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 Palais d'Ael

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2 participants
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Syld
Shan of the Dead
Syld


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MessageSujet: Re: Palais d'Ael   Palais d'Ael Icon_minitimeSam 19 Juin 2010 - 22:57

Une rumeur confuse semblait émerger de la brume lumineuse, des sons étouffés qu'il fallait étirer, tresser entre eux comme des fils de laine pour en faire des mots.

- ... va-t-il ?
- ... stabilisé... toujours en danger... rien faire de plus...
- ... pas cessé d'aller et venir, récemment... faire ?
- ... épuisé... elixia... maladie... fini par déclencher...
- ... s'évanouir en plein conseil...
- Ton esprit est troublé, ce qui n'arrange rien.

Earl tressaillit et se retourna brusquement. Le couloir à colonnades était désert. Pourtant cette voix avait été aussi distincte que si quelqu'un s'était penché par dessus son épaule pour lui chuchoter à l'oreille.
Mais d'ailleurs, comment était-il arrivé là ?
Il se souvenait vaguement être revenu à Lévitas, avoir passé de longues heures au chevet d'Aelred qui n'avait pas d'avantage réagi que d'habitude... puis la salle du conseil. Ah, ces réunions qui l'avaient toujours ennuyé, où des vieillards gâteux ne faisaient que parler sans agir, ne se préoccupant que de petits détails sans oser regarder plus loin qu'au delà de leurs lunettes ! Etre obligé d'y assister, et ne pas avoir l'autorisation d'intervenir tant qu'il ne s'agissait pas de questions d'ordre militaire... C'était à en perdre foi en l'humanité.


- Qu'est-ce que je disais !

Il y eu un rire très doux, qui parut s'éloigner, plonger dans les profondeurs de Lévitas, se perdant en échos lointains et pourtant si distincts.

- Viens. Il y a longtemps que tu n'es pas venu. Viens.

Alors Earl commença à avancer, s'enfonçant vers le coeur souterrain du palais de Lévitas. Très peu de personnes avaient le privilège d'aller aussi loin. Et celles qui pouvaient passer la grande arche devant laquelle il s'immobilisa étaient encore plus rares.
Deux statues déployaient leurs ailes de marbre en travers de l'arche, bloquant le passage.
Le jeune homme s'avança et posa une main sur les plumes si finement ciselées qu'elles semblaient pouvoir s'animer au moindre souffle.


- Coeur et âme, pour Ael, Lévitas, Adreis.

Les ailes s'écartèrent avec grâce, révélant les premières marches d'un escalier.
A partir de ce point, nul ne savait ce qui était réellement. Chacun de ceux qui avaient passé le seuil avait donné une description différente de ce qu'il avait vu, ou cru voir. Peut-être que personne n'avait jamais vraiment atteint la dernière marche. Peut-être que tous avaient vu leur esprit happé par un rêve, une vision, sans même s'en être rendus compte. Nul ne savait si ce dont ils se souvenaient en ressortant était réel.

Pour Earl, les escaliers se déroulaient en spirale contre les murs lisses d'une immense tour dont les fondations plongeaient vers le coeur de la cité aérienne. Chacune des marches blanches se découpait parfaitement dans la lumière irisée des trois lunes qui brillaient éternellement là-haut, loin, très loin.
La jeune homme n'avait jamais vu de tour sans toit lorsqu'il lui arrivait de contempler le palais scintillant dans les brumes matinales. Parfois, il lui avait cependant semblé deviner comme un reflet. Les oiseaux de mer qui tournoyaient en permanence entre les flèches innombrables semblaient parfois dévier leur vol, comme s'ils évitaient un obstacle invisible. Peut-être n'était-ce qu'un remous dans le vent, un tourbillon créé par la brise qui sifflait entre les tourelles. Peut-être.
De la lumière ruisselait depuis les cieux de velours noir, mais la plus forte lueur remontait des profondeurs. Un éclat bleuâtre dansait sur le rebord des escaliers sans rambarde, dansant tel un reflet liquide.
Des marches, encore des marches. Puis, sans prévenir, le pied se posait sur les dalles d'une vaste salle circulaire. Six piliers s'élevaient autour d'un bassin rond rempli d'une eau aussi brillante que si elle avait été éclairée par en dessous.

