et c'est ce qui fait notre force.

Se détachant de la chaise, il alla poser une main sur l'épaule d'Earl, sa voix soudainement beaucoup plus douce.

- Même si je suis mal placé pour dire ça, ce que tu as fait était très noble. Et je ne saurais jamais te remercier à hauteur du poids que tu a ôté de mes épaules.

HRP : Vers la