Earl s'avança entre les colonnes puis s'agenouilla sur la dernière marche contre laquelle l'eau clapotait doucement.


- Vous m'avez appelé, ma reine ?

Un rire aussi doux qu'une brise lui répondit.

- Combien de fois t'ai-je dit de ne pas te montrer aussi formel ?

- Une bonne douzaine de fois, admit volontiers le jeune clerc, déclenchant un nouveau rire.

Il y eut un long moment de silence. Earl sentait que c'était à lui de parler, mais les mots ne lui venaient pas.


- Ma reine, j'ai blessé de nombreuses personnes innocentes, ou dont le seul crime était d'exister. Je l'ai fait en prétendant que c'était pour le bien de Lévitas, pour le bien d'Adreis. Mais en réalité...

Il serra les dents.

- Je l'ai avant tout fait pour moi. J'ai rejeté les solutions les plus sages, j'ai volontairement blessé des personnes qui n'auraient pas dû l'être, simplement parce que mon égoïsme m'a entraîné à choisir une autre échappatoire. Une échappatoire que me permettait de ne pas... de ne pas sacrifier ceux auxquels je tiens. Et les conséquences risquent d'être pires que ce que j'ai voulu empêcher.

- Oui, tu es peut-être coupable. Mais dans ce cas ton seul crime est d'être profondément humain.

- Je ne suis pas digne de...

- Tu as fait ce qui te semblait juste. Tu n'as jamais perdu de vue ton devoir, celui que tu as juré d'accomplir en entrant dans la garde de Lévitas. Pour le plus grand nombre, tu as agi comme il le fallait. Pour ceux que tu dis avoir blessés, je ne peux me poser comme juge. Tu as choisi. Il ne m'appartient pas de juger ou de pardonner pour cela. Quant au conséquences, le futur reste mobile, malléable. Il t'appartient aussi de construire ce qui sera.

Earl se détourna du bassin et se laissa glisser assis au sol, le dos appuyé contre une des colonnes.


- Je sais.

Une longue main d'une blancheur irréelle, toute emperlée d'eau, passa par dessus son épaule pour se poser sur sa joue.

- Tes remords suffisent à prouver combien ton coeur est grand. Mais tu sais aussi qu'il est impossible de protéger tout le monde. Pour toi, et même pour moi...

Earl ferma les yeux sans répondre.
La douce voix reprit :
- Tu ne dois pas te laisser ronger par la culpabilité. Ni pour ça, ni pour ce que tu as pu faire auparavant. Je sais à quel point certains actes ont été durs. Il y en a que je n'approuve pas. Mais un coeur comme le tien a trop de valeur. Il peut encore faire tant de bien...


- Même si je parviens à faire abstraction de mes erreurs, mon propre corps ne me laissera pas l'occasion de réparer leurs conséquences, ou de faire d'avantage de "bien". Je suis clerc, je suis bien placé pour savoir ce qu'il en est. C'est sans doute justement parce que j'ai le don de soigner que j'ai gagné plus de temps avant que la maladie ne se déclenche, mais là j'ai été trop loin. Cela a commencé. Je ne peux l'arrêter, et en l'état, à peine le ralentir. Maintenant je sais pourquoi Aelred tenait à ce que je sois régulièrement examiné par un autre clerc.

- Baisser les bras ne te ressemble pas.

- Pourtant c'est ce que je fais beaucoup ces derniers temps. Et je me dégoûte à un tel point que...

- Alors n'abandonne plus.

Earl eut du mal à résister à l'envie de tourner la tête vers le bassin. La main diaphane s'était posée sur son épaule, légère comme un souffle.


- Et pour gagner quoi ? Quelques mois ? Un an ? Et pendant tout ce temps-là m'échiner encore et encore à protéger tout ce qui peut l'être ? Ah...

Il renversa la tête en arrière, contre la colonne qui semblait si tiède dans son dos. Le regard levé vers les trois lunes, il murmura :
- Parfois, j'aurais voulu pouvoir vivre comme je l'entendais. Les devoirs, les serments... J'aurais voulu vivre un peu pour moi-même, juste un peu.

- Nul ne peut te reprocher cela. Celui qui n'a jamais vécu en tant qu'humain ne peut pas vraiment aimer et comprendre les humains.

Une deuxième main glissa de l'autre coté de la colonne, et vint re joindre la première sur le torse du jeune homme.

- Le futur n'est pas tout tracé. D'autre que toi le construisent. Mais les miracles ne naissent pas du renoncement. Si la seule chose que tu peux faire est garder ta volonté intacte, tu dois le faire. Aelred s'est égaré, mais tu es de la même trempe que lui. Tu es du bois dont on fait les dirigeants. Un jour, Lévitas pourrait bien avoir besoin d'un chancelier comme toi...

- Que... ?

Earl sursauta et se retourna brusquement par réflexe. Les mains disparurent, le bassin lumineux et les colonnes s'évanouirent dans la brume.

Les voix bourdonnaient toujours.
Il fit un effort pour ouvrir les yeux.
Une exclamation.


- Monseigneur, vous avez repris conscience ?

Parler. Par tous les vents, pourquoi cela semblait-il si difficile ?

- Cela fait longtemps que je suis dans cet état ?
- Trois jours.

Le vieux clerc adressa un coup d'oeil hésitant à l'homme qui se tenait auprès de lui. Suivant son regard, Earl se fendit d'un sourire fatigué.
- Mon Capitaine...
- Vous avez le droit de m'appeler Capitaine, maintenant que nous sommes du même rang. Ou Demetrius. Vous avez fichu un joli désordre en dégringolant comme ça en pleine séance.
- Croyez bien que si j'avais pu...
- ... tenir jusqu'à la fin ? Nom d'un blizzard, Earl, vous auriez mieux fait de vous reposer au lieu de vous forcer à venir ! Vous êtes mon ancien second alors je sais comment vous êtes, mais j'espérais quand même que vous seriez assez raisonnable pour vous préoccuper de votre santé avant des petites affaires du conseil !
- Apparemment non.
- Si vous aviez toujours été mon vice-capitaine, je vous aurais collé aux arrêts pour vous forcer à vous tenir tranquille.

Earl dévisagea Demetrius avec ébahissement, ce qui n'échappa nullement au militaire.

- Vous vous imaginez que personne ne s'inquiète pour vous, peut-être ? Vous vous arrangez pour éloigner tout le monde avec votre fichu caractère, mais il y en a qui savent reconnaître un homme de valeur quand ils en côtoient un. Et les gamins de votre calibre sont trop rares pour qu'on ne s'en préoccupe pas, même s'ils ont un caractère à coucher dehors.

Erl le considéra avec ahurissement, ne sachant quoi répondre à cette tirade bourrue. Le capitaine ne put réprimer un sourire.

- Ca valait le coup de vous rendre visite, rien que pour vous voir faire cette tête là.

Le vieux clerc, resté silencieux jusqu'ici, se racla la gorge avec embarras.
Earl lâcha Démétrius des yeux pour le regarder et haussa un sourcil, l'invitant à s'exprimer.


- Monseigneur, vous...

Il s'interrompit pour glisser un coup d'oeil vers Démétrius, et Earl soupira en se renfonçant dans ses oreillers.

- Vous pouvez parler devant le capitaine, vous savez. De toute façon, je suis déjà au courant. Et si c'est pour me dire que c'est incurable, je le sais aussi. Mon organisme est devenu incapable de supporter sa propre elixia, et commence à la rejeter. Ce qui revient à se détruire petit à petit de l'intérieur. Les maladies elixiennes sont rares, mais je savais déjà que j'étais porteur de celle-ci un peu avant l'apparition des premiers symptômes. J'ai eu le temps de me renseigner.

Le clerc cligna de ses yeux voilés par l'âge, tandis que Démétrius réprimait un tressaillement, le regard soudain assombri.

- Monseigneur, je pense que vous perdez espoir un peu vite. Les prêtres d'Ilymir ont dernièrement fait des avancées remarquables dans ce domaine. Je suis sûr que si vous alliez à...

Earl ouvrit la bouche, mais Démétrius le devança.

- Earl, vous devriez l'écouter.
- Je ne...
- J'insiste. Un changement d'air et du repos vous feraient déjà le plus grand bien. Je peux toujours aller en toucher un mot au général, s'il faut absolument un ordre signé de qui de droit pour vous forcer à prendre un peu soin de vous.
- Démétrius, je souhaiterais vraiment que ce qui vient de se dire ne sorte pas de cette pièce.
- Si vous vous remettez docilement aux mains de votre collègue clerc ici présent, pas un mot ne franchira mes lèvres à ce sujet. Mais à cette condition uniquement.
- Démétrius, vous...

Earl foudroya le militaire du regard, avant de lâcher un soupir et de détourner la tête vers la fenêtre derrière laquelle on pouvait voir un ciel sans nuage.

- Très bien. Démétrius ?
- Oui ?
- Vous vous assurerez que...
- Bien entendu, il y aura toujours quelqu'un vous veiller sur votre père.

Le jeune homme acquiesça avant de refermer les yeux. L'épuisement lui embrouillait à nouveau l'esprit, l'attirant irrésistiblement au sommeil.

- Merci...
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Earl

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MessageSujet: Re: Palais d'Ael   Palais d'Ael Icon_minitimeLun 8 Nov 2010 - 1:41

Le brouhaha feutré des discussions tenues à mi-voix d'un rang à l'autre s'éteignit d'un seul coup et les têtes se tournèrent vers le chancelier qui venait reprendre place sur son siège. Herenhaal était déjà bien vieux lorsqu'il avait été nommé à ce poste, et les responsabilités n'avaient guère allégé le fardeau croissant des années.

- Bien, la séance peut reprendre.

Le digne vieillard consulta la liasse de parchemins devant lui en plissant les yeux, puis échangea un regard aigu avec le général des armées, dans la partie opposée de la salle circulaire.

- Earl Adennon.
- Présent.

Herenhaal considéra avec attention le jeune homme qui venait de se lever, dans le rang immédiatement inférieur à celui du général. Son maintien était rigide -presque un peu trop- et son uniforme était impeccable, mais le soleil qui se déversait à flot par les hautes fenêtres entre les colonnes de marbre ne faisait que souligner son teint beaucoup trop pâle. Quant à ses voisins immédiats, ils pouvaient aussi voir qu'il s'appuyait d'une main au dossier de la chaise devant lui, comme s'il avait craint de ne pas tenir debout sans vaciller.
A quelques chaises de là, Demetrius fronça les sourcils en considérant cette main si blanche qu'elle en paraissait diaphane qui tremblait un peu, crispée sur le dossier de bois.

Le chancelier s'éclaircit la gorge.


- Tout d'abord, merci d'avoir répondu à la convocation du conseil.

"... en dépit de votre état de santé." Les mots n'avaient pas été prononcés, mais c'était tout comme. Earl pinça légèrement les lèvres et releva le menton.

- Bien... nous avons eu vent d'une sombre histoire de secte et de cérémonie rituelle qui aurait mal tourné du côté d'Ilymir.

Herenhaal reposa les feuillets qu'il faisait semblant de consulter afin de laisser à Earl le temps d'adopter la contenance qu'il désirait.

- Vous étiez au courant avant même votre départ ?
- C'est exact. Du moins j'avais de fortes suspicions.
- Et pour n'avez pas cru bon d'en informer qui que ce soit ?

Earl prit une inspiration avant de répondre d'une voix aussi neutre que possible :

- Je ne remets pas en question le fonctionnement de ce conseil, mais si le problème avait dû être porté à l'ordre du jour, les discussions ne seraient pas encore terminées à l'heure d'aujourd'hui.

Un ou deux conseillers firent mine de bondir de leurs sièges, mais le chancelier les arrêta d'un signe de main, avec un petit sourire à peine dissimulé.


- Ma foi...

Il fit mine de toussoter avant de croiser les mains, accoudé à son pupitre.

- Sans parler du conseil civil, vous n'avez pas non plus averti votre hiérarchie immédiate.
- Je n'ai pas voulu impliquer d'autres personnes en me basant sur de simples suppositions.
- Suppositions qui se sont avérées exactes. Enfin, le "problème" semble avoir été résolu... même si ce n'est pas par vous.

Earl resta silencieux, et Herenhaal se rencogna dans son siège avec un soupir.

- Cela aurait pu constituer un cas d'ingérence grave dans les affaires d'un autre peuple, mais puisqu'au final vous n'avez rien fait de particulier... En revanche vous avez gardé par devers vous certaines informations, et vous avez tenté de faire cavalier seul sans tenir compte des procédures auxquelles vous êtes astreint en tant qu'officier.
- J'en suis pleinement conscient. J'accepterai les sanctions.
- Bien, bien... Nous allons laisser votre hiérarchie régler cette question, puisqu'en définitive vous n'êtes pas intervenu de façon active.

Le chancelier reprit ses papiers comme pour passer à un autre sujet, mais Earl restait debout.

- Auriez-vous quelque chose à ajouter ?
- oui, votre excellence.

La main posée sur le dossier se crispa davantage.

- Je souhaiterais remettre ma démission du rang de capitaine.

Il détacha calmement les trois chaînettes d'argent reliées à l'insigne de l'armée de Lévitas sur son épaule, et posa le tout sur le pupitre qui courait devant la rangée de sièges.
Il y eut plus d'un sursaut dans l'assemblée, et les autres capitaines le considérèrent avec effarement.
Herenhaal se mit à pianoter sur ses accoudoirs.


- Vos raisons ?
- La première est précisément liée à ce qui m'a poussé à agir seul : je ne pourrai pas me conformer à un système de décision aussi lourd et rigide que celui est en place pour tout ce qui concerne les "manœuvres extérieures". Je ne suis pas contre la discussion, mais s'il faut en passer par des débats interminables où la plupart ne pensent qu'à leurs intérêts personnels, je m'y refuse.

Une rumeur indignée commença à enfler du côté du conseil civil, mais le chancelier fit à nouveau taire les notables en colère.

- Et la seconde ?
- Un officier à la santé fragile est inutile pour ses supérieurs, et dangereux pour les hommes sous ses ordres.
- Hum... Cyrus, il me semble que la décision finale vous revient.

Le général remercia le chancelier d'un signe de tête puis considéra longuement Earl qui s'était retourné pour lui faire face. Il finit par lâcher un soupir assez semblable à celui d'Herenhaal au moment d'aborder le sujet.

- Pour tout dire, vous me coupez l'herbe sous le pied, mon garçon...

Earl se raidit.

- Comment cela ?
- Eh bien, à la vérité je songeais demander votre démission avant même ce petit dérapage à Ilymir.

Le jeune capitaine pâlit d'un ton supplémentaire et dût se forcer pour garder un ton calme.

- Il y a-t-il eu un problème avec mes états de services ces dernières années ?
- Oh... peut-être un ou deux, mais rien de bien sérieux, ma foi. Sinon vous n'auriez pas été promu aussi vite. Non, le fait est que... Ah, Herenhaal, le sujet devait n'être abordé qu'à la fin de ce conseil mais...
- Oh, allez-y. Bousculer un peu le programme ne peut pas faire de mal.

Le chancelier croisa les mains en souriant d'un air bonhomme en totale contradiction avec la tension dans les rangs des officiers d'en face. Seul Cyrus semblait à son aise et affichait lui aussi un discret sourire derrière sa fine moustache immaculée.

- Si on peut bousculer le programme, dans ce cas... J'ai l'intention de me retirer du poste de général.

Un silence effaré s'abattit sur l'immense salle. Earl eut un geste de surprise mal contrôlé, et son insigne tomba au sol avec un tintement métallique.

- Mon général...
- J'ai personnellement recommandé deux ou trois personnes en particulier pour ma succession... y compris vous. Or comme on ne peut être à la foi capitaine et général...

Earl resta pétrifié un moment, avant de parvenir à se reprendre :
- Je... Mon général, je me dois de refuser. Je ne démissionne pas simplement de mon poste. Je quitte l'armée. En temps de crise, un général ne se confine pas à un rôle de tacticien, il faut parfois aller directement sur le terrain pour pouvoir évaluer les forces en présence. Or j'ai bien peur de ne plus en être capable, physiquement parlant. Et quand bien même...

Il secoua la tête.

- Je peux gérer des hommes en tant qu'officier, mais il y a un fossé entre le général et les simples soldats autrement plus large... Je n'aurai pas les capacités pour commander de cette façon.

Cyrus eut une moue.

- Le simple fait de vous être rendu compte de cela renforce ma conviction : vous seriez un candidat idéal. Mais le choix vous appartient, et si vous avez arrêté votre décision...

Earl acquiesça et ramassa son insigne. Il fit mine de le le tendre à son général, avant d'hésiter et se resserrer les doigts sur le délicat emblème de Lévitas.

- Si vous me permettez, j'ai quelque chose à ajouter en tant que capitaine... et surtout en tant qu'ex candidat potentiel.
- Oh ? Je vous écoute.
- Je me retire, mais je souhaiterais recommander à ma place le capitaine Demetrius.

Un nouveau mouvement de surprise secoua l'assemblée, mais Cyrus se fendit d'un franc sourire.

- Un esprit avisé... Décidément, c'est plus que regrettable de devoir vous rendre à la vie civile.

Cette fois-ci les doigts d'Earl s'ouvrirent et le général accepta l'insigne d'argent.

- Bien, nous nous reverrons pour cette histoire de sanction.

Earl s'inclina à la manière civile puis quitta le rang et monta les quelques marches qui menaient à la galerie circulaire dédiée aux citoyens lévitis qui désiraient assister aux séances publiques du conseil. A l'occasion de ce conseil spécial, la galerie était déserte, ainsi que les couloirs extérieurs.

Quand la porte se fut refermée derrière lui, Earl lâcha un soupir étranglé. Une de ses mains restait crispée sur le tissu de sa veste, là où se trouvait auparavant épinglé son insigne.


- Mon capitaine ?


Ridelgald s'était levé du banc de marbre sur lequel il attendait.

- Ah, tu n'es plus obligé de m'appeler comme ça, maintenant. Earl, ça suffira.
- Vous devriez rentrer. Vous n'étiez pas censé vous lever aussi vite... Earl.

Le jeune homme leva les yeux vers son ancien second, un peu intrigué par son ton.

Ridelgald semblait inquiet. Inquiet pour sa santé, mais aussi pour autre chose...
Autre chose, oui.
Bien sûr qu'il était trop tôt pour quitter le lit. Il n'avait repris conscience que depuis quelques jours, et il les avait passés à réfléchir, assis dans un fauteuil près d'une des fenêtres qui offraient une vue exceptionnelle sur la mer brumeuse. Et c'était ça, le plus inquiétant.
Earl n'était pas quelqu'un qui s'ouvrait facilement aux autres et il fallait le côtoyer de près pendant un certain temps avant de seulement commencer à cerner sa personnalité. Or quelque chose avait changé, Ridelgald le sentait. C'était trop subtil pour le décrire précisément, mais ce changement progressait rapidement, et n'affectait pas que le comportement du jeune clerc...


- Tu as raison, je ferais mieux de rentrer. Ce conseil-là m'a encore plus épuisé que d'habitude.

**

Profitant d'une nouvelle pause accordée pour que tout un chacun ait le temps de digérer les dernières annonces, Cyrus et Herenhaal prenaient un peu l'air, accoudés à une des croisées ouvertes qui donnaient sur la cour du palais.
Le chancelier suivit des yeux les deux silhouettes qui traversaient l'esplanade balayée par le vent.


- Un garçon tout à fait intéressant, en effet.

Cyrus suivit son regard et hocha la tête.

- Une perte tout à fait regrettable pour l'armée... enfin, ça n'a pas trop l'air de vous déplaire.

Herenhaal lui glissa un coup d'oeil en coin et eut un petit sourire.

- J'avoue avoir eu peur que vous vous ne parveniez à le retenir dans vos filets à la toute dernière minute. Par bonheur le côté têtu d'Aelred semble avoir déteint sur lui.
- S'il n'y avait eu que le côté têtu, j'aurais réussi à l'arrêter. Enfin, le malheur des uns fait le bonheur des autres, ce n'est pas vous qui me contredirez.

Herenhaal émit un petit rire chuintant.

- Non, en effet...
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